NOVO HS N°10 BPM 2016

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magazine novo Hors-série Nº 10

Biennale de la photographie de Mulhouse 4 juin — 4 septembre

L'autre et le même


© Pascal Amoyel, Caitlin, Athens, GA . Not All, 2014.

L’AUTR E ET LE M ÊM E B PM 2016 Biennale de la Photographie de Mulhouse Musée des Beaux-Arts 4 juin - 4 septembre

www.biennale-photo-mulhouse.com


Ours

Programme

Directeurs de la publication Philippe Schweyer Rédacteur en chef Emmanuel Abela Direction artistique et graphisme Starlight

WEEK -END D ’OUVERT URE 3 — 4 — 5 JUIN

Dimanche 5 juin

Rédacteurs

Vendredi 3 juin

Traduction

→ 18h30 ◊ Musée des Beaux-arts de Mulhouse Vernissage général de la BPM

→ 14h–17h ◊ Parcours Chalampé, Hombourg, Ottmarsheim Découverte des photographies en extérieur. Présentation de la directrice artistique suivi de rencontres avec les photographes Franck Pourcel (14h, dans le parc jouxtant la salle des Galets à Chalampé), Marc Lathuillière (15h devant la piscine Aquarhin, Ottmarsheim) et Alicja Dobrucka (16h, Rue Principale Hombourg).

Ont participé à ce numéro hors-série Florence Andoka, Emilie Bauer, Caroline Châtelet, Simone Demandt, Anne Immelé et Hélène Roth Tatjana Marwinski

Couverture

Photo : Rebecca Topakian, Infra-, 2015

Ce magazine est édité par médiapop

12 quai d’Isly / 68100 Mulhouse Sarl au capital de 1000 € – Siret 507 961 001 00017 Direction : Philippe Schweyer ps@mediapop.fr – 06 22 44 68 67 www.mediapop.fr

Imprimeur

Est-imprimerie – PubliVal Conseils Dépôt légal : juin 2016 ISSN : 1969-9514 – © Novo 2016 Le contenu des articles n’engage que leurs auteurs. Les manuscrits et documents publiés ne sont pas renvoyés.

ABONNEMENT — www.novomag.fr

Novo est gratuit, mais vous pouvez vous abonner pour le recevoir où vous voulez. ABONNEMENT France : 5 numéros — 30 euros Hors France : 5 numéros — 50 euros DIFFUSION Contactez-nous pour diffuser Novo auprès de votre public.

Biennale de la photographie de Mulhouse Organisateurs et soutiens financiers La BPM est organisée par l’association l’Agrandisseur avec le soutien de la Ville de Mulhouse, de la Région Grand Est, de la Communauté de communes Porte de France Rhin Sud, des communes de Hombourg et Chalampé, de la Drac, de Pro Helvetia Fondation suisse pour la culture (exposition Anna Meschiari), de Mulhouse Art Contemporain (résidence Vincent Delbrouck), de l’Ecole Nationale Supérieure de la Photographie d’Arles (exposition Rebecca Topakian), de l’Institut Hercule Florence São Paulo (exposition Livia Melzi), et des contributeurs du crowdfunding.

En partenariat avec A Mulhouse : Le Musée des Beaux-Arts la Galerie de la Bibliothèque Grand’Rue, La Filature scène nationale, la Haute École des Arts du Rhin (HEAR), les Archives municipales, la Librairie 47° Nord, le Centre Papin, l’Afsco. En Allemagne : Le Kunsthaus L6, le CCFF Centre Culturel français de Freiburg, la galerie T66-Kulturwerk. En Suisse : La galerie Oslo 8, NEAR association suisse pour la photographie contemporaine. Association L'Agrandisseur 28 rue de Stalingrad, 68100 Mulhouse agrandisseur@gmail.com

→ 20h ◊ Librairie 47° Nord Conférence-rencontre avec Gaëlle Ghesquières, Rock with me.

Samedi 4 juin → 10h ◊ Hall du marché Inauguration de Cyrielle Tassin, OFF 16 → 11h ◊ Galerie de la Bibliothèque Visite de l’exposition Are We alone ? par la photographe Anna Meschiari et la commissaire Marie DuPasquier, suivie de l’inauguration. → 11h–22h ◊ Chapelle Saint Jean Carte blanche à Near, association suisse pour la photographie contemporaine. Dispositifs de projections photographiques. → 14h–16h ◊ Musée des Beaux-arts de Mulhouse Visite de l’exposition et rencontre avec les photographes Vincent Delbrouck, Livia Melzi, Pascal Amoyel et Yaakov Israel. → 16h ◊ Musée des Beaux-arts de Mulhouse Lancement de l’édition Not All de Pascal Amoyel, Poursuite édition. Signature de livres de Vincent Delbrouck, Pascal Amoyel, Yaakov Israel.

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→ 11h ◊ CCFF de Freiburg Visite de l’exposition Infra- par la photographe Rebecca Topakian, suivie du verre de l’amitié.

→ 11h–18h ◊ Chapelle Saint Jean Carte blanche à Near. Dispositifs de projections photographiques. → 10h–13h & 14h–17h ◊ La Filature (sur inscription) Photobook Workshop de Delphine Bedel à La Filature.

AU T RES VERNISSAGES Vendredi 1 7 juin → 18h30 & 20h ◊ L6 Kunsthaus Freiburg et T66 Freiburg Vernissage des expositions Der Andere und der Gleiche et Ideal.

FINISSAGE

→ 18h ◊ Centre Papin Vernissage Un autre regard sur les Coteaux.

Samedi 3 sep t embre

→ 18h30–20h ◊ Chapelle Saint Jean Projection et rencontres avec les photographes de Near autour d’un verre.

→ 17h–18h ◊ Lancement des livres d’Anna Meschiari et de Vincent Delbrouck.

→ 10h–13h & 14h–17h ◊ La Filature (sur inscription) Photobook Workshop de Delphine Bedel à La Filature.

Motoco Bât. 75 — ON PHOTOBOOK Soirée dédiée au livre photo.

→ 18h–19h ◊ Table ronde sur le livre photo, en présence d’Anna Meschiari, de Vincent Delbrouck, de Pascal Amoyel, de Philip Anstett. Modérateur : Dominique Bannwarth. Suivi par la projection de Before Instagram de Philip Anstett.


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Pascal Amoyel, Bobby, Savannah, sĂŠrie Not all, 2014


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Ph o t o g r a p h i e r l ’ Au t re Par Florence Andoka

Qu’il s’agisse d’un autre homme, d’une autre culture ou d’une autre discipline, l’altérité est une énigme. La BPM - Biennale de la Photographie de Mulhouse entend confronter les regards sur ce thème complexe, aussi sa directrice, Anne Immelé revient sur les enjeux de cette deuxième édition.

Cette année, l’intitulé de la Biennale de la Photographie de Mulhouse est « L’autre et le même ». En quel sens faut-il entendre cette thématique ? L’altérité est une question qui traverse la photographie depuis son invention. Cette technique est utilisée au XIXe lors des voyages de découvertes, dans des albums qui donnent à voir ce qui est différent chez l’Autre et le catégorise, notamment par le biais de la légende. La photographie de l’Autre est à la fois document, objet de curiosité et de désir. J’avais envie d’aller au delà d’un exotisme attendu, au delà d’apparences et d’identités trop établies. L’autre et le même est également le titre de l’exposition dont je suis commissaire et qui se tiendra au Musée des Beauxarts de Mulhouse. J’envisage l’exposition comme une œuvre à part entière et le commissariat comme un geste artistique. Ainsi, des documents d’archives et des photographies contemporaines sont agencées dans l’intention de questionner la représentation de l’Autre et de l’ailleurs. Les œuvres rassemblées dans l’exposition témoignent souvent d’un champ référentiel qui n’est pas l’art mais une autre discipline comme la science par exemple. Ainsi, l’artiste brésilienne Livia Melzi a une formation d’océanographe, et son travail photographique Sur les traces d’Hercule Florence, relève de l’enquête scientifique et poétique à la fois. Il y est question d’un explorateur et naturaliste français du XIXe qui a inventé la photographie au Brésil mais aussi de la manière dont Livia Melzi s’est construite en tant que photographe en venant en France. Dans la BPM, toutes les formes de l’altérité et de l’identité sont envisagées, qu’il s’agisse de l’intrication entre l’identité individuelle et l’identité sociale chez Rebecca Topakian (CCFF de Freiburg), de la représentation des extraterrestres et des ovnis dans l’installation Are we alone ? d’Anna Meschiari (Galerie de la Bibliothèque de Mulhouse), ou des migrants dans le bassin méditerranéen dans le travail de Franck Pourcel (Chalampé ).

Vous avez publié en 2015 un ouvrage théorique intitulé Constellations photographiques. Défendez-vous une approche particulière de la photographie ? Pour cette édition, j’ai rassemblé des photographes émergents et des figures confirmées. Plus qu’une approche spécifique, c’est la singularité de leur démarche artistique qui est le critère de choix. Les artistes de cette BPM s’interrogent sur les processus qu’ils mettent en œuvre, sur le sens du geste photographique. Les deux artistes venus en résidence à Mulhouse s’inscrivent bien dans cette dynamique. Pascal Amoyel pose un regard ouvert et poétique sur le quartier du Rebberg, ses images mulhousiennes font écho à la série intitulée Not All, qu’il a réalisée dans le sud des États-Unis. Les images de Vincent Delbrouck témoignent d’un rapport existentiel à la pratique photographique. Vincent Delbrouck a réalisé quelques 4000 photographies argentiques lors de sa résidence d’un mois. Il mêle l’art et la vie et s’attache à garder une trace de l’intensité des expériences vécues. Quelle est la singularité de la Biennale de la Photographie de Mulhouse parmi les manifestations consacrées à la discipline ? Bien que l’on expose des artistes internationaux, la Biennale de la Photographie de Mulhouse est ancrée dans un territoire transfrontalier, entre la France, la Suisse et l’Allemagne. L’évènement investit également de nouveaux territoires : Alicja Dobrucka, Marc Lathuillière et Franck Pourcel réaliseront des accrochages dans l’espace public au sein des villages de Hombourg, Ottmarsheim et Chalampé. C’est le maire de Hombourg Thierry Engasser qui, suite à la première Biennale Play & Replay, est venu spontanément nous proposer un partenariat. La BPM est aussi structurée par un thème parce qu’elle a été pensée comme un ensemble où s’articulent différentes sensibilités. Il me semble nécessaire d’inviter, non seulement des photographes mais aussi des commissaires d’exposition afin d’exprimer des approches photographiques diversifiées. La jeune commissaire suisse Marie DuPasquier


6 a travaillé avec Anna Meschiari pour Are we alone ? et nos expositions partenaires sont aussi pensées par des commissaires extérieures aux structures : Karine Jobst (Kunstraum L6), Simone Demand (Galerie T66-Kulturwerk) et Laura Serani (La Filature). Les acteurs de la Biennale seront présents lors du week-end d’ouverture afin de susciter des rencontres et échanges avec le public. Des projections auront lieu à la Chapelle SaintJean par le collectif suisse NEAR. Ultime temps fort, le finissage de la manifestation sera consacré aux livres de photographies, puisque cette forme bien spécifique nourrit aussi bien le travail d’Anna Meschiari, de Pascal Amoyel ou de Vincent Delbrouck.

