Intermed n°115

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Pour ce 115e numéro d’Intermed, le Club de la Presse ouvre un débat explosif : faut-il, comme le demande Reporters sans frontières, mieux encadrer l’expression des chaînes télévisées, à commencer par celle de CNews accusée par RSF de ne pas respecter ses obligations en matière d’honnêteté, de pluralisme et d’indépendance ? L’association se défend de vouloir restreindre leur liberté éditoriale. Mais pour RSF, un simple décompte des temps de parole des personnalités politiques ne suffit pas pour apprécier leur pluralisme. Le Conseil d’État lui a donné raison en enjoignant l’autorité des médias, l’Arcom, de revoir ses modes de calcul. Il lui faudra désormais tenir compte de l’ensemble des interventions sur l’antenne d’une chaîne, y compris celles des chroniqueurs, animateurs et invités, pour apprécier si elle

respecte ou non ses obligations. Le Club de la presse a décidé d’ouvrir ses colonnes à ses membres, qui donnent ici, en toute liberté, leur opinion. En attendant de vous faire la vôtre, nous vous donnons rendezvous lundi 6 mai au Grand Château Valrose, siège de la présidence d’Université Côte d’Azur, pour notre soirée annuelle de présentation de notre annuaire des médias. En toute convivialité.

Président du Club de la Presse Méditerranée 06

• 2 • Actu : L'Edito
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? L'Édito .................................................... 2 En bref ....................................................3 Dossier : Polémique CNews........... 4 Actu Club .............................................. 13 Reportage......................................14 Culture................................................... 17 L'oeil du psy........................................... 18 Actu photo ........................................... 20 L'édito Sommaire
CNews or not CNews
Directeur de la publication - Rédacteur en chef : Vincent-Xavier Morvan / Rédacteur en chef adjoint : Paul Barelli / Secrétaire de rédaction - Infographiste : Marion Guinochet
Edition : Club de la Presse Méditerranée 06 / Maison des associations Garibaldi - 12 Ter Place Garibaldi 06300 Nice /Tél. : 06 60 45 23 45 / info@clubpresse06.com / www.clubpresse06.com / ISSN : 2107-7002 N°115 - Avril 2024 Le Club de la Presse Méditerranée 06 remercie ses partenaires 2024
Ont collaboré à ce numéro : Abdellatif Azdine, Paul Barelli, Philippe Bellissent, Guy Cassouto, Samy Celik, Matthias Galante, Nicole Laffont, Vincent-Xavier Morvan, Cédric Stanghellini, Philippe Tallois, Jean-François Téaldi, Jean-Luc Vannier.

En bref

Record d’affluence aux 38èmes Journées du cinéma italien

L’Espace Magnan a fait salle comble pour ce rendez-vous qui témoigne de la vitalité du 7e art transalpin.

7 300 spectateurs, dont 3 000 scolaires, ont assisté à la quinzaine du cinéma italien proposée du 16 au 30 mars dernier par l’Espace Magnan à Nice, un événement dont le Club de la Presse se réjouit d’être partenaire. « Une fréquentation record », soulignait avec satisfaction Marie-France Leccia, la programmatrice de cette quinzaine dédiée au cinéma italien contemporain, lors de la soirée de remise de prix le 30 mars dernier. Parmi les 14 films soumis au vote des spectateurs, c’est la comédie « Grazie Ragazzi » de Riccardo Milani qui a décroché le prix du public. Le prix du jury jeunes,

décerné par des lycéens du Parc Impérial et des étudiants d’Université Côte d’Azur, est allé, parmi six longs-métrages en lice, à la comédie historique « L’Ultima volta che siamo stati bambini » de Claudio Bisio, tandis que « Io Capitano », de Matteo Garrone, sur le thème de la migration, a obtenu une mention spéciale.

La soirée de clôture du festival s’est terminée par l’avant-première de « La bella estate » de la réalisatrice Laura Luchetti, pour le premier rôle au cinéma de Deva Cassel, la fille de Monica Bellucci et Vincent Cassel.

Paule Elliott Channel Riviera : une passion

Notre consoeur Paule Elliott nous a quittés. Cette femme estimée dans notre profession fut une des premières à utiliser internet pour chroniquer les événements de la Côte d'Azur et notamment ceux de la gastronomie. Ses enfants témoignent :

Paule Elliott, notre maman, nous a quittés dans la nuit du 30 décembre 2023, à Cannes, ville qu’elle aimait tant, des suites d’une maladie au développement fulgurant, qui nous a tous pris de court. Ce départ si rapide est à l’image de ce que fut sa vie, un grand tourbillon d’énergie.

Née à Tunis le 11 août 1940, ayant vécu tour à tour aux Etats-Unis puis au Ziimbabwe, c’est sur la Côte d’Azur qu’elle s’est établie pour ne plus la quitter.

Paule Elliott s’est lancée en 1989 dans l’entreprenariat en fondant la société Sassandra qui créait, fabriquait et

commercialisait des collections d’accessoires textiles pour les hôtels de luxe. Cette expérience dura quelques années, jusqu’aux prémices du phénomène d’internet. Très consciente du potentiel de la technologie du numérique, c’est avec un associé que fut créé par Paule Elliott tout d’abord Saint-Paul Web en octobre 1997, depuis le village de Saint-Paul de Vence, puis vint en juillet 2000 la création de la web-tv Channel Riviera, devenue un « webzine ».

Et c’est seule aux commandes, jusqu’au déclenchement de sa maladie qui l’a emportée en deux mois, qu’elle a relevé le défi de ce webzine d’une qualité éditoriale et iconographique unique qui mettait en valeur les talents de tous les acteurs culturels, touristiques, gastronomiques d’une des plus belles régions de France.

• 3 • En bref

DOSSIER La polémique sur CNews

relance le débat sur la liberté de la presse

Une polémique majeure sur la liberté de la presse enflamme les rédactions. Elle se cristallise autour de CNews. Faut-il boycotter cette chaîne de Vincent Bolloré pour sa ligne politique ?

L’ONG de défense de la liberté de la presse

Reporters sans frontières (RSF) a saisi l’ARCOM, l’Autorité publique française de régulation de la communication audiovisuelle et numérique. Selon RSF, «  CNews ne peut plus être considérée comme une chaîne d’information [car] elle s’est transformée en un média qui diffuse des opinions de manière massive et orientée – relevant souvent de la discussion de comptoir, au mépris régulièrement de l’indépendance, de l’honnêteté et du pluralisme de l’information ».

Le Conseil d’État estime qu’il est du devoir de l’ARCOM de mieux contrôler la chaîne, et globalement tous les autres concurrents. On ne sait pas encore de quelle façon, mais l’ARCOM ne devra plus «  se limiter au décompte des temps de parole des personnalités politiques ». Cela concernera l’ensemble des intervenants, chroniqueurs et éditorialistes compris.

CNews dont l’image «  à droite » est très contestée au sein des rédactions doit-t-elle être «  recadrée » par l’ARCOM ? Les journalistes du Club de la presse 06 s’expriment.

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Contrôler le contenu éditorial de CNews :

une atteinte à la liberté de la presse ?

Haro sur CNews. Pourquoi tant de haine ? La chaine de Vincent Bolloré est vivement contestée dans la profession, comme l’attestent les réactions de confrères que le Club de la Presse 06 publie. Si CNews est si critiquée, c’est en raison de sa ligne éditoriale. Les thématiques peuvent être considérées comme proches de la droite, voire de l’extrême-droite.

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DOSSIER

La polémique sur CNews survient

dans un contexte de surenchère médiatique

De mémoire de journaliste, jamais la violence, sous toutes ses formes, n’avait atteint un tel niveau, investissant les médias. L’effet loupe de la couverture des faits divers sur les chaînes TV d’infos en continu contribue souvent à les sur-amplifier. Une écoute attentive des chaînes d’infos depuis les manifestations contre la réforme des retraites, en passant par le drame d’Annecy, la mort de Nahel tué par un policier, la disparition du petit Emile, tous ces faits divers ont nourri la gigantesque boutique de l’info.

