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SERGE KAGANSKI L’INROCKUPTIBLE №18, février 2012 Par Philippe Schweyer

Acteur essentiel de la saga des Inrocks, Serge Kaganski signa longtemps « Serge K. » des papiers éclairés sur le rock et le cinéma américains envoyés depuis Los Angeles. De retour en France, c’est lui qui pilota l’ouverture du mensuel au cinéma et à la littérature au début des années 1990. Depuis que Christian Fevret et Arnaud Deverre sont partis en 2010, Kaganski et Beauvallet sont désormais les derniers gardiens de l’ADN d’un titre qui n’a cessé d’évoluer (ce que les puristes et les lecteurs nostalgiques des premiers numéros n’ont pas fini de regretter). Présent à Belfort pour couvrir le festival EntreVues et repéré au bar du Cinéma des Quais, Serge Kaganski nous raconte une aventure de presse hors du commun qui commença, non pas dans un garage, mais dans une chambre de bonne, sans argent ni étude de marché. Peut-on parler des débuts des Inrockuptibles ? Tout a démarré par une émission de rock animée par Christian Fevret sur une radio libre à Versailles. Jean-Marie Durand, qui écrit toujours aux Inrocks, a trouvé comme titre de l’émission le jeu de mots « Les Inrockuptibles ». L’émission a duré deux ans. Je faisais de temps en temps des interviews et des reportages. On a interviewé Johnny Thunders. J’ai aussi fait un stage au festival de Cannes en 1984, l’année de Paris, Texas. J’en ai profité pour couvrir le festival en direct dans l’émission. Vous étiez encore étudiant ? Oui, j’étais étudiant en sociologie, sciences politiques et droit public… Les trois matières principales de ma formation. Avant que les Inrocks existent en tant que journal, il y avait surtout une amitié entre Christian, Jean-Marie et moi.

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Vous parliez déjà de faire un magazine ? Pas encore. On lisait la presse rock, les Cahiers du Cinéma, Libération. On était très intéressés par la presse culturelle alternative, qui changeait du Monde et du Figaro. Vous lisiez aussi la presse anglaise ? Pas tellement la presse anglaise, par contre je connaissais un peu la presse américaine notamment Rolling Stone et Cream. J’étais un grand lecteur de Rock&Folk dans lequel écrivaient tous les grands rock-critics : Philippe Garnier, Yves Adrien, Philippe Manœuvre, Laurent Chalumeau… C’était déjà la fin de cette époque… Oui, Michka Assayas et François Gorin, plus tournés vers la pop, incarnaient la nouvelle génération. Nous trouvions que les journaux rock mettaient trop Genesis en couverture et pas assez les Smiths ni les Pale Fountains. Grâce à l’émission, Christian s’était construit un petit réseau de contacts avec les maisons de disques. C’était un atout pour créer un journal, donc on s’est lancés. Christian Fevret est vraiment le maître d’œuvre du projet. C’est lui qui a eu l’idée de faire une maquette épurée, de faire des grandes interviews pour donner la parole aux artistes et aller voir ce qu’ils avaient sous le capot afin de sonder leurs âmes et leurs personnalités. C’est aussi lui qui a emprunté des sous à sa grand-mère pour créer l’association, trouver des locaux, acheter des machines à écrire et un peu de matériel. Le premier numéro qui sort en mars 1986 est bien mieux qu’un petit fanzine. Ah non, c’était un petit fanzine. On était trois ou quatre. Les locaux, c’était chez Christian et ensuite dans une chambre de bonne à Paris. Mais dès le départ, il y avait l’ambition de faire un bon fanzine. Un fanzine, mais pas un magazine ? Ça s’appelait Les Inrockuptibles, interviews et chroniques. Peut-être que dans l’esprit de Christian il y avait déjà l’ambition de faire un journal durable, mais au moment où ça s’est créé je n’avais pas l’ambition de devenir rock-critic professionnel. Il s’agissait pour moi de créer un journal pour m’amuser, assouvir mon envie d’écrire et avoir accès aux concerts et aux disques gratuitement… C’était un truc assez enfantin finalement, mais avec l’ambition de faire un fanzine d’une certaine qualité en soignant l’écriture. Pour la première fois, le cinéma, la littérature et le rock se retrouvaient dans un seul magazine. On adorait le rock, mais on lisait aussi des livres, on allait voir des films et il y avait un lien entre tout ça. Sans être en kiosque, on a tout de suite rencon-


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