Ob anderer Mensch, andere Kultur, oder andere Disziplin – Andersartigkeit ist immer auch ein Mysterium. Die Mülhausener Fotografie-Biennale BPM beleuchtet diesen komplexen Aspekt der Fotografie aus verschiedenen Blickwinkeln. Anne Immelé, die Leiterin der Biennale, klärt uns über die Themen dieser zweiten Ausgabe der BPM auf. Dieses Jahr lautet der Titel der Mülhausener FotografieBiennale „L’autre et le même“ („Der Andere und Derselbe“). Wie darf man diese Thematik verstehen? Die Frage der Andersartigkeit begleitet die Fotografie schon seit ihrer Entstehung. Diese Technik wurde im 19. Jahrhundert im Rahmen der Forschungsreisen eingesetzt, in Fotoalben, welche die Andersartigkeit der Anderen zeigt und kategorisiert, zum Beispiel über Bildunterschriften. Das Fotografieren des Anderen dient sowohl Dokumentationszwecken als auch der Befriedigung von Neugierde und Sehnsüchten. Ich wollte über die übliche Exotik hinausblicken, hinter die Fassaden und die etablierten Identitäten schauen. „L’autre et le même“ ist auch der Titel einer Ausstellung, die ich kuratiere, und die im Mülhausener Musée des Beaux-arts stattfindet. Ich sehe die Ausstellung als eigenständiges Kunstwerk und die Kuratierung als künstlerische Tätigkeit. So sind Archivfotografien und zeitgenössische Fotografien derart zusammengestellt, dass sie die Darstellung des Anderen und der Fremde hinterfragen. Die Werke in dieser Ausstellung haben in der Regel keine künstlerischen Bezüge, sondern andere, zum Beispiel wissenschaftliche. So hat beispielsweise die brasilianische Künstlerin Livia Melzi eine Ausbildung als Ozeanographin genossen und ihre Arbeit über die Spuren von Hercule Florence ist sowohl wissenschaftlich als auch poetisch relevant. Es geht einerseits um einen französischen Naturforscher des 19. Jahrhunderts, der in Brasilien die Fotografie erfunden hat, und andererseits um den Werdegang von Livia Melzi als aus Frankreich stammende Fotografin. In der BPM werden alle Formen der Andersartigkeit und Identität beleuchtet, sei es die Verflechtung zwischen individueller und sozialer Identität bei Rebecca Topakian (Freiburger CCFF),

oder die Darstellung von Außerirdischen und UFOs in der Installation „Are we alone ?“ von Anna Meschiari (Galerie de la Bibliothèque de Mulhouse), oder auch die der Migranten der Mittelmeeranreinerstaaten in der Arbeit von Franck Pourcel (Chalampé). Sie haben 2015 ein theoretisches Werk namens „Constellations photographiques“ („Fotografische Konstellationen“) publiziert. Treten Sie für ein besonderes Verständnis der Fotografie ein? Für diese Ausgabe habe ich aufstrebende Talente und erfahrene Fotografen versammelt. Das Auswahlkriterium war hierbei weniger ihr Verständnis der Fotografie als die Einzigartigkeit ihrer künstlerischen Methodik. Die Künstler dieser BPM hinterfragen ihre Vorgehensweisen, die Absicht beim Fotografieren. Die beiden Artists in Residence in Mülhausen passen gut in diese Dynamik. Pascal Amoyel wirft einen offenen und poetischen Blick auf das Rebberg-Viertel, seine Mülhausener Bilder bilden ein Echo zur Serie namens „Not All“ die er im Süden der Vereinigten Staaten gemacht hat. Die Bilder von Vincent Delbrouck zeugen von einer existenziellen Beziehung zur Fotografie. Vincent Delbrouck hat während seiner einmonatigen Residenzzeit ungefähr 4000 analoge Bilder auf Film gebannt. Er verwebt Kunst und Leben und versucht, einen Teil der Intensität des Erlebten zu bewahren. Was unterscheidet die Mülhausener FotografieBiennale von anderen Fotografie-Events? Obwohl wir internationale Künstler ausstellen, ist die Mülhausener Fotografie-Biennale in dem Dreiländereck zwischen Frankreich, der Schweiz und Deutschland verwurzelt. Und diese Biennale erobert auch neue Territorien: So werden Alicja Dobrucka, Marc Lathuillière und Franck Pourcel zum Beispiel im öffentlichen Raum ausstellen, und zwar in den Dörfern Homburg, Ottmarsheim und Chalampé. Der Bürgermeister von Homburg, Thierry Engasser, hatte uns nach der ersten Biennale „Play & Replay“ spontan seine Zusammenarbeit angeboten. Wir haben die BPM auch thematisch strukturiert, weil sie als ein Ganzes gedacht ist, in dem sich unterschiedliche Sensibilitäten ausdrücken können. Um unterschiedliche fotografische Sichtweisen darstellen zu können, erscheint es mir unverzichtbar, nicht nur Fotografen, sondern auch Kuratoren einzuladen. Die junge Schweizer Kommissarin Marie Du Pasquier hat für „Are we alone ?“ mit Anna Meschiari zusammengearbeitet und unsere Partnerausstellungen wurden auch von Kuratoren organisiert, die nicht zu den Strukturen gehören: Karine Jobst (Kunstraum L6), Simone Demandt (Galerie T66-Kulturwerk) und Laura Serani (La Filature). Die Akteure der Biennale werden während des Eröffnungswochenendes anwesend sein, um Begegnungen und einen Austausch mit dem Publikum zu ermöglichen. In der Chapelle Saint-Jean wird es Projektionen des Schweizer Kollektivs NEAR geben. Und der letzte Höhepunkt des Events wird den Büchern über Fotografie gewidmet werden, da diese ganz spezifische Kunstform auch die Arbeiten von Anna Meschiari, Pascal Amoyel oder Vincent Delbrouck begründet.


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Yaakov Israel, The Quest for the Man on the White Donkey, 2012. Courtesy Oslo 8 gallery

Marc Lathuillière, The Fall, série The Fluorescent People, 2010-2016


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L e R e bb e r g en suspension Par Caroline Châtelet

Accueilli en résidence en septembre à Mulhouse, le photographe français Pascal Amoyel propose Not All et Not All Rebberg, la première série modelant la seconde et dialoguant avec elle. Le résultat est un ensemble d’images (réalisées à la chambre photographique) traversées de la même puissance, où la densité visuelle trouve un étrange et fascinant contrepoint dans les états de latente et d’attente saisis.

Quel est le lien entre Not All et Not All Rebberg ? La commissaire de la Biennale, Anne Immelé, était intéressée par Not All, série réalisée en 2014 dans le sud-est des États-Unis entre le passage de l’hiver au printemps. Nous avons réfléchi à comment Not All pouvait dialoguer avec ce thème de L’autre et le même. Anne m’a parlé du Rebberg, où se trouvent des maisons de style Nouvelle-Orléans, et l’idée d’une résidence est née. À l’écart, sur une colline, le Rebberg est le quartier résidentiel où vivaient les capitaines d’industrie. On y trouve, de manière originelle, une évocation fantasmée de l’Amérique. Travailler sur ce quartier au moment du passage de l’été à l’automne offrait un écho intéressant. Le Rebberg formant par ailleurs un espace cohérent, homogène, je pouvais y chercher des éléments peu évidents a priori. Avec ses rues désertes, ses barrières et ses grandes bâtisses cachées derrière des haies, le Rebberg peut dérouter, il faut y passer du temps. Cela m’intéressait, enfin, de jouer avec ses limites, d’aller dans des lieux considérés traditionnellement comme ne faisant pas partie de ce territoire. C’est souvent dans les espaces de transition que se situent des éléments permettant de mettre en relief l’ensemble. Avez-vous rencontré ses habitants ? Oui. Je souhaitais réaliser des portraits, notamment afin de créer des échos sur le plan formel avec Not All. On m’a, entre autres, présenté Christian, qui occupe une place importante dans la forme qu’a le travail. Située au cœur du Rebberg, parmi des bâtisses XIXe très cossues, sa maison est intéressante, car en décalage avec le reste du quartier. Christian – qui a par ailleurs une belle présence visuelle – y est né et sa maison n’a pas changé. Cette rencontre a été le point de bascule : c’est là que j’ai trouvé un contrepoint à l’uniformité du quartier.

Vous dites avoir fait « des photos sans intention » lors de votre première venue à Mulhouse. Travaillez-vous souvent ainsi ? C’est une pratique présente dès que possible. Je crois que le regard se travaille, vraiment, et j’essaie de remettre en mouvement la manière dont je regarde, pour être mobile, que ce soit vivant. C’est un exercice « à main levée », à l’opposé de ce que je peux faire lors du travail à la chambre. Mais j’ai besoin de cela, ce sont comme des notes, des esquisses, qui peuvent trouver un écho ensuite dans les images à la chambre. Comment le dispositif de la chambre photographique modifie-t-il le rapport au temps, aux personnes, aux choses photographiées ? On a longtemps parlé de la photographie de la vision, du photographe visionnaire. Cette conception romantique ne m’intéresse pas vraiment. J’ai plutôt tendance à penser que la photographie est un regard par destination : on regarde les choses en fonction de l’endroit et du lieu dans lequel elles prennent place. Et on photographie différemment selon que les images deviendront un livre, des tirages, etc. L’idée de la forme est toujours présente dans mon travail. Même de manière diffuse, cela modèle mon regard. C’est aussi pour cette raison que je choisis un certain matériel. Si je travaille à la chambre, c’est parce que je ne vais pas photographier les mêmes choses, parce que je vais être plus lent, parce que cela engage un rapport au monde et aux personnes différents. Le portrait à la chambre est passionnant : l’image se construit lentement, l’appareil est plus présent, il y a un tiers dans la photographie qui est en train de se faire. En effet, lorsque je déclenche la photo, je n’ai plus l’œil dans le viseur. Je suis à côté de l’appareil et ne vois pas l’image, c’est un moment de déséquilibre, où l’énergie circule autrement. La chambre est passionnante par sa conciliation de plusieurs éléments très différents : une grande précision, qui situe le photographe du côté de la maîtrise technique ; une part de hasard, de lâcher-prise – dans le portrait – lors de la prise. Cette dualité se retrouve aussi entre le temps long de la préparation de l’image et celui de l’instantané de la prise. Est-ce ce procédé qui donne à vos images ce caractère un peu à l’abandon, en suspension, dans l’attente ? La suspension, je crois que c’est moi. Après, j’ai dans


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Pascal Amoyel, Not all Rebberg, Mulhouse 2015, résidence BPM

l’idée que l’image porte la trace de la manière dont on l’a réalisée. Cela ne saute pas forcément aux yeux, mais une intuition la parcourt, ce qu’on a mis en œuvre circule dans la forme qui est là. Le sentiment d’abandon, qui est un peu né dans ma série L’Aphélie, est peut-être la résultante de ça. L’aphélie désigne le moment où la Terre est la plus éloignée du soleil et où sa vitesse de rotation est la plus lente. Réalisée en moyen format sur pied, cette série s’inscrit dans une temporalité particulière : c’était l’été, il y avait une espèce de suspension, de lenteur. Après, le travail de chacun est nourri par quelques obsessions et peutêtre ce caractère se retrouve-t-il dans l’ensemble de mes photographies.

