WWF Magazine 105 FR

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Magazine Édition d'été 2023 N° 105 – JUIN JUILLET AOÛT 2023 – TRIMESTRIEL – BUREAU DE DÉPÔT BRUXELLES X – P309290 6/ DOSSIER Vivre en harmonie avec la faune sauvage 14/ SUR LE TERRAIN Ukraine : une nature précieuse dans la tourmente 18/ FOCUS La Belgique investit-elle suffisamment dans notre biodiversité ?

Votre soutien est essentiel pour nous permettre de protéger les espèces sauvages menacées et les paysages les plus précieux de la planète.

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La vie sauvage qui nous entoure nous rend des services inestimables. On pense immédiatement aux insectes pollinisateurs dont dépendent 75% des cultures alimentaires mondiales, mais qu’adviendraitil des forêts si elles étaient vidées de leurs habitants ? Les éléphants de forêt d’Afrique par exemple, maximisent la capacité d’absorption de carbone des forêts qu’ils habitent : ils mangent le feuillage ou écrasent les arbres qui absorbent peu de CO₂, tout en stimulant la pousse des arbres qui en captent énormément en privilégiant la consommation de leurs fruits - cela en fait de vrais jardiniers de la forêt !

Mais dans le monde d'aujourd'hui, où les habitats naturels de la faune sauvage disparaissent petit à petit, les humains et les animaux se retrouvent obligés de vivre aux côtés les uns des autres. Et avec quelles conséquences... Imaginez que votre récolte de maïs soit détruite en moins d'une heure par une troupe de babouins, ou l'impensable – un être cher blessé par un crocodile ou tué par un éléphant. Le conflit humain-faune n'est pas un sujet confortable – il parle de décès, de pertes de revenus essentiels, de peur, de colère et d’animaux sauvages qui sont tués en légitime défense, en prévention ou en représailles sans fin, pouvant conduire certaines espèces à l'extinction. Les coûts de cette vie côte à côte avec la faune incombent de manière disproportionnée aux communautés qui vivent déjà souvent en dessous du seuil de pauvreté et ont accès à peu d'opportunités économiques.

Mais des solutions existent ! Au WWF, le cœur même de notre mission est de créer un monde où l’humain vit en harmonie avec la nature. Nous avons ainsi récemment développé une nouvelle méthodologie intitulée SAFE, qui a déjà été testée avec succès (voir p.8-9) et qui inclue le développement d'alternatives économiques locales durables. Le succès de notre Wolf Fencing Team belge est aussi la preuve qu’une harmonie retrouvée est possible : à ce jour aucune des clôtures ayant été adaptées par les soins de ces bénévoles n’a pu être franchie par un loup ! En travaillant étroitement avec ceux et celles qui sont en première ligne, en chérissant leurs savoirs et leurs expériences et en transmettant cette connaissance et ces bonnes pratiques, nous pouvons contribuer à construire une coexistence humain-faune réelle et durable. Ensemble, tout est possible !

« Nous pouvons contribuer à construire une coexistence humainfaune réelle et durable. »
É DITO
Magazine - ÉDITION D'ÉTÉ 2023 2 Dossier

6/ DOSSIER

Vivre

14/ SUR LE TERRAIN

Ukraine : une nature précieuse dans la tourmente

18/ FOCUS

La Belgique investit-elle suffisamment dans notre biodiversité ?

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COLOPHON : Le WWF Magazine est une publication du WWF-Belgique Communauté française asbl. Tous droits réservés au WWF. Le logo et les initiales WWF sont des marques déposées du World Wide Fund for Nature. Reproduction des textes autorisée, à condition qu’il soit fait mention de la source.

• Ont collaboré à ce numéro : Alison Avanzini, Nicky Cremers, Pauwel De Wachter, Sarah George, Thibault Ledecq, Sam Nziengui-Kassa, Olesya Petrovych, Laure Raimondi, Déborah Van Thournout • Coordination et rédaction : Esther Favre-Félix, Emma Maris • Traduction : Martin Collette • Design : www.inextremis.be

• Impression : imprimé par Drukkerij VD sur du papier recyclé cyclus silk 90 gr.

• Photo de couverture : © CreativeLAB / WWF-US • E.R. : Déborah Van Thournout, Bd E. Jacqmain 90, 1000 Bruxelles.

10.2019

© BRAD STARRY
En bref 20 Youth
Merci
© PHILIPPE MOËS © DMYTRO.CH 4
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en harmonie avec la faune sauvage SOMMAIRE
Magazine - ÉDITION D'ÉTÉ 2023 3

380 NOUVELLES ESPÈCES DÉCOUVERTES DANS LA RÉGION DU GRAND MÉKONG

Un lézard qui change de couleur (Calotes goetzi) ou des orchidées qui ressemblent à des marionnettes (Dendrobium fuscifaucium) : la nature n’a pas fini de nous étonner ! Et c’est particulièrement le cas dans la région du Grand Mékong, où les scientifiques ont découvert 380 nouvelles espèces en 2021 et 2022. Malheureusement, ces espèces doivent faire face à la déforestation, à la perte d’habitat, au commerce illégal d’espèces sauvages ou encore à la pollution environnementale. Nombre d’espèces disparaissent avant même que nous ayons pu les découvrir...

Le WWF collabore avec des partenaires de cinq pays du Mékong pour protéger ces espèces et leurs habitats.

Laissez-vous surprendre par les merveilles de la nature en lisant le rapport complet ici :

LA MER DU NORD CONVERTIE EN CENTRALE ÉNERGÉTIQUE ... ET LA NATURE ?

En mai, un sommet sur la mer du Nord a abouti à la décision de faire de cette mer la plus grande centrale énergétique du monde : plusieurs pays européens vont collaborer à un réseau énergétique offshore qui connecte leurs parcs éoliens. C’est une bonne nouvelle pour la lutte contre le changement climatique, mais quelles sont les conséquences pour notre nature marine ? Le WWF est optimiste : si la nature est bien une priorité lors de la conception, de la construction, de l’exploitation et du démantèlement de ces parcs éoliens, cela peut être une opportunité pour le climat comme pour la nature !

Notre analyse ici :

PROTÉGER LES BANTENGS DE THAÏLANDE

Le nom « banteng » ne vous dit rien ? Ce n’est pas étonnant car il ne subsiste que quelque 8.000 de ces grâcieux ruminants à travers le monde... Il y a encore de l’espoir pour le banteng en Thaïlande, où on les retrouve dans 22 territoires protégés, mais la plupart de ces populations comptent moins de 10 individus et vivent éloignées les unes des autres. C’est pourquoi le WWF s’est associé à 12 organisations partenaires pour sauver cette espèce, en faisant notamment appel à des bantengs vivant en captivité.

