OUTRE-MER grandeur Nature n°26 _ janvier-février 2025

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grandeur Nature OUTRE-MER

ÉDITO

PAR ALI MADI, PRÉSIDENT DE LA FÉDÉRATION MAHORAISE DES ASSOCIATIONS ENVIRONNEMENTALES (FMAE) - CPIE MAORE

Le samedi 14 dĂ©cembre, alors que Chido s’abattait sur Mayotte, j’étais Ă  La RĂ©union. J’y Ă©nonçais un discours pour les 40 ans du Conseil de la culture, de l’éducation et de l’environnement (CCEE) de La RĂ©union, en tant que vice-prĂ©sident du CCEE de Mayotte. MalgrĂ© l’honneur de prendre la parole devant mes amis rĂ©unionnais, mon cƓur Ă©tait Ă  « MaorĂ© ».

Chido n’est pas un cyclone comme les autres, mais, comme l’attestent les mĂ©tĂ©orologues, un cyclone tropical intense tel que Mayotte n’en avait plus connu depuis 90 ans. Le souvenir qui s’en approche le plus dans la mĂ©moire des Mahorais remonte Ă  l’annĂ©e de mes huit ans, 1984, lorsque Kamisy avait frappĂ© notre Ăźle de plein fouet.

DĂšs le 15 dĂ©cembre, avec mes collĂšgues de la DĂ©lĂ©gation de Mayotte Ă  La RĂ©union et d’autres structures, nous organisions les premiers circuits logistiques permettant d’acheminer des aides d’urgence sur l’üle. Je me suis envolĂ© vers Mayotte le 18. DĂšs mon arrivĂ©e, cela a Ă©tĂ© un cauchemar. Plusieurs de mes proches restaient injoignables, nous ne savions rien d’eux.

Avant d’arriver Ă  destination, je ne pouvais que m’imaginer les choses. Sur place, je n’ai presque rien reconnu. PrĂšs de l’aĂ©roport, il n’y avait plus l’immense baobab accolĂ© depuis toujours au cimetiĂšre, tout avait Ă©tĂ© dĂ©truit, Ă  commencer par la tour de contrĂŽle. Mon fils a prononcĂ© cette phrase : « Papa, ça ressemble Ă  la Palestine ». Partout, des bombes semblaient avoir Ă©clatĂ©, mon Ăźle ressemblait Ă  un pays en guerre.

AprĂšs Kamisy, c’était diffĂ©rent, car en 1984, nous avions des habitations et un cadre de vie mieux adaptĂ©s, et les nombreux espaces arborĂ©s amortissaient les vents. Les noix de coco, alors en abondance, avaient Ă©tanchĂ© la soif et nourri la population pendant les premiĂšres semaines post-cyclone. Aujourd’hui, on trouve de moins en moins de manguiers, d’arbres Ă  pain ou de cocotiers Ă  Mayotte. Les jours qui ont suivi Chido, les habitants ont eu faim et ont eu peur de la famine. Quand j’ai vu tous ces amas de tĂŽles jonchĂ©s au sol sur les pentes de KawĂ©ni et ailleurs, ces bangas effondrĂ©s, ces matelas Ă©ventrĂ©s, ces panneaux solaires brisĂ©s, ces arbres dĂ©racinĂ©s, cela formait dans le paysage d’étranges amas trĂšs colorĂ©s : rouge, vert, bleu, jaune, or, marron... Depuis, mon esprit rejette en quelque sorte les couleurs, comme s’il les avait associĂ©es au malheur et Ă  toutes ces vies perdues.

TrĂšs vite, psychologiquement, j’ai eu besoin d’aller chercher mes outils, ma tronçonneuse, d’enfiler mes gants. Il fallait venir en aide aux gens. Comme beaucoup d’autres, j’ai achetĂ© Ă  la pharmacie des mĂ©dicaments, Ă  la boutique des denrĂ©es alimentaires, pour aider, me sentir dans la compassion et le partage, dans la « musada » si chĂšre Ă  notre culture, et qui signifie « entraide » en shimaorĂ©.

MAYOTTE, BLESSÉE MAIS DEBOUT

Vous savez, les Mahorais ont en eux une singuliĂšre capacitĂ© de rĂ©silience. AprĂšs l’état de choc, c’est une force positive et combattante qui les a animĂ©s. Les Mahorais, historiquement, ont subi bon nombre de catastrophes, des razzias perpĂ©trĂ©es par des guerriers venus de Madagascar en pirogue, etc. Forts de leur tempĂ©rament dĂ©terminĂ© et de leur force collective, ils ont rapidement pu trouver les ressources et l’organisation nĂ©cessaires. En fait, nous avons renouĂ© avec notre esprit communautaire. Je salue ici le courage, le dĂ©vouement de tous les bĂ©nĂ©voles qui Ɠuvrent sans relĂąche sur le terrain, dans les jours qui ont suivi Chido, au plus prĂšs des plus dĂ©munis.

LA COOPÉRATION RÉGIONALE

Cette « calamitĂ© naturelle » renforce l’une de mes rĂ©flexions. Je pense qu’il est plus que jamais nĂ©cessaire de coopĂ©rer avec les pays voisins – Madagascar, l’Afrique de l’Est et du Sud – de façon Ă  favoriser un acheminement plus rapide des aides. Il nous faut rĂ©ussir Ă  structurer des rĂ©seaux solides. Si Mayotte investissait par exemple dans l’agriculture Ă  Madagascar, nous pourrions bĂ©nĂ©ficier d’une meilleure autonomie alimentaire en cas de catastrophe naturelle. Cette coopĂ©ration rĂ©gionale que j’appelle de mes vƓux ne s’arrĂȘterait pas au domaine alimentaire : il conviendrait d’étendre entre tous ces pays et Mayotte les flux migratoires de connaissances et de compĂ©tences pour mieux s’adapter Ă  ces phĂ©nomĂšnes climatiques. Dans notre rĂ©gion, le peuple malgache, notamment, a une forte expĂ©rience des cyclones qui le conduit, par exemple, Ă  disposer sur les toits en tĂŽle de lourds sacs de sable afin d’éviter qu’ils ne s’envolent... Les mĂ©thodes employĂ©es sont multiples et les apports rĂ©ciproques entre nos pays devraient, je crois, l’ĂȘtre Ă©galement.

LES CRAINTES DES AGRICULTEURS

En tant qu’apiculteu mahorais, j’ai perdu avec Chido 90 % de mes ruches. Et je ne suis qu’un exemple parmi tant d’autres. La FMAE-CPIE Maore rĂ©unit 32 associations adhĂ©rentes et une soixantaine de structures qui gravitent dans tous les villages de l’üle. AprĂšs Chido, nous avons rĂ©uni nos agriculteurs, qui nous disent avoir quasiment tout perdu. De plus, des forĂȘts entiĂšres ont Ă©tĂ© mises Ă  nu par le cyclone. Or, dans ces zones protĂ©gĂ©es devenues vierges, sans couvert vĂ©gĂ©tal, les agriculteurs craignent que des individus ne s’accaparent les terres illĂ©galement pour y faire pousser des cultures. Ils redoutent aussi une aggravation des pĂ©nuries d’eau Ă  Mayotte, l’eau de pluie n’étant plus retenue par les systĂšmes racinaires des arbres. Je pense que l’urgence est de replanter au plus vite dans ces espaces forestiers ravagĂ©s par Chido. Sinon, la terre va continuer de ruisseler jusqu’au lagon...

Nous appelons ainsi les autoritĂ©s Ă  travailler sur un plan pluriannuel de reconquĂȘte de ces espaces forestiers sur la base des documents dĂ©ja existants, comme le ShĂ©ma DĂ©partemental des Espaces Naturels Sensibles, le SchĂ©ma d’Entretien et de Restauration des RiviĂšres Ă  enjeux Ă  Mayotte ou le pacte des acteurs de l’environnement, Ă  finaliser. Nous pourrions copiloter la logistique de ce plan, mettre en rĂ©seau des pĂ©piniĂ©ristes locaux, etc.

UN BESOIN URGENT D’INGÉNIERIE

Je viens de participer Ă  une rĂ©union en distanciel avec un rĂ©seau d’agriculteurs des Antilles, qui nous a fait part de retours d’expĂ©riences Ă  la suite d’Irma. Quelle ingĂ©nierie ont-ils dĂ©veloppĂ©e, quelle mĂ©thodologie ? L’accent a Ă©tĂ© mis sur des aspects pratiques, facilement reproductibles. Par exemple, dĂšs les premiers jours aprĂšs Irma, nos confrĂšres antillais se sont aperçus que les espĂšces exotiques envahissantes (EEE) prenaient le dessus sur la flore indigĂšne et endĂ©mique. Or, si les EEE sont arrachĂ©es d’un coup, on met la terre Ă  nu. C’est pourquoi un plan de contrĂŽle doit ĂȘtre planifiĂ© sur quatre Ă  cinq ans. La rĂ©union a aussi mis l’accent sur l’impossibilitĂ© de tout sauver – il faut l’accepter – et l’importance de focaliser notre attention sur des plantes Ă  enjeux, que nous allons recenser. Par ailleurs, nous serons surpris de voir que certains arbres indigĂšnes, que l’on croit dĂ©truits, vont se rĂ©gĂ©nĂ©rer... Autant d’expĂ©riences fructueuses pour nous Ă  Mayotte.

Pour conclure, les associations environnementales de Mayotte sont prĂȘtes Ă  donner beaucoup d’elles-mĂȘmes pour la reconstruction de l’üle. Mais nous manquons d’ingĂ©nierie. Nous avons besoin de monter en compĂ©tence rapidement. Nous avons besoin de personnes qui nous aident Ă  monter des projets soutenus par l’Europe. En cela, je crois beaucoup Ă  la constitution de groupes de travail RĂ©union-Mayotte pour nous aider Ă  nous relever de tels Ă©vĂ©nements climatiques extrĂȘmes.

FAIRE UN DON À LA FONDATION DE FRANCE pour venir en aide aux populations de Mayotte touchĂ©es par le cyclone Chido : LIEN ICI

La faune a Ă©galement Ă©tĂ© rudement touchĂ©e par Chido, Ă  l’image des makis de Mayotte et des roussettes, des pollinisateurs essentiels Ă  la reproduction de nombreuses plantes. © StĂ©phanie Castre

ACTU OUTRE-MER

Les ouvrages de CaraĂŻbĂ©ditions sont proposĂ©s Ă  la vente dans les rayons des librairies et grandes surfaces d’outre-mer.

CARAÏBÉDITIONS, UNE MAISON D’ÉDITION SPÉCIALISÉE

EN OUTRE-MER

Depuis leur crĂ©ation en 2007 aux Antilles, les Ă©ditions CaraĂŻbĂ©ditions publient des ouvrages qui ont comme dĂ©nominateur commun un lien avec les territoires d’outre-mer français et Ă©trangers, que ce soit au travers des langues locales, de l’origine de leurs auteurs ou des thĂ©matiques et histoires qui se dĂ©roulent dans ces territoires de l’ailleurs. CaraĂŻbĂ©ditions a Ă©tĂ© la premiĂšre maison d’édition Ă  publier des ouvrages mondialement connus traduits en crĂ©ole de Guadeloupe, Martinique, Guyane ou La RĂ©union tels que Le Petit Prince d’Antoine de Saint-ExupĂ©ry, le roman L’Étranger d’Albert Camus, ou encore les BD Tintin de HergĂ©.

Dans ce numĂ©ro d’OUTRE-MER grandeur Nature, notre rĂ©dactrice Lucie Labbouz, qui vit en Guadeloupe, s’est intĂ©ressĂ©e (pages 14 et 15) au lancement du label Ă©cologique de CaraĂŻbĂ©ditions « Livres pour apprendre Ă  protĂ©ger l’outre-mer ». La nouvelle collection « Les petits hĂ©ros de la planĂšte » propose notamment aux plus jeunes lecteurs des albums Ă  tirettes interactifs, qui favorisent, de maniĂšre ludique, une initiation aux questions environnementales.

LANCEMENT DU PROJET MAHEWA, DÉDIÉ AUX CANICULES MARINES

DANS LES OUTRE-MER DU PACIFIQUE

PortĂ© par l’IRD, avec l’appui de l’Ifremer, en partenariat avec le CNRS, l’Institut Louis MalardĂ© (ILM) et MĂ©tĂ©oFrance, le projet MaHeWa (Marine HeatWaves) vise Ă  mieux comprendre les menaces que reprĂ©sentent les canicules marines en Nouvelle-CalĂ©donie, en PolynĂ©sie française et Ă  Wallis-et-Futuna.

Associant l’UniversitĂ© de la Nouvelle-CalĂ©donie, l’Institut agronomique nĂ©o-calĂ©donien (IAC) et l’UniversitĂ© de Bretagne occidentale (UBO), ce nouveau projet a Ă©tĂ© lancĂ© le 27 novembre Ă  la reprĂ©sentation de l’IRD Ă  NoumĂ©a, en prĂ©sence d’experts transdisciplinaires –ocĂ©anographes, biologistes, anthropologues, Ă©conomistes – et de partenaires locaux.

Épisodes de rĂ©chauffement extrĂȘme de l’ocĂ©an, les canicules marines menacent gravement les Ă©cosystĂšmes et les sociĂ©tĂ©s insulaires du Pacifique en provoquant un blanchissement des coraux, une mortalitĂ© massive d’espĂšces marines et la prolifĂ©ration d’algues toxiques. MaHeWa veut renforcer la rĂ©silience de ces territoires face Ă  ces bouleversements climatiques grĂące Ă  des solutions basĂ©es sur des connaissances scientifiques partagĂ©es, en collaboration avec les communautĂ©s locales et les gestionnaires. Ce projet cherche ainsi Ă  mieux comprendre les impacts des canicules marines pour rĂ©pondre et s’adapter aux dĂ©fis qu’elles posent aux Ă©cosystĂšmes et aux communautĂ©s insulaires dĂ©pendantes des ressources maritimes.

+ d’info ici : https://mahewa.fr/

Les Ă©pisodes de tempĂ©ratures ocĂ©aniques extrĂȘmes peuvent avoir des effets dĂ©vastateurs sur les Ă©cosystĂšmes marins. © IRD

Ces derniÚres années, la production de pommes de terre a fortement augmenté à Saint-Pierre-et-Miquelon. © Cacima

SAINT-PIERREET-MIQUELON

UN NOUVEAU PLAN DE DÉVELOPPEMENT AGRICOLE DURABLE

S i le nombre d ’ exploitant S a doublĂ© entre 2019 et 2023, l ’ agriculture S aint - pierrai S e et miquelonnai S e re S te trĂš S entravĂ©e par un manque d ’ accĂš S au foncier , de S norme S non adaptĂ©e S et de S S urcoĂ»t S de production u n nouveau plan de dĂ©veloppement agricole durable 2024-2028 a Ă©tĂ© S ignĂ© en octobre pour rĂ©pondre Ă  ce S problĂ©matique S

Une orientation « plus pragmatique » qui part des « demandes du terrain » pour dĂ©velopper l’agriculture Ă  Saint-Pierre-et-Miquelon. Le 27 octobre, la prĂ©fecture et la CollectivitĂ© territoriale ont signĂ© le prochain Plan de dĂ©veloppement agricole durable (PDAD) de l’archipel.

En vigueur jusqu’en 2028, cette feuille de route de la filiĂšre agricole a pour objectif de renforcer la souverainetĂ© alimentaire du territoire, alors qu’à ce jour la production locale ne couvre que 3 % des besoins. Surtout, ce chiffre faible n’a presque pas bougĂ© ces derniĂšres annĂ©es, malgrĂ© un doublement du nombre d’exploitants – ils sont passĂ©s de quatre Ă  huit –pendant le prĂ©cĂ©dent PDAD (2019-2023). Si la production de pommes de terre, de salade ou d’Ɠufs a sensiblement augmentĂ©, la production de volaille de chair a fortement dĂ©clinĂ© tandis que la filiĂšre ovine a disparu, le seul atelier existant ayant cessĂ© cette activitĂ©.

DES COÛTS DE PRODUCTION TROP ÉLEVÉS

« Le nombre d’installĂ©s reste trop faible, mais ce n’est pas le seul frein », analyse Cassandre Bourgeois, conseillĂšre agricole Ă  la Cacima 1. « Nous pĂątissons d’une double insularitĂ©, la plupart des agriculteurs Ă©tant installĂ©s Ă  Miquelon, alors que le marchĂ© et le port principal se trouvent Ă  Saint-Pierre. Cela rend l’importation des moyens de production comme les poussins ou les semences, trĂšs longue et coĂ»teuse. »

Pour faire baisser ces coĂ»ts de production, plusieurs pistes sont Ă©voquĂ©es dans le PDAD, comme la mise en place d’outils collectifs partagĂ©s entre les diffĂ©rents exploitants ou la crĂ©ation d’un systĂšme de fret pour les produits locaux entre Saint-Pierre et Miquelon.

activitĂ©s : production de fromages et prĂ©parations fromagĂšres, caprins, poulets de chair et accueil Ă  la ferme. Le nouveau PDAD vise Ă  limiter les contraintes qui se posent Ă  la filiĂšre dans son dĂ©veloppement, Ă  travailler sur une Ă©conomie d’échelle et Ă  favoriser le dĂ©veloppement agricole. © Cacima

Mais, une fois que les porteurs de projets motivĂ©s ont Ă©tĂ© identifiĂ©s, encore faut-il avoir des terres oĂč les installer. Or, si une grande partie des terres de la plaine tourbeuse de Miquelon a Ă©tĂ© requalifiĂ©e en foncier agricole – une demande de la profession – celles-ci ne sont pas arables pour autant. Il faut encore restructurer les sols afin de pouvoir y planter une prairie ou des lĂ©gumes, ce qui demande de l’investissement.

« C’est la CollectivitĂ© qui a la propriĂ©tĂ© de l’essentiel du foncier. La rĂ©habilitation en terres agricoles relĂšve donc de sa compĂ©tence. C’est une demande de la filiĂšre et un axe fort du prochain PDAD. Sans cela, on ne pourra pas Ă©tendre les exploitations existantes ni installer de nouvelles personnes », nous confirme Cassandre Bourgeois.

ANTICIPER LE DÉRÈGLEMENT CLIMATIQUE

Sur les dix objectifs que s’est fixĂ© le PDAD, se trouve aussi la prĂ©cision du statut d’agriculteur selon des critĂšres rĂ©pondant aux particularitĂ©s locales. Ce statut, bien qu’existant dans les textes, ne fait pas l’objet de dĂ©cret d’application, ce qui, concrĂštement, freine l’obtention de certaines aides comme des dotations Ă  l’installation ou des subventions spĂ©cifiques aux agriculteurs exerçant Ă  titre d’activitĂ© principale.

Pour assurer son dĂ©veloppement, l’agriculture miquelonnaise doit Ă©galement anticiper les dĂ©fis de demain comme le dĂ©rĂšglement climatique. « Il n’existe pas de systĂšme assurantiel pour les exploitations et les cultures comme dans le reste du pays. Or, nous savons qu’avec le dĂ©rĂšglement climatique, nous serons de plus en plus confrontĂ©s Ă  des vents exceptionnellement violents, tandis que la plaine de Miquelon est de plus en plus exposĂ©e aux inondations », analyse Cassandre Bourgeois.

La concurrence – impossible Ă  tenir – avec le Canada et les importations venues de l’Hexagone font aussi partie des prĂ©occupations, notamment pour la culture de pomme de terre, produit trĂšs consommĂ© pour lequel les Saint-Pierrais et Miquelonais ne font pas vraiment preuve de patriotisme Ă©conomique. Le PDAD prĂ©voit ainsi « d’accompagner la commercialisation des produits locaux », en menant un travail de sensibilisation auprĂšs des habitants.

MalgrĂ© ces difficultĂ©s structurelles, la crise qui secoue l’agriculture hexagonale n’a pas de rĂ©percussions locales, essentiellement en raison des diffĂ©rences de normes et de contexte. « On a des problĂšmes, comme partout, notamment avec la gestion de l’abattoir qui est assez compliquĂ©e », rappelle Cassandre Bourgeois. « Mais le dialogue reste apaisĂ©, facilitĂ© par le fait que ce soit un petit milieu », conclut-elle.

Rédaction : Enzo Dubesset

Exploitation Saveurs FermiÚres située dans la zone du Calvaire à Miquelon et créée en 2022 pour exercer ces
Si la filiĂšre ovine a aujourd’hui disparu de l’archipel, deux Ă©levages caprins perdurent Ă  Miquelon. Historiquement positionnĂ© sur le secteur de la pĂȘche industrielle, le territoire essaie ainsi de s’ouvrir Ă  de nouvelles perspectives de dĂ©veloppement en matiĂšre d’agriculture. © Cacima

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TERRE OUTRE-MER

LES BALEINES À BOSSE, DE SAINT-PIERRE-ET-MIQUELON AUX ANTILLES

JoĂ«l Detcheverry, dit Coco, a tout de suite reconnu le mammifĂšre marin qu’il vient de photographier. Ce passionnĂ© de la mer fait de la photo-identification pour mieux connaĂźtre les baleines de Saint-Pierre-etMiquelon et, en particulier, les baleines Ă  bosse.

– Il faut savoir que chaque queue de baleine est unique, c’est comme les empreintes digitales. Quand tu vois une queue noire avec telle tache, 10 ans aprĂšs, tu vas retrouver la mĂȘme tache au mĂȘme endroit. Le but, c’est de prendre en photo la nageoire caudale des baleines. Et ensuite, Ă  travers nos bases de donnĂ©es, on compare les photos avec celles qu’on a dĂ©jĂ  prises ici. On en a Ă  peu prĂšs 1500, je crois, donc on voit celles qui reviennent rĂ©guliĂšrement. On fait du matching d’images. La photo-identification est pratiquĂ©e sur la route de migration des baleines, depuis les Ăźles au large du Canada, puis aux ÉtatsUnis et dans les Antilles Ă©galement. Tiens, il y en a une autre lĂ -bas, juste un peu plus loin, qui souffle. On va aller la prendre en photo.