Dans ce contexte, C News se distingue par sa virulence, son hostilité affichée contre le « macronisme ».

C News : chaîne « d’extrême-droite » ?

Réponse de Laurent Joffrin, journaliste réputé, ex-directeur de Libération qui a fait longtemps partie de L’Heure des Pros, l'une des émissions phare de CNews, animée par Pascal Praud.

« Elle a trouvé son public, estime Laurent Joffrin au micro de Sud radio. Elle a le droit de s'engager, c'est pas la question. Ils respectent le temps de parole des politiques mais il y a une préférence pour les chroniqueurs de droite ou d’extrême-droite. »

« Je savais où je mettais les pieds, ça ne me gênait pas », précise Laurent Joffrin qui a « toujours été bien traité » chez CNews

« Je les critique politiquement mais humainement ils sont très gentils » En plus des opinions majoritaires des chroniqueurs, « à C News, il y a une formule qui fait que l'animateur donne son avis, donc l'arbitre est toujours du côté de l'équipe adverse ».

CNews a capté un public

Ses détracteurs le reconnaissent. Audelà de toute passion un examen de son audience s’impose. CNews se situe ex-aequo en décembre avec BFM-TV (2,6 % de part d’audience). BFM-TV reste la chaîne d’info la plus regardée en 2023. BFM-TV, qui a perdu quelques milliers de téléspectateurs, a même connu sa deuxième meilleure année en part de marché, avec 3 % (en baisse de 0,3 point par rapport à 2022, année de l’élection présidentielle).

CNews a vu la sienne monter à 2,3 % (+ 0,3 point), grâce notamment à une forte augmentation de sa durée d’écoute, particulièrement remarquable chez les téléspectateurs de plus de 65 ans. Sur cette partie du public, seule LCI (2 % de part d’audience en 2023, + 0,3 point) attire encore davantage.

Les « dérapages » de CNews

« Entre Emmanuel Macron et les médias du groupe Bolloré : un tango acrobatique ! » titrait Le Monde. « Les punaises de lit, comment s’en débarrasser », c’est le sujet qu’avait choisi d’aborder, vendredi 29 septembre, « L’Heure des pros ».

Pascal Praud assénait : « Il y a plus de punaises de lit aujourd’hui. Est-ce lié à l’hygiène ? Je vais poser toutes les questions… Il y a beaucoup d’immigration en ce moment, est-ce que ce sont les personnes qui n’ont pas les mêmes conditions d’hygiène que ceux qui sont sur le sol de France qui apportent [ces punaises] parce qu’ils sont dans la rue ? »

« Ignoble », « racisme rance »… Peu après l’émission, plusieurs députés de La France insoumise (LFI) et de Renaissance ont annoncé saisir l’Arcom, le gendarme de l’audiovisuel.

La réplique de Pascal Praud

De son côté, Pascal Praud, qui anime depuis la rentrée la tranche quotidienne 11 heures-13 heures sur Europe 1, évoque une « chasse à l’homme dirigée par des minorités agissantes » dans « un espace médiatique dominé par la pensée de gauche, voire d’extrêmegauche », et lit un texte à l’antenne : « Pour avoir posé une question, j’ai été ce vendredi insulté, harcelé, diffamé. Je sais que notre chaîne CNews est une cible (…) pour les délateurs zélés de l’espace médiatique. (…) J’aimerais que [l’ARCOM] me défende. C’est son rôle quand un journaliste est cloué au pilori sans mobile apparent sinon qu’il refuse la pensée unique. »

Dans ce contexte polémique, il convient de ne pas céder à la tentation de se poser en donneur de leçons. Il faut admettre qu’une partie du public est favorable à la ligne éditoriale de CNews. La chaîne de Vincent Bolloré ne dissimule pas ses opinions. Faut-il pour autant la placer sous contrôle d’une haute autorité ? Cela évoquerait le temps de l’ex-ORTF.

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L'Arcom ne doit pas renouveler les autorisations d'émettre à CNews et C8

La liberté de la presse ce n'est ni les fakenews, ni le racisme, ni la misogynie, ni la porte grande ouverte aux idées nauséabondes de l'extrême-droite. C'est le pluralisme, les faits, leur vérification et l'honnêteté. L'Arcom (ex-CSA), c'est son rôle, doit le rappeler aux chaînes et en cas de récidives, sanctionner.

34 sanctions en deux ans contre CNews et C8

En deux ans, 34 interventions et sanctions de la part de l’Arcom ont été recensées à l'encontre de CNews et C8, pour des faits de désinformation, de racisme, de sexisme, d'incitation à la haine, de non respect du pluralisme, d'un manque d'honnêteté dans l'information, ou encore en raison de la prépondérance du temps de parole accordé à l’extrême droite en période électorale. 7,5 millions d'amendes rien que pour l'émission Touche pas à mon poste d'Hanouna sur C8. Problème, ces chaînes se contentent de payer les amendes... sans que rien ne change !

La décision du 13 février du Conseil d’Etat « enjoint à l'Arcom de réexaminer dans un délai de six mois le respect par la chaîne CNews de ses obligations en matière de pluralisme et d'indépendance de l'information ».

La loi du 30 septembre 1986, qui encadre la liberté d'expression dans les programmes mis à disposition du public, prohibe « les comportements discriminatoires en raison de la race ou de l'origine,

du sexe, de l'orientation sexuelle, de la religion ou de la nationalité et assure le pluralisme de l'expression des courants de pensée et d'opinion ». Les fréquences sont en effet mises à disposition des chaînes, en contrepartie d'une convention signée avec l’Arcom, qui stipule que les programmes n'incitent pas à la haine, ou à la violence, aux propos antisémites, racistes ou homophobes, à l'apologie de crimes contre l'humanité. Sans quoi les infractions à ces obligations liées à la dite convention sont sanctionnées. Comme l'a déclaré en janvier Julie Cagé, chercheuse en médias, devant la Commission, « le non respect des obligations conventionnelles par CNews n'est pas un problème idéologique mais légal ».

Le groupe Bolloré devant la commission d'enquête parlementaire

Le 13 mars, à l'Assemblée Nationale, Bolloré était entendu durant deux heures, sous serment, par la commission d'enquête parlementaire dédiée aux

agréments de diffusion pour les canaux télévisés de la TNT, après les auditions de ses journalistes Pascal Praud, Christine Kelly, Laurence Ferrari, et avant celle d’Hanouna.

La commission cherche à établir, entre autres, si CNews est une chaîne d'information ou d'opinion. Et si ses antennes, régulièrement épinglées, mises en demeure, pour la place démesurée accordée à l'extrême-droite, répondent à une entreprise politique menée par Bolloré. Dans ce cas elles contreviendraient aux règles de l’Arcom, qui choisira de renouveler ou pas les autorisations de diffusion des chaînes de la TNT en 2025. Selon l’Arcom, les chaînes doivent s'assurer qu'une « pluralité d'acteurs » soit sélectionnée et que « l'intérêt du spectateur » prime, afin qu'il ait « la plus grande diversité de choix ».

Des députés ont ainsi rappelé le traitement particulier réservé à certains invités, à l'image de l'interview du secrétaire général de Reporters Sans Frontières, Christophe Deloire, dans une émission de Pascal Praud, « l'atmosphère était celle d'un lynchage verbal, difficile d'affirmer qu'on respecte le pluralisme quand

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DOSSIER

on considère ses invités comme des punching-balls ».

La commission devra rendre ses conclusions le 8 mai au plus tard.

Fake-news à gogo et IVG

Interrogé sur les fausses informations diffusées dans certaines de ses émissions, comme sur l'adrénochrome ou l'arrivée de « la drogue du zombie », réponse d'Hanouna, « ce n'est pas dramatique » !