Quelles seraient vos autres obsessions ? L’histoire de la photographie ; la manière dont les images s’engendrent, se font écho l’une à l’autre ; la façon dont – c’est un peu la même chose – un travail photographique permet dans un territoire de faire se rencontrer à la fois les représentations qu’on en a, le lieu lui-même (tel qu’il apparaît) et l’image qui en résulte. Ces trois éléments imbriqués sont vraiment une question importante : j’essaie d’isoler des spécificités, mais celles-ci sont fonction des représentations que j’ai du lieu avant de le visiter. Et j’essaie d’aller chercher des choses qui soient singulières, spécifiques à chaque espace.


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MAYA ( o u l e s b a i e s s a u va g e s ) Par Vincent Delbrouck

Dans le cadre de sa résidence à Mulhouse, Vincent Delbrouck a sillonné la ville dans une exploration empirique partant du centre vers la périphérie, cherchant un moyen d’exalter la vie dans tous les sens et d’approcher cet « autre en lui ». Son exposition au Musée des Beaux-Arts prend la forme de constellations - autant d’échos à la multiplicité constitutive de son mode de création.

L’image photographique, comme la peinture, peut en effet nourrir l’imaginaire de ces désirs simples et clichés primitifs, à la source desquels j’aime à revenir. Pris dans les archétypes d’une écriture directe et intuitive. Curieux de découvrir ce qui bout là en dessous, dans cette toile que je peins sur les autres. Conscient de la nature illusoire de mes rencontres, mais encore curieux de l’autre, de son histoire, dessinant sur le visage de la nudité cette même ombre de couleurs.

... Sur la façon pour moi d’envisager l’image comme manière empirique de me fondre dans l’autre et dans son apparence recréée sur le papier par mon imaginaire ou la part féminine de mon inconscient. L’expérience vécue se confondant ici avec l’expérience du monde. De la littérature. Cette archive picturale et les liens qui pourraient s’activer entre les images autonomes prises lors d’une résidence en octobre 2015 à Mulhouse avec des images antérieures, sous formes de collages ou de constellations murales, cherchent à équilibrer une forme de contemplation silencieuse et une conscience hypersensible et éparpillées dans ses pensées illusoires et multiples, où les échos qui s’en échappent comme par magie provoquent tantôt le chaos, tantôt le vide. L’autre est le même, hors des catégorisations et des documentaires illusoires qui se chargent d’exotisme et de distanciation linéaire et appauvrie. Transgenre. L’être humain avance, au fond, par masque et non par empathie. Il hiérarchise, classe, aime à maîtriser l’inéluctable mouvement des choses tant et si bien qu’il finit par étouffer sa propre intelligence créative et par nier l’autre en lui-même. Sa vie intérieure (et spirituelle) meurt, par crainte de perdre le contrôle absolu sur la nature de ses émotions et sur ses différences intrinsèques. Il n’y a plus rien à faire, semble-t-il. De la mélancolie ou une forme altérée de désespoir s’installe dans son art comme une idée préconçue, ou une proposition absurde pour s’en échapper. Je marche et cherche ailleurs, dans les petits détails et les branchages.

Vincent Delbrouck, Maya (ou les baies sauvages), Mulhouse 2015, résidence MAC/BPM, courtesy Stieglitz19 gallery


11 Vincent Delbrouck, Maya (ou les baies sauvages), Mulhouse 2015, rĂŠsidence MAC/BPM, courtesy Stieglitz19 gallery


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Ph o t o g r a p h e ob st inée Par Caroline Châtelet

Photographe, éditrice et curatrice, Delphine Bedel propose avec Stubborn Cactus (cactus obstiné) un herbier singulier. Un travail qui, à partir d’un inventaire subjectif de plantes d’un jardin botanique d’Amsterdam, balance entre inventaire et résistance.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de travailler sur ce lieu ? Il existe traditionnellement en Hollande des jardins botaniques académiques. Construits dans l’enceinte des universités et rattachés à chaque faculté de biologie, ils ont comme finalités l’étude des plantes à des fins éducatives, de recherches scientifiques, thérapeutiques et d’applications commerciales. Fondé en 1967, Le Hortus Botanicus Vrije Universiteit au sud d’Amsterdam est le plus récent, et c’est l’un de mes lieux préféré à Amsterdam. Menacé de fermeture depuis plusieurs années par l’université qui ne voyait plus d’usage éducatif à ce jardin, il ne restait que quelques mois avant sa disparition prévue pour juin 2014. J’ai commencé à photographier le jardin chaque semaine, de manière aléatoire, avec mon téléphone, afin d’en conserver une trace. L’échéance approchant, y avait-il des stratégies possibles pour le sauver ? J’ai contacté la presse et divers acteurs culturels, diffusé mes images, et un groupe hétéroclite s’est constitué : banquiers, artistes, botanistes, chercheurs, historiens et politiques. Avec des séances de travail hebdomadaire et du lobbying dans les milieux culturels, botaniques, scientifiques et politiques, nous avons réussi à sauver le jardin, ses emplois et sa collection pour une durée de huit ans. Mais le futur de la collection reste incertain. C’est le projet Stubborn Cactus.

Quelles sont ses particularités ? Dans la tradition des “Hortus Medicus”, les jardins médicinaux du Moyen Âge, le jardin est organisé de manière topographique, par catégories de plantes, les collections étant réparties en serres et sur le terrain extérieur. Il ne fait qu’un hectare, mais possède une collection unique réunissant plus de 10.000 plantes rares et vernaculaires. Tous les jardins botaniques en Hollande sont directement liés à l’histoire coloniale du pays et chacun recouvre une zone géographique spécifique renvoyant à cette histoire. On trouve dans ce jardin des bonzaïs tricentenaires, la plus importante collection de cactus du pays, des plantes carnivores, des succulents, des orchidées, des bambous, ou encore la réplique exacte d’un jardin chinois de Shanghai. Quand ce projet a-t-il quitté la militance pour devenir un projet artistique ? Je ne vois pas ce travail comme militant au sens où on l’entend en France, mais plutôt comme un engagement social en tant qu’artiste, dans une tradition hollandaise. Mon travail est très influencé par celui du designer, éditeur et directeur du Stedelijk Museum d’Amsterdam Willem Sandberg. Il avait également enseigné l’herboristerie. Membre de la résistance, Sandberg a beaucoup œuvré dans l’aprèsguerre pour faire évoluer le rôle social des artistes et des designers. Il était convaincu que la culture, l’art et le design pouvaient changer la société et prévenir le retour du fascisme. L’édition y jouait pour lui un rôle essentiel. Mon travail s’articule autour de questions liant la politique de la mémoire, l’histoire coloniale, les représentations culturelles, avec l’édition comme médium privilégié. Sous forme de recherche photographique, historique et documentaire, nombre de mes recherches portent sur d’anciens sites industriels ou historiques en transition – transformation d’un site industriel en site touristique, par exemple. Utilisant le livre ou des formes plus éphémères, j’invite d’autres artistes, auteurs, cinéastes dans mes projets. Stubborn Cactus est un travail à long terme. La sauvegarde du jardin est l’objectif de ce projet qui dépasse ma pratique artistique, mais cette pratique a permis d’initier un mouvement déterminant dans cette sauvegarde. Assez vite j’ai eu l’intention d’en faire une édition. Après m’être investie aussi longuement et intensément, je ne voulais pas d’un livre historique mais plutôt d’un document qui rende compte de la magie de ce lieu.


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Delphine Bedel, Stubborn Cactus, impression sur métal, 19 × 28 cm, 2016. Courtesy de l’artiste

dias numériques et analogiques. Ces images vernaculaires, instantanés couleurs en haute résolution dont l’esthétique est liée aux smartphones, deviennent des images noir et blanc en basse résolution. Cela en référence aux herbiers scientifiques et amateurs, dont les spécimens de plantes se donnent comme un inventaire de la flore. Cette édition évoque l’avenir incertain, versatile du jardin et de sa collection.

Quels choix graphiques, techniques, ce désir de conserver la trace du lieu a-t-il produit ? Extrêmement sobre, l’édition réunit dix photos imprimées en noir et blanc dans une chemise cousue main, avec un titre manuscrit au dos de celle-ci et sans autre texte. L’ironie cruelle est que cette édition risque d’exister plus longtemps que le jardin lui-même. Jouant avec les codes de la photographie et des modes de préservation de l’image et des plantes, j’utilise délibérément les défauts techniques des mé-

Quelle place occupe cette série dans votre travail ? Stubborn Cactus représente deux années, pendant lesquelles je me suis rendue de façon hebdomadaire sur le site et surtout un travail de fond pour sauver le jardin. Cela m’a amené à repenser mon rôle en temps qu’artiste et la manière dont je photographiais, à changer radicalement l’esthétique de mon travail et mon mode de vie autour de questions environnementales. Je n’avais jamais photographié de plantes – je photographie surtout des sites urbains, industriels, de loisirs. J’ai réalisé assez vite qu’il fallait que mes images dégagent une forme de séduction – un élément que je n’avais jamais recherché auparavant – pour retenir l’attention et intéresser à ce lieu. Le philosophe Michel Serres évoquait la nécessité d’un “Contrat Naturel”, que ce que nous appelons la nature devienne un sujet de droit. Construire une conversation avec d’autres artistes, designers, écrivains, chercheurs, autour de certaines questions me semble aujourd’hui essentiel.


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L e né ant e t l a vie Par Hélène Roth

Yaakov Israel, The Quest for the Man on the White Donkey, 2012. Courtesy Oslo 8 gallery

Yaakov Israel entremêle l’atmosphère, les conditions de vie et l’humanité qui émanent de zones de conflits reculées, parfois abandonnées.

Des lieux aux allures desséchées, des lieux abandonnés mais où l’homme n’a pas manqué de laisser sa trace. La solitude d’une porte, d’un immeuble qui s’effrite, y a-t-il encore âme qui vive ? La nature a été verdoyante, mais elle s’éteint. Et pourtant la vie persiste : une jeune fille assoupie ici, un militaire qui patiente là, contraste saisissant avec le paysage à perte de vue. Pour Yaakov Israel, tout commence par une rencontre presque mystique avec un homme à dos d’âne blanc. Cette vision qui s’apparente pour lui d’abord à un mirage constitue une vraie révélation – dans la religion juive le messie apparait à dos d’âne blanc ! – qui le pousse à repenser son art. Dès lors, il comprend l’importance des détails et s’intéresse à l’histoire et la culture de son pays, Israël. Il cherche à représenter la variété des populations, mais aussi des paysages chimériques et chaotiques. Il marche ainsi sur les traces de son père journaliste, avec la conviction de ne pas être à la hauteur dans un premier temps. Mais la photo lui donne un autre moyen de raconter ce qu’il voit. Il enseigne aujourd’hui à la Bezalel Academy of Arts and Design, à Jérusalem, une ville dans laquelle il a décidé de rester. Malgré le conflit, elle continue de faire partie intégrante de son identité à la fois personnelle et artistique.

