Lettonie
La croissance économique ralentira pour s’établir à 2.3 % en 2022 puis à -0.2 % en 2023, avant de rebondir pour atteindre 2.3 % en 2024. Le choc défavorable sur la confiance qui a suivi l’invasion de l’Ukraine par la Russie, conjugué à une inflation très forte et généralisée, bride la consommation privée. L’investissement des entreprises continuera de diminuer sous l’effet des vives incertitudes et de la détérioration des conditions financières, tandis que les prix élevés de l’énergie et la baisse de la demande extérieure pèsent sur la production industrielle. L’inflation atteindra en moyenne annuelle 17 % en 2022 et ne refluera que graduellement à 10.7 % en 2023 et à 5 % en 2024.
L’orientation de la politique budgétaire deviendra moins accommodante, du fait de l’arrêt progressif de la plupart des dépenses liées à la pandémie. Il conviendrait de mieux cibler les mesures de soutien visant à atténuer l’impact du renchérissement de l’énergie, de manière à limiter les tensions inflationnistes supplémentaires sur les biens et services hors énergie et à encourager les économies d’énergie. Il est indispensable de dégager une marge de manœuvre budgétaire pour accroître l’investissement public en faveur de la sécurité énergétique et accompagner les changements structurels. Enfin, il faudrait renforcer les politiques actives du marché du travail afin de réduire le décalage entre l’offre et la demande de compétences et faciliter le redéploiement des emplois.
Lettonie
1. Inflation globale : indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) ; inflation sous-jacente : IPCH hors énergie, produits alimentaires, alcool et tabac ; hausse des prix de l’énergie : indice des prix à la consommation des produits énergétiques ; prix à la production : indice des prix à la consommation dans l’ensemble des secteurs.
Source : Base de données de l’OCDE sur les prix ; et Bureau central des statistiques (CSP, Centrālā statistikas pārvalde) de Lettonie.
StatLink2 https://stat.link/lmcu2h
Lettonie : Demande, production et prix
Lettonie
PIB aux prix du marché
2019 2020 2021 2022 2023 2024
Prix courants milliards de EUR
Pourcentage de variation, en volume (prix de 2015)
30.7 -2.2 4.1 2.3 -0.2 2.3
Consommation privée 17.9 -4.6 8.2 5.5 -2.0 1.9
Consommation publique 6.0 2.4 4.4 2.4 2.0 1.8
Formation brute de capital fixe 7.1 -2.6 2.9 0.8 1.7 4.5
Demande intérieure finale 30.9 -2.9 6.1 3.7 -0.5 2.4
Variation des stocks¹ 0.0 1.0 4.0 0.3 0.7 0.0
Demande intérieure totale 30.9 -2.2 9.6 4.2 0.2 2.2
Exportations de biens et services 18.4 -0.3 5.9 6.6 -1.0 2.5
Importations de biens et services 18.6 -0.3 15.3 9.3 -0.3 2.3
Exportations nettes¹ - 0.2 0.0 -5.4 -2.0 -0.5 -0.1
Pour mémoire
Déflateur du PIB _ 1.0 6.9 13.1 6.9 4.2
Indice des prix à la consommation harmonisé _ 0.1 3.2 17.0 10.7 5.0 IPCH sous-jacent ² _ 0.9 1.9 7.2 6.9 4.5 Taux de chômage (% de la population active) _ 8.1 7.5 6.7 7.0 6.8 _ 6.3 5.9 1.5 2.2 2.6
Taux d'épargne nette des ménages (% du revenu disponible)
Solde financier des administrations publiques (% du PIB) -4.3 -7.0 -6.5 -4.1 -2.4
Dette brute des administrations publiques (% du PIB) _ 54.4 57.5 61.3 63.9 64.6 _ 42.0 43.6 47.4 50.0 50.8
Dette brute des administrations publiques, définition Maastricht³ (% du PIB)
Balance des opérations courantes (% du PIB)
_ 2.6 -4.2 -4.0 -4.3 -4.4
1 Contributions aux variations du PIB en volume, montant effectif pour la première colonne
2 Indice des prix à la consommation harmonisé, hors produits alimentaires, énergie, alcool et tabac
3. Selon la définition de Maastricht, la dette des administrations publiques comprend uniquement les crédits, les titres de créance et les numéraires et dépôts, la dette étant exprimée en valeur nominale et non à sa valeur de marché
Source: Base de données des Perspectives économiques de l'OCDE, n° 112
StatLink2 https://stat.link/0vyibz
L’activité économique ralentit en raison de la forte inflation et des vives incertitudes
Au troisième trimestre de 2022, le PIB a reculé de 1.7 % (taux trimestriel corrigé des variations saisonnières). La confiance des entreprises a chuté depuis le début de la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine. La hausse des prix à la consommation a atteint 21.8 % en octobre et a été tirée principalement par les prix de l’énergie et des produits alimentaires, sachant que la part de ces produits dans le panier de consommation des ménages lettons est nettement plus importante que dans celui des autres pays de la zone euro. Les tarifs de l’électricité ont toutefois diminué en octobre du fait de l’instauration d’un plafonnement des prix. L’inflation s’est généralisée : les prix de près de 70 % des composantes du panier de l’indice des prix à la consommation (IPC) ont augmenté de plus de 4 % en septembre. Le taux de chômage a baissé au premier semestre de 2022, mais il a stagné au troisième trimestre, alors que le taux d’emplois vacants restait élevé en raison d’un déséquilibre entre l’offre et la demande de compétences.