Le 26 février, dans l'émission En quête d'esprit sur CNews, réalisée en partenariat avec France catholique hebdomadaire conservateur propriété de Bolloré, l'IVG était décrite comme étant la première cause de mortalité dans le monde, devant le cancer et le tabac !

Une véritable propagande contre le droit des femmes à disposer de leur corps, qui a donné lieu à de nombreuses saisines de l'Arcom, pour manquement à l'honnêteté de l'information. Pendant cinquante minutes, les « spécialistes », religieux ou non, invités de l’émission, y exprimaient tout le mal qu’ils pensent de l’IVG et de sa possible constitutionnalisation. « Avorter c’est contraire à la mission de la femme », assurait Sylvie Lepetit, autrice du livre Le deuil défendu, qui se disait « choquée par les femmes qui se battent pour le droit à l’avortement ». Réponse, sous serment, de Bolloré devant la commission, « il y a un gros bassin judéo-chrétien en France ; qu'il y ait une émission qui parle de cela, cela me paraît normal. L'avortement oppose la liberté de disposer de son corps à la liberté des enfants à vivre. CNews raconte la vérité, est un espace de liberté » ! Affirmant ensuite, « je ne suis jamais intervenu dans les contenus dans le Groupe Canal, mais si je ne crois pas en quelque chose je ne vais pas essayer

de le mettre sur mes antennes » !!! De quoi conforter la déclaration faite en février devant la commission de Rodolphe Belmer ayant quitté le Groupe Canal+ qu'il dirigeait en 2015, parce que Bolloré intervenait dans les contenus... En 2016, à la suite de la reprise en main du Groupe Canal+ par Bolloré et d’une grève d'un mois de la rédaction d'I-Télé pour réclamer son indépendance, trois quarts des journalistes avaient quitté la chaîne.

Misogynie, racisme, antisémitisme

Ce n'était pas la première fois que l’Arcom était saisie pour des faits de misogynie sur une chaîne du groupe Bolloré. Le 8 février Loana, de Loft Story, racontait en direct un viol subi, suscitant les rires d'une chroniqueuse et d'Hanouna, qui appelait à une justice expéditive, « en quelques heures et c'est terminé ».

Le 11 mars, l’Arcom mettait en garde CNews « contre le renouvellement de tels manquements », après une séquence de L'Heure des Pros, « susceptible d'encourager des comportements discriminatoires ». La question de Pascal Praud, faisait l'amalgame entre la venue en France de migrants et la présence de punaises de lit, « il y a beaucoup d'immigration en ce moment. Est-ce que c'est les personnes qui n'ont pas les mêmes conditions d'hygiène que ceux qui sont sur le sol de France qui les apportent, parce qu'ils sont dans la rue, parce que peut-être n'ont-ils pas accès à tous les services comme les autres ? Est-ce que c'est lié à cela ? ».

L'Arcom a estimé que la séquence entrait en contradiction avec la convention de CNews, selon laquelle la chaîne doit veiller « à ne pas encourager des comportements discriminatoires en raison de la race, ou de l'origine, ou de la nationa-

lité. La formulation même de la question posée par l'animateur de l'émission, était susceptible d'encourager des comportements discriminatoires ».

La commission avait aussi interrogé Pascal Praud sur sa non-maîtrise de l'antenne, quand il n'avait pas repris l'éditorialiste Ivan Rioufol, qui présentait le ghetto de Varsovie, comme un lieu d'abord « hygiéniste pour préserver du typhus ».

Ces dernières semaines, en regard de la campagne menée par l'extrême-droite et la droite contre Aya Nakamura, sollicitée pour chanter aux JO, l'invité « anonyme » pour la critiquer s'est révélé être un proche de l'extrême-droite…

Promotion des idées d'extrême-droite et nonrespect du pluralisme

Devant la commission, Bolloré a assuré ne pas intervenir sur les contenus des chaînes et a nié vouloir promouvoir « une idéologie d'extrême droite. Tout ça, c'est des tartes à la crème. Je n'ai aucun projet idéologique, je suis démocrate-chrétien ».

En 2016, à la suite de la reprise en main du groupe Canal+ par Bolloré, ITélé est rebaptisée CNews. Sa nouvelle ligne éditoriale est décrite comme très ancrée à droite et conservatrice, avec une orientation marquée de plus en plus à l'extrême-droite identitaire, reprenant des thématiques de campagne comme l'immigration et l'insécurité, avec notamment la présence de Zemmour, chroniqueur vedette jusqu'en 2021. Sur la fin de l'année 2021, 53% du temps d'antenne politique d'Hanouna était consacré à l'extrême-droite. Bardella invité six fois en six mois.

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Selon Le Monde du 6 mars, « les téléspectateurs les plus fidèles de CNews confient volontiers leurs sympathies pour l’extrême droite » et selon Libération du 7 mars, la majorité des journalistes invités sur CNews, travaillent pour des titres classés à droite, voire à l'extrême-droite. En juillet 2023, le ministre de l'Education, Pap Ndiaye affirmait sur Europe1 que « CNews était très clairement d'extrême-droite ». Levée de boucliers de LR, appelant à « protéger la liberté d’expression. Dans l’esprit étriqué des wokistes, la liberté d’expression exclut la liberté de penser. Nous apportons notre soutien inconditionnel aux rédactions de CNews ». Soutien d'élus RN dont Laporte, vice-présidente de l’Assemblée nationale, « propos honteux de Pap Ndiaye qui qualifie CNews d’extrême droite. Au lieu de s’attaquer au pluralisme des médias, le ministre de l’Éducation nationale devrait travailler à enrayer la baisse constante du niveau scolaire ! ». Pluralisme ? 36% des invités politiques de CNews sont classés à l'extrêmedroite, sans compter les prises de parole de Bock-Côté ou Pascal Praud.... Les journaux français évoquent une « bollorisation » des médias repris par Bolloré, un tournant conservateur vers l'extrême-droite des lignes éditoriales après éviction des journalistes qui sont presque totalement remplacés. Un avis partagé par des journaux comme le New York Times ou le Financial Times. Ce phénomène inquiète RSF, « CNews ne peut plus être considérée comme une chaîne d’information [car] elle s’est transformée sous la houlette de Vincent Bolloré en un média qui diffuse des opinions de manière massive et orientée – relevant souvent de la discussion de comptoir, au mépris régulièrement de l’indépendance, de l’honnêteté et du pluralisme de l’information ».des « atteintes répétées à la liberté de la presse et à l’indépendance des rédactions consti-

tuent une menace sans précédent pour la démocratie ».

Pour l’historien des médias Alexis Lévrier, le fait que l'émission Face à Baba d'Hanouna sur C8 ait reçu Zemmour en décembre 2021, « dévoile les “deux virtualités du système Bolloré”, reposant sur un double socle : celui “du journalisme d’extrême droite classique” incarné par Éric Zemmour et celui de “l’horizontalité populiste” représenté par Cyril Hanouna ». Le format de l'émission, avec une « horizontalité qui donne la priorité au clash, permet la banalisation des idées d’extrême droite ».

Auteur d’une étude sur CNews, le politiste Julien Labarre estime que le public de cette chaîne rassemble la frange la plus à droite de l’opinion. Le chercheur considère qu’elle s’emploie, comme Fox News, à monétiser la ferveur partisane de ses téléspectateurs. Si les dirigeants de CNews refusent toujours d’admettre avoir transformé leur chaîne en un média d’opinion, ses téléspectateurs les plus fidèles confient plus volontiers leurs sympathies pour l’extrême droite.

Son étude publiée le 7 janvier dans la revue scientifique Journal of Information Technology & Politics s’appuie sur des données collectées entre le 17 mai et le 13 juin 2022 par Kantar Media. L’enquête mesure les préférences politiques, le vote et les habitudes télévisuelles d’un échantillon représentatif de la population française. Sur une échelle gauche-droite allant de 0 à 10, les téléspectateurs de CNews sont les plus à droite et les plus homogènes en matière de préférences politiques, avec un score oscillant entre 6,5 pour ceux qui regardent la chaîne une fois par semaine au moins et 7,5 pour ceux qui la regardent plusieurs fois par jour.