Yaakov Israel verbindet die Atmosphäre, die Lebensbedingungen und die Menschlichkeit weit entfernter, teils verlassener Konfliktzonen.

Es sind staubige, trockene Orte, verlassene Gegenden, doch sie sind voller Spuren menschlichen Lebens. Die Einsamkeit einer Tür, eines bröckelnden Hochhauses... Man fragt sich unwillkürlich, ob dort noch jemand lebt. Die einst grünen Landschaften sind verdorrt. Dennoch harrt das Leben aus: hier liegt, schlafend, ein Mädchen, dort steht wartend ein Soldat, ein ergreifender Kontrast zu der Weite der Landschaft bildend. Für Yaakov Israel fing alles mit der fast mystischen Begegnung mit einem auf einem weißen Esel reitenden Mann an. Diese Vision, die für ihn wie eine Traumbild anmutete und ihn dazu brachte, seine künstlerische Karriere zu überdenken, hatte für ihn den Charakter einer Erscheinung, da im jüdischen Glauben der Messias auf dem Rücken eines weißen Esels geritten kommen soll! Yaakov Israel begreift, dass jedes Detail zählt und beginnt, sich für die Geschichte und die Kultur seines Landes, Israel, zu interessieren, er wandelt somit auf den Spuren seines Vaters, ein Journalist, zunächst in der Überzeugung, nicht an ihn heranreichen zu können. Doch er findet bald in der Fotografie einen neuen Weg, um das, was er erlebt, zu vermitteln. Heute lehrt er an der Bezalel Academy of Arts and Design in Jerusalem, einer Stadt, in der er sich wohl fühlt und bleiben möchte, denn trotz des Konfliktes ist sie immer noch ein wichtiger Bestandteil sowohl seiner persönlichen als auch seiner Künstlerischen Identität.


Sur l es t r aces d ’Hercul e Florence Par Florence Andoka

De Hercule Florence à Livia Melzi, il n’y a qu’un pas, que l’œuvre photographique de cette dernière n’hésite pas à effectuer. Entre art et science, Livia Melzi s’est lancée sur les traces de l’homme qui inventa la photographie au Brésil au siècle dernier.

Comment Hercule Florence a-t-il été la source de votre entrée dans le champ de la photographie ? En 2010, je commence à étudier la photographie et je tombe sur Hercule Florence. Ce Français était naturaliste, scientifique et artiste, il a vécu au Brésil au XIXe siècle. Mon travail évoque ainsi deux parcours qui se croisent, celui d’Hercule Florence et le mien. Cet homme a inventé la photographie au Brésil alors qu’il était totalement isolé, et moi je me suis inventée photographe pour raconter cette histoire. Mon travail, figurant au sein de l’exposition L’Autre et le même, retrace son expédition au Brésil. En France, Hercule Florence reste méconnu, on attribue plutôt l’invention de la photographie à Nicéphore Niépce. Au Brésil, on s’intéresse à Hercule Florence en tant qu’inventeur et artiste. En Europe, les choses changent aussi. Au nouveau Musée National de Monaco, une grande exposition est déjà annoncée pour cet été. Pour retracer l’expédition brésilienne, j’ai utilisé un papier blanc comme un petit studio avec lequel on peut voyager. Hercule Florence n’a pas été considéré comme un

Livia Melzi, Herbier [VII], Sur les traces d’Hercule Florence, 2014-2015

photographe parce qu’il n’arrivait jamais à fixer les images, lorsqu’elles arrivaient en France, elles étaient blanches. Le papier blanc, c’est pour moi cette image qui n’existe pas. Dans les années soixante-dix, à travers les recherches de l’historien de l’art Boris Kossoy, un laboratoire en Suisse a découvert qu’il avait bien inventé la photographie mais qu’il avait un petit souci de chimie qui empêchait ses images de se fixer. La photographie a souvent été utilisée au carrefour de l’art et de la science, comment vous situez-vous ? Dans l’exposition L’Autre et le même, je veux raconter une autre version de l’histoire de l’invention de la photographie, une histoire qui se raconte par ses marges et notamment par un pays dont le discours historique commence à compter. Je présente des photographies mais aussi un objet en résine, conçu à partir du carnet de voyage d’Hercule Florence, restauré et présenté à la BNF. On y trouve également une œuvre sonore, réalisée avec le musicien Antoine Freychet à partir de partitions de chants d’oiseaux. J’aime l’idée de travailler entre les lignes de la science et de l’art, de proposer un protocole scientifique pour faire un geste artistique parce que l’art a le pouvoir de toucher pleinement les gens. Je n’utilise pas la photographie dans une perspective documentaire, néanmoins, je la conçois comme un outil d’exploration y compris de ma propre existence. On voit souvent apparaître mes mains sur les images. J’ai intégré ma présence dans l’histoire, même si ce n’était pas nécessairement conscient au moment de la prise de vue.

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À l i vre ou ver t Par Florence Andoka

Emilie Saubestre, L’île sandwich, livre-objet, 2015

Toute image a une texture, une existence physique. Toute image est d’abord un seuil qui en plus de sa surface lisse, transparente ou rugueuse invite à se projeter dans un lieu. Une femme est accroupie, vêtue d’une robe rose vif à motifs floraux, aux bordures claires. Habitante des îles Sandwich, son visage a été remplacé par une autre image qui la recouvre partiellement, celle d’une végétation qui pourrait être celle des environs. Émilie Saubestre, réalise des livres d’artiste où elle découpe, agence, colle, crée des images hybrides à l’infini pour décaler le regard, raconter autrement l’histoire d’un lieu, redéfinir les enjeux de toute pratique photographique. L’inconnu est insaisissable, aussi l’imagination pallie ici sa connaissance. L’autre que l’on photographie, dont on présente des éclats épars ou rassemblés, n’est jamais qu’un reflet, celui de notre propre regard sur le monde.


J E M ’ ARRA C H E à MOI

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Par Anne Immelé

L’exposition L’autre et le même tisse des liens entre séries photographiques et territoires explorés du XIXe siècle à aujourd’hui autour des questions d’exploration, de colonisation, d’exotisme, de circulation entre différentes cultures et territoires. Mes recherches dans le patrimoine photographique mulhousien m’ont fait découvrir les albums attribués à Alfred Georges Engel (Fonds Schwartz déposé aux Archives) témoignant de son voyage en Orient en 1904. Dans ces albums, l’outil photographique donne à voir ce qui est différent chez l’autre et le catégorise, notamment par le biais de la légende, mais certaines photographies revêtent une dimension plus instantanée qui confère un sens nouveau, renouvelant aussi le regard porté sur l’Autre.

Les photographies et les documents issus du Fonds Hélène Diserens témoignent d’un travail de recensement photographique dans les temples de l’Himalaya (vallée du Kulu et régions voisines) entre 1978 et 2005. Photographe scientifique de formation et chercheur indépendant, Hélène Diserens s’est intéressée à l’architecture, aux divinités et aux mythes de ces temples. La production photographique et les documents élaborés sont considérables, témoignant d’un désir de connaissance d’une autre culture, la rapprochant parfois du projet anthropologique de Claude Lévi-Strauss pour qui, comprendre les autres c’est « ressentir ce que ressentent les autres, c’est dé-adhérer à soi-même, c’est s’arracher à soi ». (Tristes Tropiques)

Attribuée à Alfred Georges Engel, Marins dansant à l’avant du Puritan, Egypte, 1904. Fonds Schwartz, Archives de Mulhouse.


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État d e s l i e u x Par Florence Andoka

Photographe, Anna Meschiari a renoncé à la création d’images nouvelles pour travailler à partir d’éléments existants qu’elle s’approprie. Pour l’installation Are we alone ?, l’artiste puise sur Internet comme dans le fond de la bibliothèque de Mulhouse, pour mieux esquisser la possibilité d’une altérité absolue.

Comment votre installation Are we alone ? s’inscritelle dans la thématique de la biennale de cette année L’autre et le même ? Est-ce que nous sommes seuls dans cet univers ? Y a-t-il d’autres créatures ? Mais comment s’approcher d’une autre créature si nous n’en avons aucune représentation ? Ma démarche consiste à partir de ce qui existe, de ce que l’on a déjà vu, des images récurrentes, des stéréotypes utilisés, pour appréhender l’inconnu. Cet autre mystérieux pourrait être un extraterrestre, un fantôme, un être sans visage. Plus que l’autre en soi, c’est le chemin vers l’éventualité de cet autre qui m’intéresse. Parmi les images que je retiens pour ce parcours il y aura notamment des portraits d’hommes et de femmes ayant existé. L’important c’est le lien entre les pièces récoltées. Ce sont les principes du montage cinématographique. En plus des images puisées sur Internet ou dans mes archives, j’expose aussi des pièces du fond de la bibliothèque de Mulhouse, des livres rares, des gravures. L’exposition est un état des lieux de ma recherche en cours et reflète l’évolution de cette dernière. Je souhaite faire apparaître le processus de création. Très concrètement, cela implique que l’exposition soit agrémentée de nouveaux documents au fur et à mesure, et certaines de mes réalisations témoignant des étapes de création y seront présentées. L’exposition est un work in progress.