À Mae Wong, on observe déjà des effets positifs de cette action : la population croît et se répand dans tout le parc national !

Découvrez nos images encourageantes ici :

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EN BREF
© JESSE DE
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© WAYUPHONG JITVIJAK / WWF-GREATER MEKONG Magazine - ÉDITION D'ÉTÉ 2023
MEULENAERE
UNSPLASH
HENRIK BRINGSOE © KEOOUDONE SOUVANNAKHOUMMANE

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En tant qu'amoureux et amoureuses de la nature, vous nous aidez déjà à protéger des espèces animales emblématiques ainsi que la merveilleuse nature qui nous entoure. Merci à tous et à toutes ! Vous avez peut-être aussi déjà pensé à ce que vous souhaiteriez transmettre aux générations futures ? En donnant (une partie ou l’entièreté de) votre héritage au WWF, vous léguez une planète vivante. Pourquoi inclure le WWF dans votre testament ?

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Le WWF est là pour vous aiguiller dans cette démarche. Sur wwf.be/testaments, vous pouvez trouver des informations utiles ainsi que des réponses aux questions les plus fréquemment posées. Dominique Weyers, notre Legacy Officer se fera également un plaisir de vous répondre par téléphone au 0476/58 07 42 ainsi que par e-mail à dominique.weyers@wwf.be.

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© TOM STAHL

DOSSIER

Vivre en harmonie avec la faune sauvage

Magazine - ÉDITION D'ÉTÉ 2023 6

Éléphants, tigres, lions... Ces espèces emblématiques sont une source inépuisable d’émerveillement. À distance, nous admirons leur beauté et leur puissance. Mais les choses sont très différentes lorsque l’on vit dans leur voisinage immédiat : destruction des récoltes, morsures et même parfois décès – vivre aux côtés de la faune sauvage peut avoir de très lourdes conséquences. Et les actions de représailles peuvent quant à elles conduire à la disparition de certaines espèces précieuses. Face à ces conflits, l’approche classique est souvent d’en traiter les symptômes. Mais cela ne suffit pas : ce n’est qu’en s’attaquant à leurs causes profondes et en développent des solutions systémiques, en collaboration étroite avec les communautés locales, que nous pourrons construire un avenir où les humains vivront en harmonie avec la nature.

© GREG DU TOIT Magazine - ÉDITION D'ÉTÉ 2023 7

Du conflit à l’harmonie

Lorsque les interactions entre les humains et la faune sauvage ont des conséquences négatives, on parle de conflit humains-animaux. En Europe, on pense surtout aux loups et aux ours, mais la survie d’espèces emblématiques comme le tigre ou l’éléphant sont également en jeu.

Les conflits entre humains et animaux sont aussi vieux que l’humanité. Ils se sont intensifiés vers 13.000 avant J-C lorsque nous avons commencé à cultiver la terre, puis vers 8.000 avant J-C avec le début de la domestication du bétail, qui est une proie facile pour les carnivores. Aujourd’hui, notre planète est de plus en plus densément peuplée et l’espace occupé par les humains continue de s’étendre, empiétant sur le territoire des animaux sauvages. Cela engendre plus d'interactions avec eux, et malheureusement aussi plus de conflits.

QUELLES SONT LES CAUSES DE CES CONFLITS ?

Les humains s’aventurent dans les habitats des animaux sauvages et utilisent les ressources naturelles dont ils dépendent : nous détruisons la nature sauvage et la parsemons de zones habitées, de routes, de zones d’agriculture et d’élevage, tout en privilégiant les rives fertiles des cours d’eau. Or, comme nous, les animaux ont besoin de nourriture et d’eau. Les éléphants se retrouvent donc à venir boire dans des rivières utilisées par des villageois. Et le bétail circulant sans surveillance devient une proie facile pour les carnivores comme les loups, les lions ou les tigres. Les herbivores comme les gorilles se délectent des plantes cultivées et détruisent des récoltes entières. Cette concurrence pour les ressources alimentaires et hydriques est source de conflits.

DE TRÈS LOURDES CONSÉQUENCES

Les conflits entre humains et animaux ont de lourdes conséquences pour les deux parties. Les animaux les paient souvent de leur vie : ils sont abattus par vengeance, par légitime défense, ou même préventivement. Les populations des espèces concernées reculent et le soutien local à leur protection s’effrite. Dans certains endroits, les conflits entre humains et animaux sont même la principale menace pour la survie d’espèces emblématiques.

Pour les humains, les conséquences sont tout aussi dramatiques. Des fermiers perdent leurs récoltes et leurs revenus – ce qui peut être source d’insécurité alimentaire. Parfois, les habitant·es n’osent plus aller chercher de l’eau, de peur d’être attaqués par des animaux qui risquent de les blesser ou même tuer. Et ces décès n’apportent pas seulement une tristesse indicible : les familles peuvent y perdre leur source de revenus et doivent s’acquitter du prix des funérailles. Ces conflits sont aussi un problème humanitaire et de développement : souvent, ce sont les communautés vivant sous le seuil de pauvreté et ayant peu d’accès à des alternatives économiques qui paient le prix fort de la présence de la faune sauvage. À l’inverse, ce ne sont pas ces communautés qui bénéficient des avantages de la préservation de ces espèces sauvages. De plus, le stress et l’angoisse vécus par ces populations impactent leur perception des espèces sauvages et de la protection de la nature.

UNE SOLUTION À LA MESURE DU DÉFI

Les conflits humain-animaux constituent donc un défi mondial. Malheureusement, ils ne font pas l'objet d'une attention suffisante. Les approches pour y faire face sont généralement ponctuelles et isolées – tel que l'installation de clôtures et l'indemnisation des pertes de bétail. Mais elles se bornent à traiter les symptômes, et pas les causes de ces conflits. Or il existe désormais à travers le monde des exemples de gestion holistique des conflits. En 2016, par exemple, le WWF a développé la méthode SAFE, qui permet de mieux protéger toutes les parties concernées :

Magazine - ÉDITION D'ÉTÉ 2023 8 Dossier

les populations locales et leur bétail, les animaux sauvages et leurs habitats. Les communautés locales sont le point de départ de cette approche, qui se déploie sur six piliers : analyse, atténuation, réponse, prévention, plaidoyer politique et suivi. La méthode SAFE permet aux communautés, aux gouvernements et aux entreprises d’élaborer ensemble des stratégies visant à éliminer progressivement les risques immédiats et à rendre la zone sûre pour les humains et les animaux sur le long terme.