Comme l'écrivait Libération le 15 mars. « les antennes de Bolloré (CNews, C8, JDD) et Sud Radio ne sont pas seule-

ment des médias d’extrême droite : ce sont des machines à polariser, à brouiller et à déchirer les opinions publiques ».

« Monsieur Bolloré a un projet politique et civilisationnel qu'il déroule dans les médias qu'il possède », déclarait Marie Toussaint, eurodéputée EELV, sur Franceinfo le 15 mars, à la suite de l'audition.

Hanouna et TPMP

En 2017 une interdiction de diffuser de la publicité pendant deux semaines était infligée à la chaîne pour les comportements sexistes constatés dans Touche pas à mon poste. En 2021 une sanction de 200 000 euros était prononcée pour incitation à la haine dans l'émission Face à l'info sur CNews, après que Zemmour ait déclaré que les mineurs étrangers isolés étaient « tous des voleurs, tous des assassins, tous des violeurs ».

Au total l’Arcom a infligé ces dernières années 7,5 millions d'euros d'amendes à l'émission Touche pas à mon poste (TPMP). Sur les 34 sanctions prises depuis 2012 (amendes, mises en demeure, mises en garde), 23 concernent les programmes d’Hanouna. Mais pour Hanouna, « on peut beaucoup moins rire aujourd'hui de tout qu'à une certaine époque. On a des amendes disproportionnées, un acharnement ».

Ses dérapages ? « Il y en a deux qui prennent des risques en télé, c'est moi et Pascal Praud ».

Le PDG du groupe Canal+, Maxime Saada, a admis le 29 février que les émissions de Cyril Hanouna pouvaient produire « des débordements ».

L'empire Bolloré et la liberté de la presse

Bolloré c'est les chaînes du Groupe Canal+ (C8, Canal+, CNews, CStar), Europe1, RFM, Télé-Loisirs, Géo, Gala, Voici, Femme Actuelle, Capital, Paris-

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DOSSIER

Match, Le JDD, l'éditeur Editis, le groupe Havas.

En 2021, RSF publiait un documentaire « Le système B. L’information selon Bolloré », dénonçant « ces atteintes répétées à la liberté de la presse et à l’indépendance des rédactions [qui] constituent une menace sans précédent pour la démocratie », lançait un signal d’alarme, et une série de recommandations envers le gouvernement, le Parlement et le CSA. Bolloré était décrit comme « un magnat de la presse qui manipule les rédactions à l'envi, qui licencie quand quelqu'un ne lui plaît pas, qui supprime des programmes et muselle les journalistes qui tenteraient d'enquêter sur lui ».

RSF dénonce les « procédures-bâillons » visant à intimider judiciairement toute critique ou enquêtes sur les activités et les affaires du groupe Bolloré. Il poursuit personnellement devant les tribunaux les journalistes de Basta!, Reporterre, Rue89, France Inter, Le Nouvel Obs, Mediapart, Les Inrockuptibles, Le Point, France2, Le Monde Diplomatique.

Dans un communiqué les rédactions de l'AFP, Libération, Le Figaro, l'Humanité et Les Echos, ont dénoncé « des tentatives inacceptables de Bolloré pour les faire taire en essayant de ruiner financièrement les journalistes ».

Devant la commission, Bolloré a nié avoir lancé des « procédures bâillon en justice » pour faire taire des journalistes. Le tribunal correctionnel de Nanterre avait jugé, le 5 juin, que le portrait-enquête de Bolloré diffusé en 2016 sur France 2 dans Complément d'enquête, n'était pas diffamatoire. Les avocats de France Télévisions avaient dénoncé « une procédure-bâillon diligentée par le groupe Bolloré qui cherche à dissuader les journalistes enquêtant sur ses activités africaines ».

L'Arcom ne doit pas renouveler l'autorisation d'émettre

Tout cela doit non seulement inquiéter la profession, mais aussi l'ensemble des

citoyens attachés à la démocratie et au pluralisme de l'information. La télévision n'est pas une zone de non-droit. Devant la commission, Bolloré a déclaré que son groupe allait à nouveau « candidater pour l'ensemble de [ses] chaînes payantes et gratuites à la TNT ». Et fier de son pouvoir, voire de son impunité, dans une ambiance tendue, il a osé questionner « l'impartialité » de la commission ! Le milliardaire Bolloré peut en effet payer les amendes de l’Arcom. C'est pourquoi l’Arcom ne doit pas renouveler l'autorisation d'émettre à ses chaînes. Comme moi, nous sommes 60 000 à avoir signé la pétition pour demander à l’arrom de ne pas renouveler l’agrément de C8 et CNews, ces deux chaînes honte du PAF. Signez ! https://mob.lemouvement.ong/lahaine-na-rien-a-faire-a-la-tele/?utm_ source=lemouvement&utm_ medium=email&utm_ campaign=blast2621.

CNews : produit d’opinion déguisée en chaîne d’info ?

En raison de son approche éditoriale et de son traitement parfois sensationnaliste de l'information, CNews est usuellement perçue comme une chaîne d'opinion. Certains critiques pensent que la chaîne privilégie les commentaires et les analyses subjectives, au détriment d'une approche neutre et impartiale.

Par Abdelattif Azdine, journaliste

Un empire médiatique

Il est clair que cette question provoque des débats animés concernant la liberté

de la presse et le rôle des médias, CNews est fréquemment pointée du doigt pour son parti pris faisant preuve d’un ton sensationnaliste. Il y a

ceux qui pensent qu'il ne fait que transmettre des opinions sans véritable objectivité, tandis que d'autres soutiennent sa liberté éditoriale. Plus d’opinions que

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d’infos. Pour contrer la dérive idéologique de la chaîne, diverses actions ont été engagées, notamment de l’intérieur. En 2019, des élus du personnel ont demandé le départ de Zemmour. Plus récemment, des journalistes, des hommes politiques et des personnalités ont formé un collectif « Stop Bolloré », afin de dénoncer l’empire médiatique « réactionnaire » du milliardaire, avec en ligne de mire CNews, « où la polémique outrancière tient lieu de débat » et « où la ligne éditoriale montre une obsession pour les thèmes d’extrême droite ».

CNews, rattrapée par un devoir de pluralisme

L’antenne de l’empire Bolloré est bien partie. Un succès qui questionne alors qu’elle propose une ligne éditoriale ultraconservatrice à longueur d’émissions. Le Conseil d'État a sollicité mardi 13 février l'Arcom, le régulateur des médias, afin d'améliorer son contrôle sur CNews, contrôlé par le milliardaire Vincent Bolloré. Reporters sans frontières a formulé cette demande après avoir constaté que la chaîne est devenue un média d'opinion. Il lui est demandé de se conformer à « ses obligations en matière de pluralisme et d'indépendance de l'information ». Il est impératif que toutes ces chaînes d'information respectent trois grands principes fondamentaux : l'indépendance et l'honnêteté de l'information, ainsi que le pluralisme des opinions.

Trois quarts des plateaux de CNews sont-ils de droite et d’extrême-droite ?

Alors que les autres chaînes d'info sont saturées d'images et de débats sur l'Ukraine, Israël, Gaza ou l’ultralibéral président à la tronçonneuse élu en Argentine, CNews irrémédiablement et profondément hexagonal reste la chaîne

la moins internationale. Alors que les invités de gauche représentent 10 % et ceux de LREM 4 %, les invités de droite et d’extrême-droite représentent plus des 3/4 des présences en plateau (78 %). Parmi les invités, l’extrême-droite est plus représentée par des journalistes que par des membres de partis (RN ou Reconquête). Les journalistes de Valeurs actuelles sont les plus nombreux (9), puis suivent ceux des rédactions de Causeur et de L’Incorrect

Voir Pascal Praud, Mathieu Bock-Côté, Elisabeth Lévy et Goldnade dérouler un torrent de rabâchages obsessionnels rend l'exercice vraiment laborieux. Regarder CNews reste une expérience intéressante qui vous transporte dans un univers inconnu. J’ai l’impression d’être dans une autre monde, où l'actualité reste rythmée de faits divers dans lesquels des ligues ethniques attaquent et tuent des Français, où règnent pour Valeurs actuelles une peur féministe et un totalitarisme islamo-gauchiste, autant d'ennemis qui veulent détruire la France et imposer un « grand remplacement ».

