NOVO 53

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La journaliste n’en est toujours pas revenue. Pourtant, la journaliste a tout suivi, ou presque. Dans le cadre d’expositions à La Chaufferie, la galerie de la HEAR à Strasbourg, il devient de plus en plus fréquent d’associer une démarche pédagogique : avec Neil Beloufa, elle fut poussée et totale. Premier acte : une conférence dont le format enlevé fut une surprise pour la journaliste plutôt habituée à la novlangue absconse souvent de rigueur dans l’art contemporain. Neil Beloufa avait alors tracé les contours d’une « machine » (selon ses propres mots) à créer ouverte, collaborative et critique. La journaliste s’était alors interrogée : un procédé de création s’attachant à embrasser les paradoxes d’une société capitaliste pour mieux

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en dénoncer ses dérives – non sans humour – estil honnête quand son auteur est le pur produit d’un marché de l’art dopé à une (prétendue) « subversion » ? Neil Beloufa a été exposé à la Biennale de Venise, au MoMA, au Palais de Tokyo, à la Fondation Pejman en Iran. En quelques secondes de recherches sur Internet, on lit de lui qu’il est « prolifique et inclassable », qu’il est une « star de l’art contemporain », qu’il « brouille les lignes de l’art contemporain ». Imbriqué à ce marché de l’art über démocratisé, il l’est, et il le sait. Deuxième acte : la projection de son film, Occidental, western contemporain se jouant des archétypes hollywoodiens. Troisième acte : un workshop d’une semaine mené avec des étudiant.e.s volontaires qui ont toutes et tous produit des films dont l’héroïne est une voiture. Dernier acte : une exposition montrant le résultat de la semaine de workshop mis en espace par quatre étudiant.e.s (Ludovic Hadjeras, Jules Maillot, Alexandre Caretti et Garance Oliveras) qui ont passé plusieurs jours dans l’atelier de Neil Beloufa à Montreuil pour formaliser le dispositif de monstration. Le résultat ? Assez jouissif. En vrac : il y eut des murs en polystyrène sur lesquels ont été projetés les films, des casques de moto servant à écouter les sons de chaque vidéo, une voiture démontée, et des néons de couleur. L’occasion pour les étudiant.e.s de produire sous contrainte et d’être parties prenantes d’une exposition, mais aussi de se plier à un système de travail « plein de libertés » (celle de demander aux étudiant.e.s de ne pas chercher à justifier ou intellectualiser leur geste en est une, et une sacrée !), collectif (« Tout le monde est l’auteur de tout »), mais dans le même temps « anti-démocratique ». Car si Neil Beloufa affirme « n’avoir aucun rapport avec le résultat » et s’être tenu à l’écart, il sait aussi qu’en adhérant à son système, les étudiant.e.s ont fait “du Neil Beloufa”. Alors, la journaliste a cherché à comprendre ce système, résultat d’une pensée, qui, au fil des années s’est construite en fractales, contredite, constituée de tout, de rien mais surtout de nuances. Alors la journaliste, en réécoutant l’entretien, s’est perdue en cherchant à le comprendre et a fini par avouer son incapacité à le coucher sur papier, incapacité qui résonne avec celle, plus délicate encore, à traverser un monde habité par les paradoxes et les antagonismes. Alors la journaliste s’est dit qu’il était sans doute plus adapté de le laisser parler.


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