NOVO N°28

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Par Sylvia Dubost — Photo : Christophe Raynaud

C’est le chorégraphe dont tout le monde parle. Danseur et auteur singulier, Olivier Dubois est en tournée avec Tragédie, qui créa l’événement au Festival d’Avignon en 2012. Un spectacle emblématique de sa recherche d’une danse archaïque et politique.

le grand débordement Olivier Dubois est un artiste hors norme, à plus d’un titre. La presse, qui en a fait son chouchou depuis deux ans, a relaté maintes fois son parcours. Né en 1972, il débute la danse à 23 ans, obtient son premier contrat six mois plus tard, danse chez Preljocaj et Jan Fabre, chorégraphie sa première pièce en 2007, présente Tragédie dans la Cour d’honneur en 2012 et est nommé l’année suivante à la tête du Centre Chorégraphique National de Roubaix. Son corps, tout en rondeurs et en endurance, fait de lui un interprète puis un auteur (qualificatif qu’il préfère à celui de chorégraphe) à part. La danse d’Olivier Dubois est sauvage et puissante, lancinante jusqu’à l’explosion, tout en piétinement, en énergie, en révolte. Une danse généreuse, une danse de « l’être là ». Avec Tragédie, il clôt la trilogie qui doit « faire voir l’acte révolutionnaire », débutée avec Révolution (2009) et Rouge (2011). Le corps y est le vecteur d’un acte politique. Dix-huit individus, nus tels qu’en eux-mêmes, déploient une saisissante mécanique à base de répétition, de martèlement, d’endurance et d’épuisement, où des êtres obstinés prennent possession du plateau. Un choc, qui place Olivier Dubois comme l’un des chorégraphes les plus passionnants du moment.

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Qu’est-ce qui a déclenché votre envie (soudaine) de danse ? C’est toujours assez inconnu… Ce n’était pas de l’ordre du projet, c’était une envie et une évidence. Je faisais beaucoup de sport mais j’allais plutôt au tennis ! J’ai pris quelques cours, et cela me semblait facile. Mais je n’ai rien « rencontré ». Et depuis, je cherche pourquoi on danse. C’est une des questions qui traversent mon travail. Est-ce cela que vous évoquez quand vous parlez de l’aspect archaïque de votre danse ? Le fait de danser est tout aussi archaïque que le fait de vouloir danser. Qu’est-ce que cela convoque ? Pourquoi cette ivresse, quel est ce tremblement, d’où vient cette transcendance ? C’est très mystique, de l’ordre du sensible et du cosmique. Et cela redéfinit l’usage de son corps. C’est passionnant de partir dans cette grande recherche en sachant qu’on n’aura jamais la réponse. Votre parcours a-t-il toujours été « facile » ? Oui ! Mon corps n’entre pas dans les stéréotypes, mais il était prêt musculairement. Ce n’est pas un métier difficile pour moi à cet endroit-là. Mais être danseur, ce n’est pas bouger, c’est beaucoup plus que cela. C’est définir une ligne artistique, savoir ce qu’on montre sur un plateau, jeter son corps dans la bataille à tous les niveaux. En cela, Jan Fabre est d’une exigence physique et mentale hors norme. Travailler avec Jan Fabre était une étape cruciale pour vous ? Oui, c’était LE rendez-vous. Avec les premiers chorégraphes avec qui j’ai travaillé, j’ai appris que monter sur un plateau est un acte politique. J’ai recherché cela pendant longtemps et l’ai trouvé chez Jan, avec toute la démesure qui le caractérise. On peut dire qu’il a été un maître, mais il m’a surtout


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