Senegal njaay mag #16 janvier 2017

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Senegal Njaay N° 15 - Decembre 2016 - www.senegal-njaay.com


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Editorial… L’art est fort ambigu. Il suscite le multiple et le subjectif. Il permet à chacun de se forger sa propre idée, de se faire sa propre histoire. Notre responsabilité consiste à entretenir la dimension transitoire des créations, le flux du souffle et la profondeur des regards, de laisser ouverts un espace d’interprétation du monde. Plus que jamais, Sénégal Njaay Magazine s’affirme comme un cadre de désir et de vitalité artistique, porté et brassé par les artistes, un lieu qui s’adresse à tous les publics. Toute l’équipe de Sénégal Njaay est heureuse de vous accompagner dans cette nouvelle année qui vous engage à poursuivre l’expérience d’un théâtre autrement, au gré des rencontres, des coups de coeur, des nouvelles... Nous persistons dans notre conviction de vous enthousiasmer, d’aimer penser, d’aimer rêver, d’aimer imaginer, d’aimer tout court. BONNE ANNEE ! Babacar KORJO

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Sommaire…

A la une P: 14

Péril jeune

VERBATIM...........................6 AT UA’ L I T E. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 PA U S E - P O E S I E . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9

ou le ras-le-bol d’une jeune fille de Claudel (Partie 1)

COIN D’HISTOIRE

Les derniers jours de Lat-Dior ou la fin de la souveraineté du Cayor P•31

P•10


•••• Rubrique ••••••

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Verbatim…

•••••• LIVRES ••••

Léopold Ndiaye Il nous faut nous départir de nos croyances aberrantes et limitantes qui nous ont forgés durant toute notre vie, qui sèment toujours le doute en nous et nous font nous demander dans chaque situation si vraiment nous pouvons y arriver.

Cheikh Anta DIOP Tout au plus reconnaîtra-t-on au Nègre des dons artistiques liés à sa sensibilité d’animal inférieur. Telle est l’opinion du Français Gobineau, précurseur de la Philosophie des nazis, qui dans son livre célèbre De l’inégalité des races humaines, décrète que le sens de l’art est inséparable du sang du Nègre.

Mary Teuw Niane

Il y a un faux débat, un débat dangereux! La science ne se développe pas en opposition aux lettres, aux sciences humaines, sociales et politiques. Notre système éducatif dans ses dérives a produit ce que nous avons aujourd’hui: 20% de bacheliers scientifiques. En 1981, nous avions 58% de bacheliers scientifiques! Il nous faut redresser cette situation. Le redressement passe nécessairement par une meilleure maîtrise par les élèves de la langue d’enseignement des sciences. La suppression comme le report de l’enseignement des langues étrangères n’aura d’impact qu’en affaiblissant la prédisposition des sénégalais(e)s pour les langues étrangères. FELWINE SARR

On a des impératifs de sécurité et les armées africaines n’ont pas les capacités opérationnelles de faire face. L’exigence humanitaire ou humaine voudrait que leurs partenaires viennent les aider. En même temps, quand ils le font, ils s’installent, mettent des bases, défendent leurs intérêts géostratégiques et économiques, sécurisent l’acheminement des minerais ... Senegal Njaay N° 15 - Decembre 2016 - www.senegal-njaay.com


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••••••ACTUA’litt É••••

La Leçon du Lotus CONVERSATIONS AVEC CHEIKH ANTA DIOP Khadim Ndiaye a annoncé, sur son compte facebook, la parution prochaine de ce petit ouvrage sur Cheikh Anta Diop. « Nous mettons la main à la pâte pour que tout se passe pour le mieux. C’est un livre né d’enrichissantes discussions,» précise l’auteur. « Des amis virtuels comme réels y ont apporté leur précieuse contribution en lisant, en faisant des remarques, en encourageant…» Des versions en langue anglaise, espagnole, en langues africaines sont prévues. MORY VERBIVOR REVIENT COMME ROMANCIER Après ces recueils de poésie libre «les humeurs de ma plume» et « illusions salvatrices d’un verbivor», Mory sort son premier roman « le silence de kama « qui sera disponible le 14 janvier 2017 aux éditions diasporas noires

AMINATA SOW FALL EN DEUIL Son mari Samba Sow est décédé le lundi 26 décembre 2016 à Dakar à son domicile. Nous présentons nos plus sincères condoléances à toute la famille. Senegal Njaay N° 15 - Decembre 2016 - www.senegal-njaay.com


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•••••• Pause poésie ••••

NUIT DE SINE Léopold Sédar SENGHOR Recueil : «Chants d’ombre»

Femme, pose sur mon front tes mains balsamiques, tes mains douces plus que fourrure. Là-haut les palmes balancées qui bruissent dans la haute brise nocturne À peine. Pas même la chanson de nourrice. Qu’il nous berce, le silence rythmé. Écoutons son chant, écoutons battre notre sang sombre, écoutons Battre le pouls profond de l’Afrique dans la brume des villages perdus. Voici que décline la lune lasse vers son lit de mer étale Voici que s’assoupissent les éclats de rire, que les conteurs eux-mêmes Dodelinent de la tête comme l’enfant sur le dos de sa mère Voici que les pieds des danseurs s’alourdissent, que s’alourdit la langue des choeurs alternés.

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C’est l’heure des étoiles et de la Nuit qui songe S’accoude à cette colline de nuages, drapée dans son long pagne de lait. Les toits des cases luisent tendrement. Que disent-ils, si confidentiels, aux étoiles ? Dedans, le foyer s’éteint dans l’intimité d’odeurs âcres et douces. Femme, allume la lampe au beurre clair, que causent autour les Ancêtres comme les parents, les enfants au lit. Écoutons la voix des Anciens d’Elissa. Comme nous exilés Ils n’ont pas voulu mourir, que se perdît par les sables leur torrent séminal. Que j’écoute, dans la case enfumée que visite un reflet d’âmes propices Ma tête sur ton sein chaud comme un dang au sortir du feu et fumant Que je respire l’odeur de nos Morts, que je recueille et redise leur voix vivante, que j’apprenne à Vivre avant de descendre, au-delà du plongeur, dans les hautes profondeurs du sommeil.