En croisant leurs clichĂ©s, les photographes cherchent Ă  identifier un mĂȘme spĂ©cimen Ă  deux endroits diffĂ©rents. Cette mĂ©thode permet de mieux connaĂźtre les dĂ©placements des baleines Ă  bosse. Lyne Morissette, biologiste marine, professeure Ă  l’Institut des sciences de la mer de Rimouski, au Canada :

– Les baleines Ă  bosse qui sont dans le Saint-Laurent, au QuĂ©bec, par exemple Ă  Tadoussac pendant l’étĂ©, elles vont passer par Saint-Pierre, puis par la cĂŽte

est des États-Unis et elles vont aller dans la CaraĂŻbe : Guadeloupe, Martinique, RĂ©publique dominicaine... La baleine Ă  bosse est, parmi les baleines, probablement celle qui a le comportement le plus exubĂ©rant. Elle est facile Ă  voir. Quiconque a eu la chance de voir une baleine Ă  bosse une fois dans sa vie va s’en souvenir pour le restant de ses jours. Donc si on veut avoir la prĂ©tention de faire une diffĂ©rence pour cette espĂšce-lĂ , et bien, il faut travailler ensemble.

Travailler pour que les migrations des baleines soient plus sĂ»res, c’est aussi le souhait de Roger Etcheberry, Ă©cologue basĂ© Ă  Saint-Pierre-et-Miquelon.

– Les baleines Ă  bosse, dans le sud, ne mangent pratiquement pas pendant plusieurs mois. Elles sont occupĂ©es Ă  s’accoupler, Ă  mettre bas, etc. Comme ce sont des mammifĂšres, elles allaitent les jeunes. Elles ont encore assez d’énergie pour remonter vers nos eaux pour se nourrir. Quand elles remontent par ici, ce sont des machines Ă  manger ! LĂ , elles ont besoin de se refaire de la graisse pour passer l’hiver suivant. Par contre, le plus gros problĂšme, je crois, est celui des collisions. Des baleines sont massacrĂ©es : traces d’hĂ©lices sur le dos, la moitiĂ© de la queue coupĂ©e...

Collisions avec les bateaux, pollution, empĂȘtrement dans les engins de pĂȘche : les menaces qui pĂšsent sur les cĂ©tacĂ©s s’avĂšrent nombreuses, d’oĂč l’intĂ©rĂȘt d’établir des aires marines protĂ©gĂ©es dĂ©diĂ©es Ă  la prĂ©servation des mammifĂšres marins. Aux Antilles, le sanctuaire Agoa est un dĂ©but de rĂ©ponse.

Visuel
: © Valentine Dubois

SAINTBARTHÉLEMY

LA MYGALE DE L’ÎLE PORTE ENFIN UN NOM !

bien connue deS habitantS de Saint-barth, cette mygale prĂ© S ente S ur la petite Ăźle antillai S e de 21 km 2 po SS Ă©dait ju S que - lĂ  un S tatut incertain depuiS novembre 2024, une publication Scientifique lui attribue un nom : la mygale du banc d ’anguilla.

Une publication scientifique corĂ©digĂ©e notamment par l’Association de recherche en arachnologie et l’Agence territoriale de l’environnement (ATE), vient de confirmer et rĂ©tablir le nom d’origine de cette araignĂ©e, attribuĂ© en 1894, mais qui avait entre-temps Ă©tĂ© rĂ©trogradĂ© comme synonyme d’une autre espĂšce frĂ©quentant l’üle d’Antigua.

UNE MYGALE RÉPUTÉE SANS DANGER POUR L’HOMME

Cette araignĂ©e, dont le corps atteint 5 centimĂštres de long, n’est pas agressive et son venin n’est pas considĂ©rĂ© comme dangereux pour l’homme. « Si vous en croisez une chez vous, ne la tuez pas et remettez-lĂ  dans la nature », tel est le message que vĂ©hicule l’ATE de Saint-BarthĂ©lemy pour inciter Ă  protĂ©ger l’espĂšce. RĂ©daction : StĂ©phanie Castre

La mygale du Banc d’Anguilla (Cyrtopholis antillana) est prĂ©sente uniquement sur les Ăźles de Saint-BarthĂ©lemy, Saint Martin et Anguilla.

(Urva auropunctata) s’introduisant dans un nid de ponte de tortue imbriquĂ©e Ă  Saint-Martin. ©

SAINT-MARTIN ILLUSTRATION

DE L’IMPACT D’UNE

ESPÈCE NON-NATIVE SUR LA FAUNE MENACÉE

n on naturellement prĂ© S ente S S ur l ’ Ăźle , la faune et la flore exotique S peuvent gĂ©nĂ©rer de S con S Ă©quence S dommageable S pour le S Ă©co S yS tĂšme S du territoire , en mettant notamment en pĂ©ril de S e S pĂšce S indigĂšne S dĂ©jĂ  en danger d ’ extinction . c ette petite mangou S te indienne photographiĂ©e S ur un nid de ponte de tortue imbriquĂ©e e S t un exemple de ce phĂ©nomĂšne

Si de nombreuses espĂšces endĂ©miques des CaraĂŻbes subissent aujourd’hui les impacts d’espĂšces exotiques envahissantes (EEE), « pour d’autres, plus largement prĂ©sentes dans le monde, mais Ă  statut de conservation prĂ©occupant, c’est une phase clĂ© de leur cycle de vie qui peut ĂȘtre menacĂ©e par la prĂ©sence d’une EEE ou la divagation d’espĂšces domestiques en milieu naturel », relate la RĂ©serve naturelle nationale de Saint-Martin. Tel est le cas de la tortue imbriquĂ©e, classĂ©e par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) parmi les reptiles en danger critique d’extinction dans le monde, et dont les plages de Saint-Martin hĂ©bergent des sites de ponte. À titre d’exemple, « cette problĂ©matique rĂ©currente et parmi les premiĂšres causes mondiales d’érosion de la biodiversitĂ© insulaire est ici illustrĂ©e par la prĂ©sence d’une

mangouste indienne, venue tenter de consommer quelques Ɠufs de cette tortue imbriquĂ©e encore en action de ponte sur notre littoral », poursuit la RĂ©serve.

IRONIE DE L’HISTOIRE...

À la fin du XIXe siĂšcle, la petite mangouste indienne avait Ă©tĂ© introduite par l’homme Ă  Saint-Martin et dans les « Ăźles Ă  sucre » des Antilles pour lutter contre un invasif ravageur des plantations : le rat noir (Rattus rattus). Or, ce mammifĂšre carnivore opportuniste s’attaquant aux reptiles, oiseaux, amphibiens... fait lui-mĂȘme partie des espĂšces animales les plus envahissantes du globe.

Rédaction : Stéphanie Castre

Petite mangouste indienne
RNNSM
La tortue imbriquĂ©e (Eretmochelysimbricata) subit les attaques de la petite mangouste indienne, qui dĂ©vore ses Ɠufs. © RNN de Saint-Martin

L’IFRECOR DÉVELOPPE LA CARTOGRAPHIE

AU SERVICE DES GESTIONNAIRES DE MILIEUX MARINS

l ’ i nitiative françai S e pour le S rĂ©cif S corallien S ( ifrecor ) S ’ e S t fixĂ© pour objectif de crĂ©er de S guide S mĂ©thodologique S de cartographie S thĂ©matique S – habitat S , u S age S , pre SS ion S –S ur le S milieux rĂ©cifaux , Ă  l ’ intention de S ge S tionnaire S dan S le S territoire S ultramarin S

Dans le cadre de son 5e programme national 20222026, l’IFRECOR articule ses actions autour de quatre grands axes stratĂ©giques. Parmi eux, l’axe « connaĂźtre et comprendre pour mieux gĂ©rer » inclut le thĂšme « classification et cartographie des habitats rĂ©cifaux ». Il s’agit notamment de proposer aux gestionnaires et aux services de l’État des outils d’aide Ă  la dĂ©cision, parmi lesquels les cartes thĂ©matiques, qui reprĂ©sentent des types prĂ©cis de donnĂ©es.

SIMPLIFIER LA COMPLEXITÉ DES MILIEUX

L’intĂ©rĂȘt premier d’une carte est de reprĂ©senter schĂ©matiquement, et en miniature, toute la complexitĂ© d’un territoire, pour faciliter sa comprĂ©hension et les prises de dĂ©cisions. Les cartes d’habitat ou d’état de santĂ© du milieu marin aident Ă  caractĂ©riser l’écosystĂšme Ă©tudiĂ© et, croisĂ©es avec des cartes des pressions et d’usages, Ă  quantifier les impacts potentiels des activitĂ©s humaines et les conflits d’usages s’y exerçant.

AmĂ©liorer, mobiliser et valoriser les connaissances sur la biodiversitĂ© est l’un des objectifs de PatriNat, centre national d’expertise et de donnĂ©es sur le patrimoine naturel. Depuis 2020, une nouvelle dynamique a Ă©tĂ© amorcĂ©e autour des typologies d’habitats marins dans les territoires d’outre-mer français. Elle provient d’une volontĂ© d’amĂ©liorer les connaissances sur la biodiversitĂ© et notamment sur les habitats, Ă  l’instar de ce qui a pu ĂȘtre rĂ©alisĂ© pour l’Hexagone. De ce fait, l’IFRECOR Ɠuvre depuis plusieurs annĂ©es Ă  la construction de typologies d’habitats marins et Ă  la rĂ©alisation de cartes reprĂ©sentant ces habitats. Par exemple, la carte des habitats marins cĂŽtiers de Martinique (0 Ă  -40 mĂštres) a Ă©tĂ© publiĂ©e en 2024, de mĂȘme que la carte de l’ensemble des habitats marins cĂŽtiers – rĂ©cifaux ou non – de La RĂ©union.

Le but recherchĂ© est de poursuivre l’élaboration de cartes d’habitats pour les collectivitĂ©s d’outre-mer ne disposant pas de carte rĂ©cente.

DES CARTES NORMALISÉES ET PARTAGÉES

La premiĂšre phase de ce travail a consistĂ© Ă  publier un guide afin de proposer une mĂ©thode de production cartographique permettant aux acteurs des territoires de disposer d’outils communs et de cartes normalisĂ©es. S’il existe en effet de nombreuses maniĂšres de figurer spatialement un milieu naturel, notamment avec l’arrivĂ©e de l’intelligence artificielle, il est nĂ©cessaire de disposer d’une mĂ©thodologie robuste, Ă©prouvĂ©e, et surtout partagĂ©e Ă  l’échelle d’un territoire – et plus largement au niveau mondial – pour servir de support aux Ă©changes entre les diffĂ©rents acteurs.

Les travaux de l’IFRECOR portent aujourd’hui sur le stockage des cartes au format SIG pour qu’elles puissent ĂȘtre partagĂ©es et rĂ©utilisĂ©es librement dans les territoires ultramarins, grĂące au portail Sextrant 1 GĂ©rĂ©e par l’Ifremer, Sextant est une Infrastructure de donnĂ©es gĂ©ographiques (IDG) marines et littorales conçu pour « documenter, diffuser et promouvoir un catalogue de donnĂ©es relevant du milieu marin ».

INTERVIEW CROISÉE

JEAN-BENOÎT NICET, EXPERT EN ENVIRONNEMENT MARIN, COFONDATEUR DU GIE MAREX, ET SÉBASTIEN GRÉAUX, DIRECTEUR DE L’AGENCE TERRITORIALE DE L’ENVIRONNEMENT (ATE) DE SAINT-BARTHÉLEMY

‱ La cartographie est-elle un outil efficace pour protĂ©ger nos territoires ?

Jean-BenoĂźt Nicet - Je dirais mĂȘme que c’est un outil indispensable ! On observe, en outre-mer, de plus en plus d’interactions en milieu marin. Il me semble difficile de se passer de cartes qui reprĂ©sentent les habitats, les usages – que sont la pĂȘche, les loisirs ou le commerce – mais aussi les pressions issues des bassins versants, car c’est en croisant toutes ces informations que les dĂ©cideurs pourront prendre les meilleures dĂ©cisions possibles pour leurs territoires.

SĂ©bastien GrĂ©aux - De notre point de vue de gestionnaire de la RĂ©serve naturelle de Saint-BarthĂ©lemy, nous avons besoin de l’outil cartographique dans notre travail au quotidien. Nous nous en servons par exemple pour suivre la progression de certaines espĂšces exotiques envahissantes, comme Halophila stipulacea, en concurrence avec nos herbiers natifs. GrĂące aux cartes, nous pouvons aussi dĂ©terminer les zones Ă  plus forts enjeux et imaginer des rĂ©glementations particuliĂšres pour y garantir une protection spĂ©cifique.

‱ Les cartes peuvent-elles prendre en compte les impacts du changement climatique ?

Jean-BenoĂźt Nicet - Au-delĂ  de la cartographie des habitats marins, l’IFRECOR va concevoir en 2025 un guide mĂ©thodologique qui facilitera la production de cartes dans le cadre d’études d’impact, pour de futurs projets d’amĂ©nagement en particulier.

Ces cartes croiseront plusieurs donnĂ©es : l’intensitĂ© de la pression sur le milieu marin et son Ă©tendue spatiale, les enjeux propres Ă  l’écosystĂšme tels que la sensibilitĂ© de l’habitat... L’impact du changement climatique pourrait ĂȘtre reprĂ©sentĂ© sur ces cartes et servir Ă  anticiper ses effets potentiels sur les territoires.

SĂ©bastien GrĂ©aux - Pour vous donner un exemple, aprĂšs le passage du cyclone Irma en 2017, nous avons dĂ» dĂ©sensabler en urgence le port afin de permettre aux secours d’arriver. La CollectivitĂ© de Saint-BarthĂ©lemy nous a sollicitĂ©s pour dĂ©finir une zone oĂč reverser le sable pompĂ©. GrĂące Ă  la cartographie des habitats, nous avons pu rapidement dĂ©terminer l’endroit oĂč l’impact serait moindre pour le milieu marin. Les cartes ont vraiment Ă©tĂ© un outil crucial Ă  la suite de cet Ă©vĂ©nement climatique.

+ d’info ici : Guide pour les gestionnaires

Ci-dessus : aperçu de la carte des habitats de Saint-Barthélemy (EDS 2020) montrant les zones sédimentaires, mangroves, herbiers, etc.

CONCLUSIONS DE LA RÉUNION DU COMITÉ NATIONAL DE L’IFRECOR

La 16 e rĂ©union du comitĂ© national de l’IFRECOR, qui Ă©labore notamment le programme d’actions national et en assure le suivi, s’est tenue du 19 au 21 novembre 2024 au ministĂšre des Outre-mer, Ă  Paris. Ce comitĂ© a Ă©tĂ© l’occasion de faire un point d’étape Ă  mi-parcours sur le 5 e programme national et de valider le premier bureau de l’IFRECOR composĂ© de reprĂ©sentants de Nouvelle-CalĂ©donie, de PolynĂ©sie française et de Saint-BarthĂ©lemy.

Rédaction et interview
:
Lucie Labbouz

MARTINIQUE

CARAÏBÉDITIONS, ÉDITEUR ULTRAMARIN ENGAGÉ POUR

L’ENVIRONNEMENT

Ci-dessus : extrait de l’album Ti Racoun et les sargasses. CaraĂŻbĂ©ditions couvre la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane et La RĂ©union.

c araĂŻbĂ©dition S , mai S on d ’ Ă©dition fondĂ©e aux a ntille S , publie depui S prĂš S de 20 an S de S ouvrage S en lien avec leS territoireS ultramarinS. conSciente de la nĂ©ceSSitĂ© de protĂ©ger leur biodiverSitĂ©, elle a créé le label lapom, « livreS pour apprendre Ă  protĂ©ger l ’outre-mer ».

UNE DÉMARCHE ENGAGÉE DEPUIS

LA CONCEPTION


S’il existait des brochures, livrets documentaires ou autres mallettes et outils pĂ©dagogiques traitant de sujets environnementaux locaux, il n’y avait pas, aux Antilles-Guyane, de collection Ă©ditoriale dĂ©diĂ©e proposant des albums, romans ou essais qui associent la lecture Ă  la sensibilisation Ă  l’environnement. Soucieux de participer Ă  l’éducation au dĂ©veloppement durable par la lecture, CaraĂŻbĂ©ditions a souhaitĂ© proposer aux enfants ultramarins des livres qui leur ressemblent, afin de mieux les sensibiliser Ă  la protection des milieux naturels.

C’est dans cet esprit que le label LAPOM, « Livres pour Apprendre Ă  ProtĂ©ger l’Outre-Mer », est nĂ© : quand le thĂšme d’un ouvrage – album, roman, piĂšce de théùtre... – de littĂ©rature jeunesse ou adulte entrera en rĂ©sonance avec l’écologie, le logo du label sera apposĂ© sur sa couverture, pour signifier au lecteur qu’une attention particuliĂšre est portĂ©e Ă  la question de l’environnement.


 JUSQU’AU PROCESSUS DE FABRICATION DES OUVRAGES

En cohĂ©rence avec ce nouveau label, la production des ouvrages de CaraĂŻbĂ©ditions se veut respectueuse de l’environnement. Ainsi, l’imprimeur liĂ© Ă  la maison d’édition plante un arbre pour chaque titre imprimĂ©

et dispose d’une certification garantissant que les livres sont fabriquĂ©s avec des encres Ă©cologiques sur des papiers recyclĂ©s ou issus de forĂȘts gĂ©rĂ©es durablement.

Le label LAPOM reprĂ©sentera ainsi un repĂšre dans le monde de l’édition ultramarine pour identifier les livres Ă©voquant la protection de la planĂšte en outremer, issus d’une production Ă©coresponsable.

LE MOT DE FLORENT CHARBONNIER, CRÉATEUR ET DIRECTEUR DE CARAÏBÉDITIONS

« Puisque nous pensons que tout le monde est concernĂ© et que c’est par les enfants que le monde de demain sera prĂ©servĂ©, nous avons dĂ©cidĂ© de publier des ouvrages jeunesse traitant d’écologie.

Loin de tout alarmisme et de toute leçon de morale, nous pensons que chacun peut ĂȘtre acteur, que chaque petite main peut faire quelque chose, et il faut pour cela commencer par connaĂźtre, savoir, comprendre. C’est notre part du colibri que d’instruire, en espĂ©rant que chaque ouvrage, Ă  son tour, motivera des colibris et, qu’au bout du compte, on se rapprochera de la part du pĂ©lican ! »

+ d’info ici : https://www.caraibeditions.fr/

INTERVIEW

JADE AMORY, ILLUSTRATRICE

DES OUVRAGES DE LA COLLECTION

« LES PETITS HÉROS DE LA PLANÈTE », PUBLIÉS CHEZ CARAÏBÉDITIONS

‱ Quelle est cette nouvelle collection ?

- Il s’agit de livres pour tout-petits, oĂč les enfants participent Ă  la lecture avec les parents. À chaque page, ils ont une action Ă  faire qui impacte l’image, l’histoire et l’environnement de maniĂšre plus large. L’histoire reste avant tout l’épopĂ©e d’un hĂ©ros ou d’une hĂ©roĂŻne qui part Ă  l’aventure en mer, en forĂȘt, dans la mangrove, mais ces petits livres Ă  tirettes permettent Ă©galement de sensibiliser les plus petits et de leur montrer qu’ils peuvent avoir un impact positif sur la planĂšte, dĂšs le plus jeune Ăąge.

‱ Pour vous, la littĂ©rature peut-elle effectivement « Apprendre Ă  ProtĂ©ger » ?

- Bien sĂ»r ! La lecture peut ĂȘtre un vĂ©ritable vecteur de changement, surtout auprĂšs du trĂšs jeune public. Les livres Ă©ditĂ©s sous le label LAPOM informent sur l’environnement, de maniĂšre ludique, avant mĂȘme que l’enfant ne se questionne. En grandissant, il aura dĂ©jĂ  en lui des valeurs environnementales fortes et pourra porter les actions nĂ©cessaires pour protĂ©ger la nature. Je pense que, par les gestes du quotidien, chacun peut agir dans la bonne direction. Cela aura un vrai impact si tout le monde s’engage. Pour moi, lire des ouvrages qui parlent de protection de l’environnement aux plus petits fait pleinement partie de ces Ă©cogestes !

Rédaction et interview : Lucie Labbouz
En haut : la collection « NoĂ©mie » prĂ©sente de courtes histoires locales pour s’immerger dans les trĂ©sors naturels des Antilles françaises.
| Ci-dessus : aperçu d’une double page de l’album Embarque avec Aaron, Ă©crit par Delphine-Laure Thiriet et illustrĂ© par Jade Amory.
En haut : aperçu du livre Ti Racoun et les Sargasses. | Ci-dessus : la piĂšce Sous les plastiques, la mer de notre rĂ©dactrice Lucie Labbouz, « a vocation Ă  ĂȘtre jouĂ©e par une quinzaine de jeunes, une façon de les amener Ă  s’engager pour protĂ©ger encore mieux le milieu marin ».

RÉTABLIR LE BON ÉTAT DES EAUX

EN MARTINIQUE : COMBIEN ÇA COÛTE ?

e n m artinique , on e S time aujourd ’ hui qu ’ environ deux tier S de S riviùre S et de S eaux

littorale S S urveillĂ©e S par l ’ o ffice de l ’ e au ( ode ) ne S ont pa S en bon Ă©tat Ă©cologique . q uel coĂ»t reprĂ© S enterait la re S tauration d ’ un Ă©tat de S eaux S ati S fai S ant S ur l ’ Ăźle ?

COCONSTRUIRE LA POLITIQUE DE L’EAU AVEC TOUS LES ACTEURS

Le bon Ă©tat des masses d’eau est un objectif gĂ©nĂ©ral, fixĂ© par la directive-cadre sur l’eau (DCE), qui harmonise la rĂ©glementation europĂ©enne en matiĂšre de gestion de l’eau. La DCE impose une gestion de la ressource par bassin hydrographique, avec des cycles de planification de six ans.

