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Patrimoine
from Sion 21 n°14
by OCTANE
Archéologie
FEUILLETER LE TEMPS, AU CŒUR DE LA PIERRE
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Site funéraire d’exception, la basilique Sous-le-Scex est désormais mise en valeur au cœur d’un nouvel espace de détente à deux pas du centre-ville.
> Vue par drone de l'espace rendu au public en septembre 2020 © OCA
«Contrairement à Martigny où l’Antiquité romaine prédomine, on trouve à Sion des vestiges de toutes les périodes de l’Histoire, de 5 000 ans avant notre ère jusqu’à l’époque moderne. On ne s’attendait par contre pas à faire une telle découverte à cet emplacement-là», commente l’archéologue cantonale Caroline Brunetti. L’inauguration du site revisité de la basilique Sous-le-Scex à la mi-septembre est venue couronner cette célébration du riche passé de notre cité, celui-là même qui intéresse des institutions aussi prestigieuses que le British Museum.
Située au sud de la colline de Valère et à proximité immédiate du centreville, la basilique constitue l’un des plus anciens témoignages de la chrétienté en Suisse. Rien de moins. Cette rareté explique l’aura internationale qu’elle a acquise. Son plan est de surcroît complet et elle est en parfait état de conservation. Erigée au cinquième siècle, elle est redécouverte dans les années 1980, soit au moment où a été construit le parking du Scex.
L’épaisseur du temps
Les fouilles ont été initiées en 1984. L’archéologue cantonal François-Olivier Dubuis confie la phase exploratoire à Alain Gallay, professeur de préhistoire de l’Université de Genève. Plusieurs autres intervenants, dont le Bureau Hans-Jörg Lehner, confirment le statut d’édifice paléochrétien de la basilique. L’excavation de l’église dure jusqu’en 1992. Les travaux révèlent les différentes étapes de sa construction au travers des âges. Au total, ce ne sont pas moins de 500 sépultures et 1 000 défunts qui ont été recensés ici. Dans les
années suivantes, de nouveaux vestiges sont découverts aux abords immédiats de la bâtisse religieuse.
Un patrimoine exceptionnel mis au jour
«Ici comme ailleurs en Valais, nous pratiquons une archéologie de sauvegarde visant à documenter les vestiges avant leur destruction lors de travaux. Nous agissons dans l’urgence. Puisque les techniques modernes permettent de creuser de plus en plus profond, nous avons désormais accès à des strates bien plus basses qu’auparavant. À Sion, les vestiges du Néolithique sont concentrés entre sept et dix mètres de profondeur par rapport au niveau de marche actuel», explique Caroline Brunetti.
Comment mettre en lumière ce patrimoine archéologique exceptionnel? En 2001, une première valorisation du site est menée à bien. Pour aller plus loin et mûrir le projet actuel, dix ans d’efforts, parfois ponctués de tensions seront nécessaires. La Municipalité est propriétaire d’un tiers du terrain et l’État des deux tiers restants. Un concours d’architecture et de nombreuses études ont donné sa forme actuelle au site.
L’histoire continue...
Sur le plan visuel, les tombes médiévales sont symbolisées par des plaques en acier, alors que les contours de l’église funéraire du Haut Moyen Âge sont stylisés sur la plateforme qui recouvre les vestiges conservés. Un aménagement réalisé par le Service des parcs et jardins vient encadrer cette représentation. «Il ne s’agit pas de contempler des ruines mais d’intégrer ce tracé de sol issu d’un lointain passé à la vie d’aujourd’hui», résume Jean-Paul Chabbey, l’architecte de la Ville et chef du service des bâtiments et constructions.
Rien de morbide donc, mais plutôt une incitation à savourer l’instant présent. Jeunes et moins jeunes ne s’y sont pas trompés. Déjà, ils sont nombreux à se réapproprier cet espace où près de 300 générations de Sédunoises et Sédunois les ont précédés. Ce site donne la mesure de la longue lignée de nos aïeux, depuis le Néolithique et sur sept millénaires, jusqu’à l’éclosion des quartiers des Tanneries et de la Lombardie aux XIVe et XVe siècles. «Malgré des événements naturels récurrents, comme les inondations de la Sionne, ces traces illustrent que nos ancêtres ont bénéficié d’une qualité de vie tout à fait appréciable dans cet environnement urbain», conclut Caroline Brunetti.

> Vue de l'église funéraire à la fin des fouilles des sépultures médiévales en 1992 © Bureau Lehner/OCA
Deux livres pour une immersion
Deux ouvrages accompagnent l’inauguration du complexe de Sous-le-Scex. Publié dans les Cahiers d’archéologie romande, le premier documente les fouilles entreprises et dresse la synthèse des découvertes liées au lieu. Cet ouvrage scientifique est réservé à un lectorat spécialisé. Le second recueil s’adresse au grand public. Placé sous la direction de Caroline Brunetti, il s’intitule Sion Sous-le-Scex. Des millénaires d’histoire au pied de Valère. Sur à peine plus de 100 pages y sont présentés les éléments essentiels en lien avec ce lieu de mémoire.

> Inscription funéraire romaine brisée sur tous les côtés et réutilisée dans la construction d'une tombe maçonnée médiévale © Bureau Lehner/OCA