Chaîne

d'info ou plutôt

organe de propagande

Lors de la commission d’enquête, les patrons de CNews ont qualifié « d’erreur impardonnable » la diffusion d’une séquence présentant l’avortement comme la première cause de mortalité dans le monde, apportant leur soutien à l’émission « En quête d’esprit » dont est issu le reportage. On ne peut même plus parler de chaîne d'info, mais plutôt d'un organe de propagande d'extrême droite pour qui les faits comptent bien peu, et qui, en plus de raccourcis et d’approximations grossières et malhonnêtes, ne rechigne pas à propager des fake news. Un chroniqueur, suite à un rassemblement propalestinien à Paris, peut attester sans contestation ou même interrogation, sur

le fait que des manifestants aient été interpelés par la police pour avoir fait le salut nazi. Cependant, à part CNews, aucun autre média n'en a parlé, un simple appel à la préfecture aurait pourtant permis de démentir l’information. Pour autant celle-ci s'impose comme une certitude pour le téléspectateur. La chaîne n’hésite pas à afficher certains bandeaux largement douteux, comme ce titre « Le nazisme est-il passé à l'extrême gauche », pour lancer l’ardent Mathieu Bock-Coté, adepte du « totalitarisme woke » et de cet oxymore qu'est la « La guerre c'est la paix »...

« Tous d’extrême droite ? », titre le bandeau à l’écran. L’Assemblée nationale a voté la très controversée loi Immigration. Sur le plateau de L’heure des pros flotte comme un air de victoire. La figure de proue de la chaîne d’informations continue, entourée de chroniqueurs exclusivement masculins, lance : « L’espace médiatique qui pousse des cris d’orfraie ». En juin 2018, Les Inrockuptibles qualifient le chroniqueur Pascal Praud de « droitier décomplexé ». Selon Middle East Eye, il est populiste et « ouvertement islamophobe ». En 2022, sur CNews en direct, Pascal Praud reconnaît la proximité de la chaîne avec les idées d'Éric Zemmour. Depuis son rachat par l’homme d’affaires conservateur Vincent Bolloré en 2016, la chaîne est devenue un outil de diffusion des idées d’extrême droite. Malgré de nombreuses protestations, le gendarme français de l’audiovisuel reste passif.

Pour François Jost, sémiologue, professeur émérite à la Sorbonne, « la préférence nationale n'est pas un mot obsolète. Elle est très appréciée lorsqu'on interroge les Français par sondage. » Néanmoins, il reste toujours recommandé de consulter une variété de sources médiatiques pour se forger une opinion éclairée et nuancée sur un sujet donné.

DOSSIER • 11 •

DOSSIER

Chers Amis et Amies Journalistes, Pour moi vieux journaliste, directeur de publication et actionnaire de mon groupe de presse , il n'y a qu'une réponse à cette polémique : LIBERTÉ. Liberté de penser, d'écrire, de publier, de critiquer, de proposer, etc en un mot LIBERTÉ.

Et ce d'autant plus que connaisssant le professionnalisme et le parcours des intervenants ont ne peut que les remercier de leurs exemples. En plus CNews ne me coûte pas d'argent

ce qui n'est pas le cas du service " Public" qui avec l'argent de mes impôts essaie d'imposer un douteux pluralisme inféodé à une pensée gauchiste

et wokisme.

Chers Amis et Amies Journalistes n'ayez qu'une seule pensée LIBERTÉ.

.

Philippe Tallois, journaliste

Mon bien Cher Paul,

Je n’ai rien contre l’idée d’un débat à ce sujet bien au contraire mais la lecture de l’exposé des motifs dont je suis surpris qu’il ait été rédigé par toi seul m’a donné l’impression d’un réquisitoire et que la cause était entendue avant même le débat mais peut-être n’ai-je pas suffisamment fait la distinction entre l’argumentaire de RSF que tu as cité et la présentation du problème, quoique…et c’est là que je ne t’ai pas reconnu. Ce média souvent outrancier dis-tu : Si c’est bien le cas de l’émission d’Hanouna et surtout d’Hanouna lui-même je suis d’accord. Quant à le situer, disons que s’il est à droite il est surtout à géométrie variable et opportuniste et si CNews est une chaîne d’opinion, plutôt à droite mais pas d’extrême droite même si l’extrême droite y a sa place et ayant toujours eu l’habitude de naviguer, de TF1-LCI à France Info, France 2, France 3 et M6 il ne m’est jamais apparu que des informations traitées sur ces chaînes avaient été occultées par C News car

le problème ne pourrait venir que de là. La sensibilité est à droite mais que dire du traitement de l’info sur ses concurrentes bien pensantes à gauche. Pour la réforme des retraites à part les papiers de présentation au départ je n’ai pas noté ensuite de reportages sur leur cas et sur ce qu’ils pensent de l’opposition sans nuance en France, auprès des retraités dans les pays où la retraite attend parfois jusqu’à 67 ans. Il y aurait aussi beaucoup à dire du traitement de certains débordements dans les banlieues, voire même de la situation à Gaza même s’il est légitime de faire ressortir l’injustice subie par les populations civiles palestiniennes mais on a peu entendu que le bombardement d’un hôpital était dû en fait à des roquettes palestiniennes et même s’il y a citation de l’origine des bilans on reproduit systématiquement ceux du Hamas. La question n’est pas non plus de minimiser ni l’action de Tsahal ni la responsabilité de Netanyahou mais le Hamas a obtenu en partie ce qu’il voulait. Je m’interroge aussi sur la place qui est faite à un Jean-Luc Mélenchon qu’on a vu « expulser » lors d’une manif un journaliste qui ne lui convenait pas

Quant aux éditoriaux du service public particulièrement de France Inter comme tu l’as remarqué…On s’intéresse à juste titre aux écarts des hommes politiques et au mélange des genres pratiqué par certains mais on continue de citer en référence François Mitterrand malgré les écoutes de l’Elysée pratiquées notamment sur des journalistes, malgré les fonctions rémunératrices de ses deux fils bénéficiaires de la FranceAfrique, malgré le ménage illégitime à nos frais, malgré sa real politique vis-àvis de l’URSS…….histoire ancienne ?

J’ai vidé mon sac en bloc sans vraiment avoir tout répertorié et je crains néanmoins que pour m’être toujours situé à égale distance des extrêmes, ce que certains imputent au manque de conviction, je risque néanmoins pour ne pas coller à l’Intelligentsia journalistique, nonobstant mes convictions européennes et humanistes, d’être classé extrêmement à droite. Reproduction autorisée.

En toute Amitié Philippe.

Viva Nissa !
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Actu club

Que font les séries télévisées aux téléspectateurs ? Conférence de Bertrand Cochard sur son livre Vide à la demande

L'espace de la Gaya Scienza Enza en partenariat avec le club de la presse accueillait samedi dernier le philosophe Bertrand Cochard venu présenter son dernier livre, Vide à la demande, publié aux éditions L’Echappée. Plus de 80 personnes assistaient à cette présentation et montraient par leurs questions à la fin de la présentation l'intérêt qu'avait suscité cette discussion philosophique.