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PÉRIL

ou le ras-le-bol d’une

(1ère Par Oumar

Mon Dieu, combien de temps devrais-je encore demeurer dans cet inquiet d’Aïcha dans le creux du lit. Tel un dard, la pensée traîtres tant de l’engourdissement d’esprit propre au genre humain le matin l’horizon, soliloquait-elle. Pourtant ni la beauté ni l’abord facile ne Aïcha ne comprenait pas cette solitude qui semblait durablement ac personne très réaliste. En effet, contrairement à beaucoup de sénéga à propos de l’Amour. L’Amour avec un grand a. Histoires de Blancs qu qui retombaient en enfance. Tout le monde sait que l’insouciance d ractérisent. Certains esprits malins ne se privaient guère de la prem Senegal Njaay N° 15 - Decembre 2016 - www.senegal-njaay.com


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L JEUNE

e jeune fille de Claudel

e Partie ) El Foutiyou Ba

tte masure ? Voilà la question qui, chaque jour, taraudait l’esprit sse surgissait avec force du subconscient de la jeune fille, profin. Vingt-quatre hivernages déjà et rien de sérieux ne se profile à e me font défaut. ccrochée à ses basques. Surtout qu’elle se considérait comme une alaises de son âge, la jeune fille ne s’était jamais bercée d’illusions ue tout cela ! lançait-elle. L’amour n’est qu’un justificatif d’adultes de l’âge innocent n’a d’égales que la joie et les bêtises qui la camière citée et encore moins des autres travers. Aussi, pouvaient-ils Senegal Njaay N° 15 - Decembre 2016 - www.senegal-njaay.com


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•••••• AUTEUR •••• laisser libre cours à leurs bas instincts sous le couvert de l’Amour, ce justificatif au dos large. L’Amour ! songeait-elle avec une moue intérieure qui lui transfigurait le visage, il n’y a rien de tel que les unions ancestrales pour souder les couples les plus hétéroclites. Celle qui réfléchissait à s’en tordre le cerveau sur son devenir était une jeune fille assez typique de sa génération. Celle-là même dont on dit qu’elle est la GB. Apparue avec le début du troisième millénaire, la Génération Boulfaalé ou Génération Relax, était caractérisée, en cette dixième année du Bogue, par sa faconde, son désir de provocation, son extravertissement, en un mot, son je-m’en-foutisme. Malgré tous ses défauts, elle n’était cependant pas méchante pour un sou. Dix heures avaient sonné et pourtant Aïcha se prélassait encore dans le reposoir douillet qui l’accueillait chaque week-end lorsque, lassée des études, elle quittait l’Université pour les siens. Déjà, la maisonnée bruissait des sempiternels coups de balais

de Rama, la dernière-née de la famille. Quelle pimbêche, celle-là ! s’exclama-t-elle dans son bâillement, elle est pire qu’une sirène d’usine. Aïcha était la troisième d’une famille de huit membres. Abdou, l’aîné, n’avait jamais vraiment vécu avec eux. Depuis son bac, il était à l’internat de l’Ecole du Développement Rural. L’EDR, un des fleurons de l’Education pratique sénégalaise, avait pour mission de former ses futurs récipiendaires à une meilleure approche du développement rural. Les populations rurales étaient souvent victimes de l’attitude désinvolte des agents de l’Administration classique. Celle-ci était coutumière des plans et programmes imposés en lesquels ne se reconnaissaient pas les autochtones. Malgré le bénéfice d’une réputation que n’avaient jamais émoussée ses années d’expérience de terrain, cette institution d’excellence rejetait son trop plein de monde dans la rue. En dépit de réels besoins exprimés par les services demandeurs, ses sortants n’arrivaient pas à s’insérer dans

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les structures étatiques moribondes et... sans ressources humaines. Abdou, dès le stage pré-professionnel, avait réussi à intégrer un projet d’envergure sous-régionale. Il avait trente ans et était sans cesse entre deux avions, ce qui ne faisait pas le bonheur de Polel, sa jeune épouse de seize ans avec laquelle il habitait. Celle-ci se plaignait souvent de sa possessive co-épouse - ainsi appelait-elle le projet qui usait et abusait de son mari - qui lui ravissait plus que de raison son cher conjoint. Quant à Fanta, qui venait juste avant Aïcha, elle était à trois ans d’une inquiétante trentaine dont elle ne se souciait guère. Elle non plus n’avait jamais connu les joies du mariage au crépuscule de son adolescence à vingt-sept ans. D’une beauté de sirène, elle attendait les hommes patiemment, éludant force propositions équivoques, étudiant et réussissant sans coup férir. La jeune fille avait cependant deux défauts : elle était belle et qualifiée, ce qui, selon sa sœur, constituait deux redoutables barrages

aux yeux de la gent masculine qui, loin de se bousculer au portillon, la fuyait comme la peste. Celle-ci, pas téméraire pour un sou, perdait son latin en la présence intimidante de la Polytechnicienne. Sa cadette n’avait pas tout à fait tort, car l’opinion commune parmi les gens du sexe fort était que les intellectuelles visaient haut et se faisaient un point d’honneur à tenir tête à leur mari. Selon les on dit, ces fortes personnalités faisaient généralement subir une vie de couple infernale à ceux qui avaient le malheur de se lier avec elles. Quand les hommes habillent leurs complexes... Rama ressemblait trait pour trait à Aïcha, le sérieux en plus, elle voguait sur ses seize ans. A la voir, on la savait très mâture. D’une nature effacée sans pour autant manquer de caractère, elle restait les yeux et les jambes de Ma, leur mère, lorsque celle-ci était absente. Elle était la seule parmi les enfants, hormis les jumeaux évidemment trop jeunes avec leurs onze saisons, qui ne fût pas encore sorti du giron familial.