En France, le SchĂ©ma Directeur d’AmĂ©nagement et de Gestion des Eaux (SDAGE) est le document permettant cette gestion Ă  l’échelle du territoire. Le 3e cycle de planification du SDAGE (2022-2027) arrivant actuellement Ă  mi-parcours, un diagnostic environnemental et Ă©conomique – appelĂ© Ă©tat des lieux –doit ĂȘtre rĂ©alisĂ©. Il s’agit d’évaluer l’état des riviĂšres, des eaux souterraines et littorales, mais Ă©galement d’inventorier les usages de l’eau, les pressions et l’impact sur les milieux aquatiques.

Cette politique est Ă©laborĂ©e collĂ©gialement avec les gestionnaires, les professionnels, les Ă©lus et les usagers. L’ODE Martinique rĂ©unit ainsi les acteurs de l’eau lors de sĂ©minaires de coconstruction du SDAGE.

MOBILISER L’EXPERTISE LOCALE

PAR DES ATELIERS PARTICIPATIFS

Le sĂ©minaire organisĂ© le 14 novembre 2024 a rĂ©uni une soixantaine d’experts locaux sur ce thĂšme : Ă©valuer le coĂ»t engagĂ© pour remettre en bon Ă©tat les milieux aquatiques. Il s’agissait de chiffrer les actions amĂ©liorant directement ou indirectement l’état des masses d’eau.

En introduction des Ă©changes, la rencontre a dĂ©butĂ© par une prĂ©sentation de l’état qualitatif des eaux en Martinique, le bilan financier des actions identifiĂ©es attenantes au SDAGE, ainsi que par la caractĂ©risation des pressions et des usages anthropiques de la ressource en eau. Un format d’atelier expĂ©rimental, initiĂ© par l’Institut des Ressources Environnementales et du DĂ©veloppement Durable (IREEDD), bureau d’études d’analyse Ă©conomique spĂ©cialiste de l’eau, a Ă©tĂ© privilĂ©giĂ© pour mobiliser activement les acteurs.

Au cours de trois ateliers thĂ©matiques, les participants ont partagĂ© leur expertise technique et Ă©conomique pour un objectif commun : cibler et chiffrer les actions de l’amĂ©lioration de l’état des eaux.

Cette carte de 2024 ne montre aucune masse d’eau cours d’eau (MECE) en trĂšs bon Ă©tat, 15 % sont en bon Ă©tat, 40 % en Ă©tat moyen, 25 % en Ă©tat mĂ©diocre et 10 % en mauvais Ă©tat.

MAIS AU FAIT, COMMENT

DÉFINIT-ON UNE MASSE D’EAU ?

Portion de cours d’eau, canal, aquifĂšre, plan d’eau ou zone cĂŽtiĂšre homogĂšne, la masse d’eau, artificielle ou non, est le dĂ©coupage Ă©lĂ©mentaire des milieux aquatiques destinĂ© Ă  reprĂ©senter l’unitĂ© d’évaluation de la directive-cadre sur l’eau.

CETTE DÉMARCHE AMBITIEUSE ET INTERACTIVE A ÉTÉ FRUCTUEUSE. UN RICHE MOMENT D’ÉCHANGES ENTRE ACTEURS DE L’EAU, À RENOUVELER !

+ d’info ici : Retour sur les ateliers du sĂ©minaire

Rédaction : Mathilde
Edmond-Mariette
Minoton /
ODE
Martinique

LES PREMIÈRES ASSISES DE L’EAU

ET DE L’ASSAINISSEMENT ORGANISÉES EN OUTRE-MER

l ’ Ă©vĂ©nement a eu lieu Ă  S choelcher en m artinique , du 26 au 28 novembre 2024. i n S crit danS le cadre du plan eau dom 1 , il a eu vocation Ă  aborder leS dĂ©fiS SpĂ©cifiqueS rencontrĂ©S au S ein de S territoire S ultramarin S , en matiĂšre de ge S tion de l ’ eau et de l ’ a SS aini SS ement .

UN RENDEZ-VOUS SPÉCIALEMENT

DÉDIÉ AUX OUTRE-MER

Durant trois jours rythmĂ©s par des tables rondes, confĂ©rences, ateliers thĂ©matiques et visites de terrain, ces assises accueillies au Palais des CongrĂšs de Madiana ont rĂ©uni les acteurs ultramarins de la gestion de l’eau et de l’assainissement dans un contexte de changement climatique d’autant plus marquant pour les outre-mer, notamment du fait de leur caractĂšre principalement insulaire.

Cet Ă©vĂ©nement, qui a rencontrĂ© un vif succĂšs, dĂ©coule du Plan eau DOM, initiative phare pour amĂ©liorer durablement la gestion des services publics d’eau potable et d’assainissement en Martinique, en Guadeloupe, Ă  Saint-Martin, en Guyane, Ă  La RĂ©union, Ă  Mayotte et, depuis 2024, Ă  Saint-Pierre-et-Miquelon.

UN PLAN EAU DOM POUR AMÉLIORER LE SERVICE RENDU AUX USAGERS

Dans les territoires d’outre-mer, les services publics d’eau potable et d’assainissement sont confrontĂ©s Ă  des difficultĂ©s spĂ©cifiques qui constituent des freins au dĂ©veloppement social, Ă©conomique et sanitaire et Ă  la prĂ©servation de la biodiversitĂ©.

Si les plans d’urgence menĂ©s par le Gouvernement peuvent rĂ©pondre aux situations de crise causĂ©es par des Ă©vĂ©nements climatiques extrĂȘmes, le Plan eau DOM, lancĂ© en 2016 pour une pĂ©riode de 10 ans, accompagne les acteurs de l’eau sur le long terme dans leur intervention indispensable. Cet accompagnement se traduit notamment par un soutien aux collectivitĂ©s d’outre-mer en matiĂšre de renforcement de leurs capacitĂ©s techniques et financiĂšres.

+ d’info ici : Les assises de l’eau et de l’assainissement en outre-mer

INTERVIEW

INTERMINISTÉRIEL DU PLAN EAU DOM AU MINISTÈRE DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE, DE LA BIODIVERSITÉ, DE LA FORÊT, DE LA MER

ET DE LA PÊCHE

‱ En quoi cet Ă©vĂ©nement organisĂ© en Martinique a-t-il eu un aspect inĂ©dit ?

- Tout d’abord, c’est la premiĂšre fois qu’une telle rencontre traitant de l’eau et de l’assainissement a lieu en outre-mer et qu’elle rĂ©unit des participants d’origines diffĂ©rentes : Ă©lus, experts, Offices de l’eau, État et ses opĂ©rateurs, universitaires, associations


C’est tout l’écosystĂšme d’acteurs de l’eau dans les outre-mer, dont nous avons besoin pour mettre en place une politique publique de l’eau fonctionnelle, qui s’est mobilisĂ© pour ces Assises !

Cela est une grande satisfaction d’avoir pu croiser ces regards divers, et d’avoir ainsi permis une transversalitĂ© entre les acteurs de l’eau et les territoires.

‱ Quelles perspectives d’avenir ces assises ontelles ouvertes en outre-mer ?

- De nombreuses idĂ©es ont Ă©mergĂ© des dĂ©bats et des tables rondes, et nous sommes en train de prĂ©parer un recueil de propositions issues de ces Assises. Ce recueil sera partagĂ©, puis intĂ©grĂ© Ă  la feuille de route du Plan eau DOM. Il guidera les actions Ă  venir pour les prochaines annĂ©es. Nous allons ainsi travailler sur des thĂ©matiques particuliĂšres, telles que l’ancrage des compĂ©tences dans les territoires ou le partage des retours d’expĂ©riences positives.

En abordant ces sujets plus vastes que la question des infrastructures et en intĂ©grant tous les enjeux liĂ©s Ă  l’eau, nous souhaitons insuffler le changement de paradigme indispensable Ă  la mise en Ɠuvre d’une vraie politique publique de l’eau au service des citoyens et respectueuse de l’environnement.

La station d’épuration Leblond Ă  Cayenne, premiĂšre de ce type en Guyane, est une station dite biologique
boues

TERRA-KERA

GUADELOUPE

1 , UNE PASSION POUR LA BIODIVERSITÉ DE L’ARCHIPEL

Rédaction et interview : Lucie Labbouz

a moureux de la g uadeloupe et de S a biodiver S itĂ© exceptionnelle , m ike h Ă©lion e S t un botani S te pa SS ionnĂ© qui intervient dan S de nombreux domaine S liĂ© S Ă  la flore : inventaire S ou S uivi S botanique S , Ă©tude S d ’ impact , formation de S profe SS ionnel S , S en S ibili S ation et S ortie S grand public 
 r encontre avec un amoureux de la flore guadeloupĂ©enne .

INTERVIEW

‱ Comment en ĂȘtes-vous arrivĂ© Ă  crĂ©er Terra-Kera, entreprise qui vous permet d’ĂȘtre Ă©cologue gĂ©nĂ©raliste indĂ©pendant en Guadeloupe ?

- J’ai su trĂšs tĂŽt, au collĂšge, lors de mes premiers cours de SVT, que je me consacrerais plus tard Ă  l’étude ou Ă  la protection de la nature. J’ai rĂ©alisĂ© mon stage de master (BiodiversitĂ© vĂ©gĂ©tale et Gestion des Ă©cosystĂšmes tropicaux) ici, en Guadeloupe, oĂč j’ai eu l’occasion d’étudier le cactus tĂȘte Ă  l’Anglais (Melocactus intortus). Ce fut mon premier contact (piquant) avec la flore de l’archipel. J’ai continuĂ© Ă  me passionner pour les plantes sur mon temps libre, en parallĂšle d’un travail sur les milieux marins.

Puis, j’ai finalement rĂ©alisĂ© que je ce que je voulais, c’était travailler Ă  l’étude et Ă  la prĂ©servation des plantes guadeloupĂ©ennes. C’est ainsi que Terra-Kera 1 a vu le jour dĂ©but 2021 ! Je m’embarquais alors pour une aventure de plus de 3 000 espĂšces Ă  chercher, reconnaĂźtre, photographier, comprendre


En haut : « À l’inverse des gros plans, une vue d’ensemble permet aussi de capter toute la beautĂ© d’un milieu ! Ici, les crĂȘtes de la BasseTerre vues depuis la SoufriĂšre par un matin dĂ©gagĂ©. » © Mike HĂ©lion / TK | 1 Karukera : nom de la Guadeloupe donnĂ© par les Kalinagos.

En partenariat avec le PĂŽle-relais zones humides tropicales (PRZHT), dĂ©couverte de la flore de l’aire marine

François, Ă  Baillif. | Terra-Kera approvisionne en graines d’espĂšces indigĂšnes deux pĂ©piniĂšres de Baie-Mahault. | Un inventaire de la flore vasculaire est en cours jusqu’en mai 2025 dans la RĂ©serve naturelle nationale de la DĂ©sirade. | Cactus tĂȘte Ă  l’Anglais aux Saintes.

‱ Parmis vos diffĂ©rents projets en Guadeloupe, pouvez-vous nous en prĂ©senter certains que vous avez particuliĂšrement apprĂ©ciĂ©s ?

- Ce que je fais est trĂšs large, mais toujours dans le domaine des plantes. Je peux ĂȘtre appelĂ© pour rĂ©aliser des inventaires naturalistes purs en un milieu naturel, comme ĂȘtre amenĂ© Ă  faire des Ă©tudes d’impact pour de futurs projets d’amĂ©nagement, afin de minimiser les consĂ©quences de ces projets sur les milieux.

En 2023, j’ai Ă©galement menĂ© des actions de formation auprĂšs d’agents du Parc national de la Guadeloupe, pour leur apporter une connaissance gĂ©nĂ©rale en matiĂšre de botanique.

Ce que j’aime aussi beaucoup, c’est la sensibilisation auprĂšs du grand public. J’ai eu l’occasion d’organiser des visites autour de la biodiversitĂ© ordinaire, dans le cadre des Atlas de la biodiversitĂ© communale (ABC) de diffĂ©rentes municipalitĂ©s. Et j’organise Ă  mon compte des visites en milieu naturel le weekend. Ce sont toujours des moments d’échange trĂšs riches, notamment quand des GuadeloupĂ©ens participent Ă  ces sorties nature, et qu’ils m’apprennent des noms de plantes en crĂ©ole ou des usages que je ne connaissais pas. Les balades durent deux Ă  trois heures, mais je pourrais parler de plantes pendant des jours sans m’arrĂȘter !

« AU TRAVERS DE MON TRAVAIL, JE FAIS DE MON MIEUX POUR PRÉSERVER CE PETIT COIN DE PARADIS ET LUI RENDRE TOUT CE QU’IL M’OFFRE »

‱ Comment avez-vous rĂ©ussi Ă  dĂ©velopper votre entreprise dans le domaine de l’environnement ?

- Mes trois premiĂšres annĂ©es n’ont pas toujours Ă©tĂ© Ă©videntes, comme pour toute entreprise, mais j’ai aujourd’hui un agenda 2025 dĂ©jĂ  quasiment rempli ! Il faut dire que la biodiversitĂ© de Guadeloupe est exceptionnelle, pour un « si petit » territoire. Une consĂ©quence de cette richesse est qu’il y a encore beaucoup Ă  faire dans le domaine environnemental. Des taxons comme les champignons, les lichens ou certains groupes d’insectes sont Ă  Ă©tudier. Et les interactions entre les plantes et les autres ĂȘtres vivants restent Ă  comprendre pour la plupart. Il y a donc encore beaucoup Ă  faire, tout en poursuivant les actions de prĂ©servation, de restauration et de sensibilisation. L’enjeu est que nous puissions continuer Ă  profiter de cette nature luxuriante et Ă  nous Ă©merveiller de la chance que nous avons, en Guadeloupe, de vivre chaque jour au contact de cette biodiversitĂ© !

+ d’info ici : https://terrakera.tk/

éducative (AME) de Gros-
Photographies
Hélion
L’iguane des Petites-Antilles (Iguana delicatissima) est en danger critique d’extinction. | Miconia angustifolia appartient aux spermatocytes –ou plantes Ă  graines – groupe reprĂ©sentĂ© par environ 2 500 espĂšces en Guadeloupe. Les reconnaĂźtre constitue la base du travail de Mike HĂ©lion.
Photographies
L’algue bulle dĂ©polie (Dyctosphaeria cavernosa), une espĂšce envahissante. |Libellule mĂąle d’altitude (Rhionaeshna psilus). | En Guadeloupe, les fougĂšres sont prĂ©sentes des falaises sĂšches en bord de mer (comme ici, Pityrogramma chrysophylla) jusqu’au sommet de la SoufriĂšre.

INTERCO’ OUTRE-MER, PARTENAIRE DE L’ANEL, DONT LE 43E CONGRÈS A PORTÉ SUR LES OUTRE-MER

du 2 au 6 dĂ©cembre, la guadeloupe accueillait la 43e Ă©dition du congrĂšS annuel de l ’anel, qui a miS en lumiĂšre leS dĂ©fiS SpĂ©cifiqueS aux outre-mer : prĂ©Servation de la biodiverSitĂ©, impactS du changement climatique S ur le S littoraux , dĂ©veloppement durable adaptĂ© aux contexte S in S ulaire S r etour S ur cet Ă©vĂ©nement auquel i nterco ’ o utre - mer a activement participĂ©

« Les Outre-mer en premiĂšre ligne », tel Ă©tait l’intitulĂ© du programme de ce congrĂšs qui s’est tenu au Gosier durant cinq jours pour y rĂ©unir Ă©lus, experts et acteurs du littoral afin d’échanger autour des grands enjeux qui façonnent l’avenir des territoires littoraux. L’ANEL, qui avait dĂ©jĂ  tenu en 2017 son congrĂšs annuel Ă  La RĂ©union, affirme ainsi sa volontĂ© de mettre Ă  l’honneur les outre-mer dans le cadre de cet Ă©vĂ©nement qui s’est distinguĂ© par la richesse et la diversitĂ© des thĂ©matiques abordĂ©es (retrouver ICI la programmation).

UNE MOBILISATION REMARQUÉE

L’importance des enjeux littoraux dans les outre-mer, ces refuges de biodiversitĂ© situĂ©s aux avant-postes des dĂ©fis climatiques, explique la prĂ©sence au congrĂšs de Fabrice Loher, ministre dĂ©lĂ©guĂ© chargĂ© de la Mer et de la PĂȘche, du directeur gĂ©nĂ©ral des Outre-mer, du commandant de la gendarmerie de Guadeloupe, mais aussi la venue de nombreux Ă©lus des littoraux de l’Hexagone et des territoires ultramarins.

TÉMOIGNAGES

PRÉSIDENT DE L’ANEL ET MAIRE DES SABLES D’OLONNE

« Nos territoires ultramarins, joyaux de biodiversitĂ© et vigies avancĂ©es face aux dĂ©fis climatiques, ont Ă©tĂ© au cƓur de notre engagement cette annĂ©e. Les outre-mer sont confrontĂ©s aux premiers effets du changement climatique : montĂ©e des eaux, Ă©rosion cĂŽtiĂšre et menaces sur les Ă©cosystĂšmes marins.

Pourtant, ces territoires sont aussi des laboratoires d’innovation, oĂč se dessinent les solutions de demain pour faire face Ă  ces bouleversements globaux. Ce congrĂšs en Guadeloupe a fourni une occasion de partager des expĂ©riences, de dĂ©battre des meilleures pratiques et de tracer tous ensemble des pistes pour renforcer la rĂ©silience de nos littoraux. »

LYLIANE PIQUION-SALOMÉ, PRÉSIDENTE D’INTERCO’ OUTRE-MER

« Tout au long du congrĂšs, les participants ont contribuĂ© Ă  construire des actions concrĂštes pour prĂ©server et valoriser les atouts naturels et Ă©conomiques de nos outre-mer. Je suis intervenue notamment sur la table ronde 3, pour mettre en avant la rĂ©silience et la crĂ©ativitĂ© des territoires ultramarins, tout en insistant sur la nĂ©cessitĂ© d’un accompagnement renforcĂ© par des politiques publiques adaptĂ©es et des mĂ©canismes de financement ciblĂ©s. J’ai aussi rappelĂ© que les savoir-faire traditionnels des outre-mer sont une ressource prĂ©cieuse pour rĂ©inventer le lien entre dĂ©veloppement et nature. Interco’ Outre-mer s’est fortement mobilisĂ©e, en particulier lors des ateliers et de la table ronde Ă©voquĂ©s ci-aprĂšs. »

ATELIER 1 : COMMENT FAIRE DE LA LOI

LITTORAL UN LEVIER ET NON UN FREIN ?

L’essence mĂȘme de la loi Littoral est reconnue comme positive et nĂ©cessaire Ă  la prĂ©servation des Ă©cosystĂšmes sensibles. Cependant, les discussions durant l’atelier ont permis d’identifier les freins concrets rencontrĂ©s par les collectivitĂ©s dans l’application de cette loi, liĂ©s notamment Ă  des interprĂ©tations variables et Ă  des blocages administratifs. Des pistes ont Ă©tĂ© explorĂ©es pour adapter les outils juridiques et les dĂ©marches, tels que des dispositifs spĂ©cifiques tenant compte des rĂ©alitĂ©s locales, afin de transformer ces contraintes en opportunitĂ©s.

« Le groupe de travail sur la loi Littoral, conduit par l’ANEL et Interco’ Outre-mer, a Ă©mis des recommandations, notamment pour clarifier les concepts de la loi et moderniser son application. L’importance de mobiliser tous les acteurs (collectivitĂ©s, État, acteurs Ă©conomiques, citoyens...) autour d’une gestion concertĂ©e et durable des espaces littoraux, au bĂ©nĂ©fice des territoires ultramarins et hexagonaux, a Ă©galement Ă©tĂ© confirmĂ©e », souligne EugĂšne Larcher, vice-prĂ©sident d’Interco’ Outre-mer et maire de Les Anses d’Arlet.

ATELIER 2 : DÉFAUT D’ASSURABILITÉ DES COMMUNES : LA VULNÉRABILITÉ

DES COLLECTIVITÉS LOCALES EST-ELLE IRRÉMÉDIABLE ?

Cet atelier s’est consacrĂ© aux problĂ©matiques d’assurabilitĂ© des collectivitĂ©s locales face Ă  l’aggravation des risques naturels, avec un focus sur les outre-mer. Joseph Peraste, maire du Marigot et membre du bureau d’Interco’ Outre-mer, a notamment dĂ©clarĂ© : « Les collectivitĂ©s locales sont de plus en plus exposĂ©es Ă  des Ă©vĂ©nements climatiques et naturels imprĂ©visibles et dĂ©vastateurs. Cette rĂ©alitĂ© engendre de nouveaux dĂ©fis dans leurs relations avec les assureurs : difficultĂ©s de contractualisation, rĂ©siliations unilatĂ©rales, retards dans les expertises et indemnisations, hausse significative des primes d’assurance. Par ailleurs, ce sujet soulĂšve des interrogations sur les impacts du changement climatique, la gestion et l’entretien des biens, les stratĂ©gies de prĂ©vention des risques, la capacitĂ© financiĂšre des collectivitĂ©s Ă  y faire face, le cadre lĂ©gislatif des contrats d’assurance, et la structuration du marchĂ© de l’assurance pour rĂ©pondre Ă  ces enjeux. »

TABLE RONDE 3 : LES OUTRE-MER EN 1ÈRE LIGNE POUR UN DÉVELOPPEMENT

DURABLE EN SYMBIOSE AVEC LA NATURE

Face aux dĂ©fis environnementaux, les outre-mer jouent un rĂŽle pionnier dans la recherche de solutions innovantes. Laboratoires vivants, ils expĂ©rimentent des approches originales, comme la gestion des sargasses, la protection des tortues marines ou encore le dĂ©veloppement des Ă©nergies renouvelables, dĂ©montrant ainsi qu’il est possible de concilier le dĂ©veloppement Ă©conomique et la prĂ©servation de la biodiversitĂ©. Les intervenants ont soulignĂ© l’importance de partager ces initiatives exemplaires, qui peuvent inspirer d’autres territoires littoraux, en France hexagonale et Ă  l’international.

