Canada
La croissance du PIB réel va refluer à 1.4 % en 2023. L’augmentation des coûts d’emprunt pèsera sur l’activité. La baisse des prix des matières premières a atténué les gains de termes de l’échange obtenus l’année dernière. La demande se raffermira tout au long de 2024, mais la croissance annuelle de la production restera, à 1.4 %, inférieure au potentiel à long terme de l’économie. Les exportations bénéficieront de l’amélioration de la situation mondiale, tandis que l’immigration stimulera les dépenses privées et l’offre de main-d’œuvre. Les tensions sur les prix s’atténueront à mesure que le taux de chômage augmentera par rapport à ses niveaux récents les plus bas. La reprise de l’investissement l’année prochaine pourrait être compromise si les conditions de crédit se détériorent, un risque qui s’est accru avec la volatilité observée à l’étranger.
La politique monétaire devrait conserver une orientation restrictive, le taux d’intérêt directeur étant maintenu à son niveau actuel jusqu’à ce que l’inflation se rapproche de l’objectif en 2024. La réduction des aides budgétaires devrait contribuer à tempérer la demande à mesure que les mesures d’allègement du coût de la vie seront supprimées. Revenir sur la réduction des taxes accordée sur les carburants dans certaines provinces viendrait compléter les incitations à l’investissement vert que le gouvernement fédéral s’emploie à développer. Parallèlement aux efforts visant à lever les obstacles au commerce intérieur, il est possible de faire davantage pour faciliter la mobilité de la main-d’œuvre. Réduire les limites strictes encadrant la densification pourrait faire augmenter le nombre de logements dans les villes. Une telle mesure préviendrait de futures tensions sur les prix des logements liées à l’arrivée de nouvelles populations.
Canada 1
Pourcentage de variation, en volume (prix de 2012)
1 Contributions aux variations du PIB en volume, montant effectif pour la première colonne 2 Indice des prix à la consommation hors produits alimentaires et énergie
Source: Base de données des Perspectives économiques de l'OCDE, n° 113
StatLink2 https://stat.link/y1n42a
L’inflation a reculé en dépit d'une forte croissance de la production et de l’emploi
La croissance économique a été plus forte que prévu au premier trimestre de 2023. La croissance dans l’industrie manufacturière, la construction et les services a plus que compensé la baisse de la production dans les secteurs des ressources naturelles. La hausse des coûts d’emprunt continue de freiner l’activité sur le marché du logement. Dans les zones métropolitaines, les prix des logements et les ventes immobilières sont inférieurs ce qu’ils étaient il y a un an, mais semblent se stabiliser. Les anticipations des marchés, qui tablent sur une baisse des taux d’intérêt l’année prochaine, ne se sont pas encore traduites par une hausse durable des autorisations de construction, qui devrait être suivie d’une reprise de la construction résidentielle. L’augmentation des coûts du crédit et les faibles prévisions de croissance des ventes pèsent sur les intentions d’investissement des entreprises. Dans le commerce de détail, l’activité a déjoué les pronostics de récession, malgré une inflation élevée érodant le pouvoir d’achat. Si la croissance démographique soutient les dépenses totales de consommation, les dépenses moyennes par personne en termes réels n’ont guère changé par rapport aux niveaux pré-pandémie. Les enquêtes auprès des consommateurs font état d’incertitudes accrues concernant les perspectives économiques, ce
confirme le taux d’épargne des ménages, toujours élevé.
1. Total de la consommation et de l’investissement (dont variation des stocks) moins importations totales de biens et de services. Les comptes nationaux ne contiennent pas de données sur les importations désagrégées par composante de dépenses du PIB et par intrant intermédiaire. Dans la pratique, la valeur ajoutée importée fait partie de la consommation, de l’investissement et aussi des exportations de biens et de services. Source : Base de données des Perspectives économiques de l’OCDE, n° 113.
StatLink2 https://stat.link/bc7mda
Le marché du travail reste tendu. Les créations d’emploi récentes ont globalement correspondu à la croissance de la main-d’œuvre, maintenant le taux de chômage à des niveaux historiquement bas. Le grand nombre de nouveaux arrivants au Canada contribue, semble-t-il, à atténuer les pénuries de compétences. La baisse du nombre d’emplois vacants laisse entrevoir une modération de la demande de main-d’œuvre à l’avenir. La hausse des prix à la consommation a reflué rapidement en raison du repli des prix de l’énergie, de la baisse de l’inflation des prix des produits alimentaires et de la répercussion de la diminution du coût des intrants sur les prix des produits finis. En avril, la croissance en glissement annuel de l’indice global des prix à la consommation s’est établie à 4.4 %, soit bien en-deçà du pic de 8.1 % enregistré en juin 2022. Les tensions sous-jacentes sur les prix ont également diminué, mais plus progressivement. La croissance des salaires est élevée et dépasse aujourd’hui celle des prix à la consommation.
En raison du recul des cours du pétrole brut, les prix des exportations canadiennes de matières premières sont bien inférieurs aux pics atteints à la mi-2022. La baisse des termes de l’échange a provoqué un choc négatif sur les revenus qui se traduit par une diminution de l’excédent d’exploitation des entreprises non financières. En volume, la production agricole a baissé par rapport aux niveaux élevés atteints l’année dernière, marquée par de bonnes conditions de culture. La volatilité sur les marchés financiers américains et européens a provoqué un durcissement relativement modeste des conditions financières au Canada. Cela étant, la croissance du crédit a ralenti, notamment les prêts aux ménages.
