Lettre aux membres du BN du PS et aux parlementaires socialistes

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Une réforme des retraites ni urgente ni opportune Aux membres du Bureau national du Parti socialiste, Aux Parlementaires socialistes Cher-e camarade, Notre Premier secrétaire, Harlem Désir, a souhaité organiser le débat sur la réforme des retraites au sein du Parti socialiste. Nous nous félicitons de cette initiative. C'est dans ce cadre formel et légitime que nous apportons avec cette lettre notre pierre à l'édifice. "Maintenant la gauche" souhaite préciser sa position à la veille du Bureau national du 9 juillet, où ce débat doit débuter. Un débat et une prise de position du PS sont nécessaires et pertinents avant que le gouvernement ne mette sur la table ses propositions. En effet, notre dernière expression collective date de mai 2010 avec le contre-plan à la réforme Fillon-Sarkozy adopté par le Bureau national. Elle avait amené le PS à participer massivement aux manifestations contre cette "réforme" aux côtés des organisations syndicales. Pendant la campagne électorale pour la présidentielle, notre candidat François Hollande s’est engagé (engagement 18) à rétablir un droit à la retraite à 60 ans pour les salariés ayant leurs annuités. Cette mesure de justice a été mise en oeuvre dès les premières semaines du quinquennat et fait honneur à la gauche. Ce même engagement 18 prévoyait une réforme négociée avec les partenaires sociaux portant, "dans un cadre financier durablement équilibré, sur l’âge légal de départ à la retraite, la prise en compte de la pénibilité, le montant des pensions et l’évolution des recettes indispensables à la pérennité de notre système de retraite solidaire". Force est de constater que le contexte actuel montre clairement que la pérennité de notre système de retraite doit être assuré dans la durée et ne saurait être mis en cause dans ses fondements au motif d’une conjoncture de faible croissance, alors même qu’une politique de relance doit être la priorité absolue. Les engagements présidentiels faisaient référence à une négociation sociale. Or là, la méthode choisie est celle de la simple concertation. Il semblerait plus cohérent que soient engagées de véritables négociations sur l’avenir de nos retraites par répartition, alors même que les études confirment qu’elles ne sont pas structurellement menacées. Ainsi, nous estimons qu’engager une réforme des retraites n’est ni urgent ni opportun. Les retraités et les salariés de notre pays n'ont pas à payer une deuxième fois le prix de la crise économique. Si le déficit du système de retraites doit atteindre, selon les prévisions actuelles, 20Mds d'euros en 2020, c'est essentiellement du fait de la rechute de l'activité et de l'emploi ; la solution ne peut consister qu'à tout faire pour sortir de ce marasme. Cette situation ne justifie en aucun cas de modifier à nouveau les règles actuelles des retraites dans un sens défavorable, à peine 3 ans après la dernière réforme vivement combattue par la gauche aux côtés de la grande majorité des syndicats et des salariés.


Plusieurs pistes envisagées par le rapport Moreau sont séparément et a fortiori cumulativement inquiétantes. D'abord car des mesures d'austérité risquent d'aggraver les difficultés économiques au plus mauvais moment, alors que l'on n'aperçoit même pas encore l'esquisse d'une reprise. Cela concerne notamment toutes les dispositions visant un effet rapide comme les différentes ponctions envisagées sur les retraités, présentés injustement comme des privilégiés alors que la pension médiane n'est que de 1 300 euros pas mois. Paradoxalement, elles retarderaient donc le redressement des comptes publics, en particulier des régimes de retraite. D'autres réformes à effet plus progressif, comme l'allongement de la durée de cotisation requise pour avoir droit à une retraite à taux plein, auraient un caractère profondément anxiogène. Elles mineraient la confiance des ménages et pousseraient les salariés à épargner davantage en vue de leur retraite, précisément au moment où il faudrait soutenir la consommation pour relancer l'économie. En pratique la durée réelle des annuités cotisées au travail baissent. Les années validées au chômage augmentent. En outre, retarder d'une manière ou d'une autre l'âge de départ en retraite, alors qu'on ne peut espérer un retour au plein emploi avant longtemps, ne peut qu'aggraver le chômage, celui des jeunes, confrontés à une pénurie de postes de travail, ou celui des seniors, obligés d'attendre plusieurs années dans une situation précaire entre le moment où ils cessent de travailler et celui où ils peuvent faire valoir leurs droits à la retraite. Si on vit plus longtemps c'est pour en profiter plus longtemps. Si on vit plus longtemps c'est en partie grâce à la retraite à 60 ans. Là où l'espérance de vie s'allonge, c'est dans les catégories déjà privilégiées. L'espérance de vie en bonne santé, elle, recule de puis 2007. Toutes ces idées s'avèreraient donc gravement contre-productives si elles étaient mises en pratique. Sauf à vouloir donner satisfaction aux folles préconisations de la Commission et de la droite européenne, la France ne saurait s'engager dans un tel processus de régression sociale. A plus long terme, il n'y a nulle nécessité de réformer à nouveau les retraites, puisque leur part dans le PIB va se stabiliser à leur niveau actuel, soit 14% du PIB. D'ici 2040 et 2060 comme d'ici 2020, l'enjeu n'est pas de réduire des dépenses, d'ores et déjà parfaitement maîtrisées, mais de restaurer la confiance et de retrouver le chemin de la croissance, qui apportera les ressources nécessaires à l'équilibre des régimes de retraite. Il est, en effet, faux de prétendre que l'on n'a pas imposé d'efforts aux salariés et aux retraités ou seulement des efforts insuffisants. La droite l'a déjà fait, et dans proportions considérables, en 1993, 2003, 2008 et 2010. A l'horizon de 2040, c'est l'équivalent de 6 points de PIB (près de 180 Mds d'euros) qui auront été pris aux salariés en durcissant les règles des retraites (indexation des pensions sur les prix et non plus sur les salaires, augmentation de la durée de cotisation, calcul des pensions sur les 25 meilleures années etc.). Rien ne justifie donc socialement, économiquement et financièrement, d'en demander plus aujourd'hui. Il est essentiel que les militants socialistes soient consultés sur des décisions qui sont avant tout des choix de société, des choix d’avenir. Nous devons prendre le temps d’un vrai débat dans le parti et dans le pays sur les moyens d’assurer une protection sociale de qualité, une retraite juste et décente à tous, de corriger de réelles injustices (pas de prise en compte de la pénibilité, petite retraites, inégalités femmes-hommes). En tout cas, l’urgence est d’abord à une politique de croissance soutenable et à la création d’emplois. Nous sommes à votre disposition pour évoquer avec vous ces enjeux. Amitiés socialistes Les membres du Bureau national du Parti Socialiste pour « Maintenant la gauche » Emmanuel Maurel, Marie-Noëlle Lienemann, Jérôme Guedj, Marianne Louis, Gérard Filoche, Anne Ferreira, Julien Dray, Jean-François Thomas, Jonathan Munoz


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