Rédaction
Caroline Cunisse
Stéphanie Castre

GUYANE

SÉCHERESSE EN GUYANE : QUEL AVENIR CLIMATIQUE ?

b ai SS e de la pluviomĂ©trie , hau SS e de S tempĂ©rature S , effacement du « petit Ă©tĂ© » de mar S ... a lor S que la g uyane connaĂźt une S Ă©chere SS e hi S torique , Ă  quoi faut - il S ’ attendre dan S le S prochaine S annĂ©e S , avec le dĂ©rĂšglement climatique ?

Jamais le niveau d’étiage des cours d’eau guyanais n’avait Ă©tĂ© si bas en saison sĂšche. La situation est si critique qu’il est presque impossible de relier les communes les plus en amont des fleuves en pirogue.

Le 29 octobre, la prĂ©fecture a mĂȘme dĂ©clenchĂ© un plan Orsec Eau afin d’assurer, via un pont aĂ©rien, le ravitaillement des communes isolĂ©es, oĂč les fleuves font normalement office de route, comme Maripasoula, PapaĂŻchton, Grand-Santi ou Camopi.

Cette situation exceptionnelle est la consĂ©quence de 18 mois de dĂ©ficit hydrique – Ă  l’exception de mai 2024 – et de tempĂ©ratures anormalement hautes. Sur les 10 premiers mois de 2024, le cumul de pluie a Ă©tĂ© infĂ©rieur Ă  la normale de 16 % et l’annĂ©e 2024 a Ă©tĂ© la plus chaude jamais enregistrĂ©e depuis 1968.

Les tempĂ©ratures de l’an dernier ont Ă©tĂ© de 0,2 ° C au-dessus de la moyenne de 2023, annĂ©e qui avait dĂ©jĂ  marquĂ© un record de chaleur historique, selon les relevĂ©s de MĂ©tĂ©o-France.

LE RAPPORT GUYACLIMAT

L’intensitĂ© historique de cette sĂ©cheresse est avant tout liĂ©e au phĂ©nomĂšne ocĂ©anique El Niño, qui s’est terminĂ© en aoĂ»t, mais dont les effets restent perceptibles. Toutefois, le dĂ©rĂšglement climatique agit en toile de fond en intensifiant, comme sur le reste de la planĂšte, les Ă©pisodes extrĂȘmes.

« Actuellement, on parle de phĂ©nomĂšne extrĂȘme, mais ces sĂ©cheresses vont devenir de plus en plus normales Ă  mesure que les consĂ©quences du dĂ©rĂšglement climatique vont se faire sentir », confirme JĂ©rĂ©my Lepesqueur, mĂ©tĂ©orologue spĂ©cialiste du climat des Antilles et de la Guyane.

À en croire les rĂ©sultats de l’étude GuyaClimat, publiĂ©e en 2022, qui modĂ©lise les impacts locaux du changement climatique, la Guyane, Ă  l’instar du reste du bassin amazonien, va connaĂźtre un « dĂ©placement de la Zone de convergence intertropicale (ZCIT) au sud de l’équateur, lors du premier trimestre 2025 »,

En haut de page : Ă  la fin de l’annĂ©e 2024, le niveau historiquement bas du Maroni a placĂ© les habitants des communes les plus en amont du fleuve dans une situation d’enclavement inĂ©dit, avec l’arrĂȘt des approvisionnements par transport fluvial. © Enzo Dubesset

Le transport en pirogue entravé par la sécheresse. © Enzo Dubesset | Températures moyennes en Guyane de 1991 à 2020 (en bleu), puis en 2023 (jaune) et 2024 (rouge). | Aperçu, en saison sÚche, de la bande littorale sans nuages (en noir) sous influence de la brise de mer.

ce qui se traduira par une « rĂ©duction des prĂ©cipitations » alors mĂȘme que cette pĂ©riode de l’annĂ©e coĂŻncide avec la saison des pluies. « Selon les scĂ©narios, il faut s’attendre Ă  une baisse de pluviomĂ©trie de l’ordre de 15 Ă  25% par rapport Ă  la moyenne des annĂ©es 1980-2014, ce qui est vraiment significatif », prĂ©dit le mĂ©tĂ©orologue.

La variabilitĂ© des annĂ©es, plus ou moins pluvieuses en fonction de l’influence d’El Niño ou de la Niña, va, elle aussi, s’attĂ©nuer, avec en consĂ©quence une tendance globale Ă  l’assĂšchement de la Guyane. Le « petit Ă©tĂ© » de mars qui, selon de nombreux agriculteurs guyanais, a dĂ©jĂ  presque disparu, deviendra une forme de petite saison sĂšche.

UN RISQUE D’HYPERTHERMIE

Enfin, les tempĂ©ratures minimales augmenteront en Guyane de 2,5 Ă  4,5 ° C Ă  l’horizon 2100, en fonction des scĂ©narios SSP2 (Ă©missions de CO 2 contenues, scĂ©nario considĂ©rĂ© comme le plus probable) ou SSP5 (hausse des Ă©missions due Ă  une dĂ©pendance aux combustibles fossiles) du GIEC. Un phĂ©nomĂšne qui augmentera le nombre de « nuits chaudes », ces nuits oĂč la tempĂ©rature reste trop Ă©levĂ©e pour permettre la bonne rĂ©gulation du corps humain.

« La principale consĂ©quence, c’est le risque de multiplication des cas d’hyperthermie, notamment pour les sportifs ou les personnes travaillant en extĂ©rieur. À terme, une adaptation des modes de vie devra s’opĂ©rer pour limiter les efforts physiques lors des heures les plus chaudes de la journĂ©e », analyse JĂ©rĂ©my Lepesqueur.

Outre les sĂ©cheresses qui demandent de repenser les transports, l’agriculture ou encore l’approvisionnement en eau potable de rĂ©gions entiĂšres, le dĂ©rĂšglement climatique exposera Ă©galement la Guyane Ă  d’autres phĂ©nomĂšnes extrĂȘmes.

Parmi ces derniers, les pluies cinquantennales, qui dĂ©signent des pluies tropicales dont l’intensitĂ© est telle que leurs dĂ©bits ont la probabilitĂ© d’ĂȘtre atteints en moyenne tous les 50 ans, risquent par exemple d’ĂȘtre plus sĂ©vĂšres Ă  l’avenir, avec un risque accru d’inondations.

Enfin, la montĂ©e globale du niveau de la mer – de 0,24 Ă  0,28 mĂštre d’ici 2050 – expose les cĂŽtes guyanaises, dĂ©jĂ  trĂšs basses, et certaines agglomĂ©rations Ă  l’érosion du littoral, au risque de submersions marines en cas de grandes marĂ©es.

Rédaction : Enzo Dubesset

Graphique et image satellite
2024)
Météo-France
Commune du Haut-Maroni isolĂ©e Ă  l’ouest de la Guyane, comptant 11 000 habitants, Maripasoula a beaucoup souffert de la sĂ©cheresse historique de 2024. Depuis le quasi-arrĂȘt du transport fluvial fin octobre, l’approvisionnement par avion des produits de premiĂšre nĂ©cessitĂ©
s’est avĂ©rĂ© trĂšs onĂ©reux. C’est pourquoi une dizaine de restaurateurs, un boulanger et un agriculteur de la commune se sont associĂ©s, fin novembre, pour regrouper leurs commandes de marchandises depuis Cayenne et ainsi bĂ©nĂ©ficier de prix plus avantageux. © Enzo Dubesset

LA MOBILISATION CITOYENNE ANIMÉE PAR

LES AGENCES RÉGIONALES DE LA BIODIVERSITÉ

a vec la crĂ©ation de S a gence S rĂ©gionale S de la biodiver S itĂ© , le S r Ă©gion S , l ’ ofb et l ’ Ă© tat font le pari de S territoire S . e n outre - mer , deux arb exi S tent Ă  ce jour : en g uadeloupe , depui S 2021, et Ă  l a r Ă©union , depui S 2023. Z oom S ur deux action S portĂ©e S par ce S jeune S S tructure S , qui encouragent la mobili S ation collective au S ervice de la biodiver S itĂ©

Les ARB jouent un rÎle de catalyseur des énergies et des compétences territoriales. Elles impulsent une dynamique partenariale collaborative pour généraliser, au plus prÚs du terrain, les bonnes pratiques de préservation et de restauration des milieux naturels.

UNE DYNAMIQUE PARTENARIALE

Les Agences rĂ©gionales de la biodiversitĂ© associent l’ensemble des acteurs locaux volontaires – collectivitĂ©s, associations, acteurs socioĂ©conomiques, citoyens –pour lutter contre l’érosion de la biodiversitĂ©. Elles sont créées Ă  l’initiative de la RĂ©gion et de l’OFB, prĂ©sent dans les territoires via ses directions rĂ©gionales ou la direction des outre-mer, et sont en lien avec les services de l’État en rĂ©gions et tous les acteurs concernĂ©s. Ce maillage local permet de dĂ©ployer des actions conjointes et vient renforcer l’efficacitĂ© des politiques publiques. Les ARB ont ainsi vocation Ă  optimiser les projets dans les territoires et Ă  les dĂ©multiplier grĂące Ă  une meilleure efficience des moyens et des acteurs.

LES ARB, DES STRUCTURES MULTIFORMES ET INNOVANTES

La raison d’ĂȘtre des ARB et de leurs missions repose sur une dĂ©marche adaptĂ©e Ă  la rĂ©alitĂ© et aux enjeux de chacun des territoires.

Les ARB s’appuient sur une diversitĂ© des formes de coopĂ©ration – en termes de statut, de choix des partenaires et de champ d’action – et sur des dynamiques locales existantes. Elles encouragent chaque acteur Ă  apporter sa contribution aux politiques publiques de reconquĂȘte de la biodiversitĂ© et elles sont le berceau d’idĂ©es et de compĂ©tences, d’outils et de savoir-faire, de capacitĂ©s d’action mutualisĂ©es.

TROIS MISSIONS : COORDONNER, ANIMER ET SENSIBILISER

Au travers des ARB, les partenaires construisent un plan d’actions Ă  l’échelle de leur territoire et en faveur de la biodiversitĂ©, qui vise Ă  :

‱ Piloter des stratĂ©gies et mettre en cohĂ©rence des politiques publiques, comme par exemple la stratĂ©gie rĂ©gionale pour la biodiversitĂ©, la territorialisation de la stratĂ©gie pour les aires protĂ©gĂ©es 2030, la mise en Ɠuvre de la sĂ©quence « Ă©viter, rĂ©duire, compenser »...

‱ Animer des rĂ©seaux d’acteurs, avec un guichet unique pour l’accĂšs aux fonds, un rĂ©seau rĂ©gional des gestionnaires d’espaces naturels ; aider et appuyer les porteurs de projets en faveur de la biodiversitĂ©...

‱ Informer, sensibiliser et mobiliser en ce qui concerne les aires marines et terrestres Ă©ducatives, la formation des Ă©lus, lors d’évĂ©nements grand public...

‱ AmĂ©liorer la connaissance et sa diffusion via une stratĂ©gie rĂ©gionale de la connaissance, la collecte et la gestion des donnĂ©es, l’observatoire rĂ©gional de la biodiversitĂ©, les sciences participatives


Utiliser des foyers dĂ©jĂ  existants, pour rĂ©duire l’impact sur la vĂ©gĂ©tation et Ă©viter l’érosion des sols. © ARB Ăźle de La RĂ©union

« ZÉRO DÉCHET » SUR LES AIRES DE PIQUE-NIQUE À LA RÉUNION

Le 8 dĂ©cembre, l’ARB de l’üle de La RĂ©union lançait avec le soutien de la RĂ©gion et de nombreux partenaires la premiĂšre Ă©dition de Gayar Pik Nik. Gratuit et ouvert Ă  tous, l’évĂ©nement s’est tenu simultanĂ©ment sur six sites emblĂ©matiques de pique-nique, rĂ©partis entre littoral et forĂȘt : Bras-Panon, MaĂŻdo, Saint-Leu, BĂ©bour, le BrĂ»lĂ© et Grande Anse. Les pratiques Ă©coresponsables y ont Ă©tĂ© encouragĂ©es dans une ambiance conviviale : ne pas casser de bois sur place, utiliser les foyers mis Ă  disposition et des couverts non jetables, respecter la tranquillitĂ© des oiseaux, emporter avec soi ses dĂ©chets... Au MaĂŻdo, les discussions ont ainsi portĂ© sur les espĂšces invasives et endĂ©miques, sur les risques de feux de forĂȘt. À BĂ©bour, des ateliers ont Ă©tĂ© consacrĂ©s aux oiseaux de La RĂ©union, tandis qu’à Saint-Leu le focus a Ă©tĂ© fait sur les rĂ©cifs coralliens, la ponte des tortues, la vĂ©gĂ©talisation des plages...

Karine Pothin, directrice de l’ARB de l’üle de La RĂ©union, tĂ©moigne : « Entre ateliers pratiques pour apprendre Ă  rĂ©duire ses dĂ©chets, quizz, jeux interactifs pour petits et grands et lots Ă  gagner, cette journĂ©e de pique-nique dominicale a donnĂ© lieu Ă  de beaux moments de partage entre citoyens de toutes classes d’ñge. Un “rond causĂ©â€ a mĂȘme Ă©tĂ© organisĂ© avec des personnes ĂągĂ©es grĂące Ă  l’association Partaz’ Lokal !

Gayar Pik Nik a trĂšs bien fonctionnĂ©. Il est important que nous allions vers le public, car si c’est lui qui vient Ă  notre rencontre, par exemple dans le cadre de foires, nous attirons alors des visiteurs qui sont trĂšs souvent dĂ©jĂ  convaincus. Nous devons rallier Ă  la cause de la biodiversitĂ© un public nouveau. Pour cela, le prochain Gayar Pik Nik devrait avoir lieu dĂšs juin 2025, sur six autres sites littoraux et forestiers de l’üle. »

DES ANIMATIONS SCOLAIRES

AUTOUR DE LA PLANÈTE REVISITÉE DES ÎLES DE GUADELOUPE (LPRIG)

La campagne LPRIG a permis d’explorer, du 27 septembre au 10 novembre 2024, la biodiversitĂ© « nĂ©gligĂ©e » – crustacĂ©s, insectes et autres petites espĂšces – de la DĂ©sirade, de Marie-Galante et des Saintes. Une belle opportunitĂ© pour sensibiliser petits et grands Ă  la richesse de la biodiversitĂ© de l’archipel guadeloupĂ©en. Avec les chercheurs du MusĂ©um national d’Histoire naturelle et les animateurs de l’Agence rĂ©gionale de la biodiversitĂ© des Ăźles de Guadeloupe (ARB-IG), plus de 600 Ă©lĂšves et Ă©tudiants du CE1 au Master 2 ont visitĂ© les laboratoires scientifiques de la mission et participĂ© Ă  de nombreuses activitĂ©s pĂ©dagogiques.

Kanell Ambroise, directrice de l’ARB des Ăźles de Guadeloupe, tĂ©moigne : « En complĂ©ment de ces actions de mobilisation citoyenne, des animations ont eu lieu en fin d’annĂ©e pour prĂ©senter les missions et le mĂ©tier de naturaliste dans 25 Ă©tablissements de Guadeloupe. Au total, prĂšs de 1 500 Ă©lĂšves ont Ă©tĂ© sensibilisĂ©s. »

Rédaction

+ d’info ici : www.cirad.fr

UNE RÉVOLUTION DANS LA LUTTE CONTRE LES

MALADIES TRANSMISES PAR

LES

MOUSTIQUES

g rĂące Ă  la technique de l ’ in S ecte S tĂ©rile ( ti S) renforcĂ©e , le c irad et l ’ i n S titut de recherche pour le dĂ©veloppement ( ird ) S ’ attaquent Ă  la reproduction du mou S tique tigre , afin de contribuer Ă  endiguer le S Ă©pidĂ©mie S de dengue et chikungunya Ă  l a r Ă©union .

Depuis 2017, les Ă©pisodes de dengue sont rĂ©currents Ă  La RĂ©union, avec pour principaux vecteurs les espĂšces de moustiques Aedes albopictus et Aedes aegypti La mĂ©thode de lutte, jusqu’à prĂ©sent utilisĂ©e en France, consiste Ă  pulvĂ©riser de la deltamĂ©thrine dans les zones oĂč des cas de dengue sont dĂ©clarĂ©s. Cette mĂ©thode Ă©tant peu apprĂ©ciĂ©e de la population pour son action insecticide sur d’autres espĂšces, une expĂ©rimentation de la TIS renforcĂ©e a Ă©tĂ© menĂ©e par le Cirad et l’IRD en 2021. RĂ©alisĂ©e dans la commune de Saint-Joseph, alors particuliĂšrement atteinte par la dengue, elle a permis la rĂ©duction de plus de 90 % des populations d’Aedes aegypti en trois mois. En Espagne, oĂč des Ă©tudes ont Ă©tĂ© menĂ©es sur l’Aedes albopictus en parallĂšle, des taux de rĂ©duction de 50 Ă  95 % ont pu ĂȘtre observĂ©s.

LA TECHNIQUE DE L’INSECTE STÉRILE

(TIS) RENFORCÉE, PORTEUSE D’ESPOIR

Actuellement testĂ©e dans 39 pays, la technique de l’insecte stĂ©rile est porteuse d’espoir pour la lutte contre le virus de la dengue. Cette arbovirose Ă©tant transmise par les femelles, la TIS permet de rendre celles-ci stĂ©riles par le biais des mĂąles.

Singapour est aujourd’hui le premier pays planifiant une application de cette mĂ©thode de lutte Ă  l’échelle de tout son territoire. Et La RĂ©union pourrait potentiellement lui emboĂźter le pas, avec le lancement dĂšs cette annĂ©e 2025 d’une seconde expĂ©rimentation de la TIS renforcĂ©e – 10 fois plus efficace que la TIS seule – toujours Ă  Saint-Joseph, mais Ă  plus grande Ă©chelle sur une zone de 200 hectares. Si ce nouvel essai, appelĂ© OPTIS, est concluant, l’extension technique de la TIS renforcĂ©e devrait ĂȘtre rĂ©alisĂ©e par une entreprise sur l’üle. Aux Antilles, oĂč le virus de la dengue sĂ©vit Ă©galement, un projet test de TIS est prĂ©vu en parallĂšle, portĂ© par l’ARS Guadeloupe.

En 2021, les moustiques Ă©taient produits et irradiĂ©s Ă  l’étranger (en Autriche). Pour cette expĂ©rimentation de 2025, toute la production est rĂ©alisĂ©e Ă  La RĂ©union, grĂące au soutien financier du ministĂšre de l’Enseignement SupĂ©rieur et de la Recherche. © J. Bouyer / Cirad

© Antoine Franck / Cirad
© Marion Dailloux / Cirad

INTERVIEW

JÉRÉMY

DIRECTEUR DE RECHERCHE, EXPERT EN LUTTE CONTRE LES VECTEURS, COORDINATEUR DU PROJET TIS RENFORCÉE AU CIRAD

‱ Qu’est-ce que la TIS renforcĂ©e ?

- Elle consiste Ă  relĂącher, dans des zones prĂ©cises, des moustiques mĂąles irradiĂ©s porteurs de mutations alĂ©atoires et couverts d’un biocide appelĂ© pyriproxyfĂšne. Une double action est alors observĂ©e. D’une part, ces moustiques Ă©tant stĂ©riles, aucun individu viable n’est produit Ă  la suite de l’accouplement. D’autre part, le biocide, transmis aux femelles lors de l’accouplement, est ramenĂ© dans les gĂźtes larvaires par celles-ci. Et la croissance des larves contaminĂ©es n’aboutit pas.

En pratique, il s’agit de poser des piĂšges nommĂ©s ovitraps – piĂšges Ă  Ɠufs en français – dans lesquels des femelles sauvages viennent pondre. Ces Ɠufs sont collectĂ©s afin de constituer une souche locale. AprĂšs avoir vĂ©rifiĂ© que cette souche n’est pas porteuse de virus, elle est multipliĂ©e de façon exponentielle dans un insectarium. Puis, un robot sexeur sĂ©pare automatiquement les mĂąles des femelles. Un irradiateur vient alors stĂ©riliser les populations de mĂąles, qui sont ensuite relĂąchĂ©es au sol ou par des drones.

Les piÚges à moustiques sont positionnés dans des zones stratégiques. En bout de processus, les lùchers de mùles stériles sont réalisés en petits effectifs par hectare, pour éviter un effet « essaim » qui pourrait inquiéter les habitants, bien que les mùles ne piquent pas.

que des espĂšces non cibles vivant dans les mĂȘmes habitats larvaires ne soient pas impactĂ©es par les biocides dont sont couverts les mĂąles. C’est le cas des abeilles qui pourraient accidentellement rĂ©colter du biocide en buvant dans ces habitats.

‱ Comment le projet est-il reçu par la population ?

- La municipalitĂ© de Saint-Joseph s’est montrĂ©e rĂ©ceptive lors de la premiĂšre phase d’expĂ©rimentation et a accompagnĂ© l’équipe projet dans la sensibilisation des habitants. La technique est ainsi bien acceptĂ©e. Ce projet ne pourrait ĂȘtre menĂ© sans la confiance de la population et le soutien de la commune, qui a mis Ă  disposition un local pour l’implantation d’un laboratoire. Ce projet doit aussi son existence au soutien stratĂ©gique et financier de la RĂ©gion RĂ©gion sur fonds FEDER, que nous remercions. Enfin, l’État apporte une aide prĂ©cieuse Ă  travers le financement de l’irradiateur.

‱ Cette technique est-elle inoffensive pour les autres espùces d’insectes ?

- La TIS a l’avantage d’ĂȘtre une technique trĂšs spĂ©cifique, les mĂąles relĂąchĂ©s ne s’accouplant qu’avec les femelles de l’espĂšce cible. L’expĂ©rimentation comporte toutefois des opĂ©rations de suivi, afin de s’assurer

Tous les trois mois, du miel, du pollen, des abeilles et de la cire d’abeille seront collectĂ©s dans des ruches sentinelles afin de vĂ©rifier qu’elles ne soient pas contaminĂ©es par du biocide, comme cela avait Ă©tĂ© fait Ă  plus petite Ă©chelle lors de l’expĂ©rimentation de 2021. © M. Dailloux / Cirad

Rédaction et interview
: Axelle Dorville
© Pierre Marchal
© J. Bouyer / Cirad

ÎLE DE LA RÉUNION

UNE AGRICULTURE EN PLEINE MUTATION

Formation par la Chambre d’agriculture auprùs d’agriculteurs de Mafate, sur la conduite des arbres fruitiers en vergers.