Vous avez une formation technique et artistique en photographie, puisque vous êtes diplômée de l’Ecole Supérieure d’Arts Appliqués de Vevey. Comment avez-vous glissé du côté de l’appropriationnisme ? En effet, je ne fais plus de photos moi-même, mon travail est basé sur l’iconographie. Je cherche donc beaucoup sur Internet avec lequel j’ai grandi et dont la forme arborescente m’inspire. Ce changement s’est opéré de façon progressive dans mon travail. J’utilise des captures de films, des images issues des journaux et parfois même de la presse culturelle. Pour cette nouvelle pièce, Are we alone ?, je ne me limite pas à l’image, je recherche aussi des textes, des objets. Travailler avec des images existantes me libère de la contrainte de créer quelque chose de nouveau. Tout au long de mes études j’ai entendu mes professeurs répéter à l’envi que tout a déjà été fait. Cela m’a beaucoup marqué. La recherche iconographique est une réponse possible à ce problème. La nouveauté est dans le dialogue entre les images, dans leur agencement. Par ailleurs, il y a aussi des éléments de continuité avec les photographies que j’ai pu faire autrefois, et notamment pour le projet At once qui explorait l’intime et comportait des autoportraits. Aujourd’hui, par l’iconographie, j’élargis mon horizon de création, même s’il est toujours question d’identité, de regard porté sur l’autre en particulier pour Are we alone ? Quand j’essaie de m’approcher d’un possible extraterrestre à partir de ce que je connais, c’est aussi une façon de chercher la trace de l’autre en moi-même. Peut-on dire que votre quête iconographique se rapproche du geste d’un commissaire d’exposition ? Oui, d’une certaine manière, parce que je m’intéresse beaucoup à la scénographie. Je suis une artiste qui expose des productions réalisées par d’autres. Bien sûr je n’entre pas en contact avec ceux qui ont réalisé ces images contrairement à ce que ferait un curateur. Il y a aussi dans ma démarche, un intérêt porté à la légende, je pense que le lien entre une image et un mot est très fort. Parfois ce lien est étonnant. Dans mon précédent travail intitulé Atlas, j’avais fait une recherche iconographique sur ce terme, il y avait deux cent cinquante images. Atlas, c’est un titan qui porte le monde, c’est la première vertèbre à la base du crâne qui fait la liaison entre la tête et le corps, c’est le plus grand papillon du monde, c’est un bodybuilder, c’est un préservatif, etc. Mon travail était


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Anna Meschiari, Are we alone ? 2015-2016

alors un clin d’oeil à L’Atlas Mnémosyne d’Aby Warburg. Le résultat de mes recherches iconographiques est toujours intuitif et subjectif. C’est l’articulation entre les images qui compte. C’est toujours une surprise. La mise en relation de deux images sorties de leur contexte initial démultiplie le sens et il en va de même pour le lien entre une image et sa légende, son titre. J’en appelle ici à l’imagination. Quelle est l’influence d’Internet dans votre pratique ? Les images d’Atlas étaient toutes issues du Net. Pour Are we alone ?, l’accès aux archives de la bibliothèque de Mulhouse m’a ouvert des horizons. Je tiens beaucoup à l’univers du livre. D’ailleurs j’en ai toujours réalisés pour accompagner mes projets parce que c’est une autre façon, plus pérenne que l’exposition, de montrer et diffuser un travail. Je possède aussi beaucoup de livres chez moi, alors Internet n’est pas la seule source pour trouver des images ou des textes. Je conserve seulement la manière hasardeuse et subjective dont on fait une recherche sur le Net pour l’appliquer à d’autres univers.


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L ’ e x p é r i e n c e d u t r o u bl e Par Caroline Châtelet

Rebecca Topakian, Infra -, 2014


Jeune photographe exposée en 2015 aux Rencontres d’Arles, Rebecca Topakian offre avec Infra-, sa première exposition personnelle, un travail où l’expérience de l’autre se teinte d’une passionnante ambiguïté.

À découvrir le travail de Rebecca Topakian, on aurait presque envie d’une faute de frappe transformant le thème de la Biennale de L’autre et le même en “L’autre est le même”. Pourtant, ce sont bien à chaque fois des visages et/ou des corps singuliers, saisis sans recherche d’une quelconque ressemblance physique, qui sont au cœur du travail de la jeune photographe. Mais il se dégage de ses modèles une paradoxale similarité. Un double mouvement s’opère, en effet, au sein de chaque série, entre désignation de figures par leur isolement – mis en œuvre par différents procédés techniques – et inscription de celles-ci dans une sphère sociale et culturelle plus vaste. Le travail sériel et les expressions inscrivent alors ses personnages dans une communauté, que le spectateur peut potentiellement reconnaître, quand il ne va pas carrément s’y identifier. Mais reprenons. Diplômée en 2015 de l’École nationale supérieure de la photographie d’Arles, Rebecca Topakian, titulaire également d’une double licence en philosophie et géographie, propose à Freiburg trois de ses travaux. Dans La Mêlée, unique photo couleur très grand format, des bras et des mains empoignent bras, mains, nuques ou tentent d’en agripper. Pour la série Les Visages, elle réalise des photos de foules et isole pour chacune un visage. Un « passe-partout » (cadre blanc) vient masquer le reste de la composition et ces figures deviennent l’unique motif des photos. Leur situation flottante amplifie l’état songeur, inquiet, ou triste, des modèles. Ce faisant, la série recrée, comme Rebecca Topakian elle-même le précise, une « foule en négatif, à partir de personnages isolés ». Quant à Infra-, la série noir et blanc se compose de portraits réalisés en infrarouge lors de soirées. Dansant seul ou en couple, ces personnes acquièrent par ce dispositif un caractère étrange, vaporeux – à la limite de l’aquatique. Traversés des préoccupations de l’artiste « sur l’identité, les liens entre individu et communauté » ainsi que « sur l’inscription de l’individu dans une existence sociale, un espace donné, un environnement », ces séries en soulignent les ambiguïtés et les dissonances. « C’est ce qui tient de l’inconscient qui m’intéresse, comment les gens communiquent non par la parole mais par les gestes, les postures. » Plutôt que de célébrer la fête et ses manifestations, les modèles des Visages et d’Infracréent par leur air absent « un décalage avec son état de communion ». Une recherche qui amène la photographe à « jouer à l’espion » et à privilégier la photographie par effraction.

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On pourrait voir là un travail uniquement documentaire. Il n’en est rien, et si les premiers travaux de la jeune artiste l’étaient « beaucoup plus, se concentrant sur des groupes, les vêtements, les accessoires, ce qui nous différencient par rapport aux autres », un glissement s’est opéré, via une contamination du réel par le plastique et le concept. Ce mouvement « naturel » Rebecca Topakian l’initie avec la série Off-screen, réalisée au cours de ses études à l’ENS Louis Lumière. « J’avais un reportage noir et blanc à réaliser et j’ai décidé de le faire sur le porno. Une amie actrice m’a introduit dans le milieu. Là, pour la première fois je me suis dit que je n’étais pas obligée de raconter une histoire. Je me suis attachée à quelque chose de plus précis et plastique, qui parle non pas du sujet, en l’occurrence le porno, mais des gestes. Le sujet devient un prétexte pour regarder les relations, les interactions. » Cet aspect plastique, qui chemine désormais dans toutes ses œuvres, influence également sa conception de l’exposition. Ainsi, plus qu’une présentation de trois travaux par ordre de réalisation chronologique, l’exposition Infra- les mêle, les fait dialoguer. Un récit dépassant celui propre à chaque œuvre s’invente, et crée du suspense en utilisant les spécificités spatiales du CCFF de Freiburg. C’est également à l’occasion de la série Off-screen que le regard de la photographe évolue, pour cheminer précisément vers les gestes. « Il n’y a rien de mieux que de se retrouver avec des gens nus faisant l’amour devant une caméra pour perdre sa timidité. Ça désinhibe le regard, cela permet de regarder les corps comme des corps, de voir comment ils se positionnent en groupe les uns par rapport aux autres. Des personnes nues n’ayant pas les attributs sociaux que sont les vêtements et les accessoires, cela a précisé mon intérêt particulier pour le geste, qu’on retrouve dans la série Infra-, par exemple. » Devant un travail aussi mouvant dans ses images que cohérent dans sa démarche, la question des éventuelles influences ou références arrive tôt ou tard… Mais étonnamment, Rebbeca Topakian cite peu la photographie, évoquant seulement les travaux des allemands August Sanders ou Wolfgang Tillmans. « Étant issue de la philosophie à l’origine, cela m’a beaucoup influencé, et je relie plus mon travail à mes intérêt en littérature : Maurice Blanchot, Pierre Klossowski, Jean-Luc Nancy, Georges Bataille, Jacques Lacan. » La photographie serait, donc, pour la jeune artiste une forme d’écriture ? « Il y a quelque chose de très différent, car évidemment on sort du rapport du langage. Mais quelque chose dans la photographie rappelle l’écriture : on montre toujours plusieurs images, il y a un ordre, dans le livre ou au mur, et une forme d’écriture logique ou poétique est mise en œuvre. Comme avec le langage, on crée du sens avec des éléments différents. » Et l’on sait à quel point le langage est une expérience de l’ambiguïté…


22 Die junge Fotografin Rebecca Topakian, deren Werk bereits 2015 auf dem Festival Rencontres d’Arles ausgestellt worden war, zeigt im Rahmen ihrer ersten eigenen Ausstellung Infra- eine Arbeit, bei der die Erfahrung des Anderen faszinierend vieldeutig ist.

Wenn man die Arbeit von Rebecca Topakian zum ersten Mal sieht, wünschte man sich fast einen Tippfehler, der das Motto der Biennale „Der Andere und der Gleiche“ in „Der Andere ist der Gleiche“ verwandeln würde. Und doch sind es jedes Mal andere Gesichter und Körper, die Topakian fotografiert, ohne jede Absicht, irgendwelche äußerlichen Ähnlichkeiten herauszuarbeiten, obwohl ihre Modelle paradoxerweise eine bemerkenswerte Ähnlichkeit ausstrahlen. Die Menschen in Topakians Bilderserien sind isoliert – einen Effekt, den die Künstlerin durch den Einsatz verschiedener Techniken erreicht – und zugleich Teil eines weitergefassten sozialen und kulturellen Umfelds. Die serielle Arbeitsweise der Künstlerin und die Gesichtsausdrücke ihrer Modelle ordnen diese einer Gruppe zu, die der Betrachter möglicherweise identifizieren kann, wenn er sich nicht sogar selbst mit ihr identifiziert. Aber fangen wir am Anfang an: Rebecca Topakian, die auch Philosophie und Geographie studiert hat, erhielt 2005 ihren Abschluss an der École nationale supérieure de la photographie d’Arles. Sie zeigt in Freiburg drei ihrer Arbeiten. La Mêlée („Im Gedränge“), eine großformatige, einzelne Farbfotografie, zeigt Arme und Hände, die andere Arme, Hände und Nacken greifen, oder zu ergreifen versuchen. In der Serie Les Visages zeigt Topakian Menschenmengen, hebt aber ein einzelnes Gesicht hervor. Dazu deckt sie mit einer Schablone (einem weißen Rahmen) den Rest des Bildes ab, so dass das jeweilige Gesicht als einziges Bildmotiv der Fotografie übrigbleibt. Das losgelöste, schwebende Gesicht verstärkt den nachdenklichen, besorgten oder traurigen Gesichtsausdruck des Modells. Wie Topakian erklärt, ist dies das Negativ einer Menschenmenge, das von isolierten Personen ausgeht. Infra- ist eine Schwarz-Weiß-Serie, die auf Partys mit Infrarotlicht aufgenommen wurde. Die fotografierten Menschen bekommen durch diese Technik etwas fremdes, verschwommenes, ja fast aquatisches. „Identität, die Verbindungen zwischen Individuum und Kollektiv“ und „die Zugehörigkeit des Einzelnen zu einer sozialen Existenz, einem Ort, einem Umfeld“ sind die Themen, mit denen sich die Künstlerin in ihren Fotoserien auseinandersetzt, und deren Mehrdeutigkeiten und Dissonanzen sie sichtbar macht. „Was mich interessiert, ist das, was vom Unterbewusstsein kommt, was die Menschen nicht mit Worten, sondern durch Bewegungen, Haltungen ausdrücken.“ Anstatt mitzufeiern oder mitzumarschieren, bilden die Gesichter von Infra- durch ihren abwesenden Ausdruck „eine Diskrepanz zur der Geselligkeit [der Veranstaltung]“. Dadurch, dass die Künstlerin ihre Bilder aus dem Dunkel heraus mit Blitz oder Infrarottechnik schießt, wird sie zur „Spionin“, die