La survie de la faune et de la flore – en particulier des espèces emblématiques –dépend des êtres humains. Nous devons reconnaître que les conflits humainsanimaux sont un problème mondial et que les personnes qui en supportent le coût doivent être au cœur de l’élaboration des modèles de résolution de ces conflits. Car leurs expériences et leurs connaissances sont indispensables pour construire un avenir où les humains et les animaux vivront en harmonie.

QUE SE PASSE-T-IL LORSQU’UNE ESPÈCE DISPARAIT ?

Chaque espèce animale joue un rôle dans son écosystème. Les prédateurs maintiennent les populations d’herbivores sous contrôle, et font en sorte qu’ils ne broutent pas toujours au même endroit, ce qui est bon pour la croissance végétale. Quand il y a trop d’herbivores, ceux-ci s’approchent des fermes et se nourrissent des plantes cultivées. Et à l’inverse, quand les proies sont trop rares, les prédateurs s’attaquent au bétail. Chaque espèce qui disparait résulte en un écosystème déséquilibré.

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NATUREPL.COM
DANNY GREEN / WWF

LE WWF EN ACTION

Du Cambodge à la Zambie, de l’Ouganda au Myanmar : le WWF agit pour que les bénéfices de la cohabitation avec la faune sauvage l’emportent sur les inconvénients…

Cambodge : trouver une solution ensemble

Lors des dernières décennies, les animaux sauvages ont perdu une grande partie de leur habitat naturel au Cambodge. Suite à la croissance économique et démographique du pays, humains et animaux doivent partager le même espace et les mêmes ressources naturelles, ce qui conduit à des interactions plus nombreuses - et parfois fatales.

Dans le sanctuaire de vie sauvage de Srepok et dans le Parc national O’Yadav, les conflits entre humains et éléphants augmentent. Lors de la saison des récoltes, de septembre à avril, les éléphants se repaissent des plantations des communautés locales et les fermiers perdent jusqu’à 90% de leur production – et de leurs revenus. Les éléphants endommagent également les habitations situées près des fermes. Les communautés craignent aussi pour leur sécurité, car les éléphants s’adaptent vite aux méthodes de dissuasion qu’elles mettent en place.

L’APPROCHE TRADITIONNELLE NE SUFFIT PAS

Frapper dans les mains, allumer des feux, fabriquer des systèmes d’alarme lumineux, dormir à la ferme pour veiller sur les plantations : les agriculteurs et agricultrices cambodgien·nes ont testé de nombreuses méthodes pour maintenir les éléphants à distance. Phalla Mey, qui travaille pour le WWF au Cambodge, raconte : « Aucune méthode n’est efficace à 100% et le nombre de conflits augmente. Nous devons analyser en profondeur l’impact des incidents pour mieux comprendre les tensions entre humains et animaux. »

MÉTHODE SAFE ET COLLIERS GPS

Pour trouver une solution de long terme, le WWF travaille avec les communautés locales, en se basant sur la méthode SAFE (voir p.9). « Il est essentiel de construire un lien de confiance avec les gens qui subissent les conséquences des conflits avec les éléphants. Ce n’est que de cette manière que nous pourrons développer une solution qui fonctionne, avec la coopération de tous et toutes », explique Phalla Mey.

Au Mondulkiri, dans l’Est du pays, le WWF organise des formations sur l’installation de colliers GPS sur les éléphants. Ces colliers nous aident à comprendre leurs déplacements et nous permettront d’identifier les régions qui doivent être mieux protégées, afin d’éviter des conflits futurs. Nous protégeons ainsi les personnes et leurs cultures, et les éléphants eux-mêmes - car en évitant les conflits, on évite les actes de représailles !

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© EMMA MARIS / WWF-BELGIUM
WWF-CAMBODIA
WWF-CAMBODIA
 Système d’alarme artisanal, avec des lumières pour éloigner les éléphants.
Magazine - ÉDITION D'ÉTÉ 2023 10 Dossier
 Formation sur les colliers GPS

Gérer les conflits avec la faune n’est jamais simple, mais c’est particulièrement difficile dans un contexte d’agitation sociale et d’instabilité politique. Pourtant, le WWF continue de s’engager au Myanmar pour que les communautés locales puissent cohabiter avec les tigres et les éléphants.

Dans le sud de la chaîne de montagnes du DawnaTenasserim, les communautés locales ont récemment perdu une vingtaine de têtes de bétail suite à une attaque de tigres. Nay Myo Shwe travaille pour le WWF au Myanmar : « Nous avons installé des panneaux d’information qui expliquent que le tigre est une espèce protégée et recommandent d’appeler les services de secours quand des tigres s’approchent. Une ‘Équipe d’intervention d’urgence’, gérée par les communautés locales, entre alors en action. Et nous avons établi un système de compensation pour le remplacement du bétail. Cela fonctionne très bien ! »

Cette approche paie et moins de tigres sont abattus en représailles. Les images de nos pièges photographiques en témoignent : des tigres continuent de s’épanouir à proximité des communautés. « Ce sont des signes encourageants, mais nous avons besoin d’une solution de long terme. Nous nous concentrons sur le monitoring, la compréhension et l’atténuation. L’étape suivante sera le plaidoyer, mais la situation politique rend les choses difficiles. Nous voulons aussi élaborer une vision pour la gestion des conflits en collaboration avec les communautés locales », précise Nay Myo Shwe.

COHABITER AVEC LES ÉLÉPHANTS

En parallèle, les changements à grande échelle dans l’affectation des terres réduisent l’habitat des éléphants. Ils s’aventurent alors dans des zones habitées, dévorent les récoltes, endommagent les biens et attaquent même les habitant·es. « À cause de l’instabilité politique, il y a une augmentation des conflits [avec les éléphants] depuis 2021 car il nous est plus difficile d’intervenir sur le terrain », explique Nay Myo Shwe.

Or sans mesures de protection adaptées, les éléphants pourraient disparaître du Myanmar. Le WWF intervient donc de différentes manières : « Pour prévenir les dégâts dans les cultures, nous disposons de cinq clôtures électriques à l’énergie solaire. De plus, chaque village à sa propre ‘Équipe d’intervention d’urgence’. Ces équipes sont formées pour éloigner les éléphants de manière sécurisée, avec du bruit et des lampes torches puissantes. Les dégâts aux plantations et aux biens étant difficilement chiffrables, il n’y a pas encore de système de compensation. Nous y travaillons », explique Nay Myo Shwe.