Ă  l a r Ă©union comme dan S toute S le S rĂ©gion S d ’ outre - mer , le S agriculteur S doivent faire face aux con S Ă©quence S du dĂ©rĂšglement climatique et adapter leur S technique S de culture o livier f ontaine , S ecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de la c hambre d ’ agriculture de l a r Ă©union , Ă©voque avec nou S le S enjeux climatique S de S on territoire

INTERVIEW

OLIVIER FONTAINE, SECRÉTAIRE

GÉNÉRAL DE LA CHAMBRE D’AGRICULTURE DE LA RÉUNION

‱ Le changement climatique a-t-il des rĂ©percussions visibles sur l’agriculture locale ?

- Depuis trois ou quatre ans, nous observons rĂ©ellement les effets du dĂ©rĂšglement climatique, avec une mĂ©tĂ©o de plus en plus alĂ©atoire. Les cyclones sont plus intenses, imprĂ©visibles et nous alternons entre des pĂ©riodes de fortes sĂ©cheresses et de pluies diluviennes. Cette annĂ©e, les cours d’eau et les nappes

phrĂ©atiques sont au plus bas, ce qui nous conduits Ă  rĂ©flĂ©chir Ă  de nouvelles stratĂ©gies pour l’avenir de l’agriculture Ă  La RĂ©union.

‱ Avez-vous dĂ©jĂ  des pistes dans ce domaine ?

- Oui, le monde agricole va devoir faire preuve d’adaptation, en maĂźtrisant mieux la ressource aquacole. Il s’agit d’envisager des rĂ©seaux d’irrigation, des retenues d’eau, des systĂšmes de goutte-Ă -goutte, mais aussi une vĂ©ritable lutte contre le gaspillage. Les pratiques vont devoir Ă©voluer en ce sens et, d’ailleurs, certains financements privilĂ©gient d’ores et dĂ©jĂ  ces mĂ©thodes dans la sĂ©lection des projets.

‱ Quel regard portez-vous sur les normes environnementales actuelles ?

- Elles sont de plus en plus contraignantes et compliquent chaque annĂ©e davantage le travail des agriculteurs. Pourtant, ils ont fait ces 20 derniĂšres annĂ©es de nombreux progrĂšs et s’attachent Ă  dĂ©velopper les bonnes pratiques. Sur l’üle, de nouvelles mĂ©thodes de culture sont ainsi apparues, de l’agroĂ©cologie en passant par l’agriculture biologique ou le couvert vĂ©gĂ©tal. La recherche scientifique avance, mais le transfert vers le monde agricole prend du temps et c’est bien normal. Car c’est tout un systĂšme qui doit Ă©voluer tout en faisant face Ă  une concurrence dĂ©loyale.

‱ D’autant que l’accord de libre-Ă©change entre l’Union europĂ©enne et le Mercosur a Ă©tĂ© conclu. Quel est votre sentiment Ă  ce sujet ?

- Cet accord nous inquiĂšte bien Ă©videmment, car les producteurs du Mercosur ne sont pas soumis aux mĂȘmes

contraintes environnementales que nous. Ici, nous devons appliquer la rĂ©glementation europĂ©enne, la rĂ©glementation française, qui est souvent encore plus contraignante, et faire face aux excĂšs de zĂšle de l’administration locale. Tout cela va trop loin pour un secteur qui, aujourd’hui, doit en plus affronter un climat dĂ©rĂ©glĂ©.

‱ Dans ce contexte, comment voyez-vous l’avenir de la profession ?

- Il n’y a pas de crise de la vocation dans notre rĂ©gion et c’est une chance. Les futurs agriculteurs disposent d’un cursus de formation adaptĂ© aux techniques de demain et ils sont nombreux chaque annĂ©e Ă  vouloir s’installer. Mais les surfaces agricoles manquent et le problĂšme foncier s’avĂšre rĂ©el. D’autant plus que l’implantation d’un jeune agriculteur coĂ»te cher et que les outils financiers sont complexes, durs et longs Ă  obtenir.

Pourtant, il est crucial aujourd’hui que ces jeunes puissent prendre la relĂšve, car 53 % des agriculteurs actuels ont plus de 53 ans. La Chambre d’agriculture s’emploie Ă  rechercher des solutions et Ă  mieux accompagner ces jeunes professionnels pour assurer la pĂ©rennitĂ© de l’agriculture rĂ©unionnaise.

‱ L’avenir est-il dans le dĂ©veloppement de la filiĂšre biologique de la canne Ă  sucre ?

- Il pourrait en effet en faire partie et une Ă©tude de faisabilitĂ© a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e en ce sens. Mais l’industrie sucriĂšre implique des structures importantes et il faudrait de 25 Ă  30 000 tonnes de canne biologique chaque annĂ©e pour rentabiliser une usine. C’est pourquoi nous rĂ©flĂ©chissons Ă  dĂ©velopper de plus petites unitĂ©s, plus adaptĂ©es au contexte et au territoire local.

Une chose est sĂ»re, 30 agriculteurs expĂ©rimentent dĂ©jĂ  la culture de la canne biologique et, d’ici deux ans, nous aurons plus de visibilitĂ© sur cette filiĂšre.

Mais lĂ  encore, nous devrons affronter la concurrence de grands pays producteurs comme le BrĂ©sil ou le Panama, qui ne sont pas soumis aux mĂȘmes contraintes environnementales que nous !

Rédaction et interview : Mariane Aimar

Produits agricoles transformĂ©s, mis en valeur au Village RĂ©union du Salon International de l’Agriculture 2024 Ă  Paris.
Photos de l’article : © Chambre d’agriculture de La RĂ©union

DES BADAMIERS DE L’INDE TRANSPLANTÉS VERS LE CƒUR VERT FAMILIAL

c apitale de S outre - mer , S aint - d eni S pour S uit S a mutation ver S une ville verte et durable avec la tran S plantation de plu S ieur S badamier S de l ’ i nde . c e S immen S e S arbre S offrant un ombrage exceptionnel ont ain S i Ă©tĂ© dĂ©placĂ© S de la rue de S p oivrier S ju S qu ’ au parc urbain j ean - p ierre e S peret , Ă  la t rinitĂ© , oĂč il S pourront jouir d ’ une S econde vie

UNE OPÉRATION DÉLICATE, QUI S’INSCRIT DANS LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE DE LA VILLE

EngagĂ©e dans un tournant Ă©cologique pour faire du chef-lieu un territoire plus apaisĂ©, plus vert et plus responsable, la Ville de Saint-Denis, en collaboration avec la direction Environnement de la Ville du Port, a procĂ©dĂ© Ă  la transplantation de plusieurs badamiers de l’Inde, qui jalonnaient la rue des Poivriers dans le quartier de Montgaillard. « Avant leur transplantation, les racines de ces arbres de plus de 10 mĂštres de haut allaient jusqu’à soulever les trottoirs, les rendant impraticables pour les piĂ©tons, qui risquaient de chuter

et se blesser. Des murs de clĂŽture ont par ailleurs Ă©tĂ© fissurĂ©s », souligne Émilie Catherine, directrice des Espaces publics, Environnement et Cadre de vie de la Ville. Le badamier de l’Inde (Barringtonia asiatica), arbre Ă  fleurs Ă©galement appelĂ© « bonnet du prĂȘtre » ou « bonnet d’évĂȘque » peut en effet atteindre une hauteur de 30 mĂštres. « L’arbre est un ĂȘtre vivant, Ă  la recherche d’eau et de nutriments. Ses racines sont donc allĂ©es “chercher” l’eau ».

La transplantation s’est dĂ©roulĂ©e en deux temps. Elle a d’abord Ă©tĂ© prĂ©parĂ©e Ă  partir du 18 octobre, Ă  travers la dĂ©coupe de la chaussĂ©e, un Ă©lagage prĂ©ventif pour stresser les sujets transplantĂ©s et l’aspiration des gravats afin de dĂ©gager au mieux leurs

De plus, le déplacement de ces

spĂ©cimens, matures et sains, permettra Ă  la Ville d’entreprendre des travaux de voirie dans la rue des Poivriers, dont les trottoirs ont Ă©tĂ© partiellement dĂ©truits par la prĂ©sence des badamiers de l’Inde. © Ville de Saint-Denis

L’opĂ©ration s’inscrit pleinement dans la politique de verdissement portĂ©e dĂšs le dĂ©but de la mandature actuelle. | Un reprĂ©sentant de la Ville du Port en chasuble orange entourĂ© par M. Poleya, M me Adame, M. Sambassouredy et M me Catherine, de la Ville de Saint-Denis.

racines. Ensuite, le 22 octobre a marquĂ© le dĂ©but des actions de dessouchage en prĂ©sence et sous la coordination des Ă©quipes de la Ville du Port, suivi de la replantation des arbres au parc de la TrinitĂ© JeanPierre Esperet. « Nous avons pu observer que les racines avaient aussi endommagĂ© les rĂ©seaux d’eaux usĂ©es, ce qui a compliquĂ© la tĂąche des agents pour retirer les arbres sans les abĂźmer ni endommager les rĂ©seaux », ajoute Émilie Catherine.

Ce sont une quinzaine d’agents des deux communes qui se sont mobilisĂ©s autour de ce projet qui a permis de transplanter cinq arbres de plus de 15 ans Ă  Saint-Denis, au parc de la TrinitĂ©, et quatre arbres au Port. « La Ville du Port disposant du savoir-faire nĂ©cessaire Ă  l’opĂ©ration, un partenariat s’est donc mis en Ɠuvre afin de “donner une seconde vie” Ă  ces arbres », se fĂ©licite la directrice. Une alternative Ă  l’abattage pour ces sujets de grande taille, sachant qu’il faut patienter une vingtaine d’annĂ©es avant de les voir atteindre une telle envergure et maturitĂ©. Le parc urbain Jean-Pierre Esperet, Ă  la TrinitĂ©, Ă©tant Ă  proximitĂ© et soumis au mĂȘme microclimat, ce site a naturellement Ă©tĂ© retenu pour leur replantation.

« Les conditions Ă©taient rĂ©unies pour espĂ©rer une trĂšs bonne reprise des sujets transplantĂ©s et un niveau de stress diminuĂ© », considĂšre Émilie Catherine.

REDENSIFIER LA STRATE ARBORÉE DU PARC URBAIN DE LA TRINITÉ

Ce projet concourt ainsi Ă  la redensification de la strate arborĂ©e du parc de la TrinitĂ©, en y ramenant trĂšs rapidement ombre et fraĂźcheur. Les plantations sur chacune des strates – herbacĂ©e, arbustive, arborĂ©e – de ce parc urbain revĂȘtent leur importance, et entrent dans une stratĂ©gie plus globale de gestion diffĂ©renciĂ©e. À titre d’exemple, la strate herbacĂ©e contribue Ă  favoriser la protection des insectes.

Ce parc, poumon vert de Saint-Denis, est un espace de respiration et de dĂ©tente, en particulier actuellement, en pĂ©riode estivale. « La Ville de Saint-Denis, consciente du rĂ©chauffement du climat et de ses consĂ©quences Ă  venir, s’engage dans la protection de la biodiversitĂ©, ce qui participe Ă  la rĂ©silience du territoire face aux impacts du changement climatique », conclut Émilie Catherine.

Les cinq arbres transplantĂ©s font l’objet de soins constants par l’équipe de la direction de l’Environnement – arrosage quotidien de 15 minutes par sujet, surveillance des racines et des branches – afin que leurs feuilles se dĂ©veloppent et que les arbres s’ancrent durablement dans ce nouvel environnement.

transplantation rĂ©ussie qui permettra, une fois la rĂ©fection des trottoirs terminĂ©e, l’installation d’arbustes fleuris et colorĂ©s.

Rédaction
Stéphanie
Castre | Pauline Bénard
Photos
© Ville de Saint-Denis

L’ÉCOGÎTE DU VOLCAN A OUVERT SES PORTES !

Se fondre danS le maSSif du piton de la fournaiSe a Ă©tĂ© la clĂ© de voĂ»te de la reconStruction du gĂźte du volcan Ă  l ’ i SS ue d ’ un ambitieux chantier dĂ©butĂ© en 2021, l ’ Ă©tabli SS ement a ouvert

S e S porte S le 15 novembre 2024. u n lieu d ’ accueil unique , re S pectueux de l ’ environnement , Ă  dĂ©couvrir au cƓur d ’ un S ite cla SS Ă© au p atrimoine mondial de l ’ u ne S co .

Avec plus de 650 000 visiteurs extĂ©rieurs enregistrĂ©s en 2023, La RĂ©union demeure un formidable pĂŽle d’attractivitĂ© touristique pour ses plages, pour sa population mĂ©tissĂ©e et accueillante, mais surtout pour ses pitons, cirques et remparts inscrits au Patrimoine mondial de l’HumanitĂ©. Parmi ces espaces naturels exceptionnels figure le massif du Piton de la Fournaise oĂč le GĂźte du Volcan, nouvelle structure touristique Ă©quipĂ©e de 101 couchages et d’un restaurant aux produites locaux de 120 couverts, vient d’ĂȘtre inaugurĂ©.

LE GÎTE DU VOLCAN, BALCON SUR LE MASSIF DU PITON DE LA FOURNAISE

« C’est complet pour les premiers jours. Nous sommes prĂȘts ! » souriait dĂ©but novembre Yves Picard, gĂ©rant de l’ancien gĂźte et prĂ©sident de l’AGGM (Association des gestionnaires des gĂźtes de montagne), en charge de la dĂ©lĂ©gation de service public de cet Ă©quipement dĂ©partemental sorti de terre Ă  600 mĂštres de l’accĂšs au cratĂšre du Piton de la Fournaise.

Lors d’une derniĂšre visite de chantier en prĂ©sence de la presse, le prĂ©sident du DĂ©partement Cyrille Melchior a soulignĂ© le caractĂšre exceptionnel de ce chantier : « Le bĂątiment a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© en suivant une dĂ©marche de haute qualitĂ© environnementale et s’inscrit dans un principe d’écogestion, avec notamment une autonomie en eau chaude et en Ă©lectricitĂ©, ainsi qu’une intĂ©gration parfaite dans le paysage. »

L’architecture s’insĂšre en effet harmonieusement dans la nature environnante. « LesbĂątimentsprennentlaforme de trois cordĂ©es Ă  l’image des formations laviques Ă  surface ridĂ©e et se fondent dans le paysage, sans rompre la perception globale du massif », ajoute Julien Gemehl, architecte d’Altitude 80 Architecture.

Le GĂźte du Volcan, accessible en voiture, ainsi qu’aux personnes ĂągĂ©es et PRM, se situe prĂšs du dĂ©part de la randonnĂ©e vers le majestueux Piton de la Fournaise. © Jiovanni Picard | L’écogĂźte, surmontĂ©

En haut : terrasse d’observation. © Jiovanni Picard | Les randonneurs peuvent profiter de prestations de qualitĂ©. | Ci-dessus : aperçu du confort d’une chambre double. © Bruno Bamba / DĂ©partement de La RĂ©union | Petit dĂ©jeuner prĂ©parĂ© pour les voyageurs. © Jiovanni Picard

TÉMOIGNAGE

CYRILLE MELCHIOR, PRÉSIDENT DU DÉPARTEMENT DE LA RÉUNION

« Le DĂ©partement de La RĂ©union, en tant que propriĂ©taire du domaine forestier dĂ©partemento-domanial, intervient sur plus de 100 000 hectares de milieux naturels, soit prĂšs de 40% de la surface de l’üle, dont des espaces naturels sensibles comme le MaĂŻdo, vĂ©ritable balcon sur le cirque de Mafate, le Piton des Neiges, plus haut sommet de l’ocĂ©an Indien, ou le Piton de la Fournaise, site touristique le plus visitĂ© de l’üle – avec 400000 visiteurs par an – qui prĂ©sente des paysages Ă©poustouflants.

Ces sites mĂ©ritent donc toute notre attention, et tout notre engagement, pour favoriser une expĂ©rience de dĂ©couverte Ă  la hauteur de nos ambitions en matiĂšre de dĂ©veloppement du tourisme vert, du tourisme des Hauts, Ă  La RĂ©union. C’est la raison pour laquelle un ambitieux SchĂ©ma directeur d’amĂ©nagement et de dĂ©veloppement touristique des espaces naturels dĂ©partementaux est en cours d’élaboration par la CollectivitĂ©. Il vise une amĂ©lioration qualitative de nos sites touristiques, au premier rang desquels figurent les gĂźtes dĂ©partementaux, dont l’emblĂ©matique “GĂźte du Volcan” situĂ© au Pas de Bellecombe-Jacob.

AprĂšs trois annĂ©es de travaux, nous avons touchĂ© au but en novembre 2024 avec la livraison de ce fabuleux Ă©cogĂźte, dont la construction a reprĂ©sentĂ© une prouesse architecturale et environnementale au cƓur du Parc national. Une telle structure a vocation Ă  devenir un lieu incontournable pour bon nombre de RĂ©unionnais et de touristes souhaitant dĂ©couvrir ou redĂ©couvrir ce somptueux massif du Piton de la Fournaise. Le nouveau GĂźte du Volcan rĂ©pond Ă  toutes les exigences d’intĂ©gration architecturale et d’innovation Ă©cologique. Il propose aussi d’excellentes prestations aux visiteurs et s’inscrit dans une rĂ©elle montĂ©e en gamme de l’offre touristique pour le territoire.

Nous nous engageons ainsi Ă  offrir aux voyageurs une expĂ©rience exceptionnelle de dĂ©couverte de l’üle, Ă  la hauteur du label “Patrimoine mondial” ».

+ d’info ici : https://www.legiteduvolcan.re/

Portrait de
Cyrille Melchior
© Bruno
Bamba
Rédaction
Béatrice
Tevanee | Stéphanie Castre

PORT RÉUNION ÉLARGIT LA PRÉVENTION ET LA LUTTE

CONTRE LES ESPÈCES EXOTIQUES ENVAHISSANTES

a u p ort o ue S t , le foyer du g rand p ort m aritime de l a r Ă©union ( gpmdlr ) accueillait , le 14 novembre, un rendeZ-vouS inĂ©dit : la rencontre entre leS acteurS portuaireS engagĂ©S Ă  l ’ encontre de S e S pĂšce S exotique S envahi SS ante S ( eee ). l ’ occa S ion d ’ Ă©changer S ur le S dĂ©fi S que reprĂ© S entent ce S menace S environnementale S et le S S tratĂ©gie S pour mieux le S anticiper

OrganisĂ©e par l’Union maritime interprofessionnelle de La RĂ©union (UMIR) dans le cadre de sa commission « Gestion des risques » et en partenariat avec le GPMDLR dans le cadre de son SchĂ©ma Directeur du Patrimoine Naturel (SDPN), cette sĂ©ance de travail a Ă©tĂ© consacrĂ©e Ă  un sujet majeur : la lutte contre les EEE.

SENSIBILISER L’ENSEMBLE

DES AGENTS ƒUVRANT SUR LE PORT

L’évĂ©nement, qui a rassemblĂ© durant une matinĂ©e une trentaine de personnes, avait vocation Ă  informer et sensibiliser les acteurs portuaires sur l’importance de la dĂ©tection et des alertes prĂ©coces pour prĂ©venir la propagation de ces espĂšces, et ainsi prĂ©server la biodiversitĂ© rĂ©unionnaise.

PrĂ©sident de l’UMIR, Philippe Leleu a ouvert la sĂ©ance en rappelant que l’UMIR apporte depuis 22 ans son

expertise au service de la performance de l’activitĂ© portuaire de La RĂ©union. « L’UMIR fĂ©dĂšre une quarantaine d’acteurs locaux, prĂ©sents sur toute la chaĂźne portuaire et reprĂ©sentant l’ensemble de ses opĂ©rateurs. Chaque annĂ©e, nous interrogeons nos membres pour dĂ©finir les sujets prioritaires. L’une de nos commissions travaille sur la gestion des risques, dont font partie les EEE ». Selon Philippe Leleu, pour rendre cette lutte plus efficace, il convient « de renforcer le lien entre la communautĂ© portuaire et les autoritĂ©s compĂ©tentes ».

Cela implique aussi de collaborer avec les structures de l’üle spĂ©cialisĂ©es dans la maĂźtrise de ces espĂšces – SEOR, SREPEN, OFB, NOI, IRI, DEAL... – « afin de rendre chaque professionnel du port, qu’il soit docker, remorqueur, pilote, etc., acteur de cette lutte ». Et de poursuivre : « chacun(e) doit savoir exactement quoi faire, quand il ou elle observe une EEE sur le port ». Le ton Ă©tait donnĂ© : la clĂ© d’une action efficace contre les EEE rĂ©side avant tout dans sa dimension collective.

Une attention toute particuliĂšre a Ă©tĂ© portĂ©e Ă  l’agame des colons, Ă  la perruche Ă  collier et au corbeau familier, des EEE susceptibles d’ĂȘtre signalĂ©es rĂ©guliĂšrement dans l’enceinte portuaire. La perruche Ă  collier, dont l’élimination du milieu naturel est encore possible, se trouve dans une situation intermĂ©diaire entre l’agame des colons, qui a dĂ©jĂ  envahi l’üle, et le corbeau commun, en dĂ©tection prĂ©coce. © UMIR

DES MENACES DIRECTES POUR

LA BIODIVERSITÉ NATIVE DE L’ÎLE

Il a Ă©tĂ© rappelĂ© par la SEOR – SociĂ©tĂ© d’études ornithologiques de La RĂ©union – que la propagation des EEE Ă©tait liĂ©e Ă  leur rĂ©sistance aux maladies, Ă  leur reproduction rapide et au caractĂšre opportuniste de ces espĂšces qui s’adaptent aisĂ©ment Ă  de nouveaux milieux. A contrario, la faune et la flore natives insulaires, ayant Ă©voluĂ© dans un Ă©cosystĂšme restreint, n’ont pas dĂ©veloppĂ© de capacitĂ© d’adaptation. Le paille-en-queue, oiseau marin indigĂšne de l’üle, voit ainsi ses sites de nidification volĂ©s par le martin triste, introduit Ă  La RĂ©union vers 1760 pour lutter contre les sauterelles. Autre exemple, parmi tant d’autres : le grand gecko vert de Madagascar est responsable de la destruction des populations d’un lĂ©zard endĂ©mique et protĂ©gĂ©, le gecko vert de Manapany.

