Éthique et déontologie Par Me Martine Gervais, avocate Chef d’équipe de la gestion des demandes d’enquête et conseillère juridique au Bureau du syndic et Philippe-André Ménard, ing. Syndic adjoint
CONFIANCE DU PUBLIC I ET SECRET PROFESSIONNEL I Dans notre vie de tous les jours, avouons-le, il nous est parfois difficile de garder certains secrets confiés au détour d’une conversation pendant une rencontre familiale ou un repas entre amis. Dans notre vie privée, dévoiler un secret ou le garder est bien souvent le fait d’une maladresse ou une question de conscience personnelle. Il en va tout autrement dans notre vie professionnelle.
E
n cette ère de médias sociaux où la transparence est mise sur un piédestal, la discrétion et la retenue ne sont pas toujours des qualités très valorisées. Pour le grand public, le secret professionnel est souvent associé à la protection des renseignements personnels et au respect de la vie privée (comme c’est le cas pour les médecins, les psychologues, les avocats, etc.). Or, ce concept est beaucoup plus large. Pour les membres de l’Ordre des ingénieurs du Québec, il concerne bien souvent la non-divulgation et la non-utilisation de secrets industriels et de renseignements commerciaux fournis par le client (y compris évidemment l’employeur). Dans une récente décision1, le Conseil de discipline a imposé une radiation temporaire de 6 mois à un ingénieur qui avait « fait usage de renseignements de nature confidentielle au préjudice de son client en vue d’obtenir directement ou indirectement un avantage pour lui-même ou pour autrui ». Dans cette affaire, il a été admis que l’ingénieur s’était approprié des données
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informatiques et des documents d’ingénierie de son employeur, afin de s’en servir éventuellement au bénéfice d’une entreprise concurrente, qu’il avait fondée avec d’autres partenaires. Ici, comme dans la plupart des affaires similaires soumises au Conseil de discipline2, le client de l’ingénieur était son employeur. Quitter son emploi en emportant des documents contenant des renseignements de nature confidentielle appartenant à son employeur pour en obtenir un avantage personnel, ou encore pour divulguer à des concurrents des informations techniques ou commerciales sensibles, qu’importe les motivations, ce sont des gestes graves, qui minent la confiance du public et la crédibilité de la profession. C’est pourquoi les sanctions disciplinaires comportent généralement des radiations temporaires, plus ou moins longues, assorties parfois d’amendes, selon les circonstances propres à chaque affaire. Et ce sont aussi des gestes potentiellement passibles d’accusations criminelles et de poursuites civiles.