Les Assises du Livre

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passe par l’espérance et la volonté de voir un jour nos cousins français accepter de devenir francophones. C’està-dire d’être eux aussi des enfants des Francophonies. Il est d’ailleurs frappant de constater qu’à l’intérieur du territoire de la République – ce qui est logique en un sens mais en dit long sur ce qu’il faut bien appeler l’idéologie de la langue –, les œuvres littéraires issues des Antilles font partie des littératures francophones, et non de la littérature française. C’est que leurs assises sont autres, tout en participant au système et aux valeurs de la République. C’est que l’universel dans lequel s’est proférée la littérature de la France est un universel abstrait – tout sauf foncièrement pluriel. Nous sommes en fait, et depuis très longtemps – et pour des raisons à l’égard desquelles il n’y a pas à porter de jugement moral rétroactif –, devant des faits historiques singuliers, liés à une construction nationale qu’il s’agit d’analyser et de dépasser. Car ces réalités historiques sont devenues des essences – ce qui finit par engendrer une immobilité périlleuse. Lorsqu’en sus, ces mythologènes ne correspondent plus du tout au réel, l’affaire devient encore plus problématique. Elle nécessite donc des alternatives. Et d’autant plus que l’emprise de ces façons de dire et de concevoir les territoires et les modalités de la langue française pèse toujours à l’égal du passé. Au beau temps de mes études de philologie romane, à la fin des années 1960, nos vénérés maîtres, André Gosse entre autres, nous apprenaient que Lorrains, Wallons ou Picards faisaient partie d’une aire latérale (de la France) alors que c’est en nos terres que se sont retrouvés certains des plus anciens -34-


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