DE PRÉCIEUSES CONTRIBUTIONS

Pour StĂ©phane Esparon, chef de l’unitĂ© BiodiversitĂ© de la DEAL RĂ©union, le constat est clair : « nous avons besoin de ces moments d’échanges avec les acteurs ». Car, malgrĂ© une rĂ©glementation Ă©toffĂ©e sur les EEE et « des associations l’appliquant trĂšs bien », il faut « agir dĂšs la phase d’introduction, le plus fort possible, sinon cela coĂ»tera trĂšs cher, si tant est que nous puissions encore agir ». La course contre la montre est engagĂ©e.

Responsable du service Environnement et AmĂ©nagement du GPMDLR, Priscille LabarrĂšre a soulignĂ© les efforts de sensibilisation menĂ©s au port contre les EEE. Elle a citĂ© le protocole bilatĂ©ral franco-mauricien « vers blancs », mis en place du 1er novembre au 15 janvier pour empĂȘcher l’échange entre les deux Ăźles des scarabĂ©es de la canne Ă  sucre, ravageurs de cultures, via des

extinctions de lumiĂšre et contrĂŽles Ă  bord des navires.

Bernadette Lebihan-Ardon, ancienne prĂ©sidente de la SREPEN – SociĂ©tĂ© rĂ©unionnaise pour l’étude et la protection de l’environnement – a ensuite mis en avant l’importance « d’impliquer aussi les grands transporteurs, pour qu’ils puissent avoir une action vertueuse ».

Des propos appuyĂ©s par Fabrice Hoarau, conseiller rĂ©gional dĂ©lĂ©guĂ© Ă  l’environnement, qui a relevĂ© que « 140000 containers entrent chaque annĂ©e au Grand Port Maritime. Beaucoup ne sont pas contrĂŽlĂ©s. Ne vaut-il pas mieux mettre beaucoup d’argent pour contrĂŽler ces navires, que pour Ă©radiquer les EEE ? » Ensuite, le prĂ©sident de l’IRI – Initiative pour la restauration Ă©cologique en milieu insulaire – Gilles David Derand a attirĂ© l’attention sur un point. « Les moyens de contrĂŽle, la dĂ©tection prĂ©coce, cela est bien sĂ»r crucial, mais certaines EEE, comme l’arbre-pieuvre, ne sont pas interdites. À La RĂ©union, des centaines d’espĂšces invasives restent autorisĂ©es ! », regrette-t-il.

Les Ă©changes se sont poursuivis avec Jean-François Cornuaille de l’OFB. « Sur les 2000 EEE installĂ©es sur l’üle, environ 150 posent problĂšme, dont le corbeau familier, l’une des 100 espĂšces les plus problĂ©matiques au monde. Les Seychelles ont rĂ©ussi Ă  l’éradiquer. À La RĂ©union, on est au stade de dĂ©tection prĂ©coce, alors on peut y arriver plus facilement que pour d’autres espĂšces. Tandis que sur l’agame des colons, qui monte en altitude, on est dĂ©passĂ©, c’est trop tard, il envahit dĂ©jĂ  toute l’üle jusqu’à 600 mĂštres... » Enfin, l’association Nature OcĂ©an Indien (NOI) a abordĂ© la notion de l’éthique, avec par exemple un recours privilĂ©giĂ© Ă  la nasse Ă  entrĂ©e unique, plutĂŽt qu’à la colle, pour capturer sur le port les agames des colons.

Le GPMDLR souhaite renouveler Ă  l’avenir ce partage d’initiatives, qui a Ă©tĂ© trĂšs apprĂ©ciĂ©. La prochaine Ă©tape sera d’impliquer les grandes compagnies maritimes dans cette lutte essentielle contre les EEE.

MAYOTTE

QUEL AVENIR

POUR L’YLANG-YLANG DE MAYOTTE ?

culture autrefoiS incontournable de l’üle de mayotte, l ’ ylang-ylang, SurnommĂ© « la fleur deS fleurS » a aujourd ’ hui preSque diSparu du pay S age . d epui S 2019, l ’ entrepreneur k a SS im f idaly cherche Ă  relancer la filiĂšre

S ur un modĂšle plu S durable que celui de S concurrent S malgache S et comorien S

Deux fleurs jaunes d’ylang-ylang ornent encore le blason de Mayotte, Ă©voquant la prospĂ©ritĂ© agricole de l’üle. Pourtant, la « fleur des fleurs », exploitĂ©e sur plus de 1 000 hectares dans les annĂ©es 70, n’est, sur l’üle aux parfums, guĂšre plus cultivĂ©e que dans une perspective agritouristique.

En 2017, lors du dernier recensement effectuĂ© par la Direction de l’alimentation, de l’agriculture et de la forĂȘt (DAAF) de Mayotte, l’ylang-ylang n’était plus exploitĂ© que sur une centaine d’hectares, avec une dynamique Ă  la baisse. « Le modĂšle Ă©conomique est trĂšs vieillissant. On a de petits producteurs, avec de toutes petites surfaces et des coĂ»ts de production beaucoup plus Ă©levĂ©s que la concurrence », expose Kassim Fidaly, un porteur de projet qui s’est mis en tĂȘte, depuis 2019, de relancer la culture.

UN MODÈLE QUI N’EST PAS DURABLE

Au-delĂ  de ces contraintes Ă©conomiques, la filiĂšre se heurte aussi Ă  un enjeu Ă©cologique. Comme ses concurrentes comoriennes et malgaches, la filiĂšre mahoraise n’est pas du tout durable. « Pour produire 2 Ă  2,5 kilos d’huile essentielle, il faut une demi-tonne

SpĂ©cialisĂ©e dans la transformation de la fleur d’ylang-ylang en cosmĂ©tiques rĂ©glementĂ©s, l’entreprise Neosent rĂ©pond aux problĂ©matiques spĂ©cifiques de Mayotte, en ayant notamment recours Ă  l’énergie solaire afin de prĂ©server les ressources locales en bois. © Kassim Fidaly

Ă  une tonne de bois et 40 m3 d’eau, car le procĂ©dĂ© de distillation est extrĂȘmement Ă©nergivore », rĂ©sume le fondateur de NĂ©osent, dont le but est justement de mettre en place une unitĂ© de production plus rĂ©siliente.

La rĂ©gion, en pleine expansion dĂ©mographique, manque dĂ©jĂ  cruellement d’eau, notamment en raison de la multiplication des sĂ©cheresses, dont on sait qu’elles s’aggraveront avec le dĂ©rĂšglement climatique. Quant Ă  la dĂ©forestation, elle est aussi extrĂȘmement forte dans la rĂ©gion, mettant en pĂ©ril la trĂšs riche biodiversitĂ© de ces territoires.

« La culture d’ylang ylang n’explique pas entiĂšrement le recul de la forĂȘt, mais elle y a participĂ©. À Nosy Be [une Ăźle au nord-ouest de Madagascar], oĂč nous avons la production familiale, tous les producteurs vont chercher le bois de plus en plus loin pour assurer leurs besoins en Ă©nergie. Ce n’est pas viable », confirme Kassim Fidaly, lui-mĂȘme d’origine malgache.

Aux Comores, la plateforme Global Forest Watch estime que 25 % de la forĂȘt a Ă©tĂ© dĂ©frichĂ©e ces 20 derniĂšres annĂ©es. Quant Ă  Mayotte, si le taux de dĂ©forestation actuel (1,2 %) se maintient, la forĂȘt aura carrĂ©ment disparu en 2070.

L’ÉNERGIE SOLAIRE ET LE RECYCLAGE DES EAUX

Fidaly, fondateur passionnĂ© de l’entreprise Neosent, s’attelle depuis 2019 Ă  structurer une filiĂšre ylang-ylang durable Ă  Mayotte.

« Nous proposons de remplacer le bois par de l’énergie solaire, car c’est une Ă©nergie abondante et peu chĂšre, et de recycler les eaux de refroidissement qui, aujourd’hui, sont rejetĂ©es dans la nature », annonce l’entrepreneur et auteur d’une thĂšse en photochimie. Des Ă©tudes de faisabilitĂ©, financĂ©es par l’Ademe, ont dĂ©jĂ  Ă©tĂ© effectuĂ©es et cette distillerie devrait voir le jour courant 2025 sur la commune de Ouangani, au centre de Mayotte.

Alors, comment Mayotte pourrait-elle retrouver la fleur qui a fait sa richesse tout en prĂ©servant un Ă©cosystĂšme dĂ©jĂ  trĂšs abĂźmĂ© ? Si des initiatives un peu plus durables ont Ă©tĂ© lancĂ©es Ă  Nosy Be ou aux Comores, elles sont, de l’avis de Kassim Fidaly, trop peu ambitieuses.

Pour la production, Kassim Fidaly assure travailler avec des agriculteurs sur la base d’un cahier des charges respectueux de l’environnement. « L’ylangylang est une plante trĂšs rĂ©sistante qui ne nĂ©cessite pas d’intrants, donc l’ensemble des cultures peuvent ĂȘtre valorisĂ©es en bio. Notre objectif est d’avoir un label Ă©cologique et de pouvoir certifier que notre procĂ©dĂ© est sobre en carbone », explique-t-il.

UNE INITIATIVE RECONNUE

La durabilitĂ© de la production sera, espĂšre-t-il, un critĂšre pour se dĂ©marquer sur le marchĂ©, en plus d’une formule un peu particuliĂšre, qui mettra en valeur les fractions hautes supĂ©rieures de la plante. Si la relance de la filiĂšre ne sera pas chose aisĂ©e, notamment car il reste Ă  convaincre les producteurs de relancer cette culture alors que, justement, les jeunes Mahorais tendent Ă  s’éloigner des mĂ©tiers agricoles, le projet de Kassim Fidaly a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© reconnu au-delĂ  de Mayotte. Neosent a Ă©tĂ© laurĂ©at des programmes Mouv’Outremer ocĂ©an indien 2021 et French Tech Tremplin 2024, et finaliste du concours Innovation Outre-Mer 2024, des initiatives promouvant l’entrepreneuriat.

RĂ©daction : Enzo Dubesset + d’info ici : https://neosent.fr/

Kassim

En haut : avant Chido, champ d’ylang-ylang (Cananga odorata) Ă  Mayotte, un territoire considĂ©rĂ© « comme le terroir d’exception pour la production en particulier des fractions les plus raffinĂ©es de l’ylang, ce qui justifie les efforts visant Ă  relancer la filiĂšre », rappelle Kassim Fidaly. « Des initiatives d’agritourisme, telles que celles proposĂ©es par les partenaires de Neosent (AROmaorĂ© d’Hassani Soulaimana et Le Jardin d’Imany d’Anwar), peuvent aider Ă  maintenir la production tout en favorisant le dĂ©veloppement Ă©conomique local », note-t-il. © Kassim Fidaly

Autres images de la double page : l’article a Ă©tĂ© rĂ©digĂ© avant le passage du cyclone tropical intense Chido. Voici des vues de champs d’ylangs et de cocotiers Ă  Mayotte aprĂšs l’évĂ©nement climatique et, ci-dessous, le tĂ©moignage de Kassim Fidaly.

« Ce 1er janvier, l’heure Ă©tait au constat des dĂ©gĂąts causĂ©s aux ylangueraies. J’ai pris le temps de sillonner les routes de l’üle dans les principaux fiefs de l’ylang-ylang, au PĂŽle d’excellence rurale, Ă  Ouangani, en allant jusqu’aux plantations Guerlain Ă  Combani. Entre Coconi et Kahani, le site de Valarano, avec sa forĂȘt et sa biodiversitĂ© unique, a Ă©tĂ© dĂ©vastĂ©. Le LycĂ©e agricole y dĂ©veloppe une cocoteraie pour valoriser la filiĂšre noix de coco : plus de 90% de nos cocotiers sont Ă  terre. Je rends visite Ă  Hassani Soulaimana d’AROmaorĂ© qui habite Ouangani. Un ami, qui fait partie de ceux qui ont permis de prĂ©server l’ylang de Mayotte depuis tant d’annĂ©es. Beaucoup de dĂ©gĂąts, mais on admire la patience et la solidaritĂ© qu’ont les agriculteurs pour se relever. À VahibĂ© puis Ă  Combani, la dĂ©solation est encore plus grande. L’eau et le vent se sont dĂ©chaĂźnĂ©s sur le paysage vert de Mayotte. Je me rends alors aux anciennes plantations Guerlain, 13 hectares d’ylangueraies. La quasi-totalitĂ© du site Guerlain semble dĂ©truite. Mais les ylangs sont encore lĂ  ! Certes, ils ont Ă©tĂ© malmenĂ©s, mais ils sont toujours debout et ils incarnent cet espoir que nous avons de relancer la distillation. »

Photos de la double page : © Kassim Fidaly

MAYOTTE : TOUS UNIS POUR REDONNER VIE À

L’ÎLE !

d u 5 au 7 dĂ©cembre, « mon Ăźle propre », la toute premiĂšre opĂ©ration collective de nettoyage et de S en S ibili S ation initiĂ©e Ă  l ’ Ă©chelle de l ’ en S emble du territoire par le conSeil dĂ©partemental et le Sidevam 976, a connu un vif S uccĂš S f ocu S

UNE OPÉRATION INÉDITE À MAYOTTE

Durant trois jours, munis de gants et de sacs-poubelle, les scolaires, les agents de l’administration, les salariĂ©s des entreprises et le grand public se sont mobilisĂ©s, sur un pĂ©rimĂštre prĂ©cis de nettoyage, pour collecter tous types de dĂ©chets – exceptĂ© les dangereux –dans les zones urbaines et rurales de Mayotte, les espaces naturels, les sites remarquables.

Cette opĂ©ration d’envergure a nĂ©cessitĂ© une importante logistique. Des bennes ont Ă©tĂ© dĂ©ployĂ©es sur l’ensemble du territoire pour les encombrants, les dĂ©chets d’équipements Ă©lectriques et Ă©lectroniques (DEEE), mais Ă©galement les dĂ©chets mĂ©nagers et les batteries. « Si la mise Ă  disposition des dĂ©chets de la part du concitoyen a durĂ© seulement trois jours, l’opĂ©ration de collecte par les entreprises en bord de route a perdurĂ© encore les 15 jours suivants », confie le docteur Hidaya Chakrina, directrice de communication du DĂ©partement de Mayotte.

L’ensemble de la population mahoraise a Ă©tĂ© conviĂ©e Ă  prendre part Ă  l’opĂ©ration « Mon Ăźle propre ». © Hannah Dominique

NETTOYER, ET SURTOUT SENSIBILISER

Au-delĂ  du passage Ă  l’action, l’objectif de l’opĂ©ration a Ă©tĂ© de sensibiliser la population Ă  l’importance du tri des dĂ©chets, en montrant que chaque geste compte pour prĂ©server l’environnement. Le prĂ©fet de Mayotte François-Xavier Bieuville a soulignĂ© : « Mayotte n’est pas une Ăźle propre, il faut le reconnaĂźtre. On a une problĂ©matique d’écoresponsabilitĂ©. Il faut que nos concitoyens comprennent que le moindre dĂ©tritus, le moindre objet en plastique, la moindre canette mettent des dizaines, des centaines d’annĂ©es Ă  disparaĂźtre dans la nature et impactent durablement l’environnement. »

À titre d’exemple, Habit’Âme a participĂ©, aux cĂŽtĂ©s de VINCI, Ă  cette grande opĂ©ration « Mon Ăźle propre ». « Nous avons ramenĂ© nos machines pour montrer au public comment nous pouvons recycler les dĂ©chets plastiques. Chacun est reparti avec un objet qu’il a fabriquĂ©, comme un peigne, un porte-clé  », dĂ©crit Hannah Dominique, gĂ©rante de Habit’Âme.

« MON ÎLE PROPRE », UN BILAN POSITIF, UNE OPÉRATION PÉRENNE

‱ 43 000 participants dans les 17 communes de l’üle, 185 associations, 50 partenaires privĂ©s

‱ 25 000 tonnes de dĂ©chets collectĂ©s sur tout le territoire mahorais

‱ 400 carcasses de vĂ©hicules Ă©vacuĂ©es au sein de la commune de Mamoudzou

Dominique

c omme chacun Sait, le 14 dĂ©cembre 2024, m ayotte a Ă©tĂ© trĂš S lourdement frappĂ©e par le cyclone tropical inten S e c hido , qui a gĂ©nĂ©rĂ© de S con S Ă©quence S dĂ©va S tatrice S pour la population et l ’ environnement Ă© clairage avec h annah d ominique

INTERVIEW

HANNAH DOMINIQUE, COFONDATRICE ET GÉRANTE DE LA STARTUP HABIT’ÂME À MAYOTTE

‱ Quel regard portez-vous sur la situation ?

- Une profonde tristesse, un sentiment d’impuissance. Toute l’üle de Mayotte est Ă  reconstruire. Cette catastrophe climatique a non seulement causĂ© des morts, dĂ©truit des habitations et infrastructures, mais c’est Ă©galement toute la forĂȘt, la faune, la flore qui sont Ă  terre. La population est privĂ©e de nourriture, d’eau, d’électricitĂ©. Toutes les terres agricoles sont dĂ©vastĂ©es. Les coulĂ©es de boue impactent le lagon. Les lĂ©muriens sont dĂ©sorientĂ©s et sont davantage visibles en milieu urbain, et meurent trĂšs souvent sur la route. Une explosion du braconnage des tortues est Ă  craindre. Les dĂ©chets s’entassent, ce qui va amener des maladies. C’est un drame Ă  la fois humanitaire et environnemental.

MalgrĂ© ce paysage de dĂ©solation, une grande solidaritĂ© s’est mise en place. La population, sans relĂąche, frappe la tĂŽle pour reconstruire les habitations. Il y a aussi un sentiment de colĂšre, car Mayotte se sent abandonnĂ©e du monde.

HABIT’ÂME RECYCLE LE PLASTIQUE

Soutenue par le DĂ©partement de Mayotte, laurĂ©ate de la 9e Ă©dition du concours Innovation Outre-Mer dans la catĂ©gorie Cleantech & recycling, Habit’Âme est une entreprise de l’économie sociale et solidaire (ESS). Elle rĂ©cupĂšre les dĂ©chets plastiques du territoire pour les transformer en matĂ©riaux de construction de second Ɠuvre, en mobilier et objets divers. De plus, elle sensibilise aux enjeux environnementaux via des ateliers en milieu scolaire, dans les entreprises et collectivitĂ©s, forme aux mĂ©tiers du recyclage... Habit’Âme emploie 13 salariĂ©s, dont sept en insertion. Elle a pour but ultime la crĂ©ation de logements modulables en kits Ă  Mayotte, accessibles Ă  tous et Ă  base de plastique recyclĂ©.

Habit’Âme souhaite apporter son soutien en donnant des matĂ©riaux de construction, mais aujourd’hui, c’est trĂšs compliquĂ©, car seulement 40 % du territoire est raccordĂ© Ă  l’électricitĂ© et notre site de production fait partie des 60 % restants. Nous accompagnons les associations Ă  travers la distribution de repas, la fourniture d’aides d’urgence, etc.

‱ Comment envisagez-vous l’avenir de l’üle ?

- Il y a un monde d’avant et un monde d’aprĂšs ! Nous devons transformer ce drame en opportunitĂ© pour repenser nos modes de consommation, construire des bĂątiments dignes et respectueux de l’environnement, arrĂȘter la dĂ©forestation, remettre au goĂ»t du jour une forĂȘt endĂ©mique et une terre qui s’autoprotĂšge.

Comme les locaux de nombreuses entreprises, le siĂšge de Habit’Âme a Ă©tĂ© ravagĂ© par ce cyclone hors norme. © Hannah Dominique
Rédaction et interview
: Sandrine Chopot
Le cyclone tropical intense Chido a atteint une puissance telle que Mayotte n’avait pas connu de phĂ©nomĂšne similaire depuis 90 ans. Les vents ont dĂ©passĂ© les 220 km/h et ont littĂ©ralement soufflĂ© les habitations prĂ©caires, ainsi que de nombreuses constructions en dur par ailleurs.
Chido a semĂ© la dĂ©solation partout sur l’üle. Le bilan humain provisoire de son passage, communiquĂ© par la prĂ©fecture de Mayotte en date du 24 dĂ©cembre, faisait Ă©tat de 39 morts et de 4 260 blessĂ©s, dont 124 griĂšvement. Photographies de la double page : Hannah Dominique

LA CADEMA MET EN ƒUVRE SON PLAN

CLIMAT-AIR-ÉNERGIE TERRITORIAL (PCAET)

premier outil de ce type dĂ©ployĂ© Ă  m ayotte , le pcaet mi S en place depui S 2021 par la cadema Se dĂ©cline en 69 actionS portant Sur ceS thĂ©matiqueS : la rĂ©duction deS Ă©miSSionS de ga Z Ă  effet de S erre , l ’ adaptation au changement climatique , la S obriĂ©tĂ© Ă©nergĂ©tique , la qualitĂ© de l ’ air et le dĂ©veloppement de S Ă©nergie S renouvelable S

Un PCAET est un outil de planification stratĂ©gique et opĂ©rationnel obligatoire pour toutes les collectivitĂ©s de plus de 20 000 habitants. RĂ©visĂ© tous les six ans, avec une Ă©valuation Ă  mi-parcours, il leur permet d’apprĂ©hender l’ensemble des problĂ©matiques en lien avec le changement climatique et de construire un programme d’actions adaptĂ©.

