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Quand les conditions de travail font tache… C

ROQUER du chocolat, presser une orange, acheter des courgettes, commander une pizza à domicile ou manger un steak au restaurant… Derrière toutes ces routines du quotidien, se déploie, invisible et silencieux, le travail de femmes et d’hommes souvent précarisés, quand ce n’est pas celui des enfants. Partout dans le monde, les gestes sont pénibles, la tâche désenchantée, les environnements toxiques, les statuts fragiles. C’est pourtant sur eux que repose une grande partie de nos systèmes agricoles et alimentaires, depuis le travail au champ jusqu’aux poubelles, en passant par les usines ou les supermarchés. Ce n’est pas la moindre vertu du 12e colloque annuel de la Chaire Unesco Alimentations du monde1 que d’avoir redonné à ces travailleurs une voix, un visage. Voire de montrer qu’il était possible, pour certains, de retrouver de la décence et du sens. Le 3 février 2023, donc, dans l’amphi de l’Institut Agro Montpellier, le mot d’ordre s’affichait : Au travail ! Sur les affiches et à l’écran, une toile de Brueghel l’Ancien, « La Moisson », peinte en 1525. Des corps courbés fauchent les blés et ligotent les bottes de foin, d’autres partagent un repas sur

1 - Une chaire Unesco désigne « un projet et une équipe dans une université ou un établissement d’enseignement supérieur ou de recherche qui travaille en partenariat avec l’Unesco afin de faire progresser les connaissances et la pratique dans un domaine prioritaire à la fois pour l’établissement et l’Organisation. La chaire Unesco Alimentations du monde a, quant à elle, été créée en 2011 par JeanLouis Rastoin. Pour accéder aux vidéos du colloque : https://www.chaireunesco-adm.com/12e-colloque-annuel-de-la-Chaire l’herbe ou s’endorment sous un arbre. À écouter les interventions et les débats de la journée, nul doute que, de cette chatoyante peinture de la paysannerie féodale, nos systèmes contemporains ont conservé surtout… une part de servage. C’est la violence exercée en cuisine, les agricultrices longtemps privées de statut, les enfants expédiés dans les plantations de cacao, la main-d’œuvre des bananeraies empoisonnée par le chlordécone, l’ouvrier agricole venu du Maroc et dont le seul capital est la force de travail... D’ailleurs, tiens tiens, c’est sous le quasi-patronage de Karl Marx que le secrétaire général de la Chaire, Damien Conaré, a ouvert la journée. Un Karl Marx qui n’aurait sans doute pas renié, au passage, l’expérience de ceux qui, sortant de l’aliénation, sont parvenus à se réapproprier leur outil de travail. Tels ces témoignages des éleveurs tâcherons en abattoirs paysans ou des livreurs à vélo réunis en coopératives.

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C’est à partir de tous ces exposés et tables rondes sur les métiers de l’ombre que la revue Sesame a choisi de tirer des fils, prolongeant parfois les réflexions en sollicitant d’autres éclairages ou réinterviewant des intervenants. Un dossier spécial proposé dans le cadre d’un partenariat avec l’équipe de la Chaire Unesco Alimentations du monde et de son titulaire, le socioéconomiste Nicolas Bricas (Cirad, UMR MoISA). Et voilà le travail !

Les articles figurant dans ce dossier, ainsi que d’autres textes inédits tirés du colloque, sont à retrouver dans leur version longue sur le blog de Sesame rubrique « Union Libre ».