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•••••• Enquête ••••

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•••••• Enquête ••••

Quel est votre livre de chevet? Pourquoi ce livre? Deux questions toutes simples que Senegal Njaay Magazine a posé à plus de vingt mordus de littérature. Pour savoir sous les auspices de quels grands auteurs se placent-ils? De quels livres, chefs-d’oeuvre incontestés ou ouvrages plus modestes, se sont-ils nourris et continuent-ils de s’alimenter? Quels sont leurs livres de prédilection, les livres de leur vie, avec la persuasion qu’en des circonstances où les présages ternes augurent la désaffection de la masse pour la lecture, il n’est peut-être pas de plus efficaces prescripteurs qu’eux. Des propos recueillis par Babacar Korjo

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•••••• Enquête ••••

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••••••Enquête••••

Mbougar Sarr

C’est un grand livre sur les ressorts de l’âme

Je n’ai pas De livre de chevet, au sens où ce serait LE livre qui ne me quitterait jamais. En revanche, il y a bien un roman auquel je reviens souvent, qui a été ma première grande émotion littéraire : Le Père Goriot. Il y a dans ce livre quelque chose d’essentiel qui est mis à nu sur la nature humaine et sa complexité : l’amour le plus pur se mêle à la naïveté, l’ingratitude répond à la bonté, le cynisme dépucèle l’innocence, l’ambition dévore l’honneur. Les personnages y sont splendides et misérables, vrais. C’est un grand livre sur les ressorts de l’âme, et Balzac incarne à mes yeux le romancier par excellence. Une scène en particulier m’a marqué dans ce roman: la mort du Père Goriot, sublime. La plus belle agonie de l’histoire de la littérature, celle dont la lecture m’a appris le drame de la mort dans sa véritable puissance. Un livre qui vous montre et vous apprend ce que c’est que mourir ne peut être anodin. Senegal Njaay N° 15 - Decembre 2016 - www.senegal-njaay.com


Pascal Nampémanla Traoré

ils me guident et me transforment Je dirais que j’ai des livres de chevet car ils sont nombreux ceux qui me guident et me transforment chaque jour. Une phrase, une histoire un moment, un style d’écriture... ce sont généralement des romans et le dernier s’intitule «la formule de Dieu» de José António Afonso Rodrigues Dos Santos. Mais mon auteur préféré c’est Amin Maalouf. C’est pour leur philosophie, la spiritualité et l’humanité qui se reflètent dans leurs écrits.

Rose Samb je relis les vers à chaque fois avec le même émoi Cyrano de Bergerac Edmond Rostand. Parce que c’est un chef d’oeuvre de littérature et... d’héroïsme qui dort à côté de moi depuis 25 ans. Et dont je relis les vers à chaque fois avec le même émoi


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•••••• Enquête ••••

Bity Kébé

Un roman que tout Africain doit lire

Ségou de Maryse Condé, un roman historique de presque 1000 pages en deux tomes, une saga d’une famille bambara au 10ème siècle. Un roman qui plonge le lecteur dans l’odyssée d’un grand peuple de résistant dont les fils seront éparpillés à travers le monde. L’esclavage, le commerce triangulaire fait voyager le lecteur et lui permet de suivre l’évolution et l’émancipation des personnages. Un roman que tout Africain doit lire.

Ndack Kane

Je relis régulièrement des classiques Je n’ai pas de livre de chevet dans mon cas, je lis tout ce qui me tombe sous la main et qui pousse à la réflexion... et c’est le cas de beaucoup de livres ! Je relis régulièrement des classiques... mais là aussi, il y en a beaucoup. Senegal Njaay N° 15 - Decembre 2016 - www.senegal-njaay.com


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Kewuzâbe Leila Brumier

Il parle à mon âme et caresse mon cerveau Etonner les dieux de Ben Okri. Parce que magique, mystique, cosmique, profond, Il parle à mon âme et caresse mon cerveau. Je dors avec. Petite anecdote: Je l’avais rangé dans un carton parce que je devais déménager. Et je me sentais tellement mal et en manque que je l’ai racheté

Ndongo Mbaye je n’en ai pas, pour ne pas me reposer sur un livre, quelque important qu’il puisse être. Fatou Yelly Faye Le coran, pour l’unicité, la beauté et la richesse. J’y retrouve tous les modes d’écriture en plus de sa beauté. Souleymane Elgas Discours sur le colonialisme (d’Aimé Césaire) pour son panache et son cri formidable.

Pape Fary Seye Massalikul jinaan de Khadimou Rassoul Ce livre me permet de mieux vivre ici-bas. Il m’enseigne la voie de purification du coeur la voie de la sainteté et des nobles caractères

Babacar Mbaye Ndack Mon livre de chevet c’est mon recueil de XASAAYID. C’EST ÉVIDENT! C’est de la haute poésie et ça ouvre les portes du monde et du ciel

Semou MaMa Diop Le comte de Monte Cristo d’Alexandre Dumas. Car fasciné par l’intrigue et la préparation lente, détaillée et méthodique de la vengeance.

Seydou Koné Mon livre de chevet est «La Déchirure» car il met l’accent sur les mariages confrontés aux différences classes sociales, à la religion, aux us et coutumes..