Consciente des enjeux du rĂ©chauffement climatique, la Cadema, CommunautĂ© d’agglomĂ©ration de DembĂ©niMamoudzou, a engagĂ© dĂšs l’annĂ©e 2019 des ateliers de concertation et d’échanges avec les acteurs du territoire et les autoritĂ©s compĂ©tentes pour mettre en place son PCAET. « AdoptĂ© pour la pĂ©riode 20212026, le PCAET est un projet territorial de dĂ©veloppement durable qui a deux objectifs principaux : lutter contre le changement climatique et adapter notre territoire aux consĂ©quences de ce changement », explique Mouniya Mboiboi, responsable Ă  la fois de la Transition Ă©cologique et Ă©nergĂ©tique et de la StratĂ©gie biodiversitĂ© Ă  la Cadema.

UN PLAN D’ACTIONS AMBITIEUX !

‱ La mobilitĂ© douce est en plein essor au sein de la Cadema, comme le premier rĂ©seau de transport collectif interurbain du territoire. Avec ses quatre lignes, Caribus ambitionne de desservir les dĂ©placements du nord au sud de la communautĂ© d’agglomĂ©ration. De nouveaux amĂ©nagements verts, des pistes cyclables et des zones piĂ©tonnes sont prĂ©vues. Un projet qui permettra Ă  la fois de dĂ©sengorger Mamoudzou et de rĂ©duire les Ă©missions de gaz Ă  effet de serre.

‱ Le dĂ©veloppement des Ă©nergies renouvelables couplĂ© Ă  la qualitĂ© environnementale des bĂątiments forment un autre axe fort du PCAET. La Cadema engage ainsi son territoire sur la trajectoire de l’autonomie Ă©nergĂ©tique, dont le cap est donnĂ© par la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Cette derniĂšre vise Ă  rĂ©duire de 10 % la demande en Ă©lectricitĂ© d’ici 2030 et Ă  augmenter la part des Ă©nergies renouvelables dans le mix Ă©nergĂ©tique. La construction

La Cadema prĂ©sente son PCAET au public scolaire pour le sensibiliser aux Ă©cogestes, notamment sur la maĂźtrise de l’énergie. Cette maquette de maison permet d’évoquer les panneaux solaires et les matĂ©riaux biosourcĂ©s, tels la brique de terre mahoraise, le bambou et le bois. © Cadema

Pour atteindre les objectifs fixĂ©s par le PCAET, les acteurs du territoire doivent revoir Ă  la baisse leur consommation Ă©nergĂ©tique en favorisant l’utilisation de nouvelles Ă©nergies dans tous les secteurs : transport, mobilitĂ©, bĂątiment, agriculture, industrie... | Mouniya Mboiboi. © Cadema

de fermes solaires, d’une centrale solaire par EDM et la pose de toitures photovoltaĂŻques auprĂšs des particuliers, participent Ă  cette rĂ©duction.

‱ Un plan local d’urbanisme (PLU) a Ă©tĂ© intĂ©grĂ© au PCAET. Il autorise dĂ©sormais l’élĂ©vation des bĂątiments jusqu’à 16 mĂštres, contre 11 mĂštres auparavant.

‱ La collecte des dĂ©chets a Ă©tĂ© mise en place dans les zones inaccessibles. De plus, des actions de sensibilisation auprĂšs de la population sur l’énergie, la qualitĂ© de l’air, l’eau et les dĂ©chets sont effectuĂ©es par les Ambassadeurs « Ă©cogestes » prĂ©sents sur le terrain.

« À ce jour, nous en sommes Ă  environ 50 % des actions rĂ©alisĂ©es. L’objectif, d’ici 2026, est d’amorcer le plus d’initiatives possibles, voire d’en mutualiser certaines. Il ne s’agit pas uniquement du PCAET de la Cadema, c’est aussi celui des communes, des acteurs Ă©conomiques publics et privĂ©s, des institutions, des citoyens. Il est important que tout un chacun puisse se

JournĂ©e contre la prĂ©caritĂ© Ă©nergĂ©tique, le 12 novembre 2024 Ă  la MJC de M’Gombani, en partenariat avec l’association Soliha. © Cadema

l’approprier. Enfin, ce PCAET n’est pas un outil figĂ© : il va devoir s’adapter Ă  la nouvelle rĂ©glementation et s’aligner sur les nouveaux objectifs fixĂ©s par la PPE », prĂ©cise Mouniya Mboiboi.

UNE RENTRÉE 2025 RICHE EN ACTUALITÉS

Le dĂ©cret tertiaire est une obligation rĂ©glementaire qui engage les acteurs du tertiaire vers la sobriĂ©tĂ© en matiĂšre d’énergie. Dans ce cadre, la Cadema est laurĂ©ate du programme national ACTEE, qui finance les collectivitĂ©s primĂ©es pour leurs projets de rĂ©novation Ă©nergĂ©tique.

« Nous allons poursuivre les audits Ă©nergĂ©tiques dans les Ă©coles primaires », communique la Cadema. De plus, en collaboration avec Hawa Mayotte, association locale agréée pour la surveillance de la qualitĂ© de l’air, les rĂ©sultats de l’étude en cours sur la qualitĂ© de l’air au sein de 48 Ă©coles primaires seront publiĂ©s cette annĂ©e.

Dans le domaine de la mobilitĂ©, les choses bougent ! La phase 1 du projet Caribus va ĂȘtre lancĂ©e en dĂ©but d’annĂ©e. Les premiĂšres navettes circuleront sur un tronçon d’environ cinq kilomĂštres. Et Mouniya Mboiboi de conclure : « 2025, c’est aussi, nous l’espĂ©rons, la pose de la premiĂšre pierre du siĂšge des nouveaux bĂątiments certifiĂ©s Haute QualitĂ© Environnementale de la Cadema ! »

TAAF – VENDÉE

l ’ admini S tration de S t erre S au S trale S et antarctique S françai S e S ( taaf ) S ’ e S t a SS ociĂ©e Ă 

la 10 e Ă©dition du v endĂ©e g lobe , entamĂ©e le 10 novembre , et dont une partie du tracĂ© S e dĂ©roule dan S le S mer S au S trale S , prĂš S de S rare S terre S Ă©mergĂ©e S du S ud de l ’ ocĂ©an i ndien

Partis le 10 novembre dernier des Sables d’Olonne, les 40 skippers participant Ă  la 10 e Ă©dition du VendĂ©e Globe navigueront entre les quarantiĂšmes rugissants 1 et les cinquantiĂšmes hurlants 2, dans les mers australes, parmi les plus agitĂ©es de la planĂšte.

Ce passage au large des trois districts subantarctiques français – Crozet, Kerguelen et Saint-Paul et Amsterdam – est d’autant plus symbolique que cette annĂ©e, l’administration supĂ©rieure des TAAF est partenaire du VendĂ©e Globe. Pour elle, cet Ă©vĂ©nement mĂ©diatique offre l’occasion de rappeler le « rapport privilĂ©giĂ© » qu’entretiennent ces territoires avec le monde maritime, et les actions de la France en faveur de la biodiversitĂ© exceptionnelle de la rĂ©gion.

Les TAAF abritent en effet l’une des plus fortes concentrations d’oiseaux et de mammifùres marins

au monde et accueillent en permanence des Ă©quipes scientifiques et techniques, chargĂ©es d’étudier ces Ă©cosystĂšmes uniques. Des forces militaires sont aussi prĂ©sentes pour assurer la souverainetĂ© nationale et faire face aux menaces de pĂȘche illĂ©gale.

La RĂ©serve naturelle nationale des Terres australes françaises, Ă©tendue en 2022, est Ă  ce jour le deuxiĂšme plus vaste espace maritime protĂ©gĂ© mondial – avec plus d’1,6 million de km 2 – derriĂšre le parc marin Ă©tatsunien « Marae Moana » des Îles Cook

OPÉRATIONS DE SAUVETAGE

Le lien entre les TAAF et le VendĂ©e Globe s’incarne de façon plus pragmatique avec le Marion Dufresne, le navire « couteau-suisse » chargĂ© du ravitaillement de

Haut de page : excursion sur des caillebottis protĂ©geant la flore de l’üle de la Possession, Ă  Crozet, oĂč le Marion Dufresne est au mouillage. | 1 et 2 Noms attribuĂ©s respectivement aux latitudes situĂ©es entre les 40e et 50e, puis les 50e et 60e parallĂšles dans la zone de l’ocĂ©an Austral

Crozet, des Kerguelen et de Saint-Paul et Amsterdam et qui mĂšne, comme n’importe quel navire, des opĂ©rations de sauvetage en mer lorsque cela s’avĂšre nĂ©cessaire. En 2008 et en 2016, il a par exemple Ă©tĂ© mobilisĂ© pour secourir des skippers participant Ă  la course du VendĂ©e Globe.

Pour faire connaĂźtre les TAAF, ainsi que les femmes et les hommes qui y Ă©voluent, plusieurs actions ont Ă©tĂ© mises en place. Une immersion Ă  bord du Marion Dufresne a par exemple Ă©tĂ© organisĂ©e, dans le cadre de laquelle les inscrits ont reçu des « colis numĂ©riques », avec des nouvelles en temps rĂ©el de l’équipage ayant assurĂ©, en dĂ©cembre, la quatriĂšme rotation australe du navire en 2024.

Navigatrice, connue, entre autres, pour avoir Ă©tĂ© la premiĂšre femme Ă  avoir accompli un tour du monde en solitaire lors d’une compĂ©tition, et prĂ©sidente du Conseil consultatif des TAAF, Isabelle Autissier incarne ce pont entre les Terres australes et antarctiques françaises et le VendĂ©e Globe.

INTERVIEW

ISABELLE AUTISSIER, NAVIGATRICE ET PRÉSIDENTE DU CONSEIL

CONSULTATIF DES TAAF

‱ Pouvez-vous revenir sur les liens existants entre le VendĂ©e Globe, les TAAF et le Marion Dufresne, sur lequel vous effectuez actuellement l’une des quatre rotations annuelles (OP4) ?

- Au-delĂ  des missions de secours que le Marion Dufresne peut ĂȘtre amenĂ© Ă  rĂ©aliser comme tout autre navire, il y a plusieurs points communs entre les deux univers. Quand on se trouve en mer, on est extrĂȘmement vulnĂ©rable et nous avons cette obsession de la sĂ©curitĂ© et de l’attention au milieu dans lequel nous naviguons. Nous sommes en permanence vigilants Ă  la mĂ©tĂ©o et devons faire preuve d’une grande adaptabilitĂ©. C’est aussi vrai pour le skipper en solitaire qui va devoir bricoler pour rĂ©parer son bateau que nous, sur le Marion, quand une escale ne se passe pas comme prĂ©vu.

« IL FAUT TOUT FAIRE POUR PROTÉGER

CETTE PETITE OASIS DE VIE »

‱ La biodiversitĂ© des mers australes est aussi riche que menacĂ©e par le dĂ©rĂšglement climatique. Quelle Ă©motion cela provoque-t-il chez vous ?

- Quand d’un cĂŽtĂ©, on voit la biodiversitĂ© s’appauvrir tout autour de nous et, de l’autre, qu’on a ici des Ă©cosystĂšmes encore trĂšs fournis et vigoureux avec de nombreuses espĂšces endĂ©miques, je pense que l’on est tous saisis de la mĂȘme Ă©motion : il faut tout faire pour protĂ©ger cette petite oasis de vie.

Le dĂ©rĂšglement climatique, qui touche avant tout les pĂŽles, a un impact particuliĂšrement grave. Ici, dans les TAAF, un rĂ©chauffement d’un degrĂ© a de grandes consĂ©quences. Cela a par exemple un effet assĂ©chant qui permet au vent d’arracher les rares plantes parvenant Ă  pousser. Les oiseaux perdent alors des sites de nidification. Il y a des effets en chaĂźne. Et, vu l’isolement des populations, si elles disparaissent ou s’amoindrissent, il n’y a pas de retour en arriĂšre possible.

‱ Comment, en tant que prĂ©sidente du Conseil consultatif des TAAF, menez-vous ce combat pour la prĂ©servation des ocĂ©ans ?

- Pour sauvegarder la vie sauvage, il ne suffit pas de tracer une rĂ©serve sur une carte. Il faut avoir tous les alĂ©as en tĂȘte et une vision Ă  360 degrĂ©s. Par exemple, il faut avoir des scientifiques pour comprendre comment Ă©volue le milieu, une force militaire pour empĂȘcher la pĂȘche illĂ©gale. Mon rĂŽle, dans tout ça, c’est de prodiguer des conseils au prĂ©fet ou Ă  la prĂ©fĂšte des TAAF et de m’assurer que l’ensemble des points de vue soient bien entendus.

Rédaction et interview : Enzo Dubesset

POLYNÉSIE FRANÇAISE

TAHITI S’ATTAQUE ENFIN À L’IMMENSE PROBLÈME DES PNEUS USÉS

Les pneus sont dĂ©posĂ©s sur un tapis roulant qui les emporte vers le broyeur, oĂč ils sont tronçonnĂ©s. © Anne-Charlotte Lehartel

pour la premiĂšre foiS, une filiĂšre de valoriSation deS pneumatiqueS a vu le jour Sur la cĂŽte oueSt de tahiti en 2023, alorS que l ’ immenSe majoritĂ© deS pneuS uSĂ©S – au moinS 2 800 tonneS par an – terminaient danS la nature, avec effet cumulatif depuiS deS dĂ©cennieS. un broyeur leS dĂ©chiquette afin de produire de S chip S , S orte S de copeaux calibrĂ© S aux utili S ation S diver S e S .

Sur 2 400 tonnes de pneus importĂ©es chaque annĂ©e en PolynĂ©sie française – hors les pneus qui arrivent dĂ©jĂ  montĂ©s sur les vĂ©hicules neufs – seules 400 tonnes au mieux Ă©taient rĂ©cupĂ©rĂ©es par Fenua Ma, syndicat chargĂ© du tri en PolynĂ©sie française et signifiant « Pays propre ». Qui, au mieux, en rĂ©expĂ©diait une infime quantitĂ© vers la Nouvelle-ZĂ©lande, mais le plus souvent les stockait en surface, Ă  la suite d’incendies qui ont dissuadĂ© le syndicat de les enfouir dans des casiers. CompĂ©tent Ă  Tahiti et Moorea sauf Ă  Faa’a, Fenua Ma est censĂ© recueillir tous les pneus de la filiĂšre professionnelle sur cette zone, puisque les vendeurs de pneumatiques ont en principe l’obligation de s’assurer du bon traitement de leurs dĂ©chets


À plusieurs reprises, le syndicat a lancĂ© des appels d’offres restĂ©s infructueux pour ces « dĂ©chets ultimes ». ClassĂ©s comme dĂ©chets non dangereux, les pneus usĂ©s reprĂ©sentent malgrĂ© tout un risque pour l’environnement et la santĂ© publique en cas d’incendies (Ă©missions de gaz toxiques) ou de dĂ©pĂŽts sauvages (gĂźtes pour les moustiques). Il est interdit de les enterrer, de les abandonner dans le milieu naturel ou de les brĂ»ler.

UN NOUVEAU MATÉRIAU DE REMBLAI, À UN PRIX PLUS ABORDABLE

Finalement, la sociĂ©tĂ© Enviropol, spĂ©cialisĂ©e dans le tri, le transfert, l’enfouissement et la valorisation

des dĂ©chets, a remportĂ© un nouvel appel d’offres lancĂ© par le Pays. Elle a installĂ©, sur le site du Centre d’enfouissement technique (CET) de Paihoro en 2023, une machine d’origine amĂ©ricaine opĂ©rationnelle depuis quelques mois.

Les pneus sont dĂ©posĂ©s par un opĂ©rateur sur un tapis roulant qui les emporte vers le broyeur, oĂč ils sont tronçonnĂ©s. Les fragments arrivent dans un crible Ă  recirculation : ce qui ne franchit pas le crible repart dans les mĂąchoires de l’engin. Enviropol obtient au final des Ă©lĂ©ments calibrĂ©s et normĂ©s de 10 cm maximum, un matĂ©riau qui peut ĂȘtre valorisĂ©, notamment dans des tranchĂ©es drainantes, ou alors comme matĂ©riau de remblai pour des applications notamment en voirie et rĂ©seaux divers (VRD). La question des agrĂ©gats devient sensible Ă  Tahiti : les pierres utilisĂ©es par les travaux publics sont prĂ©levĂ©es dans les vallĂ©es, et les concessions sont de plus en plus difficiles Ă  obtenir. PlutĂŽt que d’utiliser du basalte, Enviropol propose Ă  la vente ses chips de pneus Ă  petit prix. Selon Fenua Ma, l’activitĂ© va tourner entre 1 400 et 1 700 tonnes de pneus broyĂ©es par an pour deux Ă  trois jours de fonctionnement par semaine, afin d’évacuer peu Ă  peu le stock historique mis de cĂŽtĂ© depuis 2012. Les pneus usĂ©s ne reprĂ©sentent « que » 0,5 % du gisement global des dĂ©chets, mais les associations savent qu’il y en partout dans la nature, y compris sous l’eau.

Rédaction : Damien Grivois

TÉMOIGNAGE

WINIKI SAGE, PRÉSIDENT DE LA FÉDÉRATION DES ASSOCIATIONS DE PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT (FAPE-TE ORA NAHO)

« L’arrivĂ©e Ă  Tahiti de ce broyeur est une bonne nouvelle, les pneus usĂ©s faisaient partie des dossiers jamais rĂ©solus. Des milliers de pneus “disparaissent” dans la nature chaque annĂ©e, depuis des dĂ©cennies, rien n’ayant Ă©tĂ© prĂ©vu en matiĂšre de recyclage. Lors des opĂ©rations de nettoyage du lit des riviĂšres ou des lagons, les associations en rĂ©cupĂšrent des quantitĂ©s incroyables. Le tonnage de pneus collectĂ©s par Fenua Ma reste trĂšs infĂ©rieur Ă  ce qu’il devrait ĂȘtre : il faut impliquer davantage les importateurs. Peut-ĂȘtre faudrat-il envisager un autre broyeur destinĂ© aux autres Ăźles que Tahiti ? Si les chips de pneumatiques broyĂ©s reprĂ©sentent une alternative aux agrĂ©gats, c’est encore mieux, mĂȘme si ça ne remplacera pas tout. Nous pensons qu’il faut cesser les extractions dans les lits des riviĂšres, d’autant que pendant longtemps, les tonnages prĂ©levĂ©s n’ont pas Ă©tĂ© contrĂŽlĂ©s. La Fape milite pour l’ouverture de vraies carriĂšres. Et peut-ĂȘtre envisager d’inclure une partie de chips de pneus dans le revĂȘtement des routes, ça renforce, paraĂźt-il, leur rĂ©sistance, adhĂ©rence et confort sonore. »

À gauche : Winiki Sage se rĂ©jouit de l’arrivĂ©e du broyeur, mais s’inquiĂšte que seul un pneu sur quatre arrive au retraitement. © Damien Grivois | Ci-dessus : lors de chaque opĂ©ration de nettoyage, le mĂȘme constat : on retrouve des pneus usĂ©s partout. © JMM

SEUL UN PNEU SUR QUATRE RÉCUPÉRÉ PAR FENUA MA

Selon l’Institut de la statistique de la PolynĂ©sie française (ISPF), Tahiti importe chaque annĂ©e prĂšs de 150 000 pneus rien que pour les vĂ©hicules de tourisme, sans compter les pneus dĂ©jĂ  montĂ©s sur les voitures neuves, qui totalisent a minima 25 000 pneus par an.

L’article L541-2 du Code de l’environnement national stipule que « tout producteur ou dĂ©tenteur de dĂ©chets est responsable de la gestion de ses dĂ©chets jusqu’à leur Ă©limination ou valorisation finale, mĂȘme lorsque le dĂ©chet est transfĂ©rĂ© Ă  des fins de traitement Ă  un tiers. Tout producteur ou dĂ©tenteur de dĂ©chets s’assure que la personne Ă  qui il les remet est autorisĂ©e Ă  les prendre en charge. »

Le Pays, adhérent au syndicat Fenua Ma au titre de sa compétence sur les déchets toxiques et spécifiques (piles, batteries, huiles, médicaments, carcasses de voitures, déchets électroniques, fusées de détresse, etc.), a voulu résoudre le problÚme.

AprĂšs une premiĂšre consultation demeurĂ©e infructueuse en 2017 « en raison de rĂ©ponses financiĂšres trop Ă©levĂ©es », Fenua Ma a lancĂ© un nouvel appel d’offres remportĂ© par Enviropol. Les pneus usĂ©s sont en principe collectĂ©s lors de leur remplacement, puis envoyĂ©s chez Fenua Ma. En rĂ©alitĂ©, le syndicat rĂ©cupĂšre aujourd’hui au mieux 25 % des pneus des seuls vĂ©hicules de tourisme.

NOUVELLECALÉDONIE

VALORGA CULTIVE LES RICHESSES DES DÉCHETS ORGANIQUES

depuiS Sa crĂ©ation en 2018, le cluSter valorga S ’ attache Ă  optimiSer l ’ impact Ă©cologique et Ă©conomique de S initiative S de valori S ation de S dĂ©chet S organique S mi S e S en Ɠuvre par S a trentaine d ’ adhĂ©rent S l e S objectif S pour S uivi S : rĂ©duire le S dĂ©chet S , utili S er de S produit S locaux et naturel S , crĂ©er une filiĂšre Ă©conomique .

La valorisation des dĂ©chets organiques s’est d’abord dĂ©veloppĂ©e autour de la rĂ©utilisation des dĂ©chets verts, principalement via le compostage. Recycler pour ne plus enfouir, l’enfouissement Ă©tant « un non-sens Ă©conomique et environnemental », considĂšre ChloĂ© Saglibene, animatrice du cluster Valorga. Quitte Ă  payer pour que son dĂ©chet soit gĂ©rĂ©, autant le faire pour qu’il soit traitĂ© plutĂŽt qu’enfoui. Cet enjeu a rencontrĂ© celui du traitement des boues de stations d’épuration du Grand NoumĂ©a, qui concentre deux tiers de la population calĂ©donienne. La voie du cocompostage a Ă©tĂ© retenue, explique ChloĂ© Saglibene. « Le principe est de mĂ©langer deux volumes de dĂ©chets verts pour un volume de boue. » Une plateforme privĂ©e, qui a vu le jour en 2022 Ă  Tontouta, au nord de l’agglomĂ©ration, vend dĂ©sormais du compost local.