überraschend oder unsichtbar ihre Modelle Fotografiert. Man könnte geneigt sein, die Arbeit Topakians als rein Dokumentarisches Unterfangen zu sehen, doch dem ist nicht so. Zwar gingen ihre ersten Arbeiten „viel stärker in diese Richtung, weil sie sich mit den Gruppen, Kleidungsstylen und Accessoires befassten, die uns helfen, uns voneinander zu unterscheiden“, doch zwischenzeitlich hat eine Verschiebung stattgefunden, durch die Beeinflussung der Realität durch das Plastische und das Konzept. Diese „natürliche“ Entwicklung initiiert Rebecca Topakian mit der Serie Off-Screen, die sie im Rahmen ihres Studiums an der ENS Louis Lumière geschaffen hat. „Ich sollte eine Schwarz-Weiß-Reportage machen und habe mich für das Thema Pornos entschieden. Eine befreundete Darstellerin hat mich in das Milieu eingeführt. Da ist mir zum ersten Mal klar geworden, dass ich nicht gezwungen bin, eine Geschichte zu erzählen. Ich habe mich auf etwas Konkreteres und Plastischeres fokussiert, das nicht mehr vom Thema erzählt, in diesem Fall dem Porno, sondern von Gesten. Das Thema wird zum Vorwand, um die Beziehungen, die Interaktionen zu beobachten.“ Dieser plastische Aspekt, der inzwischen all ihre Arbeiten kennzeichnet, beeinflusst auch ihr Ausstellungskonzept. In der Tat ist Infra- mehr als die bloße chronologische Darstellung dreier Arbeiten, es ist ein Dialog zwischen ihnen. Es entsteht eine eigene, übergreifende Erzählung, die unabhängig von denen der einzelnen Arbeiten existiert, und durch die geschickte Nutzung der räumlichen Gegebenheiten des CCFF Freiburg eine Spannung erzeugt. Im Rahmen der Serie Off-Screen entwickelte sich auch der Blick der Fotografin weiter, der sich mehr und mehr auf die Gestik fokussierte. „Es gibt nichts besseres, um seine Schüchternheit abzulegen, als sich mit nackten Menschen zu befassen, die vor der Kamera Sex haben. Das enthemmt den Blick, man kann den Körper als Körper wahrnehmen, sehen, wie die Akteure sich innerhalb der Gruppe positionieren. Nackte Menschen ohne soziale Erkennungsmerkmale


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wie Kleidung oder Accessoires zu fotografieren, hat mir ermöglicht, mich auf ihre Gestik zu fokussieren, was man ja zum Beispiel auch in der Serie Infra- wiederfindet.“ In einer Arbeit deren Bilder so voller Bewegung und dennoch von großer Kohärenz sind, stellt sich früher oder später die Frage nach möglichen Einflüssen oder Inspirationsquellen... Doch Rebbeca Topakian bezieht sich kaum auf andere Fotografen und erwähnt lediglich die Arbeiten der Deutschen August Sander und Wolfgang Tillmans. „Da ich ja ursprünglich eher aus der philosophischen Ecke komme, hat mich das stark beeinflusst, und ich verbinde meine Arbeiten eher mit meinen literarischen Vorlieben: Maurice Blanchot, Pierre Klossowski, Jean-Luc Nancy, Georges Bataille, Jacques Lacan.“ Sieht die junge Künstlerin also in der Fotografie

eine Form von Literatur? „Es ist grundsätzlich etwas ganz anderes, weil man ja den Rahmen der Sprache verlässt. Trotzdem erinnert etwas in der Fotografie auch an Literatur: Man zeigt immer mehrere Bilder, es gibt eine Reihenfolge, im Buch genau wie in der Ausstellung, und es wird eine methodische oder poetische Schriftlogik eingesetzt. Wie in der Sprache schafft man Sinneinheiten mithilfe unterschiedlicher Elemente“. Und man weiß, wie vieldeutig Sprache sein kann...


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L e pa r c o u r s C h a l a m p é , H o m b o u r g e t Ott m a r s h e i m Par Florence Andoka

Alicja Dobrucka, Stay green with envy, série Life is on a new high , 2013-2015


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Alicja Dobrucka, Living next to it, série Life is on a new high, 2013-2015

D’immenses gratte-ciels transpercent l’horizontalité multicolore des bidonvilles. Alicja Dubrocka a immortalisé les fractures architecturales de Mumbai comme autant de reflets d’une société divisée. Ces photographies exposées dans la rue principale de Hombourg se risquent à une nouvelle rupture avec le paysage qui les accueille. De même, Marc Lathullière met en scène notre méfiance à l’égard du progrès et laisse les eaux thaïlandaises se faire l’écho de la piscine d’Ottmarsheim. Toute image existe au sein d’un dispositif qui conditionne sa perception. Ainsi, ce parcours propose de découvrir des photographies inscrites au cœur de l’espace public. Comment faire vivre une image dans un lieu qui n’est pas celui du white cube d’un centre d’art ? Franck Pourcel expose ses photographies au centre de Chalampé et souligne ainsi que « c’est l’œuvre qui s’ouvre au spectateur dans un paysage qu’il connaît. Elle prend place, elle fait place, apporte, dérange, interroge, situe sans jamais imposer. »


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Franck Pourcel, Constellation des paysages horizontaux, Oran, Algérie, 2011

Dans le cadre du parcours Hombourg, les images méditerranéennes de Franck Pourcel s’ouvrent sur le passé. Entretien.

Comment l’œuvre trouve-t-elle sa place au sein du village de Chalampé ? Dans ce triptyque de trois paysages méditerranéens, il y a les représentations de l’autre et de son ailleurs, espaces étrangers pour ne pas dire étranges qu’il faut s’approprier, apprivoiser. C’est le rapport à une géographie nouvelle, sensation puissante entre vide et trop plein, l’infiniment grand y côtoie l’infiniment petit. Au cœur de cette géographie, passé et présent se confrontent. Oui, la montagne aride du mont Moïse, par exemple, est fracturée par des lignes volcaniques à perte de vue. En son point culminant des hommes ont fait

émerger les lois sacrées. La dégradation, l’abandon de l’espace public se retrouvent dans la photographie de la baie d’Oran. Les feuilles de palmiers coupées sont les seuls signes d’une végétation en prise avec l’extension de la cité. Sur le haut d’une colline palestinienne, les oliviers sont remplacés par des buildings d’une ville nouvelle montrant toute l’ambivalence du monde moderne. Quels rapports les photographies exposées entretiennent-elles avec le temps ? C’est le rapport à l’Histoire qui se perpétue. La photographie est une sorte de fenêtre qui s’ouvre vers l’ailleurs. Le spectateur pénètre alors dans un espace temps différent, une sorte d’archéologie du temps qui passe, du temps qu’il fait, du temps qui reste. Toute la question de la durée, de l’évolution, une révolution au fil du temps qui parle de singularité et de pluriels, de rapports que l’homme entretient avec son territoire, avec les autres hommes.


Ton visage croisé dans l a nui t

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Par Florence Andoka

Alisa Resnik. Courtesy Galerie Sit Down

Violente, erratique et désespérée, la série de photographies d’Alisa Resnik One another est une course folle dans l’obscurité. Entre les figures éternelles qui s’entrecroisent se joue un drame silencieux à la surface des images.

L’œil se heurte d’abord à la violence des flous qui barrent les visages et donnent le sentiment d’un vacillement ou d’un passage. Dans les rues de Berlin ou de Saint-Pétersbourg, la fugacité de la nuit répond à celle de l’existence. La série de photographies d’Alisa Resnik, intitulée One Another, semble circonscrire un lieu et un ensemble de personnages y évoluant. Pourtant l’œuvre ne répond pas à une intention documentaire. « Je photographie les gens que je croise dans la vie, les bons amis comme les rencontres furtives. Je n’ai pas une approche réflexive de la photographie, il n’y a pas de projet documentaire derrière les images, je suis plutôt guidée par mon instinct, choisissant ce qui correspond à ma perception des relations entre les personnes. » Et de poursuivre : « Je vis à Berlin, beaucoup d’images saisissent ainsi les gens qui y vivent, mais il y a aussi des photographies que j’ai prises en Russie, en Ukraine, en Géorgie, en Italie, en Angleterre et même dans d’autres endroits encore. Le lieu géographique ne joue aucun rôle dans mon travail, cela ne signifie pas que je nie toutes les distinctions culturelles, mais plutôt que les sentiments qui alimentent mon travail sont universels, même si les

vies des personnes que je photographie sont souvent très différentes les unes des autres ». On imagine alors Alisa Resnik, vivant l’appareil autour du cou, arpentant le monde pour mêler son existence à d’autres et garder trace par l’image de la sensibilité de chacun. « La vision et l’écriture si particulières d’Alisa Resnik relient situations, lieux et personnages différents dans un univers commun, comme les chapitres d’un même et unique récit aux dominantes dramatiques, où une sorte de suspense est omniprésent » souligne Laura Serani, commissaire de l’exposition présentée à La Filature. Ainsi, la nuit recouvre cet univers apocalyptique. Nourrie par la Renaissance italienne et la peinture baroque, la série de photographies One another rappelle peut-être l’œuvre de Patrice Chéreau, dont la photographe confie avoir aimé Intimité, pour la complexité des affects mis en scène sans fioriture. Les portraits d’Alisa Resnik dévoilent hommes et bêtes à bout de souffle, autant de personnages repliés sur eux-mêmes, dans une solitude mélancolique. Les poses trahissent l’attente des corps en errance, parés de reflets métalliques et de nuances en demi teintes. Laura Serani avait déjà exposé le travail d’Alisa Resnik, notamment pendant les Rencontres d’Arles, puis à la galerie Sit Down à Paris en 2014. Aussi, « le thème de la Biennale de la Photographie de Mulhouse s’est imposé comme l’occasion idéale pour présenter ce travail, qui traite de la recherche de soi et du rapport à l’autre, dans un jeu de miroirs continuel, entre récit autobiographique et réinterprétation du réel ».


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Miroir , miroir , dis - moi qui suisje ? Par Émilie Bauer

Axel Hoedt, Dusk, 2015


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À l’heure où les photos font partie intégrante de notre vie quotidienne, Karin Jobst nous permet de reconsidérer notre place dans la société du spectacle.