« Pendant des années, nous ne dormions plus tranquilles par crainte des éléphants. Grâce aux clôtures électriques placées avec le soutien du WWF, nous n’avons plus de souci à nous faire. »
Le chef du village Kwin Kauk, Thar Baung Township
© WWF-MYANMAR Magazine - ÉDITION D'ÉTÉ 2023 11
Au Myanmar, à la recherche d’harmonie dans un pays instable

Cohabiter paisiblement avec les gorilles en Ouganda

Le programme « Human Gorilla Conflict Resolution » – ou HuGo – a vu le jour en 1998 dans le but d’apaiser les tensions entre les gestionnaires des parcs nationaux et les communautés voisines : les gorilles de montagne et d’autres animaux s’aventuraient hors des parcs et détruisaient leurs plantations...

Les gorilles de montagne quittent en principe rarement les parcs nationaux où ils vivent. Mais en raison du tourisme, ils se sont habitués à la présence humaine et ils osent s’approcher des zones habitées. Et ce sont les communautés vivant aux abords des parcs qui en pâtissent, car les grands primates trouvent leurs plantations très alléchantes. Les interactions avec les humains ne sont pas non plus sans danger pour les gorilles, car nous pouvons leur transmettre des maladies comme la gale, la grippe et le COVID-19.

DES BÉNÉVOLES VEILLENT SUR LES RÉCOLTES

Le programme HuGo est entièrement basé sur le travail de bénévoles issu·es des communautés locales. Des équipes HuGo sont aujourd’hui actives autour du Parc national de la Forêt impénétrable de Bwindi (Ouganda), du Parc national des gorilles de Mgahinga (Ouganda) et du Parc national des Virunga (RDC).

Les bénévoles suivent d’abord une formation où ils et elles apprennent à connaître la faune sauvage locale et découvrent comment la raccompagner en douceur vers le parc. Un autre aspect de la formation concerne la collecte d’informations sur les conflits humains-animaux. Les volontaires reçoivent également de la nourriture et du matériel agricole en échange de leur implication. Les communautés qui vivent à proximité des gorilles bénéficient aussi du soutien d’IGCP (International Gorilla Conservation Programme). C’est IGCP qui a créé HuGo et le WWF est l’un des 3 organismes fondateurs de ce programme international. IGCP a aussi développé un système permettant de redistribuer une partie des revenus des parcs à des projets qui améliorent les conditions de vie des communautés locales.

COMMENT VIT-ON PAISIBLEMENT AVEC DES GORILLES DE MONTAGNE ?

Pour raccompagner les gorilles vers les montagnes, les équipes HuGo s’approchent lentement des animaux et frappent dans leurs mains ou utilisent des percussions afin de les faire fuir tout en s’assurant que leur seule issue soit en direction du parc. Le défi consiste à intervenir avant que les gorilles n’aient causé des dégâts.

Depuis que le programme existe, les dommages aux plantations ont diminué de 70% ! Et grâce aux efforts pour protéger le gorille de montagne et son habitat, le tourisme a le vent en poupe – une nouvelle source de revenus pour les communautés locales.

LE WWF
© WWF-UGANDA ©
WWF Magazine - ÉDITION D'ÉTÉ 2023 12 Dossier
 Membres de HuGo en Ouganda
EN ACTION
RAMON SANCHEZ ORENSE © MARTIN HARVEY /

Les communautés locales en action en Zambie

Dans le sud-ouest de la Zambie, le WWF travaille main dans la main avec les communautés locales pour prévenir les conflits avec les éléphants et les grands prédateurs, comme les crocodiles et les hyènes tachetées.

En 2020, le WWF a identifié avec les communautés locales les zones où le risque de conflits humains-animaux était le plus élevé : 21 clôtures anti-éléphants électrifiées à l’énergie solaire ont ainsi pu être installées dans la réserve du Lower West Zambezi et dans le Parc national de Sioma Ngwezi, ainsi que 12 clôtures anti-crocodiles et 3 enclos protégeant le bétail. Des milliers de personnes, leurs plantations et leur bétail, sont désormais mieux protégés.

À chaque étape du processus, les communautés ont joué un rôle central. Elles ont aidé à placer les clôtures, suivi des formations pour leur entretien et appris à utiliser une application de collecte de données pour signaler et suivre les incidents. Cette approche fonctionne : là où des mesures ont été appliquées, il n’y a plus d’incidents !

DE 100% PERTE À 100% RÉCOLTE

À Kalolelwa, dans le district de Sesheke, 22 familles dépendent pour leur subsistance de la ferme Liunga. Or en 2020, les éléphants avaient détruit la totalité des plantations de cette ferme. En 2021, la ferme Liunga a donc été la première à être équipée de clôtures anti-éléphants, électrifiées à l’énergie solaire. Une technique de prévention efficace : depuis lors, les éléphants n’ont causé aucun dommage à la ferme de Liunga.

Mwangala Lifalalo (photo), agriculteur et gestionnaire des clôtures, explique : « Nous sommes heureux d'avoir des clôtures à l'épreuve des éléphants et nous en prendrons soin. Grâce à elles, nous pouvons planter nos cultures et attendre la récolte sans crainte : les éléphants ne peuvent pas les endommager. »

POSER DES CLÔTURES, ACCROÎTRE LA TOLÉRANCE

Le village de Mufulani, au nord du Parc national de Sioma Ngwezi, est un hotspot pour les prédateurs, tels que les hyènes tachetées. Il est donc essentiel d'y installer des clôtures efficaces pour protéger le bétail. Un jeune qui a collaboré à l'installation raconte : « Les hyènes tachetées sont des sorcières. Elles ne chassent pas les proies sauvages, mais viennent dans les zones habitées et mangent notre bétail. C'est un gros problème ». Les conflits humainsanimaux aggravent la perception négative de ces animaux. En prévenant ces conflits, nous protégeons ces animaux contre les représailles et améliorons leur réputation auprès des humains qui vivent à leurs côtés. Ensemble, tout est possible !

 Toute la communauté est impliquée dans la pose des clôtures anti-crocodiles.

 Dans le sud-ouest de la Zambie, les villageois·es doivent cohabiter avec des hyènes tachetées et des éléphants.

