L’exclusion est-elle une maladie incurable ou un scandale social ?
À l'occasion de la sortie du livre de Xavier Emmanuelli et Catherine Malabou, « La Grande exclusion », le collectif Les morts de la rue souhaite ouvrir le débat: la clé du problème de l'exclusion est-elle médicale ou d'abord sociale? Premier éclairage par Bernard Sarrazin, maraudeur
Actuellement circulent dans les médias deux types de discours sur l’exclusion et l’aide aux personnes de la rue, deux approches apparemment contradictoires, qui devraient être complémentaires mais risquent de tourner au dialogue de sourds dans la refondation du système de lutte contre l’exclusion qui est en cours. Retrouver une vie « normale » Un sondage issu de six associations qui organisent des maraudes (dont le SAMU social) révèle que 80% des sondés réclament, plus qu’une aide matérielle, surtout un soutien physique et moral et se plaignent de l’inadaptation des structures d’accueil, demandent plus d’intimité, plus d’autonomie, une écoute de leurs besoins, bref mettent l’accent sur ce que le ministre et les associations appellent « l’humanisation » des conditions de vie et le rétablissement du lien social. Un diagnostic médico-social Au même moment, une enquête de l’INSERM et du SAMU social constate qu’un tiers des sans-abri présentent des troubles psychiatriques sévères, qu’1 personne sur 5 est dépendante de l’alcool, qu’1 sur 5 a des troubles de la personnalité, 4 sur 10 ont des troubles psychiatriques, qu’il y a plus de dépressions dans les accueils d’urgence, plus d’anxieux dans les structures de stabilisation. Ce qui frappe à propos cette dernière enquête, c’est l’étonnement que semble susciter le caractère catastrophique, de l’état physique et moral des personnes en survie dans accueils de nuit ou l’anxiété que provoque le retour à la vie « ordinaire », surtout dans le contexte hospitalier et psychiatrique actuel. C’est d’autre part la scientificité affichée des diagnostics, sans le moindre recours à une explication par des causes sociales, conditions de vie subies et histoires personnelles. Deux images, deux projets De ces enquêtes ressortent deux images qui amalgament et figent en deux représentations contradictoires les personnes qui vivent à la rue. Car aucune des deux enquêtes ne présente la vie de la rue dans sa diversité et en devenir, comme un processus, entre passé et avenir, un trajet chaque fois différent. L’une tend en effet à la rapprocher de la