Son travail présenté par Philippe Bellissent pour le Club de la Presse est consacré à ce phénomène de société que sont les séries télévisées de plus en plus prégnantes dans la consommation de biens culturels de nos sociétés. Elles constituent un nouveau phéno-

mène d'addiction renforçant notre passivité devant les écrans. C’est à une critique radicale à laquelle se livre Bertrand Cochard, docteur en philosophie et enseignant en cette matière à la Villa Thiole, en s’appuyant sur le travail déjà ancien de Guy Debord sur la société du spectacle. Actualisant la pensée de Marx sur l’aliénation par la religion,le spectacle devient le nouvel opium du peuple nous enfermant dans une passivité et ralentissant le cours d’une Histoire que les individus ne maîtrisent plus.

Fortes de moyens financiers considérables ces entreprises du spectacle procurent un nouveau souffle à cette industrie toujours à la recherche de nouvelles opportunités de profit. Elles trouvent pourtant gräce aux yeux d'auteurs venus du champ des culturals studies qui y trouvent une critique de notre société. Mais pour Bertrand Cochard il ne s’agit là que d’une

critique dans le système véhiculant un consensus de bon aloi au travers des quelques valeurs consensuelles. Reste in fine cette captation de notre attention qui nous enferme dans un récit sans cesse renouvelé et tellement identique à lui-même mais qui satisfait ce besoin irrépressible du récit aussi vieux que notre humanité.

Philippe Bellissent

"Vide à la demande, Critique des séries" (L'Echappée, 2024)

DOSSIER • 13 •

Gestion de l’eau dans les

Alpes-Maritimes : le maire Anthony Salomone plaide pour une solidarité entre vallée et littoral

Niché au cœur du Parc naturel régional des Préalpes d’Azur, le village d’Aiglun joue un rôle crucial dans l’approvisionnement en eau potable des communes littorales du 06. À elle seule, cette petite commune de 93 habitants abrite une trentaine de sources, dont trois sont captées pour approvisionner en eau potable la Communauté de communes Alpes d'Azur, la Métropole Nice Côte d’Azur et la Communauté d’agglomération

Antibes-Sophia Antipolis. Anthony Salomone, maire du village depuis 2020, partage ses inquiétudes sur les défis et les inégalités liés à l'utilisation de l'eau. Il plaide pour une gestion plus durable de cette ressource devenue si précieuse après les deux dernières années de forte sécheresse que connaissent les AlpesMaritimes. Interview.

Propos recueillis

Cédric Stanghellini : Vous dénoncez une iniquité importante entre l'utilisation de l'eau dans les communes des vallées et les communes du littoral. Comment cela se manifestet-il ?

Anthony Salomone : En effet, la disparité est flagrante. Les habitants des Alpes-Maritimes sont déjà parmi les Français qui consomment le plus d’eau potable en moyenne à l’échelle nationale, soit 285 litres par jour et par personne, contre 150 litres par jour par

Reportage • 14 • Reportage
Le Maire d’Aiglun © Anthony Salomone

personne en France. Mais il existe des différences importantes au sein même du département : alors que dans ma commune et les villages voisins dans la vallée, la consommation est tout à fait dans la moyenne nationale, j’ai calculé qu’elle était jusqu’à trois fois plus élevée pour les foyers du littoral.

C S :Comment expliquez-vous de telles disparités ?

A S : À Aiglun et dans les villages voisins, les habitants constatent directement les effets de la sécheresse : la végétation sèche, les rivières ne coulent plus. Dans les villes du littoral, l’eau est quelque chose qui sort du robinet. Il est plus difficile de prendre conscience des effets du manque d’eau puisqu’ils ne sont pas immédiatement visibles. Ici dans nos montagnes, on connaît la valeur de l’eau et sa préciosité. Certains de mes administrés ont renoncé à leurs potagers l’été dernier par souci d’économie, dès les premières alertes de sécheresse, alors que c’est une activité importante pour eux. D'autres, de plus en plus nombreux, utilisent de nouvelles techniques avec le goutte-à-goutte, des récupérateurs d'eau, la permaculture, de la prairie au lieu du gazon.

C S : Justement, cela fait plusieurs étés de suite que la préfecture et les communes ont pris des mesures de restriction d’usage d’eau. Le département et les communautés de communes font aussi beaucoup de prévention. Cela ne vous semble pas suffisant ?

A S : Bien sûr que cela est très important. Et je sens que les maires des villages où se trouvent les points de captage de l’eau potable sont davantage écoutés aujourd’hui. Par exemple, pour l'été à venir, la Sous-Préfecture

de Grasse s'est engagée à garantir un débit minimum pour la cascade de Vegay en diminuant, si nécessaire, le volume prélevé de la source qui l’alimente. Avoir un débit minimum pour nos cours d’eau ici est primordial pour toute la faune et la flore. L’été dernier, on a atteint des températures record à Aiglun et s’il n’y a pas assez d’eau des sources qui viennent alimenter et rafraîchir les rivières, les truites et autres organismes vivants meurent dans un environnement trop chaud. L’eau ne peut pas être consommée sans prendre conscience de son importance pour l’environnement et notre avenir commun, dans les vallées comme sur le littoral.

taires de villas qui arrosent leur propriété ou remplissent leur piscine pendant les périodes de restriction. Les moyens de contrôle sont limités puisqu’il y a peu d’agents pour effectuer les constats. Il y a comme un sentiment d’impunité pour les contrevenants et d'injustice pour ma population et l’eau continue d’être gaspillée comme si on ne vivait aucune sécheresse.

C S :L’hiver 2024 et ce début de printemps sont marqués par un niveau de précipitations historique dans les Alpes-Maritimes. De quoi vous rassurer ?

A S : Oui et non. Ces pluies importantes sont une bonne chose. Je sais qu’à

C S :Pourtant, l’été dernier, les contrevenants qui ne respectaient pas les mesures de restriction d’usage risquaient de fortes amendes.

A S : Certes. Mais même s'ils dépassent le millier d’euros, les montants des amendes ou des prix par palier ne sont pas dissuasifs pour les proprié-

Aiglun, les nappes ont pu se recharger correctement. Mais il faut regarder sur le long terme. Si on prend l’exemple de la source du Vegay, principal point de pompage de la commune pour le littoral, nous avons observé une diminution significative du débit au fil des décennies, passant de 200 litres par seconde il y a 50 ans à seulement 100 litres par seconde aujourd'hui. La baisse

Reportage • 15 •
La cascade de Vegay © Anthony Salomone

de l’enneigement en hiver est aussi préoccupante, car c’est autant d’eau stockée en moins qui n'alimentera pas nos sources progressivement avec la fonte du printemps.

C S : Vous plaidez notamment pour la mise en place du “pastillage des compteurs d’eau”. Qu’est-ce que cela signifie ?

A S : Effectivement, je suis favorable à l'instauration d'un système de pastillage sur les compteurs d’eau potable de chaque foyer. Il s’agit de limiter à une moyenne haute la consommation en eau du foyer pour éviter des excès, ce qui n'empêche pas une utilisation normale. Cela sensibiliserait davantage les citoyens sur leur consommation réelle en encourageant une utilisation plus responsable. Le pastillage existait dans le passé et cette technique simple est utilisée dans les communes du Pays de Fayence dans le Var depuis l’été 2022. C’est une mesure d’équité et de responsabilité.

C S : Vous soutenez également des tarifs équitables et un juste prix de l'eau. Qu’entendez-vous par là?

A S : Oui, je suis favorable à une ré-

flexion sur le tarif de l’eau potable dans les Alpes-Maritimes, département où elle est la moins chère de France. Certains secteurs pourraient voir leur prix au compteur augmenter et pour d'autres baisser. Une décision peu populaire, je le reconnais, mais qui permettrait une prise de conscience de l’importance de cette ressource. Une hausse des tarifs dans les territoires où ils sont très élevés financerait la rénovation des infrastructures existantes. A contrario, d'autres territoires pourraient connaître une baisse du prix en fonction des mutualisations possibles, notamment au sein des intercommunalités. Aujourd’hui, le taux de remplacement des canalisations est très bas et de nombreuses fuites ne sont pas détectées. Environ 30% de l’eau potable pompée n’arrive pas jusqu’aux robinets des consommateurs, car elle finit perdue à cause des fuites. L’État, le département et les communes ont pris conscience du problème de l’alimentation en eau et une politique de travaux est menée un peu partout pour repérer les fuites et remplacer les canalisations obsolètes. Mais cela coûte cher et nécessite de gros travaux. Je regrette que ces remplacements ne soient pas réalisés régulièrement par phasage et par tronçon. Nous avons besoin d’une vision sur le long terme.