© TEDDY MUKULA / WWF-ZAMBIA © SHADRACH MWABA / WWF-ZAMBIA
Magazine - ÉDITION D'ÉTÉ 2023 13
© CHRISTIAAN VAN DER HOEVEN / WWF-NETHERLANDS
© NATUREPL.COM / WILL BURRARD-LUCAS / WWF

SUR LE TERRAIN

Ukraine : une nature précieuse dans la tourmente

L'Ukraine fait partie du « Cœur vert de l'Europe », où des zones naturelles relativement intactes sont encore préservées. La nature ukrainienne est d’une variété et d’une richesse incroyables : on y trouve des forêts anciennes, des steppes rares, des zones humides, de hautes montagnes, deux mers, des lacs roses et même un désert…

Les projets de conservation du WWF en Ukraine sont principalement concentrés dans les Carpates (à l’ouest), la Polésie (au nord-ouest) et le delta du Danube (au sud-ouest). Dans les montagnes des Carpates, l’Ukraine compte encore des forêts « vierges » à haute valeur de conservation, y compris les anciennes forêts de hêtres inscrites au patrimoine mondial. Les montagnes des Carpates abritent des ours, des loups et des lynx qui côtoient près de 8.000 espèces d'animaux et de plantes, dont 500 sont répertoriées dans le Livre rouge des espèces menacées d'Ukraine. À sa droite, la nature de la Polésie se compose d’un mélange de forêts infranchissables, de landes et de marécages, et les plaines inondables des rivières y sont préservées. Cette zone est riche en lichen et en baies sauvages. Miel sauvage, baies et champignons qui font le régal des lynx, lièvres, oiseaux et loups. Enfin, l'Ukraine a sa part du Bas-Danube et de son delta, où se sont déroulés certains des projets de restauration des zones humides les plus réussis du WWF, et où vivent des espèces rares comme les grands pélicans blancs et les pélicans frisés. Le Bas-Danube ukrainien est l'une des très rares régions qui abritent encore des populations d'esturgeons du Danube viables et se reproduisant naturellement.

© SHUTTERSTOCK / GOINYK PRODUCTION Magazine - ÉDITION D'ÉTÉ 2023 14

IMPACT DE LA GUERRE

En plus de drames humains indicibles, la guerre en Ukraine a aussi d’énormes conséquences sur la nature. 30% des territoires naturels protégés y ont déjà été touchés ou détruits. Les dauphins de la mer Noire sont victimes de l’impact des sonars des sous-marins, et les grands mammifères doivent évoluer dans ce qui est devenu le pays le plus miné au monde. Les mines pullulent notamment dans des zones de tourbières à haute concentration en carbone, particulièrement à risque de feux aux conséquences désastreuses. Autres impacts de la guerre sur l’environnement : la pollution directe provoquée par le dégagement de matières toxiques des munitions, la pollution liée aux inondations de mines et d’installations industrielles, les perturbations du traitement des eaux usées et des déchets et enfin la diminution des activités environnementales dans les zones de conflit.

DRAME POUR LES FORÊTS UKRAINIENNES

Au total, près de 3 millions d'hectares de forêts auraient déjà été touchés par le conflit, ce qui représente environ 30% des forêts totales du pays. Au-delà des dommages directs, la guerre complexifie également la gestion des forêts ukrainiennes. Le risque de tomber sur des munitions non explosées est élevé, ce qui rend l'exploitation et la conservation dangereuses et complique

l’accessibilité pour la lutte antiparasitaire ou celle contre les incendies. À cause des difficultés d'intervention dans les zones de conflit, de la diminution des ressources et des bombardements, le nombre de feux de forêt en Ukraine a presque triplé par rapport à 2021. Ces incendies ont notamment atteint des zones protégées, comme la zone d'exclusion de Tchernobyl ou la réserve de Kinburn Spit, où 4.000 hectares de forêt auraient été touchés par les incendies.

UNE MENACE POUR LA FAUNE ET LES ESPÈCES EN DANGER

Les dégâts causés par la guerre constituent une menace directe pour la survie de certaines espèces sauvages en Ukraine. Ainsi, la moitié des zones humides ukrainiennes d'importance internationale ont été affectées par des activités militaires. Les mines transportées par les courants jusqu'aux côtes menacent la vie marine, et le pilonnage des ports et les fuites chimiques qui en résultent pourraient provoquer une catastrophe écologique dans la mer d'Azov. Selon le ministère ukrainien de la protection de l'environnement et des ressources naturelles, la guerre perturbe aussi spécifiquement les voies de migration de nombreuses espèces d'oiseaux qui traversent l'Ukraine ; le conflit cause également des dommages à leurs habitats voire des coups directs aux oiseaux. Certains centres uniques d'espèces endémiques pourraient disparaître en raison des hostilités.

Le lynx eurasien est le plus grand félin d'Europe. Il existe deux populations de lynx en Ukraine : dans les Carpates à l’ouest (de 400 à 430 individus) et en Polésie au nord-ouest (jusqu'à 100 individus).

L'ours brun est l'un des animaux emblématiques d’Ukraine, peuplant les zones forestières des Carpates et de Polésie. Il est fortement menacé en Ukraine et protégé par la Convention de Berne sur la conservation de la vie sauvage.

Les pélicans sont sensibles aux perturbations dans leur zone d'accouplement. Il y a moins de 10.000 couples de grands pélicans blancs dans le monde et 70% d’entre eux se rassemblent en été dans le delta du Danube.

Les esturgeons existent depuis l'âge des dinosaures et ils peuvent atteindre 6 mètres de long. Aujourd’hui, il s’agit du groupe d'espèces le plus menacé sur terre. On les trouve encore dans le BasDanube ukrainien.

 Des champs parsemés de centaines de cratères d'artillerie près de la ville d'Izyum, dans la région de Kharkiv. © FRITZ PÖLKING / WWF © ANTON VORAUER / WWF © TOMAS HULIK © WWF-BULGARIA
Magazine - ÉDITION D'ÉTÉ 2023 15
© MAXAR

LE WWF EN ACTION

Le WWF en action malgré la guerre

De nombreux projets du WWF sont actuellement arrêtés ou retardés à cause de la guerre. Mais nos équipes sur place continuent de travailler sans relâche à protéger ces réserves naturelles et ces parcs nationaux précieux qui débordent de beauté et de nature sauvage.

DES COLLIERS GPS POUR MIEUX CONNAITRE LES LYNX D’UKRAINE

En février dernier, des experts du WWF en Ukraine et de la réserve naturelle de Rivne (en Polésie) sont parvenus à capturer et à équiper un lynx mâle d’un collier télémétrique muni d’un émetteur GPS-GSM. Surnomé « Borys » (photo), ce mâle en bonne santé pèse 22 kg, et tant que son collier fonctionne, les scientifiques reçoivent et analysent toute une série d’informations : routes migratoires, demeures, régime, activité saisonnière et quotidienne, tailles des territoires individuels, zone de reproduction… « Ce collier est un outil technologique que nos partenaires combineront avec d'autres méthodes – monitoring des traces, suivi avec des pièges photographiques... Les scientifiques utiliseront les informations obtenues pour approfondir leurs connaissances sur l'écologie de l'espèce, afin d'élaborer des plans de gestion efficaces et des mesures de conservation », explique Roman Cherepanyn, expert auprès du WWF en Ukraine. Et en avril 2023, l’équipe de Roman a réussi à poser un collier sur un deuxième lynx mâle, cette fois dans les montagnes des Carpates ! Le lynx eurasien est classé « vulnérable » dans le Livre rouge des espèces menacées d’Ukraine.