Au fil des ans, de nouveaux projets émergent chez les adhérents de Valorga. « Une société propose du lombricompostage, une autre de la microméthanisation,

qui consiste Ă  produire du biogaz Ă  partir de la fermentation de matiĂšres organiques. Et puis, il y a la start-up Neofly qui teste un procĂ©dĂ© innovant. Elle transforme des larves de mouches nourries de biodĂ©chets organiques issus de l’industrie agroalimentaire locale en farine riche en protĂ©ines pour l’alimentation animale, tandis que les restes servent d’engrais. »

LEVER LES A PRIORI

Dans le cadre d’un appel Ă  projets Ademe national, Valorga va comparer l’impact sur le sol, l’environnement, la culture – comme le maĂŻs ou le fourrage – de deux types de fertilisations, une avec des apports organiques locaux, l’autre constituĂ©e d’engrais minĂ©raux importĂ©s. L’idĂ©e est de lever les craintes et les a priori Pas toujours Ă©vident quand les pratiques sont ancrĂ©es depuis longtemps. « Il y avait une certaine rĂ©ticence au dĂ©but Ă  utiliser les composts locaux en raison d’un

En haut de page : cocompostage – c’est-Ă -dire mĂ©lange de dĂ©chets verts et de boues de stations d’épuration – prĂ©sentĂ© par Mango Environnement, la plus grande plateforme de compostage de Nouvelle-CalĂ©donie, dans le quartier de Nessadiou Ă  Bourail. © Valorga

production de fourrage, avec une dĂ©monstration d’épandage de produits organiques. © Valorga

manque de confiance dans leur qualitĂ© », note ChloĂ© Saglibene. « Faire des Ă©tudes et des dĂ©monstrations sur le terrain est le meilleur moyen de convaincre les agriculteurs », poursuit-elle. Pour aider les diffĂ©rents acteurs Ă  s’y reconnaĂźtre et les inciter Ă  tester, la structure a rĂ©alisĂ© en 2023 un catalogue regroupant les produits disponibles, dĂ©crivant leur composition et leur utilisation.

Au-delĂ  du monde agricole, le cluster explore actuellement d’autres pistes : revĂ©gĂ©talisation miniĂšre, pĂ©piniĂšre
 « Nous avons encore pas mal de choses sur lesquelles travailler, mais ça avance petit Ă  petit. » D’autant qu’avec les rĂ©centes crises – Covid, guerre en Ukraine, etc. – les articles proposĂ©s commencent Ă  devenir attractifs. « Le coĂ»t des engrais importĂ©s augmente, donc on devient compĂ©titif. Cela montre aussi tout l’intĂ©rĂȘt de dĂ©velopper des filiĂšres locales. » Favoriser l’autonomie et une moindre dĂ©pendance visĂ -vis de l’import, ainsi que la crĂ©ation d’une Ă©conomie. L’environnement est Ă©galement un facteur dĂ©terminant. « Il faut prĂ©parer les cultivateurs Ă  mieux entretenir les sols afin d’ĂȘtre plus rĂ©silients face au changement climatique », ajoute ChloĂ© Saglibene. « On est au dĂ©but de l’histoire du traitement des dĂ©chets organiques. » Et Valorga veut en Ă©crire la suite.

Rédaction : Anne-Claire Pophillat

RECYF : LA SECONDE VIE DES POISSONS

Alors que Charles AndrĂ© cherche un projet porteur de sens et d’un intĂ©rĂȘt pour son Ăźle natale, l’idĂ©e lui vient, au retour d’une sortie de pĂȘche, de valoriser les restes de poissons de la filiĂšre hauturiĂšre, traitĂ©s jusqu’alors comme n’importe quel dĂ©chet. « Entre 1 000 Ă  1 400 tonnes partent Ă  l’enfouissement chaque annĂ©e », relĂšve l’entrepreneur. Et cela reprĂ©sente un coĂ»t pour les professionnels, qui doivent payer « 16 francs Pacifique le kilo » (0,13 euro).

Or, ces rĂ©sidus organiques sont riches, naturels et bio. Les exploiter permettrait de prĂ©server l’environnement en Ă©vitant de les jeter, et de crĂ©er un nouveau produit local, grĂące Ă  un procĂ©dĂ© dĂ©jĂ  utilisĂ© un peu partout dans le monde. AprĂšs trois ans de recherche et dĂ©veloppement, l’usine dĂ©marre son activitĂ© dĂ©but 2024 Ă  NoumĂ©a, Ă  cĂŽtĂ© des pĂȘcheries situĂ©es Ă  Nouville. Recyf produit principalement de la farine et un peu d’huile de poisson. Leurs principales utilisations ? « Vu sa teneur en protĂ©ines, notre farine entre dans la composition de l’alimentation animale, notamment pour l’aquaculture, et surtout la crevetticulture, et peut aussi ĂȘtre utilisĂ©e comme engrais dans l’agriculture. »

Et le modĂšle fonctionne. « Nous sommes rentables tout en Ă©tant moins cher que l’import. C’était important que ce soit viable. » Pour Charles AndrĂ©, le process est vertueux. « Cela participe de l’économie circulaire, permet d’ĂȘtre moins dĂ©pendant des farines importĂ©es, de crĂ©er de l’emploi et d’aider le secteur de la pĂȘche en supprimant une charge financiĂšre. »

Chloé Saglibene anime le cluster Valorga, qui fédÚre les acteurs de la filiÚre valorisation des déchets organiques. © A.-C. Pophillat | Journée technique autour de la
Charles André propose des sacs de 500 kg pour les professionnels et de 20 kg pour les particuliers, qui utilisent la farine dans leurs jardins.

Des entreprises rejoignent Valorga pour valoriser leurs dĂ©chets, comme ci-dessus NoumĂ©a Archives, qui « exporte le papier broyĂ©, mais aimerait le rĂ©utiliser en local. Il y a eu des essais en tant que paillage et les agriculteurs sont contents », raconte ChloĂ© Saglibene. C’est le cas aussi de la sociĂ©tĂ© Bois du Nord, qui recycle ses connexes (copeaux, plaquettes, chips...) ou de CMF-Ecobag, pour ses rebus de carton. © Repair

Ci-dessus, de gauche Ă  droite : rĂ©alisation par Valorga d’un bilan de fertilitĂ© du sol. | Formation sur le lombricompostage avec l’association Repair (RĂ©seau professionnel pour une agriculture innovante et responsable) proposĂ©e par l’entreprise Agri New Concept. © Valorga

La taille de l’usine est adaptĂ©e au marchĂ© local. « La ligne de production que nous avons achetĂ©e, qui fait 440 m2, est la plus petite du marchĂ© au monde », indique Charles AndrĂ© de Recyf. Parmi les projets de dĂ©veloppement : capter les dĂ©chets de la pĂȘche lagonaire. © Recyf

« Avec un kilo de dĂ©chets, on fabrique 250 grammes de farine et 50 grammes d’huile » prĂ©cise Charles AndrĂ©. © Recyf

Recyf peut fabriquer 300 tonnes de farine de poisson par an, alors que les besoins du territoire calédonien sont estimés à 900 tonnes.

L’AFD SOUTIENT LES ÉTATS INSULAIRES DANS LEUR

ADAPTATION AU CHANGEMENT CLIMATIQUE

r amener le S donnĂ©e S climatique S Ă  l ’ Ă©chelle de S petit S Ă© tat S in S ulaire S pour leur permettre d ’élaborer leurS StratĂ©gieS d ’ adaptation : c ’ eSt l ’ objectif du projet clipSSa, lancĂ© en 2021 par l ’ afd l e S troi S collectivitĂ© S françai S e S du p acifique et le v anuatu pourront profiter , d ’ ici 2026, de ce S donnĂ©e S inĂ©dite S dan S leur combat face au dĂ©rĂšglement climatique

Les États insulaires du Pacifique sont en premiĂšre ligne face au changement climatique. Érosion cĂŽtiĂšre, ressources en eau et sĂ©curitĂ© alimentaire menacĂ©es
 Ce sont eux qui subissent de maniĂšre la plus brutale le rĂ©chauffement global. Pour s’adapter, ils ne peuvent s’appuyer que sur les donnĂ©es existantes en termes d’évolution climatique. Ces donnĂ©es, notamment celles publiĂ©es par le GIEC, sont indispensables pour Ă©laborer des stratĂ©gies au niveau mondial, mais elles ne sont pas adaptĂ©es Ă  la petite Ă©chelle de ces États du Pacifique.

CLIPSSA : DES DONNÉES NOUVELLES

SUR LE CLIMAT FUTUR DU PACIFIQUE SUD

À leur demande, l’Agence française de dĂ©veloppement (AFD) a initiĂ©, en 2021, le projet CLIPSSA, qui signifie « Climat du Pacifique, savoirs locaux et stratĂ©gies d’adaptation ». Quatre territoires en bĂ©nĂ©ficient : la Nouvelle-CalĂ©donie, Wallis-et-Futuna, la PolynĂ©sie française et le Vanuatu.

En lien avec l’Institut de recherche pour le dĂ©veloppement (IRD) et MĂ©tĂ©o-France, des donnĂ©es inĂ©dites voient le jour : tempĂ©ratures, cyclones, prĂ©cipitations
 « Des donnĂ©es qui influencent la capacitĂ© des États insulaires Ă  faire de l’agriculture, Ă  avoir accĂšs Ă  l’eau
 », dĂ©taille Charlotte-Fleur Cristofari, experte climat Ă  la direction rĂ©gionale ocĂ©an Pacifique de l’AFD.

Cette collecte de donnĂ©es va de pair avec des travaux de recherche auprĂšs des communautĂ©s locales, notamment Ă  Wallis-et-Futuna, dans le but de comprendre comment les agriculteurs s’adaptent. « Ont-ils dĂ©jĂ  ajustĂ©, par exemple, leurs pratiques de culture du taro ? Observent-ils un changement des cycles de prĂ©cipitations, de semences ou de rĂ©coltes ? Ces donnĂ©es sont capitales dans le cadre de la sĂ©curitĂ© alimentaire », insiste Charlotte-Fleur Cristofari. « L’objectif est que les pouvoirs s’emparent de ces donnĂ©es et qu’ils s’en servent comme outil d’aide Ă  la dĂ©cision. » Afin de prendre les meilleures dĂ©cisions possibles, de maniĂšre Ă©clairĂ©e, car il en va de la survie de ces joyaux du Pacifique.

INTERVIEW CROISÉE

ISAAKE TUIKALEPA, INGÉNIEUR

D’ÉTUDES EN ANTHROPOLOGIE ET EN AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE, ET DIDIER LABROUSSE, CHEF

D’ANTENNE DU SERVICE TERRITORIAL DE L’ENVIRONNEMENT (STE) À FUTUNA

‱ Quels sont les enjeux Ă©conomiques et culturels du projet CLIPSSA sur Wallis-et-Futuna ?

Isaake Tuikalepa - L’agriculture, en plus de son rĂŽle vivrier, tient une place trĂšs importante dans la culture futunienne. Les rĂ©coltes entrent dans les circuits d’échanges coutumiers, garants de la cohĂ©sion sociale. Le changement climatique et ses impacts sur l’agriculture sont un enjeu majeur pour la population locale. CLIPSSA permet de rendre compte des pratiques agricoles Ă  Futuna, de comprendre leur Ă©volution et donc leur capacitĂ© d’adaptation afin d’aiguiller les politiques publiques. Les travaux ont aussi permis d’identifier les leviers et les freins de la commercialisation des produits agricoles.

Didier Labrousse - Les changements climatiques concernent Ă©galement la pĂȘche rĂ©cifale et cĂŽtiĂšre, du fait de l’augmentation des tempĂ©ratures ocĂ©aniques, de la variation des courants et donc du dĂ©placement des poissons, notamment les pĂ©lagiques. Il y a donc un impact sur la ressource et l’alimentation. De nombreux enjeux existent aussi par rapport Ă  l’eau, ressource agricole essentielle pour la culture du taro irriguĂ©. L’eau provient des riviĂšres Ă  Futuna et les Ă©pisodes de sĂ©cheresse rarĂ©fient la ressource. Par ailleurs, les petites nappes phrĂ©atiques de Wallis sont menacĂ©es par l’élĂ©vation du niveau de la mer.

‱ Quelles sont les problĂ©matiques spĂ©cifiques Ă  Wallis-et-Futuna ?

Isaake Tuikalepa - Principalement l’érosion cĂŽtiĂšre avec l’élĂ©vation du niveau de la mer, le blanchissement des coraux, la gestion de la ressource en eau. Les agriculteurs ont une capacitĂ© d’adaptation remarquable. Si les anciennes variĂ©tĂ©s plantĂ©es sont moins rĂ©sistantes aux changements du temps, les nouvelles variĂ©tĂ©s s’intĂšgrent facilement dans l’agriculture locale. Elles font l’objet d’expĂ©rimentations permettant leur usage par les agriculteurs et leur diffusion Ă  plus grande Ă©chelle.

Didier Labrousse - La montĂ©e du niveau de l’ocĂ©an et la frĂ©quence des alĂ©as climatiques Ă©rodent et font reculer le trait de cĂŽte. Or, l’habitat en zone littorale et les infrastructures routiĂšres n’offrent que peu d’alternatives de dĂ©placement et de relogement des populations. Il n’existe qu’une route cĂŽtiĂšre Ă  Futuna. C’est une Ăźle haute, mais avec peu de plateaux amĂ©nageables. Cela implique donc Ă©galement une rĂ©flexion sur la rĂ©partition des sols entre urbanisation et agriculture.

PortĂ© par l’AFD, l’IRD et MĂ©tĂ©o-France, CLIPSSA aide Ă  renforcer les capacitĂ©s d’adaptation de la rĂ©gion au changement climatique. + d’info ici : Le projet CLIPSSA

CLIPSSA est un projet qui a dĂ©butĂ© en juillet 2021, pour une durĂ©e de trois ans et demi, d’un montant de 3,8 millions d’euros.
Photos de l’article : ©
Isaake Tuikalepa

WALLISET-FUTUNA

Rédaction et interview : Justine Taugourdeau

VERS L’ÉCOTOURISME À WALLIS-ET-FUTUNA

l’écotouriSme permet de dĂ©couvrir un milieu naturel, tout en le reSpectant et en apprĂ©ciant leS pratique S culturelle S qui y rĂšgnent . b ien loin du touri S me de ma SS e , l ’ archipel de W alli Set - f utuna , grĂące Ă  S a nature prĂ© S ervĂ©e entre mer et montagne au cƓur du p acifique , e S t un territoire propice Ă  cette forme de touri S me durable , qui bĂ©nĂ©ficie aux communautĂ© S locale S

LA SITUATION ACTUELLE

DU TOURISME DANS L’ARCHIPEL

À la suite des Assises des Outre-mer qui se sont tenues d’octobre 2017 Ă  fĂ©vrier 2018, le tourisme a Ă©tĂ© nommĂ© comme la toute premiĂšre solution de dĂ©senclavement de ce territoire insulaire. Depuis 2019, un pĂŽle dĂ©diĂ© au tourisme existe sur l’üle de Wallis et se charge de l’accueil des visiteurs.

L’archipel connaĂźt un tourisme de niche dominĂ© par quelques catĂ©gories telles que le tourisme d’affaires, majoritaire, ainsi que les tourismes de dĂ©couverte et Ă©galement religieux, ces Ăźles Ă©tant un lieu de pĂšlerinage sur les traces de Pierre Chanel, saint patron et martyr de l’OcĂ©anie, mort assassinĂ© Ă  Futuna en 1841.

LE SECTEUR ÉCONOMIQUE

DU TOURISME EN QUELQUES CHIFFRES

En 2023, on recensait prĂšs de 3 000 touristes Ă  Walliset-Futuna. Dans le cadre de la StratĂ©gie du dĂ©veloppement touristique mise en place par l’archipel, l’objectif est d’atteindre 11 000 touristes annuels en 2030, soit autant que la population wallisienne.

UNE DESSERTE RESTREINTE

L’accĂšs Ă  ces Ăźles reste limitĂ©. Wallis est la seule Ă  possĂ©der un aĂ©roport international, la liaison avec Futuna se faisant via un Twin Otter, un petit avion dont la circulation dĂ©pend fortement des conditions mĂ©tĂ©o.

Ci-dessus : case traditionnelle, appelĂ©e « fale », avec sa toiture en feuilles de pandanus tressĂ©es. Wallis-et-Futuna souhaite s’affirmer comme un archipel oĂč les traditions, trĂšs vivaces, rencontrent la beautĂ© brute de la nature. Photos de l’article : © Wallis-et-Futuna Tourisme

LE POTENTIEL DE L’ÉCOTOURISME

Wallis-et-Futuna est protĂ©gĂ© du tourisme de masse grĂące Ă  sa configuration : l’absence de points d’entrĂ©e adaptĂ©s dans la barriĂšre de corail de Wallis empĂȘche les bateaux de croisiĂšre d’accĂ©der Ă  l’üle. Ceci a pour effet d’éviter la surfrĂ©quentation. Et ici, le premier critĂšre de subvention d’un amĂ©nagement touristique est le respect de la nature, de façon Ă  contrĂŽler les constructions.

INTERVIEW

MARION MANUOFIUA, RESPONSABLE DU PÔLE TOURISME DE WALLIS-ET-FUTUNA

‱ Comment dĂ©velopper l’écotourisme local ?

- Le tourisme durable est le plus adaptĂ© sur l’archipel et celui qu’on retrouve naturellement sur place. Ceci constitue donc un avantage. Le tout est maintenant de le promouvoir en augmentant l’offre touristique et d’attirer les visiteurs de façon raisonnable. Pour cela, il faudra perfectionner notre capacitĂ© d’accueil, en crĂ©ant par exemple un office du tourisme et aussi en dĂ©veloppant la palette des activitĂ©s disponibles.

‱ Quels sont les grands dĂ©fis du dĂ©veloppement touristique Ă  Wallis-et-Futuna ?

- L’enclavement de nos Ăźles est encore un critĂšre de rĂ©ticence pour les touristes, qui ne connaissent pas Wallis-et-Futuna ou optent pour des destinations voisines telles que Fidji, plus faciles d’accĂšs. L’objectif est de transformer cette contrainte en avantage, en

misant sur la tranquillitĂ© de ce territoire, la prĂ©servation de sa culture et de son patrimoine naturel. De plus, le tourisme local est un secteur rĂ©cent, qui demande Ă  ĂȘtre structurĂ©. Il va notamment nĂ©cessiter de sensibiliser la population locale Ă  l’accueil d’un plus grand nombre de visiteurs, et de l’encourager Ă  garder son authenticitĂ©. L’amĂ©nagement touristique demandera aussi une certaine gestion, car il dĂ©pend de rĂšgles administratives reprĂ©sentant la RĂ©publique française, mais aussi de celles des rois locaux, qui ont un fort pouvoir de dĂ©cision dans les questions fonciĂšres.

‱ Quels sont les atouts Ă©cotouristiques des Ăźles ?

- Wallis est une Ăźle accessible depuis l’international. Elle possĂšde un lagon typique des Ăźles du Pacifique, et 16 motus (Ăźlots), sur lesquels on peut se rendre en pirogue et profiter d’un repas traditionnel local. GrĂące Ă  son lagon, Wallis propose de nombreuses activitĂ©s nautiques : kitesurf, pirogue, plongĂ©e sousmarine... D’ailleurs, l’üle accueillera en 2025 la Manatai, une compĂ©tition de sports nautiques rassemblant plusieurs nationalitĂ©s du bassin pacifique. En face, l’üle de Futuna, bien plus sauvage, prĂ©sente un gros potentiel pour l’écotourisme. Contrairement Ă  Wallis, c’est une Ăźle montagneuse, moins peuplĂ©e, oĂč l’on peut explorer des sentiers avec des vues Ă  couper le souffle. Enfin, la troisiĂšme Ăźle de l’archipel, Alofi, est inhabitĂ©e, mais permet aux habitants d’y dĂ©velopper l’agriculture.

Un point intĂ©ressant est qu’en raison de l’isolement de l’archipel, la quasi-totalitĂ© des produits est importĂ©e, l’approvisionnement en denrĂ©es s’avĂšre donc trĂšs alĂ©atoire. La population fait ainsi perdurer au maximum la consommation de produits naturels locaux, pour rester le plus autonome possible. Enfin, la culture locale est encore trĂšs vivante et prĂ©sente au quotidien.

Rencontre privilĂ©giĂ©e avec le Lavelua (roi coutumier) d’UvĂ©a (Wallis). La culture locale est au cƓur des projets Ă©cotouristiques de l’archipel.
AnakĂ©lĂ©, un site historique et naturel majeur de Futuna. | À plus de 16 000 kilomĂštres de l’Hexagone, les Ăźles de Wallis-et-Futuna sont encore largement inexplorĂ©es par les circuits touristiques. Cependant, les activitĂ©s nautiques s’y dĂ©veloppent. © Wallis-et-Futuna Tourisme
Pour passer une journĂ©e sur un motu (Ăźlot), des taxiboats sont disponibles, ou des kayaks peuvent ĂȘtre louĂ©s au spot nautique de Vakala.
| Le « To’o Kava », cĂ©rĂ©monie coutumiĂšre permettant de rendre grĂące Ă  la nature pour les bienfaits reçus. © Wallis-et-Futuna Tourisme

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Rédaction : Stéphanie Castre, Lucie Labbouz, Enzo Dubesset, Mariane Aimar, Sandrine Chopot, Damien Grivois, Axelle Dorville, Justine Taugourdeau, Julien Mazzoni, Anne-Claire Pophillat, Mathilde Edmond-Mariette Minoton, Caroline Cunisse, Pauline Bénard, Béatrice Tevanee, Caroline Marie Conception graphique : Océindia

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