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« GERMINAL DANS LES EXPLOITATIONS AGRICOLES »

C’est une saga judiciaire en trois épisodes, rythmée par des décisions sans précédent à l’encontre de l’Entreprise de Travail Temporaire (ETT) espagnole Terra Fecundis –aujourd’hui renommée Work for All, que le journaliste Bertrand Bissuel a couverte pour « Le Monde », de juillet 2021 à juin 2022. L’objet du litige : une vaste entreprise de dévoiement de la législation européenne sur le travail détaché, donnant lieu à « la plus grosse affaire de fraude sociale jamais jugée en France », confiait l’avocat de l’Urssaf. Les faits reprochés se déroulent entre 2012 et 2015 : chaque année, l’ETT mettait entre 5 000 et 6 700 salariés, pour la plupart d’origine équatorienne, à disposition de maraîchers principalement établis dans les Bouches-du-Rhône. Ceci sans déclarer ces travailleurs auprès des organismes sociaux français, alors qu’ils étaient embauchés sur de longues périodes, et au mépris de leurs droits les plus élémentaires : heures supplémentaires non réglées, temps de repos amputés, etc. Pour le procureur de la République, Xavier Leonetti, c’était « Germinal dans les exploitations agricoles », et un système « d’industrialisation de la fraude ». Pour l’Urssaf, cela représente 112,5 millions d’euros de manque à gagner. C’est le 8 juillet 2021 qu’une première décision du tribunal judiciaire de Marseille est prononcée : jusqu’à quatre ans de prison avec sursis pour les dirigeants de l’entreprise, auxquels s’ajoutent

500 000 € d’amende. Le 1er avril 2022, le tribunal judiciaire de Nîmes enfonce le clou, condamnant la même ETT à une interdiction d’exercer son activité en France, tandis que sept agriculteurs sont eux aussi jugés pour avoir recouru aux services de l’entreprise tout en ayant connaissance de l’illégalité de ses pratiques. L’un d’eux sera condamné à six mois de prison avec sursis pour avoir hébergé ces salariés dans des « conditions indignes ». Pour clore ce « dossier hors norme », selon la formule du procureur de la République, un verdict historique est prononcé par le tribunal de Marseille, le 10 juin 2022 : cette fois-ci, l’entreprise est condamnée à verser 80 millions d’euros de dommages et intérêts à l’Urssaf.

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