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•••••• Enquête •••• Tabaski Diene Camara Mon livre de prédilection que j’ai déjà relu 4 fois et je le relirais encore, est « The Fountainhead» de Ayn Rand. La version française est intitulée «La source vive». Parce qu’il traite d’objectivisme d’intégrité, de passion, de talent, de courage... foi en soi Abdou Khadre Mbacké Mon livre de chevet est Méditations africaines Felwine Sarr. Il prône la

destruction créatrice et d’une reconstruction des idées reçues et d’évoluer selon notre fuseau horaire. Fatou Marianne La couleur de la nuit de David Lindsey. Un roman d’espionnage explosif autant qu’un insolite. Un ex espion, reconverti dans le marché de l’art n’arrive pas à sortir d’un implacable labyrinthe: traîtrise, amour, vengeance. D’abord le titre m’a intrigué, tout le monde sait que la

couleur de la nuit est noire. Nafissatou Tine Je n’ai pas un livre de chevet en particulier. Disons que mon livre de chevet est le livre du moment. En ce moment je lis Afrotopia, pourquoi, j’avais envie de le découvrir depuis longtemps et bonne surprise j’apprécie le style de l’auteur et les thématiques abordées.

Maria Diop Soumah

j’avais l’impression qu’il parlait de moi je n’ai de livre de chevet mais mon auteur particulier est Paolo Coelho. Parce que ses écrits me parlent. Le premier livre de Coelho que j’ai eu à connaître était la sorcière de Porto Bello et j’avais l’impression qu’il parlait de moi. Depuis lors quand son livre sort j’appelle chaque minute la librairie 4 vents pour savoir si c’est disponible. J’ai tous ses livres, des citations que je maitrise par coeur. J’ai toujours l’impression qu’il écrit pour moi

Ibuka Ndjoli

chaque phrase me semble un enseignement utile Mon livre de chevet est Le Petit Prince, d’Antoine St-Exupéry. J’aime l’innocence telle qu’elle est ra-

contée, ainsi que les nombreuses leçons et savoirs distillés dans ce texte. Je le lis car, chaque phrase me semble un enseignement utile pour ma vie de tous les jours, et chacune des pensées qui y sont défendues pourrait faire l’objet d’un livre, ou, un sujet de méditation.

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•••••• Enquête ••••

Oumar Ndao

Quel régal ! Le meilleur Beigbeder que j’ai lu. J’ai lu et relu Oona et Salinger. C’est un roman, ou pour parler comme l’auteur, Frederick Beigbeder; de la faction, un non-fiction novel. Un roman dont les personnages, les lieux et les faits sont réels, et dont tout le ‘’reste’’ (qui fait quand même toute l’histoire) est imaginaire. Mais, qu’on ne s’y trompe pas, la quatrième de couverture raconte des salades quand elle prétend qu’il s’agit d’une histoire d’amour entre un écrivain débutant nommé Jerry Salinger et d’Oona O’Neil, 15 ans, fille du célèbre dramaturge. On ne peut pas résumer ce chef d’œuvre à une histoire d’amour contrariée. Genre, page 93... C’est bien plus qu’une love story à deux balles. C’est un voyage en première classe dans l’Amérique littéraire et pas que ça, des années 40. On peut y croiser dans un bar à la mode, le Stork Club, d’illustres inconnus comme Truman Capote et autre Orson Welles… On y parle de Fitzerald, Hémingway… De la vie et des rêves de la jeunesse américaine de ces années-là... Au fil des pages, on se retrouve en pleine guerre mondiale, au milieu de soldats morts de trouille et qui chialent comme des bébés, en appelant leur maman ou Dieu, ce

qui revient au même, au secours… En tout cas, on est presque surpris quand on arrive à ce moment où il n’y a plus de pages à tourner et qu’on se rend compte qu’effectivement, dans cette drôle d’histoire d’amour, les héros ne se marièrent jamais et n’eurent aucun enfant. Mais quel régal ! Le meilleur Beigbeder que j’ai lu.... Je crois que le seul autre écrivain qui me fascine autant que ce salaud de Beigbeder, est la jeune académicienne (Belge et pas Immortelle) qui se nourrit de fruits à moitié pourris et a un rire aussi étrange que son roman Les Catilinaires que je suis en train de relire avec bonheur. Je parle d’Amélie Nothomb. Faut croire que je suis attiré par ce genre de spécimen!

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•••••• Enquête ••••

Papa Samba Kane

Pour son ancienneté chez moi et la permanence avec laquelle je l’ouvre Je n’ai pas à vrai dire un seul livre de chevet mais plusieurs. Cependant, s’il faut en choisir un pour son ancienneté chez moi et la permanence avec laquelle je l’ouvre, ce serait «Baudelaire : Oeuvres complètes « Éditions Robert Laffont 1990. La diversité des talents de Baudelaire qu’ on y découvre autant poète immense, comme tout le monde le sait, que critique littéraire, critique d’art, sué ce soit en peinture, musique théâtre. Il est aussi un excellent nouvelliste. Sa prose comme ses vers sont d’une écriture à la fois limpide et inventive. Luimême dit ceci de l’ex pression écrite : « De même qu’ une ecriture limpide sert à penser clairement, une pensée forte et puissante sert à écrire lisiblement». C’est dire comme il ne fait aucun départ entre la pensée et son expression, étroitement liées. Senegal Njaay N° 15 - Decembre 2016 - www.senegal-njaay.com


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•••••• Enquête ••••

AÏSSATOU DIAMANKA-BESLAND

Deux livres qui ne me quittent jamais Très difficile de choisir ! Étant une mordue de lecture, cette activité a pris et prend encore une place très importante dans ma vie d’écrivain. Deux livres qui ne me quittent jamais :