C S : Comment prévoyez-vous encourager l'engagement et la coopération de tous les acteurs autour de cette vision commune de gestion de l'eau ?

A S : Je plaide pour un modèle de gestion structuré et compatible avec le SDAGE*, plus démocratique et transparent de l’eau, impliquant tous les acteurs concernés, des communes aux agriculteurs en passant par les délégataires de service public de l'eau, les associations de pêcheurs, de protection de l’environnement, etc. Il faut que tout le monde se réunisse autour d’une même table avec une vision durable pour la gestion de la ressource en eau et davantage d’équité dans la consommation entre l’amont, dans nos montagnes, et l’aval, sur le littoral.

*Schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux : un document de planification de la politique de l'eau en France à l’échelle d’un bassin hydrologique.

Le village organise le samedi 15 juin 2024 la Fête de l'eau, avec des animations pour sensibiliser le public à la protection de cette ressource précieuse qui fait la fierté d'Aiglun".

• 16 • Reportage
Le villlage d'Aiglun © Anthony Salomone

Culture

Rétrospective Martine Doytier à Nice

Une exposition singulière qui d’emblée bouscule, interpelle, prend aux tripes et au cœur. Pour la première fois une rétrospective rend hommage à une artiste qui a marqué la vie culturelle niçoise et azuréenne des années 70-80. Une jeune femme bien trop tôt disparue au moment même où s’affirmait sa peinture et où se concrétisait sa notoriété.

Martine Doytier, animée par un souffle nouveau, s’est lancée, après des compositions de style naïf, dans des peintures captivantes où se joue une étonnante comédie humaine. Visages blafards mangés par d’énormes yeux noirs, corps morcelés ou malmenés, accumulation de personnages inquiétants à mi-chemin entre la candeur de l’enfance et la noirceur du monstre qui loge en chacun de

nous.

Près de quarante peintures et de nombreux dessins inédits racontent dans les salons de L’Artistique, à Nice, le parcours de cette femme exigeante, radicale et tourmentée.

Marc Sanchez, commissaire de l’exposition, a effectué un travail minutieux avant de parvenir à réunir toutes ces pièces dont certaines n’avaient jamais été dévoilées au public. Deux œuvres se détachent de l’ensemble. « L’Autoportrait » d’abord, peinture ultime et inachevée, ayant nécessité cinq ans de travail et décrivant l’univers quotidien de l’artiste avec le défilé de nombreux personnages ayant participé à l’essor de « L’Ecole de Nice ». Et son unique sculpture « M. Martin ». Une composition impression-

nante, animée ,qui trône au milieu de la salle d’exposition. Bric-à-brac de sensations, d’interrogations et de sentiments contradictoires. Cette œuvre en dit long sur le cheminement tortueux de cette plasticienne fortement engagée dans son art..

Martine Doytier. Une rétrospective L’Artistique Centre d’Arts et de Culture

Espace Ferrero

27B

Bd Dubouchage

06000 Nice

Pasolini en clair-obscur à la villa Sauber

Il y a les films (de très grands films), les écrits, les poèmes, l’engagement politique, les propos sulfureux, les polémiques, les scandales et finalement la mort. Un assassinat en 1975, la nuit, sur une plage près de Rome. Pasolini est connu dans le monde entier et ne laisse personne indifférent. Son influence est encore perceptible aujourd’hui, cinquante ans après sa disparition. Il est lu, commenté, adapté, inspirant pour les créateurs contemporains. Son cinéma tient la place prépondérante dans son œuvre et c’est à lui qu’est consacrée une exposition passionnante : « Pasolini en clair-obscur » à la villa Sauber, à Monaco. Il s’agit de regarder ses films à la

lumière de l’influence de l’art classique et contemporain, son esthétique empruntant de nombreux éléments aux arts plastiques.

Pasolini - La Ricotta (1963)

Des extraits d’ « Accatone », « Théorème » ou « Salo » sont ainsi mis en regard des tableaux de Pontormo, Pieter Claesz, Giorgio Morandi, Fernand Léger ou Francis Bacon.

La seconde partie de l’exposition montre comment une pléiade d’artistes internationaux ont été inspirés par Pasolini, certains ayant travaillé sur la matière même de ses films. On peut à ce titre affirmer que le cinéaste italien qui fit scandale en son temps reste une personnalité centrale de l’histoire de l’art moderne et contemporain.

Nicole Laffont

« Pasolini en clair obscur ». Nouveau Musée National de Monaco - Villa Sauber. 17 avenue Princesse Grace. Monaco

Culture • 17 •
Martine et Martin ©Raph Gatti

L'oeil du Psy

Jean-Luc Vannier, psychanalyste, chargé d’enseignements à Université Côte d’Azur, professeur à l’Edhec et à l’Ipag, nous livre ses dernières notes de lecture.

Commentaires d’un article du quotidien « Le Monde » en date du jeudi 29 février 2024 et intitulé « Au procès de l'attentat du marché de Noël de Strasbourg, le périple meurtrier d'un délinquant radicalisé ».

Dans un article en ligne du 29 février 20241, le quotidien « Le Monde » évoque le procès devant la Cour d’assises spéciale de Paris du périple meurtrier de Cherif Chekatt, un délinquant radicalisé qui a semé la terreur dans les rues de Strasbourg, le 11 décembre 2018 avant d’être abattu par les forces de l’ordre. Sur les quatre accusés, seul Audrey Mondjehi-Kpanhoue est renvoyé pour « complicité d'assassinats terroristes ». Trois autres sont jugés pour lui avoir vendu des armes. A l’accoutumée, nous avons sélectionné certains passages de l’article que nous faisons suivre de nos commentaires (JLV en italique).

-1- « Le 11 décembre 2018, aux alentours de 20 heures, Cherif Chekatt, un délinquant multirécidiviste de 29 ans, fiché « S » pour radicalisation, abat cinq passants et en blesse onze, aux cris d’« Allah Akbar », en déambulant armé d'un vieux revolver à barillet et d'un couteau dans le centre-ville de Strasbourg. »

JLV : l’énumération par le journaliste des multiples victimes de Cherif Chekatt montre que le terroriste n’avait pas de cibles humaines distinctes et préétablies – la symbolique religieuse du « marché de Noël » se suffirait-elle à elle-même ? –, qu’il a tué « au hasard » des rencontres et « en déambulant » précise même le journaliste : indication précieuse sur l’éclatement de la psychose du tueur, incapable d’un raisonnement lucide sur le choix sélectif de ses victimes. L’acte meurtrier du psychotique

déclaré est souvent précédé d’un état où il ne reconnaît plus personne chemin faisant. Quant au cri « Allah Akbar », il est sans aucun doute venu galvaniser sa folie meurtrière. Indice qui n’est pas sans rappeler le cas de l’attentat de Dijon en décembre 2014 où un chauf fard avait foncé dans la foule avec son véhicule. Aux enquêteurs, l’auteur du forfait avait déclaré : « pour me donner du courage, j’ai crié Allah u Akbar pour annihiler tout esprit critique2».