Tiens, du portrait ! Alors qu’on pourrait le croire tombé en désuétude dans le domaine artistique tant la pratique photographique s’est démocratisée avec l’émergence des réseaux sociaux. Nous serions en droit de nous demander comment les artistes contemporains parviennent encore à renouveler la notion de portrait et donc à nous surprendre. Mais c’est sans compter sur le travail de l’artiste photographe allemande Karin Jobst qui endosse la casquette de commissaire d’exposition pour Der Andere und der Gleiche. À travers l’objectif de six artistes allemands, elle propose une réflexion sur la construction de l’identité. Pour Karin Jobst, « un portrait est toujours une question de temps, de rythme et de répétition. Il s’agit de trouver la bonne distance pour obtenir le bon point de connexion. Le but n’est pas de décrire quelque chose mais plutôt de créer une connexion avec de réels sentiments à travers le portrait ». Identités culturelles, identités multiples ou fictives, les artistes exposés nous dévoilent la pluralité des questionnements liés aux représentations de notre identité. Aux masques énigmatiques de la tradition carnavalesque allemande photographiée par Alex Hoedt succède l’œuvre sous forme d’enquête de SarahLena Maierhofer : cette dernière porte un regard sur le parcours de Christian Karl Gerhartsreiter, un imposteur allemand qui n’a cessé de passer d’une identité à une autre sous des noms aussi divers que Clark Rockefeller, Christopher Crowe, Chris Gerhardt, etc. Entre fiction et documentation, « le travail de Sarah-Lena Maierhofer est fort à propos concernant l’idée même de construction d’une identité. Elle a même réussi à faire en sorte que les médias couvrent l’histoire ». Professeur de photographie à la Hochschule für Kunst, Design und Musik au HKM de Freiburg, Karin Jobst expose deux de ses étudiants, Katrin Bauer et Yannic Heintzen. Une manière pour elle, l’ancienne étudiante de Wim Wenders – « Une grande influence sur la manière de voir les couleurs » – de mettre en lumière différentes générations de photographes et d’imbriquer les points de vue. Ces étudiants doivent se souvenir des conseils qu’elle leur prodiguait. « Quand j’ai commencé la première année, nous rappelle-t-elle, je ne les autorisais pas à utiliser Photoshop. Je voulais juste leur faire observer les photos telles qu’elles sont. » À l’ère du postdigital, où les logiciels et autres outils numériques ont envahi le champ de la photographie, ils ont dû être surpris de constater qu’elle manipulait manuellement la pellicule photographique. De manière générale, avec un réel souci d’authenticité, l’artiste effectue un retour à l’essence même de son médium, inscrivant ainsi son travail dans l’héritage de la photographie traditionnelle.

In einer Zeit, in der Fotos fester Bestandteil unseres Alltags geworden sind, zeigt uns Karin Jobst einen neuen Blick auf unseren eigenen Platz in dieser Gesellschaft des Spektakels.

Eine Ausstellung über Portraitfotografie? Und das heute, wo die Selfie-Kultur der Social Media omnipräsent ist? Interessiert sich die Kunstszene überhaupt noch dafür? Man fragt sich unwillkürlich, wie ein Künstler dem Thema noch etwas Neues abringen kann. In ihrer Ausstellung Der Andere und der Gleiche, deren Kuratorin sie ist, zeigt die deutsche Kunstfotografin Karin Jobst, dass Portraitfotografie sehr wohl noch überraschen kann. Sie stellt die Werke von sechs deutschen Fotokünstlern aus und bietet faszinierende Einsichten in das Phänomen der Identitätsbildung. Jobst erklärt, dass ein Portraitfoto immer eine Frage der Zeit, des Rhythmus und der Wiederholungen ist, und dass es darum geht, die richtige Distanz zu finden, um eine Verbindung herzustellen. Ziel ist nicht, etwas zu beschreiben, sondern über das Portraitbild eine Verbindung zu echten Gefühlen zu ermöglichen. Ob kulturelle, multiple oder fiktive Identitäten: Die ausgestellten Künstler zeigen uns die Vielfalt der Fragestellungen, welche die Darstellungen unserer Identitäten aufwerfen. Auf die geheimnisvollen Masken des deutschen Karnevals in den Bildern von Alex Hoedt folgt die Arbeit von Sarah-Lena Maierhofer, die die Geschichte des deutschen Hochstaplers Christian Karl Gerhartsreiter erforscht hat, der im Laufe seines Lebens zahlreiche Identitäten angenommen hat, darunter die des Clark Rockefeller, Christopher Crowe, Chris Gerhardt, usw. Wie Karin Jobst erklärt, trifft die zwischen Fiktion und Dokumentation angesiedelte Arbeit von Sara-Lena Maierhofer genau den Kern des Themas, weil sie sich mit der Schaffung von Identität befasst. Sie hat sogar bewirkt, dass die Medien die Geschichte wieder aufgreifen. Als Professorin der Freiburger Hochschule für Kunst, Design und Musik, stellt Karin Jobst auch zwei ihrer Schüler aus: Katrin Bauer und Yannic Heintzen. Für die ehemalige Schülerin von Wim Wenders, der ihren Blick auf die Farben stark geprägt hat, ist das die Gelegenheit, die verschiedenen Fotografen-Generationen in Relation zu setzen und ihre Sichtweisen zu kreuzen. Ihren Studenten hat die Künstlerin gleich im ersten Jahr ihrer Lehrtätigkeit verboten, Photoshop zu benutzen, um ihnen beizubringen, die Fotos so zu sehen, wie sie sind. In unserer Post-Digitalen Welt, in der die Fotografie weitestgehend von Software und diversen digitalen Helferlein beherrscht wird, waren ihre Schüler sicher überrascht, zu sehen, dass ihre Professorin noch analog mit Film arbeitet. Ganz allgemein fällt auf, dass Jobsts Arbeit von dem Streben nach Authentizität geprägt ist, von einer Besinnung auf das Wesentliche ihres Mediums, wodurch sie das Erbe der traditionellen Fotografie fortführt.


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Ou plu tôt quelqu ’ un d ’ au t re ? Par Simone Demandt

Petra Warrass, Alice, série Wir sind die Anderen / Nous sommes les autres, 2010

L’exposition ideal de Petra Warrass, à Fribourg, soulève la question de l’identité et de l’image.

gestes, d’autres sont restés totalement impassibles, se regardant droit dans les yeux pendant plusieurs minutes. Je voulais capturer l’intensité des regards.

Ton exposition ideal aborde la recherche identitaire et le jeu avec l’altérité. Dans ton travail Inside-Out, tu photographies le reflet de visages d’adolescents dans un miroir. Comment as-tu procédé pour le shooting ? Une fois bien préparés, les adolescents ont plutôt vu notre shooting comme un jeu ou une expérience. Une fois sur place, j’avais le droit de choisir un miroir dans l’appartement du jeune. Certains voulaient sourire à la caméra à travers le miroir. Du coup, ils étaient un peu surpris au début de devoir adopter une mimique à peu près neutre. Il était fascinant de voir comment chaque modèle s’est laissé prendre par ce jeu à la fois intime et chorégraphié. Certains ont communiqué avec leur reflet par un minimum de mimiques ou de

Est-ce que tu trouves un côté iconographique ou même symbolique dans ces portraits de reflets ? Le reflet en tant que portrait possède toujours aussi un côté symbolique. Il empêche un regard direct et présente le modèle de manière indirecte et inversée. Dans le genre de l’autoportrait, le miroir est un accessoire. Par exemple dans L’Autoportrait au miroir convexe de Parmigiano (1523/1524) ou encore dans la Main tenant un miroir sphérique de M. C. Esher (1935). Et il y avait encore une autre référence importante, autant pour moi-même que pour mon projet : Jacques Lacan et la prise de conscience de soi dans le stade du miroir. Lacan part du principe que du 6e au 18e mois, l’enfant développe sa conscience de soi. Lorsque l’enfant se contemple dans un miroir à ce moment-là,


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il se voit lui-même pour la première fois en totalité (puisqu’auparavant, sans miroir, il ne pouvait voir qu’une partie de son corps). Cette idée que le miroir reste toujours le seul moyen de se voir dans son intégralité directement et sans technologie interposée me fascine et est à l’origine de mon travail Inside Out, dans lequel je me suis focalisée sur l’adolescence, phase intense de développement émotionnel, moral et intellectuel. Dans la série d’œuvres Wir sind die Anderen (« Nous sommes les autres »), il est impressionnant de voir avec quelle aisance tes modèles posent devant la caméra. Est-ce que tu leur donnes des instructions ? La série d’œuvres repose sur des interviews que j’ai menées avec mes modèles sur leurs souvenirs de scènes de films. J’ai ensuite recréé avec eux des scènes qui, plutôt que de reprendre fidèlement le film, sont des transpositions du souvenir qu’ils en ont. Ensemble, nous avons d’abord défini le cadre de la scène. Ensuite, je leur ai donné à jouer une scène inspirée de la séquence de film choisie. Les acteurs ont alors joué selon leur volonté dans les limites prédéfinies concernant l’action et les mouvements. Il régnait une ambiance à la fois ludique et concentrée, dans laquelle je n’avais plus besoin de donner d’instructions. Mes modèles n’étaient pas des acteurs professionnels et j’étais impressionnée de voir à quel point ils étaient confiants et engagés, prêts à s’investir dans cette situation si inhabituelle.

Die Ausstellung „ideal“ in Freiburg kreist um die Frage nach Identität und Abbild.

Deine Ausstellung mit dem Titel „ideal“, handelt von der Suche nach Identität und dem Spiel mit einer anderen Identität. Das Sujet deiner Arbeit „Inside-Out“ ist das Gesicht Heranwachsender im Spiegel. Wie bist Du beim Fotografieren vorgegangen? Gut vorbereitet, sahen Die jungen Leute die Verabredung zum Fotografieren eher als eine Art Spiel oder Experiment. Vor Ort durfte ich mir in den Wohnungen der Jugendlichen einen der Spiegel aussuchen. Einige wollten durch den Spiegel hindurch in die Kamera schauen und noch dazu lächeln. Dass sie sich weitgehend ohne Mimik selbst betrachten sollten, führte dann aber nur zu einer kurzen Irritation. Es war schön zu sehen, wie sich jeder auf diese einerseits intime, andererseits inszenierte Si-