“Audacy of hope” (L’audace d’espérer) de Barack Obama Barack Obama d’origine africaine, kényane de par son père et d’un mère américaine est devenu en un temps record l’incarnation inespérée de tout un peuple en 2008 avant d’être élu en 2009. Avec cet homme providentiel le paysage politique américaine a pris de la couleur et le rêve américain a porté tout son sens. Ce sénateur noir, démocrate, très optimiste et doublé d’un charismatique orateur, raconte à travers ce livre combien c’est important d’avoir un rêve, d’être animé par un combat et d’aller jusqu’au bout de ses convictions sans capituler. “Yes we can”, un slogan qui résonne encore dans mes oreilles alors que des années sont déjà passées. Ce livre retrace son parcours facile ou pas. Celui qui voulait juste organiser sa communauté a fini par être le président des Etats Unis. A la lecture de cet ouvrage, je me rends compte que la passion, la conviction en ses idées, la détermination et la ténacité permettent de se réaliser, de modeler sa vie au sens premier du terme en accord avec ses idéaux. Il faut simplement avoir le courage de bousculer les limites et de briser les barrières. “La couleurs des sentiments” de Kathryn Stockett. Nous sommes en 1962 dans le Mississippi, la condition des Noirs est encore biaisée par la domination blanche. A travers des femmes noires fortes de caractères, faisant le ménage dans des foyers blancs, ce livre est un récit certes drôle mais émouvant. A cette période où les amitiés entre noir et blanc sont presque inexistantes, une jeune bourgeoise et deux bonnes se rencontrent. Malgré la peur, elles vont réussir à écrire cette histoire bouleversante unissant ainsi leurs destins pour de bon. Encore une fois, cette histoire nous montre que rien n’est impossible. Ils suffit de se dire “Yes we can” Vouloir se réaliser et se donner les moyens de le faire.

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Ce qui me plait dans ces deux livres, c’est l’AUDACE. Malgré la peur au ventre, malgré le doute, malgré les obstacles, les personnages (ou le narrateur) ne se laissent pas abattre, ils lèvent la tête et marchent droit devant à la rencontre de leur propre destin incarné par un tempérament audacieux. Senegal Njaay N° 15 - Decembre 2016 - www.senegal-njaay.com


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•••••• Enquête ••••

NDEYE FATOU KANE

Ce livre, bien moins connu que sa cadette L’aventure ambiguë, n’en est pas moins pertinent. Il m’ est difficile de trier un livre parmi ceux que je Place habituellement sur ma table de chevet. J’y mets souvent trois ou quatre livres que je dois lire, et une fois que c’est fait, ils rejoignent le reste des livres sur les étagères de la bibliothèque ... Vu que j’ai une préférence pour les auteurs africains (quoique j’ai tendance à varier maintenant), je suis les sorties d’ouvrages de ces auteurs. Alors vu que je ne dois choisir qu’un ouvrage parmi ceux que j’ai sur mon chevet, je choisirais sans hésiter Les gardiens du temple. Ce livre, bien moins connu que sa cadette L’aventure ambiguë, n’en est pas moins pertinent. Pour la simple et bonne raison que tout ce qui a trait au Sénégal durant les années 1960 - alors que la jeune nation sénégalaise s’affirmait - m’intéresse au plus haut point. Dans ce livre, l’auteur (Cheikh Hamidou Kane) fait état d’un pays (qui présente de fortes similitudes avec le Sénégal), quI, cinq ans après son indépendance, se cherche entre tradition et modernisme. Farba Mari, Daba Mbaye, Salif Bâ, Jérémie Laskol sont autant de personnages nous permettant de voir l’entre - deux culturel dans lequel évoluait la communauté des Sessene. Senegal Njaay N° 15 - Decembre 2016 - www.senegal-njaay.com


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Abdou Salam Ndiaye Mon livre de chevet est «Les nouveaux pouvoirs» d’Alvin Toffler. Une oeuvre essentielle pour qui veut comprendre la marche du monde. Oumar Sall «De l’inégalité parmi les sociétés» de Jared Diamond Un essai sur l’origine des choses, des peuplements qui me parle beaucoup. Dior Gueye Souvenirs et Perspectives de Ibrahim Brice Koue e tient personnellement à cœur. Ce livre raconte et dit un enfant devenu un homme et l’évolution d’un être au fil des différents chapitres en témoigne de façon très éloquente.

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•••••• Coin d’Histoire ••••

Les derniers jo ou la fin de la du Ca

27 OCTOBRE 1886 -

Le Damel Samba-Lawbé FALL, battu lors de la Bataille de Guilé, su rescapés fugitifs, vers le Cayor, le 7 juin au matin à Khandang où i son tour entré aux portes du Cayor, par le NDiambour, venu à la tê comptant en cela bien user du butin de sa victoire et de son dr pour venir se masser le long de la voie ferrée protectrice, considé derniers traités signés après le départ de Lat-Dior en 1883, le Go tion, envoyant en pourparlers le lieutenant MINET à Cocky, dès le l voie ferrée de tout dommage matériel qui surviendrait de ses repr

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ours de Lat-Dior souveraineté ayor

- 27 OCTOBRE 2016

urvenue le 6 juin 1886, à MBeuleukhé, puis refoulé, avec tous ses il rentrait complètement hébété ; le 9 juin, Al-Boury NDIAYE était à ête d’une colonne de 800 cavaliers, déterminés à y piller et brûler, roit de poursuite. Mais les populations cayoriennes, fuyant toutes érée comme zone de refuge en territoire français, aux termes des ouverneur GUENOUILLE déclenche vite une intervention en médialendemain 10 juin, négocier auprès d’Al-Boury, afin de protéger la résailles.