LIBÉRER LES RIVIÈRES DES CARPATES

Malgré la guerre, des travaux de conservation de la nature critiques se poursuivent. En 2022, l'équipe du WWF s'est ainsi mise en route pour le barrage de Bayurivka, dans les montagnes des Carpates. En supprimant ce barrage obsolète (voir photo ci-contre), situé sur la rivière Perkalaba, le WWF a libéré 27 km de rivière et rouvert son cours aux poissons migrateurs pour la première fois en 120 ans. La restauration de cette rivière permettra le retour de la truite brune et du saumon du Danube – des espèces menacées –, et bénéficiera aussi à des prédateurs emblématiques comme l'ours brun et la loutre, créant ainsi un hotspot de biodiversité dans les montagnes des Carpates. Le WWF a maintenant déjà supprimé 7 barrages en Ukraine, restaurant plus de 530 km de rivière, ce qui contribue à lutter contre la perte de la nature et à renforcer sa résilience.

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16 Magazine - ÉDITION D'ÉTÉ 2023
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PRÉPARER UNE RECONSTRUCTION DURABLE

Les dommages causés aux forêts, aux steppes et aux plans d'eau ukrainiens dureront des décennies. L'équipe du WWF en Ukraine prépare déjà leur reconstruction en établissant études et analyses, notamment un rapport intitulé « Ukraine : une reprise économique durable pour les humains et la nature ». Ce rapport explique pourquoi la reconstruction d'après-guerre de l'Ukraine doit être positive pour le climat et la nature, et fournit des recommandations, plaçant notamment l'importance sociale, culturelle et économique des écosystèmes ukrainiens en tant que fondements de cette reconstruction.

UN ENCLOS QUI ATTEND DES JOURS MEILLEURS…

L’enclos de la photo ci-dessous avait été érigé pour accueillir un troupeau de bisons européens transférés depuis la forêt de Białowieża en Pologne afin de les maintenir en quarantaine pendant quelques semaines avant de les relâcher dans la réserve naturelle de la zone de Tchernobyl. Ces animaux étaient censés devenir le plus grand troupeau de bisons en Europe à évoluer sur un territoire naturel de plus de 200.000 hectares. Mais en raison de la guerre, le projet est à l’arrêt, et l’enceinte vide n’est visitée que par des chevaux de Przewalski sauvages, qui apprécient le sel et le foin qu’ils y trouvent. Tandis que nous attendons des conditions plus sûres pour la réintroduction des bisons, les scientifiques du WWF et les équipes de la réserve naturelle discutent d'éventuels projets de reboisement, pour soutenir la récupération naturelle après les incendies et pour obtenir une végétation adaptée au changement climatique. Une expérience qui pourra être diffusée ensuite dans toute l'Ukraine.

LA FLORE ET LA FAUNE DE L'UKRAINE DANS UN MONDE MAGIQUE

Pour réaliser le film d'animation ukrainien « Mavka – la chanson de la forêt », les animateurs se sont inspirés de la riche nature des forêts de Polésie. Et ils ont pu compter pour cela sur l’aide de l'équipe du WWF en Ukraine. Dès l'écriture du scénario, des experts du WWF leur ont donné des présentations sur la faune et la flore, puis le WWF les a emmené en expédition dans les réserves naturelles de Polésie et de Poyaskiv. Les téléspectateurs attentifs remarqueront 13 espèces de flore et de faune rares, répertoriées dans le Livre rouge des espèces menacées d'Ukraine : lynx eurasien, cigogne noire, bison d'Europe, crocus heuffelianus...

Découvrez la vidéo du making off ici :

«
L'équipe est fatiguée de la guerre, et moi aussi. Mais malgré cela, nous pensons que nous pouvons faire beaucoup pour le pays et la nature au WWF, et cela nous motive.
»
Bohdan Vykhor, directeur du WWF en Ukraine
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Magazine - ÉDITION D'ÉTÉ 2023 17
© STUDIO ANIMAGRAD
WWF-UKRAINE © WWF-UKRAINE

FOCUS

La Belgique investit-elle suffisamment dans notre biodiversité ?

La biodiversité est à la base de toute vie sur terre – mais elle est soumise à rude épreuve dans le monde entier. Face à cette crise, les ambitions ne manquent pas : mais quand estil des financements mobilisés ?

Le WWF a calculé le montant que la Belgique devrait investir dans la biodiversité.

Nourriture, eau potable, air pur… Tout ce qui nous maintient en vie, nous le devons à la biodiversité. Plus un écosystème est riche en biodiversité, plus celui-ci est en mesure d’assurer des « services écosystémiques » tels que la pollinisation des cultures, la purification de l’eau ou encore la protection contre les catastrophes naturelles et l’absorption du CO2. Vous l’avez compris : notre biodiversité vaut de l’or.

LA VALEUR FINANCIÈRE DE LA BIODIVERSITÉ

Les scientifiques estiment que ces services écosystémiques représentent 125 à 145 mille milliards de dollars par an à l’échelle de la planète, soit plus de 150% du produit intérieur brut (PIB) mondial. En parallèle, plus de la moitié de ce PIB mondial, soit 44 millions de dollars, est modérément à fortement dépendant de la nature et des services qu’elle fournit. C’est pourquoi le Forum économique mondial considère la perte de biodiversité comme l’un des risques les plus importants auxquels l'humanité sera confrontée au cours de la prochaine décennie.

LA BIODIVERSITÉ EN BELGIQUE

Saviez-vous que nos dunes côtières, nos Hautes Fagnes et nos pelouses calcaires sont des écosystèmes rares à l’échelle de l’Europe ? Et que la Belgique compte 36.300 espèces enregistrées ? Il est plus que jamais nécessaire de protéger cette riche biodiversité, car seulement 4% des habitats belges sont dans un état favorable et un tiers de toutes les espèces indigènes belges étudiées sont rares, vulnérables, menacées ou éteintes. Les politicen·nes semblent (enfin) prendre la mesure de l’ampleur de cette crise : en 2022, la COP15 sur la biodiversité a débouché sur un Cadre mondial de la biodiversité (CMB) après 2020, et la Commission européenne a publié la Stratégie de l'UE en faveur de la biodiversité à l'horizon 2030. La Belgique a signé le CMB et, en tant que membre de l’Union européenne, soutient la stratégie européenne en faveur de la biodiversité. Les ambitions sont donc belles et bien présentes, mais un point crucial reste le financement de tous ces objectifs…

QUEL MONTANT LA BELGIQUE CONSACRE-T-ELLE À LA BIODIVERSITÉ ?