PERSPECTIVES ÉCONOMIQUES DE L'OCDE, VOLUME 2022,
NUMÉRO 2 © OCDE 2022
La Lettonie est particulièrement exposée aux conséquences de la guerre en Ukraine, du fait de sa forte dépendance vis-à-vis des importations de pétrole et de gaz en provenance de Russie. En effet, presque 100 % des besoins en gaz de la Lettonie étaient couverts par la Russie, cette proportion étant cependant nettement plus faible si l’on s’intéresse à l’approvisionnement total en énergie du pays (aux alentours de 26 %). L’activité économique lettonne ne devrait pâtir d’aucun rationnement du gaz, car le pays est parvenu à constituer des réserves de gaz suffisantes pour satisfaire la demande au cours de l’hiver 2022/2023 en se tournant vers d’autres sources d’approvisionnement en énergie et en important du gaz liquéfié. Les exportations de biens vers la Russie, le Bélarus et l’Ukraine représentaient 9.8 % des exportations lettonnes en 2021. Cette proportion a diminué et s’établit en moyenne à 7.6 % depuis mars 2022. Dans le même temps, la valeur totale des exportations lettonnes a augmenté de 30 %, compte tenu d’une réorientation fructueuse des échanges vers d’autres pays.
L’orientation de la politique budgétaire se durcit
La politique budgétaire prendra une orientation restrictive du fait de l’élimination progressive des importantes mesures de soutien liées à la pandémie de COVID-19, lesquelles passeront de 6.9 % du PIB en 2021 à 3.7 % en 2022 et à 0.8 % en 2023. Le gouvernement a mis en place de nouvelles mesures destinées à protéger les ménages et les entreprises de la hausse des prix de l’électricité et du chauffage, notamment un plafonnement non ciblé des prix, des transferts aux retraités et aux familles à faible revenu, ainsi que des subventions aux entreprises énergivores. Ces mesures devraient représenter quelque 2 % du PIB et être partiellement supprimées peu à peu en 2024. Le gouvernement a aussi apporté un soutien essentiel aux plus de 30 000 réfugiés ukrainiens (1.7 % de la population lettonne) entrés sur le territoire depuis le début de la crise. Les dépenses de défense seront portées de 2.2 % du PIB en 2022 à 2.5 % d’ici 2025. En outre, la Lettonie recevra, d’ici 2026, l’équivalent d’environ 6.7 % de son PIB de 2020 sous forme de subventions au titre du plan de relance « Next Generation EU », dont un tiers devrait être dépensé en 2023 et en 2024.
La croissance économique ralentira alors que l’inflation restera élevée
La forte inflation et les vives incertitudes porteront un coup à la consommation privée, tout particulièrement durant l’hiver prochain, du fait de la hausse des factures relatives au logement. Les exportations diminueront en 2023 en raison de la faiblesse de la demande extérieure. Le volume des investissements financés par l’Union européenne (UE) augmentera et soutiendra la croissance à moyen terme, mais le fort degré d’incertitude, la montée des taux d’intérêt et la hausse des coûts de construction provoquée par les pénuries de main-d’œuvre et de matériaux pèseront sur l’investissement privé. Le taux d’inflation restera important dans la mesure où les prix élevés à la production se répercutent sur les consommateurs. Néanmoins, les tensions sur les prix devraient s’atténuer en 2023 sous l’effet de la stabilisation des prix du pétrole, du gaz et des produits alimentaires et du resserrement de la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE). Le salaire minimum (qui concerne 17 % des salariés lettons) devrait augmenter de 24 % en 2023 et de 13 % en 2024. Dans l’ensemble, la progression des salaires nominaux devrait être plus modérée que celle de l’inflation en 2022 et en 2023, dans la mesure où l’indexation automatique n’est pas répandue, mais elle devrait la dépasser en 2024. Cette évolution, conjuguée à la suppression progressive des plafonnements des prix de l’énergie, maintiendra l’inflation au-dessus de l’objectif visé en 2024. En dépit du ralentissement de la croissance, le solde budgétaire devrait s’améliorer d’environ 2.4 points de PIB en 2023. Il existe un risque d’enracinement de l’inflation à un niveau élevé en cas de nouvelles perturbations sur le marché de l’énergie et d’aggravation des pénuries de main-d’œuvre. Parmi les risques de divergence à la hausse figurent l’absorption plus rapide que prévu des ressources de la Facilité de l’UE pour la reprise et la résilience, et l’insertion rapide des réfugiés ukrainiens sur le marché du travail.
Investir dans la sécurité énergétique et remédier aux pénuries de main-d’œuvre
Les mesures de politique budgétaire devraient cibler les ménages vulnérables et préserver les incitations tarifaires en faveur d’une réorientation de l’approvisionnement vers des sources d’énergie bas carbone. Il est essentiel d’accélérer les investissements dans les énergies renouvelables et d’achever l’intégration des marchés régionaux de l’électricité et du gaz pour améliorer la sécurité énergétique du pays. Cela nécessitera aussi de remédier aux pénuries croissantes de main-d’œuvre. Faciliter la reconnaissance des qualifications favoriserait l’insertion des réfugiés sur le marché du travail. Par ailleurs, un accroissement de l’offre de logements abordables et une amélioration des services de transport public permettraient d’augmenter la mobilité de la main-d’œuvre. Enfin, les autorités pourraient stimuler la productivité et atténuer les pénuries de main-d’œuvre en accordant aux étudiants de l’enseignement supérieur des aides financières plus généreuses et en améliorant l’accès aux formations et la qualité de ces dernières (notamment via la création de fonds pour la formation).
PERSPECTIVES ÉCONOMIQUES
DE L'OCDE, VOLUME 2022, NUMÉRO 2 © OCDE 2022