-2- « Cherif Chekatt s'engouffre ensuite dans un taxi pour prendre la fuite. Durant le trajet, il confie au chauffeur, Mostafa Salhane, qu'il vient de « faire un attentat » et justifie son action : « Les kouffars [mécréants] tuent nos frères, il ne faut pas se laisser faire. »

Il lui raconte surtout avoir été visé par une perquisition à son domicile le matin même, au cours de laquelle une gre-

nade avait été découverte. » JLV : deux éléments sont à relever dans ce passage. En premier lieu, le discours auto-justificateur après l’acte criminel, discours bien « rôdé » dans ces circonstances et qui possède une double fonction : outre la satisfaction procurée par le crime au chaos pulsionnel qui trouve ainsi sa butée, voire subit un semblant de réorganisation psychique, la commission de l’acte terroriste – ou plus généralement criminel pour un psychotique – engendre chez son auteur un retour – provisoire – dans la réalité. Retour dans la réalité qu’une justification – un système idéatif d’équivalence et fondé sur une construction délirante – a pour but de ménager3. Il faut colmater, suturer la béance entre « l’avant et l’après » psychologiques du crime. L’évocation, en second lieu, de la perquisition comme élément

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déclencheur de la psychose et qui, selon l’analyse pertinente du journaliste, aurait « précipité » la mise en acte, indique la nature paranoïaque de la psychose : cette perquisition aura comme « enfoncé » les ultimes défenses psychiques et structurantes du tueur. Tout autre élément, même le plus singulier mais à condition qu’il soit vécu comme « extérieur » et « intrusif », aurait probablement eu, à terme, des effets similaires4

-3- « Dans son appartement, les enquêteurs découvrent une clé USB contenant une vidéo d'allégeance au calife auto-proclamé de l'EI. Coiffé d'un keffieh rouge et blanc, il y annonce son projet d'attentat : « Je réponds à l'appel pour frapper les mécréants. » Quelques heures plus tard, l'EI revendique l'attaque ».

JLV : inutile de revenir sur la signifiance de la vidéo d’enregistrement qui met en exergue l’image : la lettre est devenue illisible au regard de l’environnement médiatique. Il serait néanmoins intéressant d’examiner cette vidéo pour en étudier l’éventuel rapport à l’image inconsciente du corps chez le tueur : le « mauvais regard » croisé des victimes « au hasard » de sa « déambulation » serait-il venu lui rappeler le morcellement de sa propre image inconsciente ? Et dont nous savons toute la rage destructrice que cette confrontation est à même de déchaîner chez le psychotique5

-4- « Cadet d'une fratrie de sept enfants, Cherif Chekatt était avant tout connu pour être un délinquant chevronné. Condamné vingt fois en France pour des faits de violences aggravées ou de vols avec violence, il a été incarcéré à quatre reprises pour une durée totale de sept années passées derrière les barreaux. Il a également sévi en Allemagne, où il a effectué un an de prison, et en Suisse, où il a passé

quatorze mois en détention. »

JLV : la sous-culture de la délinquance ajoute un éclairage pathognomonique à la structure psychique. Dans nos études antérieures, nous défendons l’idée que cette délinquance « à répétition » constitue des tentatives – illusoires – d’étayage mental visant à éviter l’effondrement intérieur de la personne : celle-ci se raccroche à l’acte, a fortiori à l’acte violent ou destructeur, comme à une branche au-dessus d’un vide sidéral, mais ce vide se situe en elle. Nombre de terroristes djihadistes sont passés par ce « stade » intermédiaire.

-5- « Mi-voyou, mi-djihadiste, il justifiait son profil hybride auprès de ses proches par le fait qu'il volait les « biens des mécréants », a raconté un de ses frères aux enquêteurs. »

JLV : l’indication du journaliste « Mivoyou, mi-djihadiste » décrit bien, par-delà cette oscillation sur l’identité – laquelle de ces deux appartenances l’emporte in fine ? – la complexité du mécanisme où s’origine le basculement dans la radicalisation et dans l’acte jusqu’au-boutiste. Basculement à même de constituer par sa radicalité, une sorte d’étape ultime, une voie sans retour.

-6- « Le principal accusé de ce procès, Audrey Mondjehi-Kpanhoue, est un personnage aussi transgressif qu'insaisissable. Ce délinquant d'origine ivoirienne de 42 ans, décrit tantôt comme protestant, tantôt comme converti à l'islam, a tourné plusieurs clips de rap sous le nom de scène « 1pulsif », qui illustrent la confusion de ses centres d'intérêt : s'y côtoient des armes, des femmes dénudées tenues en laisse et des références à Allah ».

JLV : c’est sans doute le développement le plus intéressant de cet article tant il décrit, sous couvert d’une « confusion des centres d’intérêt »,

l’éparpillement psychique d’Audrey Mondjehi-Kpanhoue : dissémination brouillonne qui trahit la recherche tous azimuts de moyens de sauvetage lesquels s’efforcent de trouver leur cohérence. L’intrication des éléments – le triptyque « armes », « femmes », « Allah » – vise à créer une grille de soutien et de protection qui doit évidemment tenir compte des principales élaborations délirantes de l’intéressé. Point besoin d’être psychanalyste pour comprendre, outre la portée phallique des « armes », que « les femmes dénudées tenues en laisse » divulguent les désirs sexuels de l’individu. Désirs imprégnés des angoisses les plus archaïques de l’homme face à l’hubris de la sexualité féminine6.

Nice, le 1er mars 2024

Jean-Luc Vannier

1 - Attentat du marché de Noël de Strasbourg : le procès du périple meurtrier de Cherif Chekatt s’ouvre à Paris (lemonde.fr) https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/02/29/attentat-du-marche-de-noel-destrasbourg-le-proces-du-periple-meurtrier-decherif-chekatt-s-ouvre-a-paris_6219190_3224. html

2 - J.-L. Vannier, « Réflexions psychanalytiques sur le terrorisme djihadiste, de l’autopunition à l’autodestruction », In Radicalisation et Radicalité, Une Voie de la destructivité, Psychiatrie Française, Vol. XXXXVIII, 2/17, Octobre 2017, p. 94.

3 - Voir point 4 d’une note précédente : https://drive.google.com/file/ d/120N898m36UBreHd7CrTgPyQXEwyGV-ux/ view

4 - Nous en avons donné un exemple au point 3 de la note suivante : https://drive.google.com/file/d/1jGWtzQ7zAi6ps wC6vxQXQaPMlenkBl2a/view

5 - Voir point 5 d’une note précé dente : https://drive.google.com/file/ d/12rGUmV9qPEnoLFKGsd6P1VqX7-MaE7rE/ view

6 - Voir point 2 d’une note précédente : https://drive.google.com/file/d/1ULQBnXs_0inE5mHXS7wUfouRKbdWuFp/view

• 19 • L'oeil du psy

ACTU PHOTO

• 20 • ACTU PHOTO
Trafic aérien très dense sur le quai des Etats-Unis à Nice (9 février 2024 - © Matthias GALANTE)

La page Actu Photo d'Intermed est née en 2008. Elle a pour but de présenter une petite partie du travail du photojournalisme en montrant les deux faces d’une photo : l’image et sa légende originale. Sélectionnées par le photographe et traitant d’un évènement du département ayant une portée nationale, ces photos n’ont pas pour autant vocation à être un résumé de l’actualité locale .

ACTU PHOTO

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La vache Chouki, star des photographes, lors de la manifestation des agriculteurs sur la Promenade des Anglais (1er février, 2024© Matthias GALANTE)

Ci-contre :

Micro tendu à Nice avec Didier Deschamps, sélectionneur de l’équipe de France, Brigitte Macron, Première Dame, et Christian Estrosi, maire de Nice (2 février 2024 - © Matthias GALANTE)

Ci-contre : Journée internationale des droits des femmes à Nice, 8 mars 2024 © Samy CELiK

Ci-dessous : Un peu de poésie nonchalament posée sur les pavés humides de Nice (14 mars 2024 - © Matthias GALANTE)

Tête à tête au carnaval de Nice, dans les coulisses de la fabrication des chars (2 février 2024 - © Matthias GALANTE)
Sortie du MédiasCom'06 2024 le 06 mai. Disponible en prévente sur www.clubpresse06.com
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