Selon les calculs du WWF, les dépenses de la Belgique en matière de biodiversité s’élevaient à quelque 855,5 millions d’euros en 2020 – ce qui équivaut à 0,32% des dépenses publiques belges et 0,19% de notre PIB. La plus grande partie de ce montant a été affectée à la lutte contre la pollution environnementale et à la protection de la biodiversité et des paysages. Concrètement, ces investissements vont par exemple dans le contrôle et la réduction des émissions de gaz à effet de serre et des substances polluantes, l’achat de nouvelles réserves naturelles, la gestion des parcs nationaux…

LE DÉFICIT DE FINANCEMENT BELGE POUR LA BIODIVERSITÉ

Depuis 2020, les budgets consacrés par la Belgique à l’adaptation climatique et à la biodiversité ont toutefois augmenté. Et avec le Blue deal flamand et la Stratégie intégrale sécheresse wallonne, les régions ont elles aussi dégagé des moyens supplémentaires pour la lutte contre les pénuries d’eau et les sécheresses.

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MARTIN

Nous estimons aujourd’hui que les dépenses pour la biodiversité oscillent désormais autour de 1,031 milliard d’euros par an. Nous ne pouvons qu’encourager cette évolution positive !

Malheureusement, cette augmentation est insuffisante. Si la Belgique veut remplir ses engagements et réaliser ses ambitions, le pays devrait consacrer environ 1,634 milliards d’euros à la biodiversité entre 2021 et 2030. Le déficit de financement pour la biodiversité en Belgique s’élève donc à quelque 603 millions d’euros supplémentaires par an jusqu’en 2030. Et pendant ce temps, notre pays dépensait près de 13 milliards d’euros en subsides aux combustibles fossiles en 2020…

UN INVESTISSEMENT DANS NOTRE AVENIR

Investir dans la biodiversité n’est pas un luxe, c’est notre seule option.

Voilà quelques conséquences de la perte massive de biodiversité :

• Production alimentaire : 75% des cultures alimentaires mondiales sont dépendantes des pollinisateurs, qui disparaissent à un rythme affolant.

• Catastrophes naturelles : lorsque la nature est endommagée, elle nous protège moins efficacement. Par exemple en rendant rectilignes nos cours d’eau et en artificialisant leurs berges, nous diminuons leur capacité d’absorption des pluies abondantes.

• Pandémies : quand la biodiversité recule, les espèces qui survivent sont souvent des vecteurs de la transmission de pathogènes aux êtres humains. Si nous n’agissons pas maintenant, nous courons le risque de ruiner toute possibilité de restaurer les écosystèmes naturels qui nous entourent. Avec des conséquences

 Sans ces subventions néfastes, nos efforts en faveur de la biodiversité seraient beaucoup plus efficaces

dramatiques pour l’ensemble de notre société – y compris au niveau climatique. Il n’est pas trop tard pour mettre fin au déclin de la biodiversité. Mais le temps presse. Et de belles promesses ne suffiront pas.

Envie d’en savoir plus ? Lisez notre rapport « Une nature qui vaut l'or : investir dans la biodiversité, assurer notre avenir » : wwf.be/fr/finance-nature

 0,32% des dépenses publiques belges sont consacrées à la biodiversité

 L'ampleur du déf icit de financement pour la biodiversité en Belgique
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YOUTH

Le département jeunesse du WWF fait sa rentrée ! Pour bien commencer cette année scolaire 2023-2024, découvrez notre offre d’outils, ateliers et vidéos éducatives gratuites, allez explorer la nature avec le Rangerclub et rejoignez le mouvement #StandUpForClimate !

VOUS AVEZ ADORÉ NOTRE PREMIÈRE VIDÉO SUR LA BIODIVERSITÉ ? LA SUITE EST LÀ !

Après avoir découvert la beauté de la nature de notre planète en compagnie de Tam, le tamanoir, cette deuxième vidéo éducative emmène les enfants (6-12 ans) découvrir les menaces qui pèsent sur la biodiversité. Vous partirez à la rencontre d’un ours polaire dont l'habitat devient de plus en plus petit, et vous visiterez la forêt tropicale où les orangs-outans sont menacés. Tam y présente aussi de nombreuses solutions pour enrayer la perte de la biodiversité ! Pour accompagner cette vidéo, le jeu éducatif « la biodiversité en cascade » permettra aux élèves de s’approprier ces concepts plus en profondeur (9-14 ans). Comme tous nos outils éducatifs, ceux-ci sont téléchargeables gratuitement sur : wwf.be/fr/ecoles

DÉCOUVREZ NOS ATELIERS

INTERACTIFS GRATUITS !

Le School Tour Eat4Change : grâce à cet atelier interactif, les jeunes découvrent le lien entre l'alimentation durable et la nature, et prennent conscience de l'impact de leurs choix alimentaires sur la biodiversité (à partir de 15 ans).

Les ateliers climatiques : par le biais d'expériences scientifiques, les élèves découvrent les causes du changement climatique et ses conséquences pour la planète (10-14 ans).

La Mini-COP : une opportunité unique de vivre une conférence climatique à l’école, dans un jeu de rôle hors du commun, où les élèves jouent le rôle de représentants politiques lors d’une COP, et y défendent les intérêts de leur pays (à partir de 16 ans).

Vous êtes enseignant·e ?

Abonnez-vous à notre newsletter éducation pour connaître toutes nos activités et outils pédagogiques via : wwf.be/fr/ecoles

© PEXELS OLIA DANILEVICH
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LES RANGERS À L’HONNEUR !

Le Rangerclub du WWF, c’est le club de protection de la nature le plus chouette du pays, pour les jeunes de 6 à 14 ans ! Chaque mois, nos rangers profitent d’activités nature pour toute la famille. Nous avons demandé à nos rangers de nous raconter leurs souvenirs préférés…

Bonjour, nous nous appelons Laure et Clara (10 ans) et nous avons assisté au week-end brame du cerf de l’automne dernier. C’était un moment très spécial. Nous avons eu le sentiment que ce week-end nous a fait du bien et nous avons eu la chance d’entendre le brame du cerf et de nous reconnecter à la nature. Merci au Rangerclub ! »

« Salut les Rangers, le plus chouette durant la journée du jaguar, c’était de se balader dans les bureaux du WWF et poser des questions aux gens qui y travaillent. C’était très instructif et certainement à refaire. L’activité de bricolage et le quiz étaient aussi chouettes. Un après-midi super, qui est passé bien trop vite. Le poster et le diplôme de protecteur du jaguar sont accrochés dans ma chambre. » Kobe (12 ans)

« Bonjour les rangers, au weekend blaireau nous nous sommes bien amusés. Nous avons fait deux grandes promenades : un soir on a regardé les chauvessouris et l'autre on a regardé si on voyait des blaireaux. L'aprèsmidi nous avons appris à faire un feu et nous en avons fait un grand pour griller des marshmallows. Merci pour ce super week-end ! » Tom (10 ans)

REJOINS LE MOUVEMENT #STANDUPFORCLIMATE !