Babacar Méthiour NDIAYE

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•••••• Coin d’Histoire •••• Le Gouverneur du Sénégal, parti dare-dare de Saint-Louis, en train, pour aller négocier directement pour sa part à NDande où il a convoqué en personne le Damel, lui impose le 13 juin un tribut de guerre de 300 têtes, assorti d’une amende de 20 000 francs, en dédommagement à Al-Boury pour l’éloigner du Cayor menacé alors d’invasion. En même temps, il lui propose, pour payer ses bons offices, une nouvelle extension de l’emprise française autour des gares, portée cette fois à 500 mètres de rayon, et le retour de l’installation d’un officier comme résident à NDande, placé en arbitre, comme du temps du Damel Samba-Yaya, afin de faire respecter les traités signés, directement sur place, avec droit de regard et de contrôle pour celui-ci sur la politique intérieure et extérieure du Cayor. Le Damel Samba-Lawbé, en mauvaise posture, accepte tout, et le Lion Al-Boury, une fois calmé et rentré au Djolof le 15 juin, il reprend alors confiance et revient sur sa décision, se refusant tout paiement, encouragé par sa clientèle des traitants saint-louisiens dont il était le débiteur et attendaient leur payement, et qui, en cas de lourd dédommagement imposable à leur client, risquait encore de retarder. Profitant alors d’incidents survenus sur le sol français de la gare de Tivaouane où des captifs de Demba-Wâr étaient venus se réfugier, après leur libération accordée par voie d’affranchissement de la

part des autorités de Saint-Louis, ainsi que d’un malheureux accident de veaux, survenu sur le parcours du train dans les environs, il donne à son tour son ultimatum aux traitants et fonctionnaires français de la gare de Tivaouane de devoir lui payer les dommages en réparation, à compter du 6 octobre où il viendrait lui-même, dit-il, exercer ses droits souverains, pour saisir et vendre leurs habitations en cas de non paiement de cette indemnité. Il sera malheureusement tué, en ce même jour du 6 octobre 1886, dans des échauffourées avec les spahis français du capitaine SPITZER, secondé par le sous-lieutenant CHAUVEY, venus alors débloquer la gare de Tivaouane, déclarée comme en zone de territoire français, à la limite du Cayor, qu’était venu ainsi investir le Damel. Les traitants de Tivaouane s’étant plaints, le 5 octobre 1886, par une pétition adressée à l’autorité de Saint-Louis, des brimades occasionnées de la part du Damel et de sa menace de venir prochainement les exproprier, à compter du lendemain 6 octobre, le Gouverneur dépêcha aussitôt son aide de camp, le capitaine SPITZER, porteur d’une lettre au Damel afin de débloquer la situation. Ce jeune officier avait alors l’avantage de compter comme l’un des rares amis français du Damel, avec qui il était en correspondance régulière et dont il s’était lié, depuis sa venue à Saint-Louis où il fit son acte de soumission aux autorités

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coloniales du Sénégal. SPITZER lui avait alors offert son fusil en guise d’amitié, geste par lequel le jeune Samba-Lawbé s’était senti envers lui tout redevable et lui avait ouvert les portes de sa confiance et de son amitié personnelle. Mais, l’officier SPITZER, partant pour négocier à Tivaouane avec sa vieille connaissance, le Gouverneur lui avait ordonné de se prémunir d’une petite escorte de 22 spahis qu’il prendrait sur son chemin à NDande, sous le commandement du sous-lieutenant CHAUVEY pour l’accompagner à toutes fins utiles. Arrivé à Tivaouane vers les coups de 14 h, on lui annonça que Samba-Lawbé FALL était logé chez un de ses amis traitants de Saint-Louis du nom de Hassane NDIAYE-Makhtar. Il envoya le mander par deux fois, pour venir discuter avec lui en privé, mais celui-ci refusa de se déranger. Le capitaine venant alors seul à lui, lui proposer de parlementer à l’amiable d’une proposition du Gouverneur le concernant, qu’il s’emporta haut et fort, disant avec véhémence qu’il méconnaissait l’autorité du Gouverneur de Saint-Louis en son pays et n’admettait pas qu’il s’immisça dans les affaires du Cayor. Brusquement, tout énervé et l’ambiance subitement surchauffée, il chargea son propre fusil et recommanda à ses compagnons d’en faire autant. Le capitaine SPITZER, revint derechef pour le calmer, qu’il lui tourna le dos allant se positionner au loin, 50 mètres à l’écart de lui. L’officier lui envoya malgré tout le spahi

Leyti DIOUF pour le ramener à de meilleures dispositions, quand celui-ci reçut alors deux coups de feu de la part des hommes du Damel qui le manquèrent. Aussitôt l’officier français, demanda à ses spahis de charger pour libérer le spahi Leyti qui était, à ce moment-là, en mauvaise posture, tout en se refusant quant à lui de brandir la moindre arme contre son vieil ami. A la charge des spahis, l’escorte du Damel tenta de les attirer dans les taillis des champs de mil, situés aux alentours de la gare, où elle comptait bien les exterminer sous les buissons, dans un combat à leur manière. A ce moment, le Damel, isolé et entouré d’une faible escorte, fut pris en chasse par un groupe de cavalerie commandé par le sous-lieutenant CHAUVEY, secondé de près par le spahi Aly TOURÉ qui le devança pour atteindre le Damel, mais reçut aussitôt pour sa part une décharge en pleine poitrine de la part de ce dernier et qui le tua net. CHAUVEY, arrivant alors à son tour sur le Damel, se vit soudain mis en joue par trois hommes de sa garde rapprochée, avant que sa suite de cavalerie ne les disperse. Ils le prirent alors aussitôt en chasse quand CHAUVEY, arrivant à nouveau sur lui, après quelques centaines de mètres, reçut une décharge nette mais qui le manqua ; l’officier tentant alors de le sabrer, le Damel sortit aussitôt sa lame et ils eurent un long échange d’épées, quand CHAUVEY, feintant de son