tuation einließ. Manche kommunizierten mit minimaler Mimik oder Gestik mit ihrem Spiegelbild, andere blieben völlig regungslos und schauten sich minutenlang in die eigenen Augen. Ich wollte die Intensität der Blicke einzufangen. Interessiert Dich ein ikonografischer oder sogar symbolischer Hintergrund der Spiegelbildportraits? Das Spiegelbild als Portrait hat immer auch einen symbolischen Hintergrund. Es verwehrt den direkten Blick und zeigt den Menschen indirekt über sein Abbild und außerdem seitenverkehrt. Im Genre des Selbstportraits ist der Spiegel Hilfestellung. Zum Beispiel bei Parmigianinos „Selbstportrait im konvexen Spiegel“ (1523/1524) oder M.C. Eschers „Hand mit gespiegelter Kugel“ (1935). Und es gab noch eine weitere Referenz, die sehr wichtig für mich und diese Arbeit war: Jacques Lacans Entwicklung des Ich im Spiegelstadium. Lacan geht davon aus, dass sich ein Kind vom 6. bis 18. Lebensmonat innerhalb der Entwicklung des Ichs befindet. Betrachtet sich ein Kind in dieser Phase im Spiegel, kann es sich zum ersten Mal vollständig sehen (anstatt partiell aus der Leibperspektive). Die Vorstellung, dass der Spiegel auch im weiteren Verlauf unseres Lebens die einzige Möglichkeit ist, sich direkt und ohne technische Umwege als „Ganzes“ zu sehen, fasziniert mich und war der Impuls zur Arbeit „Inside Out“, in der allerdings die Adoleszenz, die Phase der enormen emotionalen, moralischen und intellektuellen Entwicklung, motivisch im Zentrum stand. Im Werkkomplex „Wir sind die anderen“, es ist erstaunlich, wie Deine Modelle sich in einer großen Selbstverständlichkeit vor der Kamera bewegen. Gibst Du „Regieanweisungen“? Die Werkgruppe ist die Folge von Interviews, die ich mit Menschen über deren erinnerte Filmszenen führte. Mit diesen Personen als Akteure gestaltete ich Szenen, die nicht die Übereinstimmung mit der filmischen Vorlage suchen, sondern transponierte Inszenierungen zum erinnerten Vorbild sein sollten. In Zusammenarbeit mit den Protagonisten wurde ein Setting festgelegt. Danach gab ich den Akteuren eine der Filmszene entlehnte Handlung vor. Innerhalb dieser Handlungs- und Bewegungsvorschläge agierten die Akteure nach ihren eigenen Vorstellungen. Es entstand eine spielerische aber konzentrierte Atmosphäre, in der ich nur noch selten Anweisungen gab. Die Personen, mit denen ich arbeitete waren keine Schauspieler und ich war beeindruckt, wie vertrauensvoll und engagiert sie sich auf eine derart ungewohnte Situation einlassen konnten.


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T o u t s ’ e n va Par Florence Andoka

Cyrielle Tassin, Obsolescence, 2016

Pour sa deuxième édition, la Biennale de la Photographie a déjà une programmation Off. Cette année, l’association Mulhouse Art Contemporain a sélectionné Obsolescence, une installation photographique de Cyrielle Tassin, immortalisant des villes éphémères.

Comment l’installation, Obsolescence, s’inscrit-elle dans l’espace du marché couvert? Obsolescence est une pièce qui joue sur la notion d’échelle. Je pars d’éléments à échelle réduite que je multiplie, comme une construction qui deviendrait envahissante. Les photographies en grand format de ces villes miniatures forment un parcours dans les allées du grand marché. Au fil des images, dans le temps de la photographie, la ville est construite puis détruite. Je présente également au cours de l’exposition, la pièce Consommable urbain, sous forme d’édition de cartes postales. Il s’agit de villes sculptées à la surface des aliments. Elles sont figées par la photographie avant leur dégradation.

Qu’est-ce que l’obsolescence d’une ville ? Quel est le rôle de la photographie par rapport à la disparition de la forme réalisée ? À travers le temps, du fait de nos évolutions sociales et technologiques, la ville devient obsolète. J’aime lui apporter des solutions absurdes. Les villes nouvelles que j’invente sont potentiellement réalisables, mais dès lors que nous les construisons, elles deviennent inutilisables. Leur fonction s’épuise et produit une image qui est un reflet dystopique des villes réelles. À l’ESAL, à Metz, j’ai pu me perfectionner en photographie argentique et numérique, afin de gérer l’image de la conception à l’impression, néanmoins, je reste attachée au fait de ne pas saisir une image mais de la construire en créant un espace propre à l’objet réalisé. J’envisage également la photographie comme un archivage. Vos photographies entrent-elles en résonance avec la thématique officielle de la Biennale, L’autre et le même ? La sérialité est omniprésente dans mon travail. Je crée des villes qui sont visuellement similaires et uniques à la fois. La série renvoie également à ma propre exigence de tester toutes les possibilités jusqu’à l’épuisement des formes.


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Near

L ’ Agrandisse ur

Cette année, NEAR - association suisse pour la photographie contemporaine est invitée pour une carte blanche.

Créée à Mulhouse en 2010, l’association l’Agrandisseur organise des expositions, des conférences, des rencontres et workshop avec des photographes et des théoriciens de l’image.

Durant le week-end d’ouverture, les membres photographes de NEAR investiront la chapelle Saint-Jean et proposeront une exposition collective s’articulant autour du thème de cette édition de la Biennale et mêlant image imprimée, installation et projection. NEAR a été créée à Lausanne en 2009 dans le but de promouvoir l’image photographique contemporaine suisse. Ses activités se divisent en quatre pôles principaux : promouvoir et diffuser les travaux des photographes, favoriser les échanges, contribuer à la réflexion critique et enfin diffuser l’actualité de la photographie en Suisse. Programmation : Yannic Bartolozzi, Delphine Burtin, Guillaume Collignon, Nicolas Delaroche, Matthieu Gafsou, Olivier Lovay, Lucas Olivet, Antigoni Papantoni, Véronique Portal, Damien Sivier, Yves Suter.

L’association souhaite impulser un questionnement sur le médium photographique, ses transformations et ses usages dans le champ de l’art contemporain. Son activité principale est l’organisation de la Biennale de la Photographie de Mulhouse, dont la programmation soutient et diffuse les pratiques photographiques au sein de l’art contemporain, avec une vocation internationale et une volonté de montrer des talents émergents. La situation géographique de Mulhouse, ville frontalière, est à l’origine d’une programmation en partie consacrée à des photographes vivants dans le territoire du Rhin supérieur, suisses ou allemands.


35 Disponible en librairie 49€

Olivier Roller Regards sur 20 ans de portraits

Visage

mis à nu

200 portraits | 300 pages chicmedias éditions Avec la participation de Rodolphe Burger, Jean-Claude Brisseau, Daniel Cohn-Bendit, Christophe Donner, Clara Dupont-Monod, Mike Hodges, Julia Kerninon, André S. Labarthe, Jean-Luc Nancy, Nathalie Quintane…

shop.zut-magazine.com - www.chicmedias.com Diffusion-Distribution : R-Diffusion www.r-diffusion.org

Font du surf - Série Paparazzis 2012 - Mazaccio & Drowilal.

Philippe Chancel • Lucien Clergue • Jean Gaumy • Brian Griffin Harry Gruyaert • Naoya Hatakeyama • Mazaccio & Drowilal Arno Rafael Minkkinen • Gonzalo Lebrija • Martin Parr Hiroshi Sugimoto • Alain Willaume Commissaire d’exposition : François Hébel

Exposition de photographies et vidéo 18 juin / 11 septembre 2016 mediapop-gallery.fr

Fondation François Schneider, Wattwiller, Haut-Rhin, France Du mercredi au dimanche de 10h à 18h


Infos pratiques

36 Musée des Beaux-Arts Mulhouse 4 juin — 4 septembre

Commune d’Ottmarsheim 4 juin — 4 septembre

L’AUTRE ET LE MÊME

THE FLUORESCENT PEOPLE

Delphine Bedel (Nl), Vincent Delbrouck (Be), Livia Melzi (Br), Pascal Amoyel (Fr), Yaakov Israel (Is), Emilie Saubestre (Fr), Archives De Paul-Raymond Schwartz (Fr), Archives Hélène Diserens (Ch) Commissariat d’exposition : Anne Immelé 4 Place Guillaume Tell, 68100 Mulhouse Tel : 03 89 33 78 11 Ouvert tous les jours, sauf mardis et jours fériés de 13h à 18h30 Du 1er juillet au 31 août : de 10h à 12 h et de 13h à 18h30

Marc Lathuillière (Fr) Devant la piscine Aquarhin Affichage en extérieur - Visible en permanence

La Filature 11 mai — 10 juillet ONE ANOTHER Alisa Resnik (PL) Commissariat d’exposition : Laura Serani 20 Allée Nathan Katz, 68090 Mulhouse cedex Tel : 03 89 36 28 28 Ouvert du mardi au samedi de 11h à 18h30 Les dimanches de 14h à 18h Entrée libre les soirs de spectacles

Bibliothèque Grand-Rue Mulhouse 4 juin — 4 septembre ARE WE ALONE ? Anna Meschiari (Ch) Commissariat d’exposition : Marie DuPasquier 19 Grand Rue, 68100 Mulhouse Tel : 03 69 77 67 17 En juin : Ouvert du mardi au vendredi de 10h à 12h et de 13h30 à 18h30 Les samedis de 10h à 17h30 À partir du 4 juillet jusqu’au 3 septembre : Ouvert du mardi au vendredi de 10h à 12h et de 14h à 18h Les samedis de 10h à 12h et de 14h à 17h30

Le Centre Culturel Français de Fribourg (DE) 6 juin — 16 septembre INFRARebecca Topakian (Fr) Commissariat d’exposition : Anne Immelé Münsterplatz 11, 79098 Freiburg im Breisgau Tel : +49 761 207 390 Ouvert du lundi au jeudi de 9h à 17h30 Les vendredis de 9h à 14h Les samedis de 11h à 14h sauf pendant les vacances scolaires allemandes

Commune de Chalampé 4 juin — 4 septembre

T66 Kulturwerk Freiburg (DE) 18 juin — 31 juillet IDEAL Petra Warrass (DE) Commissariat d’exposition : Simone Demandt Talstraße 66, 79102 Freiburg im Breisgau Tel : + 49 174 / 303 60 46 Jeudi, vendredi, samedi de 14h à 18h et sur rendez-vous

Kunsthaus L6 Freiburg (DE) 18 juin — 31 juillet DER ANDERE UND DER GLEICHE Katrin Bauer & Yannic Heintzen, Axel Hoedt, Sarah Lena Maierhofer, Anne-Sophie Stolz Commissariat d’exposition : Karin Jobst Lameystraße 6, 79108 Freiburg im Breisgau Tel : + 49 761 / 503 87 04 Ouvert les jeudis et vendredis de 16h à 19h Les samedis et dimanches de 11h à 17h

Hall du Marché Couvert Mulhouse 4 juin — 4 septembre OBSOLESCENCE Cyrielle Tassin OFF16 - Mulhouse Art Contemporain

CONSTELLATIONS Franck Pourcel (Fr) Parc jouxtant la Salle des Galets Affichage en extérieur - Visible en permanence

Commune de Hombourg 4 juin — 4 septembre LIFE IS ON A NEW HIGH Alicja Dobrucka (PL) Rue Principale Affichage en extérieur - Visible en permanence

26 Quai de la Cloche, 68200 Mulhouse Tel : 03 89 36 28 28 Ouvert les mardis et jeudis de 7h à 17h Les samedis de 6h à 17h

Chapelle Saint Jean 4 — 5 juin CARTE BLANCHE NEAR 19 b Grand Rue, 68100 Mulhouse Ouvert samedi 4 juin 11h-22h et dimanche 5 juin 11h-18h


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when. during Art Basel week June 15 to 19, 2016

© PutPut, #5 Popsicles, 2012. Courtesy Galerie Esther Woerdehoff, Paris

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