Les politiques macroéconomiques contribuent à limiter la demande excédentaire
L’orientation plus restrictive de la politique monétaire permet de modérer la demande, qui dépasse actuellement la capacité productive durable de l’économie, et contribue au réancrage des anticipations d’inflation. Pour pouvoir ramener durablement l’inflation vers son objectif, il faudra maintenir le taux directeur à son niveau actuel de 4.5 % jusqu’à la mi-2024. Avec une production qui devrait être proche de son potentiel au second semestre de l’année prochaine, le taux directeur devrait alors être ramené à des
niveaux plus neutres. Les projections intègrent une baisse de 50 points de base du taux d’intérêt de référence d’ici la fin de 2024. Le resserrement quantitatif progressif devrait se poursuivre en 2023-24, exerçant des tensions à la hausse sur les coûts d’emprunt.
Le déficit budgétaire va se réduire au cours des deux prochaines années. La croissance des recettes ralentira, sur fond de progression moins forte du PIB nominal et des bénéfices des entreprises. Le budget fédéral prévoit de nouvelles dépenses de santé et des incitations destinées à stimuler l’investissement vert. Certaines mesures prises séparément au niveau fédéral et par les provinces sont toujours en place pour amortir les tensions exercées par le coût de la vie sur les budgets des ménages. En mars, le gouvernement fédéral a annoncé une nouvelle hausse du crédit pour la taxe sur les produits et services en faveur des ménages à faible revenu, durement touchés par la flambée des prix des denrées alimentaires. Certaines provinces, dont l’Alberta et l’Ontario, ont maintenu des mesures de réduction ou de suspension des taxes sur les carburants en dépit de la baisse des coûts de l’énergie. Le retrait, d’ici la fin de 2023, des mesures destinées à faire face à l’inflation devrait en toute hypothèse contribuer à améliorer les soldes budgétaires en 2024 en réduisant le soutien à l’activité économique.
Le ralentissement de l’activité intérieure pèsera sur le PIB cette année
La croissance du PIB réel devrait se modérer pour s’établir à 1.4 % en 2023. Le ralentissement de l’économie américaine freinera les exportations canadiennes, qui avaient enregistré un bon résultat au premier trimestre. En raison de la hausse des coûts du crédit et de l’atonie des perspectives de la demande, les entreprises seront amenées à repousser leurs projets de dépenses en capital. De nouvelles baisses de l’investissement dans le logement au premier semestre de l’année contribueront également à réduire la formation brute de capital fixe. La consommation privée progressera plus lentement, mais devrait rester positive. Les taux élevés de formation des ménages contribueront à compenser l’impact de la hausse des coûts d’emprunt et la faible augmentation des revenus réels. L’activité économique gagnera en vigueur tout au long de 2024 mais, à 1.4 %, la croissance annuelle restera inférieure à son potentiel. La création d’emplois ralentira par rapport à la croissance démographique, et le taux de chômage augmentera. La hausse des salaires se modérera, mais restera supérieure à l’inflation mesurée par les prix à la consommation, qui devrait revenir à l’objectif d’ici la fin de l’année prochaine. L’amélioration du pouvoir d’achat soutiendra les dépenses de consommation, tandis que l’augmentation de la demande de logements alimentera le redressement de l’investissement résidentiel. Les exportations et l’investissement des entreprises redémarreront avec le renforcement de la demande extérieure.
Les incertitudes entourant les perspectives sont fortes. Les niveaux d’endettement élevés des ménages et l’augmentation des coûts du service des prêts hypothécaires pourraient entraîner une contraction de la consommation privée, surtout si les créations d’emploi ralentissent davantage que prévu. Une volatilité accrue sur les principaux marchés financiers pourrait se traduire par un resserrement des conditions de crédit au Canada, ce qui risquerait d’entraîner une chute plus marquée de l’investissement des entreprises. En revanche, les taux d’immigration élevés devraient ralentir le vieillissement démographique à court terme et pourraient amener la croissance du PIB à dépasser les projections. En effet, au-delà des retombées directes de l’augmentation de la population d’âge actif, les compétences des nouveaux arrivants et l’augmentation du taux d’activité pourraient accroître encore la capacité productive de l’économie, ce qui permettrait de renforcer la demande sans accélérer l’inflation.
Le repli de l’inflation va rendre inutiles les mesures exceptionnelles d’allègement du coût de la vie
Avec le retour de l’inflation à des niveaux modérés, l’État fédéral et les provinces devraient supprimer les mesures d’allègement du coût de la vie encore en place, compte tenu des efforts plus généraux déployés en vue de réduire la relance budgétaire de l’économie. Annuler la facture des services collectifs et les exonérations de taxes sur les carburants à la charge des provinces permettrait de favoriser les économies d’énergie et s’inscrirait en complément des mesures visant à stimuler l’investissement dans les industries vertes. Des progrès dans la réduction des coûts de la garde d’enfants permettront de réduire les contre-incitations à l’emploi en direction des deuxièmes apporteurs de revenu, qui sont plus souvent des femmes que des hommes. Pour améliorer plus largement le climat des affaires, il faudra que les pouvoirs publics s’emploient, à tous les niveaux, à rendre les marchés plus efficients. Parallèlement aux efforts déployés pour faciliter le commerce intérieur de biens et de services, il est possible de faire davantage pour lever les obstacles à la mobilité de la main-d’œuvre. Ainsi, en raison du coût important du logement, il est quelquefois difficile de chercher un emploi dans une ville où les salaires et la productivité seraient plus élevés. Réduire les facteurs qui limitent la densification des zones urbaines tout en investissant dans les infrastructures sont autant de mesures qui permettraient d’accueillir de nouveaux résidents et de limiter la hausse future du coût du logement.