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•••••• Coin d’Histoire •••• revers de sabre, un coup fatal de Samba-Lawbé FALL, ce dernier eut plusieurs doigts coupés. L’officier profita de cette faiblesse momentanée pour lui donner un coup de pointe, qui l’atteignit à l’épaule, le faisant chanceler, mais auquel il riposta aussitôt par un coup, du plat de son sabre, qui atteignit CHAUVEY à la cuisse. A ce moment alors arriva le spahi Oumar NDIAYE qui tira sur le Damel d’une balle en plein flanc et le fit tomber à genoux. Le voyant chercher un fusil à portée de main, CHAUVEY l’acheva alors rapidement par deux autres coups de pointe. Ainsi périt Samba-Lawbé FALL, le dernier Damel du Cayor, tué à la gare de Tivaouane, et que d’aucuns avaient fini de qualifier la mort comme d’une «exécution», consécutive à un guet-apens. En fait il n’en était rien, sinon que sa plus grande mésaventure fut d’avoir voulu s’en prendre au Djolof ; il en subit alors un coup du Destin dont il perdit son armée, son prestige et sa vie. Lat-Dior DIOP qui, jusque-là, s’était fait oublier, poussé à ce moment par sa clientèle de la bourgeoisie, depuis Saint-Louis, et qui, avec Messieurs Gaston DEVÈS et CRESPIN, animait alors sa propagande dans le quotidien local, « Le Reveil du Sénégal » – concurrent « Le Moniteur du Sénégal », le Journal Officiel appuyant la politique Gouverneur – ; en profita pour réclamer le Cayor et rentra ainsi subitement, mobilisant des partisans à sa cause, à Djadje, non loin

de Souguère, où il venait d’ériger un nouveau Tata. Il s’exprima alors ainsi dans une lettre adressée au Sénégal : « … ce qui est survenu entre vous et Samba Laobé est un bien pour moi. Ce que vous avez fait à ce Damel me fait plaisir. Cette mort ne me fâche point, mais aujourd’hui le Kayor n’a plus de maître. Si l’on met le Kayor dans ma main, on ne dérangera rien de ce qui existe. » Il se proclama alors à nouveau comme Damel du Cayor. Demba-Wâr SALL, son ancien lieutenant devenu dernièrement le bras droit de l’infortuné Samba-Lawbé, manifesta avec force son opposition à son retour au pouvoir, disant que le pays aspirait dorénavant à la paix et au travail. Le Gouverneur GUENOUILLE, se décida aussitôt de réagir face à cette nouvelle menace qui pouvait avoir des incidences graves sur la sécurité de la voie ferrée ; Lat-Dior ayant déjà fait proclamer en public que son cheval noir « Mâlaw

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» dit Maître-bûcheron (plutôt que d’être robuste il lui suffit de se savoir adroit), de son vivant ne verra jamais les rails. N’avait-il pas clamé en outre haut et fort, devant tout son monde, que ce serait certainement une souris qui, de sous terre, lui apprendrait nouvelle de l’installation des rails ? Le Gouverneur, pour plus de prudence décrète alors très vite son bannissement, ainsi que le démantèlement à nouveau du Cayor, en six cantons confédérés qui seront confiés, le 24 octobre, aux Valetsde-la-Couronne du Cayor, sous la présidence de Demba-Wâr SALL et sous contrôle de l’officier résident français, nommé à NDande. Face à cet affront de devoir assister, de son vivant, à la mainmise totale sur le Cayor, disloqué et placé sous la domination alors de ses anciens Serviteurs qu’il disait être ses « captifs » ; Lat-Dior qui se voit refoulé par une colonne, constituée d’un corps de volontaires conduits par le vaillant Demba-Wâr SALL, ainsi que du rusé

Ibra Fâtim-Sarr FALL et du fougueux Samba-Lawbé Boury, appuyant les 45 spahis escortant le capitaine VALLOIS, venu s’assurer de sa sortie du territoire du Cayor, tente, dans un sursaut d’orgueil, un dernier baroud d’honneur où il se fera tuer glorieusement à Déqheulé, le 27 octobre 1886. Il s’était vu mis en demeure, par un télégramme du Gouverneur qui lui était parvenu le lundi 25 octobre, de devoir quitter le pays compte tenu des nouvelles dispositions en vigueur au Cayor, depuis les derniers traités signés par ce pays avec, successivement, les Damel Samba-Yaya FALL et Samba-Lawbé FALL. Lat-Dior fit mine d’obtempérer, demandant de lui accorder du temps pour pouvoir faire ses derniers adieux à toute sa famille. Depuis Djadje, il leur donna alors rendez-vous à Déqheulé, où il avait construit sa nouvelle résidence, quittant alors Djadje, la nuit du lundi au mardi 26, pour se rendre en cette cité, en route il fit halte à Thilmakha où il descendit chez un certain Ibra NDIAYE chez qui il comptait s’entretenir en privé avec le jeune Cheikh Ahmadou Bamba MBACKÉ et lui confier en même temps l’éducation de son jeune fils et héritier MBâkhane DIOP, né de sa cousine « Gééj » Fâtma-Thioub DIOP et âgé à peine de sept ans. Cheikh Bamba, ancien condisciple de Saër-Maty BÂ, depuis l’Ecole de Porokhâne placée sous la direction de son père, était alors le fils de Momar Anta Sally, ancien Kâdi de Lat-Dior et son Ministre de