Cette année, la Marche nationale pour le Climat aura lieu à Bruxelles le 3 décembre. Deux jours plus tôt, soit le 1er décembre 2023, nous invitons tous les jeunes du pays de 6 à 25 ans à entrer en action pour le climat et la biodiversité ! Rejoins-nous avec ton école, ta maison de jeunes, ton mouvement de jeunesse ou juste avec ton groupe d’ami·es : c’est l’occasion de faire passer le message que les jeunes veulent du changement ! Cette action simultanée sur l’ensemble du territoire avait déjà rassemblé près de 45.000 jeunes l’an dernier. Reçois également un ensemble de ressources et d’outils ainsi qu’un accès à notre quiz pour en savoir plus sur les causes et conséquences des changements climatiques.

Vous voulez en savoir plus sur nos activités ?

Rendez-vous ici :

Envie de faire entendre ta voix ?

Inscris-toi ici !

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Magazine - ÉDITION D'ÉTÉ 2023 21
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MERCI !

Merci à tous et à toutes : par votre soutien, vous contribuez à écrire ces petits et grands succès pour la préservation du monde sauvage. Quelques exemples de ce que nous avons accompli ces derniers mois…

EN CHIFFRES :

667 pièges à collet ont été désamorcés dans les forêts de Srepok et Phnom Prich au Cambodge

2 pangolins ont été sauvés des braconniers et relâchés à Majete au Malawi

3.167

La présence de pas moins de 3.167 tigres a été confirmée en Inde !

5 nouveaux louveteaux sont nés en Belgique

90 PANTHÈRES DES NEIGES RECENSÉES DANS LE PARC NATIONAL DE SHEY PHOKSUNDO AU NÉPAL

La panthère des neiges est une espèce aussi énigmatique que vulnérable. Elle est aussi une indicatrice de la santé des écosystèmes montagneux. Malheureusement, cette espèce mystérieuse est menacée par le braconnage, les conflits entre humains et animaux et les effets du changement climatique sur leurs habitats. En outre, les panthères des neiges font partie des grands félins les moins étudiés au monde. Or, comprendre les habitudes et les déplacements d’une espèce est une composante clé pour anticiper les conflits avec les humains et pour mieux la protéger. C’est pourquoi nous travaillons depuis plusieurs années avec les communautés locales du Parc national de Shey Phoksundo au Népal, dans le but d’y former une équipe de « citoyen·nes scientifiques ». Grâce à leur travail, nous en savons désormais plus sur cet insaisissable félin. Leur étude systématique des pièges photographiques a révélé une population estimée à 90 panthères des neiges dans le Parc national de Shey Phoksundo, avec une densité de population de 2,2 panthères des neiges par 100 km². Par votre soutien mensuel, vous participez à l’avancée de recherches telles que celle-ci. Les informations inédites que nous avons obtenues vont nous permettre de protéger la panthère des neiges et de conserver son habitat sur des bases plus solides. Merci !

 Un membre de l'équipe de citoyen·nes scientifiques mesure des empreintes de panthère.

© SASCHA FONSECA / WWF-UK © WWF-NEPAL Magazine - ÉDITION D'ÉTÉ 2023 22 Dossier

DES IMAGES INÉDITES DU JAGUAR EN BOLIVIE, GRÂCE AUX COMMUNAUTÉS LOCALES FORMÉES PAR

LE WWF

En Bolivie, le WWF concentre notamment son action sur la Chiquitania, un paysage de forêts sèches au nord-est du pays qui relie les grands bastions du jaguar que sont l’Amazonie et le Gran Chaco. Cette connectivité entre les forêts tropicales est essentielle pour le jaguar. C’est aussi dans cette région que vivent huit communautés autochtones composées de quelque 200 familles. Pour ces communautés, la protection du jaguar et de la forêt est essentielle pour l’équilibre des écosystèmes dont elles dépendent pour vivre. Nous travaillons donc main dans la main avec elles afin de développer leurs activités économiques durables en lien avec la forêt, tout en étudiant ensemble le jaguar. Certains membres des communautés ont ainsi été formés à la pose de pièges photographiques, outils indispensables pour repérer le jaguar. Car l’étude de ce félin furtif et de ses déplacements exacts est essentielle pour savoir où concentrer nos actions de protection de l’espèce. Il y a quelques mois, les premières images ont été dévoilées par la communauté de Palmarito de la Frontera. Un jeune mâle, bien curieux et bien portant, a été immortalisé par l’une de nos caméras. Ces images sont précieuses car elles permettent aussi d’identifier chaque jaguar en fonction du motif de son pelage tacheté.

308 ADOPTIONS

SYMBOLIQUES

DE LOUTRES – MERCI !

En Belgique aussi, la faune sauvage mérite notre attention. La loutre, par exemple, avait déserté nos cours d’eau à cause de la pollution de son habitat et de la chasse systématique dont elle a longtemps été victime. En mai dernier, nous l’avons donc mise à l’honneur pour attirer l’attention sur les menaces qui pèsent sur elle dans notre petit pays. Car si ce sympathique mustélidé a confirmé sa présence ces dernières années (notamment dans les vallées de la Semois et de l’Escaut), il n’en reste pas moins en danger critique d’extinction. Qu’à cela ne tienne ! Le WWF entend bien retrousser ses manches pour protéger cette espèce, dont la présence est un véritable atout pour nos écosystèmes d’eau douce. Au programme : restauration de frayères (lieux où les poissons se reproduisent), re-végétalisation de berges bétonnées et construction de « loutroducs » (passages sous les ponts qui permettent à la faune de se déplacer en toute sécurité sans se faire écraser). Ces actions, c’est uniquement grâce au soutien de nos donateurs et donatrices que nous pouvons les mener. Alors merci à toutes les personnes qui ont rejoint le WWF ou confirmé leur engagement en adoptant symboliquement une loutre. Vous faites la différence pour la nature en Belgique !

© WWF-BOLIVIA © WWF/CANVA Magazine - ÉDITION D'ÉTÉ 2023 23
WWF-Belgique C.F. ASBL Bd Emile Jacqmain 90 1000 Bruxelles 02 340 09 22 www.wwf.be Trimestriel P309290 PB- PP BBELGIE(N) - BELGIQUE 714
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