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•••••• Coin d’Histoire •••• la Justice, et dont il fit la connaissance lors de son premier exil dans le Rîp, auprès de Mabâ. Là, parvenu à Thilmakha, il eut un long entretien avec Bamba. Malgré l’insistance du jeune marabout qui lui demandait de renoncer aux armes, lui promettant pouvoir lui assurer, par ses prières, la paix et le salut, à la fois sur terre Ici-Bas et au ciel dans l’Au-Delà, Lat-Dior le remercia, lui affirmant qu’il avait déjà fait son vœu de renoncement en cette terre Ici-Bas et qu’il comptait bien mourir tout « Chahîd » dans l’Au-Delà. Il lui dit qu’il souhaitait seulement la mort des martyrs méritants de la Toute Félicité céleste du « Firdawssi », acquise par la Grâce divine de Ridwân-Allah, tel son maître et marabout Tidjâne, Mabâ Diakhou, jadis tombant près de Sômb et dont il s’était vu, la veille en rêve, priant à ses côtés, au lendemain de cette matinée prochaine de mercredi à l’heure de l’Appel de « Tissbàar » (Az-Zhour). Bamba enleva alors son boubou de prière qu’il lui recommanda de porter au moment du combat, faisant ensuite pour lui une longue prière et lui recommandant alors de ne pas se glorifier, en aucun instant, durant la bataille mais de répéter toujours le saint Takbîr (Allahou-Akbâr) ; et qu’à cette seule condition son âme serait alors sanctifiée. L’ayant ainsi quitté, emportant son saint boubou, il vint ensuite faire ses adieux à tous ses partisans. Réunissant son monde, Lat-Dior

ainsi s’exprima alors devant tous: « Ici-Bas, en cette terre de Cayor et de Baol, j’ai connu toute gloire. J’y ai joui de tous les honneurs et de tous les plaisirs ; mais j’y ai aussi subi toutes sortes d’amertume. En ce jour d’aujourd’hui, avant que soleil ne soit couché, sachez que je serai déjà mort, après que mon sang versé ait imbibé cette terre consacrée de mes aïeux ! » Il dit et déclara libérer tout le monde, ne voulant à ses côtés que ceux qui étaient prêts à mourir comme lui. Il se rendit alors aux alentours de Déqheulé sa résidence, où il comptait offrir son dernier combat, suivi de près de 300 inconditionnels, parmi lesquels tous ses fils en âge de combattre. Le capitaine VALLOIS qui, parti de NDande, la nuit du lundi au mardi, était arrivé à Djadje le matin du 26 octobre où il eut confirmation, lors de son passage à Soughère, qu’il l’avait quitté pour Déqheulé, fit halte en ce lieu toute la journée du mardi, le temps de se restaurer et de reprendre des forces. Il quitta alors la nuit du mardi au mercredi pour se rendre à Déqheulé, vérifier les mouvements de Lat-Dior et s’assurer qu’il allait bien quitter le pays, le suivant sous l’escorte de ses 45 spahis et des troupes de volontaires fournis par Demba-Wâr et ses compères. Passant alors par Thilmakha, des espions du Damel annoncèrent à l’officier français que Lat-Dior, se rendant au Baol, avait quitté sa résidence de Déqheulé, que le capitaine vint alors investir le mercredi

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•••••• Coin d’Histoire •••• matin, vers 10h. Ayant eu nouvelle que Lat-Dior, faisant contremarche, l’avait déjà contourné vers l’Ouest, en direction des rails, il envoya les volontaires un peu partout pour vérifier sa position dans les parages. Il vint alors faire halte, à 2 kilomètres de Deqheulé, auprès du seul puits où il comptait s’abreuver avec son peloton de spahis et qui, placé à découvert dans un terrain sablonneux autour d’un rayon de 30 mètres, était ceinturé aux alentours par de très hautes herbes, dépassant la taille d’un homme. C’est là que l’attendait Lat-Dior et sa troupe, scindée en deux groupes, tapis de part et d’autre des alentours du puits. A peine les français avaient-ils commencé à abreuver leurs chevaux assoiffés que les premières détonations se firent entendre depuis une position où le capitaine VALLOIS décida de faire front, suivi quelques instants après d’autres détonations venant d’une autre direction où il se fit épauler par son adjoint, le sous-lieutenant CHAUVEY, avec la moitié restante de ses spahis. Après quelques sérieux échanges qui durèrent un quart d’heure et où l’on était venu, tout près les uns des autres, à se combattre à découvert, face à face, les coups de détonation commencèrent peu à peu à faiblir, au moment où les spahis avaient déjà perdu le tiers de leurs hommes, ainsi que plusieurs chevaux, un autre tiers étant pour leur part blessés. N’entendant plus tirer alors que faiblement, au moment où, un peu avant midi,

rentraient alors pour les secourir, le gros des volontaires envoyés en reconnaissance, alertés par les coups de feu ; le capitaine VALLOIS, lança à ce moment 20 spahis montant à l’attaque, aux côtés des gens de Demba-Wâr. Ensemble, ils allèrent à l’assaut des derniers tireurs dont la résistance se termina alors en déroute. Lat-Dior DIOP était tombé à Déqheulé au champ d’honneur, grièvement atteint à l’œil droit, avec à ses côtés, 78 de ses compagnons d’armes, ainsi que son fils aîné, Sâ-Khéwar DIOP de Niabass, né en vertu de la coutume du lévirat wolof de la veuve de son frère Birima NGoné-Latyr, et le fils aîné de celui-ci, son beaufils adoptif Thié-NDêlla FALL de Niabass. Lat-Dior DIOP tombé au champ de Déqheulé, avec tous ses fils en âge de combattre, seul l’un d’entre eux, le « Guélewâr » nommé Sountou DIOP, né de Fatou-Thiouk, la fille du Bour-Sîne Koumba-NDoffène DIOUF Ier, ravie lors d’une expédition à Thioupâne, devait s’enfuir quant à lui jusqu’à NGoye dans le Baol, pour aller par la suite se réfugier dans sa terre maternelle du Sîne. Il y passera le restant de ses jours, déprécié de ses congénères Sérère, puis mourra honni et sans gloire, pour avoir ainsi fui au combat, laissant à ses frères paternels la gloire éternelle d’être mort aux côtés de leur père Lat-Dior, entré lui au panthéon des Héros, et qui nous laissa son illustre Chant du « Niani bañ na ».

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