Numéro 21 - Janvier/Mars 2004

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BULLETIN D’INFORMATION DU CENTRE CHORÉGRAPHIQUE NATIONAL / BALLET BIARRITZ / THIERRY MALANDAIN JANVIER – FÉVRIER – MARS 2004

ÉDITO

SOMMAIRE INTERREG III

Le soir de la Saint-Sylvestre, Ballet Biarritz était à Madrid et suivant une tradition populaire, lorsque minuit sonna, c’est en avalant douze grains de raisins que chacun exprima ses vœux. Des vœux d’amour, de paix et de prospérité que nous souhaitons partager avec vous. Cette nouvelle année marque l’anniversaire de mon premier opus. Présenté en 1984 par des danseurs du Ballet Théâtre Français de Nancy, il reçut en son temps le prix du concours Volinine. Peu après, en sabots ailés, nous quittions la Lorraine pour créer notre compagnie. Vingt ans après, au pays du rugby et des mousquetaires, les piliers de cette entreprise travaillent toujours fidèlement à mes côtés. Sans leur soutien, donnant raison aux mauvais prophètes, j’aurais certainement abdiqué avant d’atteindre les contours de ma littérature. Aujourd’hui, en toute liberté, elle s’affirme comme une réconciliation entre la matière du corps et le souffle de mes aspirations. Une danse tournée en « plainte de l’idéal » écrit Oleg Petrov dans un texte offert plus loin.

ACTIVITÉ PORTFOLIO LA DANSE À BIARRITZ N°16 EXTRAITS ACTIVITÉ TRANSFRONTALIÈRE EN BREF CALENDRIER

2 4 5 7 8 9 10

Cet anniversaire ne fera pas l’objet de manifestations particulières, si ce n’est la parution d’un Numéro spécial consacré à quelques souvenirs. Mais « le poète se souvient de l’avenir » disait Jean Cocteau. C’est pourquoi, à Madrid, au seuil d’un chemin semé de vingt cailloux blancs, parmi nos souhaits figurait celui de vivre encore longtemps le partage de nos éblouissements. Bonne année ! ¡ Feliz año nuevo ! Urte berri on ! Thierry Malandain, janvier 2003.

En haut, Giuseppe Chivaro dans Cigale (photographie Olivier Houeix).Ci-dessous, Rosa Royo et Magali Praud dans Cigale (photographies Jose Usoz).

Avec le soutien de l’Association Française d’Action Artistique -Ministère des Affaires Étrangères et de l’AFAA-Ville de Biarritz pour ses tournées à l’étranger


ACTIVITÉ

Cigale à Saint-Étienne et Biarritz À l’invitation de Jean-Louis Pichon, directeur de l’Esplanade Opéra Théâtre de Saint-Étienne, Ballet Biarritz a créé Cigale de Jules Massenet, les 20 et 21 novembre dernier dans le cadre de la 7e édition de la biennale Massenet. À cette occasion, le Nouvel Orchestre de Saint-Étienne était placé sous la direction de Patrick Fournillier. Cette nouvelle production fut ensuite présentée à Biarritz du 27 au 30 novembre avec notamment une représentation donnée au profit de l’Association Chrétiens & Sida. En première partie de ces représentations figurait L’après midi d’un faune et La mort du cygne.

La presse en parle…

d’un faune et La mort du cygne.

UN CHANT À LA CIGALE

Autant dire un programme éminem-

(…) Très dynamique et amusant avec

MALANDAIN L’ENCHANTEUR

Nathalie Verspecht offrent un pur

ment casse-gueule : revisiter des

une gestuelle très explicite, Cigale

Cette œuvre – bientôt centenaire et

moment de grâce. Le Progrès,

pièces aussi rebattues comporte des

fait également appel à l’exagération

méconnue – posa un défi au Nouvel

Claudie Léger, novembre 2003.

risques. Et Malandain parvient à les

et à la caricature pour illustrer avec

éviter. Si son faune ne révolutionne

clarté les différentes scènes du ballet.

Orchestre de Saint-Étienne, comptetenu des difficultés techniques de la

LE CARNAVAL DES ANIMAUX

pas foncièrement l’histoire de la

Nous y trouvons le style personnel

partition. La baguette de Patrick

Mais

!

danse (quoique l’idée de pousser à

d’un chorégraphe expérimenté. Dans

Fournillier se montra d’autant plus

Qu’importe une partition charmante,

l’extrême l’expression du désir et de

cette version de la fable, Malandain

exigeante et magistrale. Quant au

tour à tour élégiaque et bondissante.

la jouissance offre une nouvelle lec-

nous présente la fourmi comme un

ballet, plus abouti que Carillon, il ne

Qu’importe le flacon, nous eûmes

ture de la pièce de Nijinsky), sa mort

personnage néfaste et sans pitié. Ses

fut pas moins délicat à chorégra-

l’ivresse ! Dans son travail mêlant la

du cygne recèle de géniales petites

mouvements grandiloquents, tran-

phier, étant donné la nécessité pour

tendresse et l’humour, dans le judi-

trouvailles. Le solo d’origine se trans-

chants et quelque peu comiques au

Thierry Malandain de réactualiser

cieux et juvénile décor unique fort

forme ici en trois monologues collés

début, nous dévoilent petit à petit une

l’argument. Il ne s’en est d’ailleurs

bien venu, le chorégraphe a trouvé

bout à bout. En langue des cygnes, la

présence qui deviendra lugubre. Par

pas privé, épurant certaines scènes,

exactement le ton juste. Il développa

symbolique divine du chiffre « 3 »

contre, Cigale est un personnage

tout en y apportant fraîcheur et fan-

et maîtrisa parfaitement une lecture

prend un relief tout particulier. Quant

clair et brillant, avec un grand cœur.

taisie. Démultipliée, la cigale est

fine et légère de la fable, créant un

à Cigale, elle témoigne de la patte de

Ce personnage est représenté par

jouée à tour de rôle par les danseurs

séduisant univers où le vert des

Malandain. Car le corps de ballet,

treize danseurs. Malandain va plus

face à la ténébreuse fourmi, espèce

joyeux homosphères s’opposait à la

composé de danseurs et danseuses

loin dans l’inversion des valeurs de

de nonne à cornettes repliée sur elle-

sombre silhouette d’une grande fourmi

aux physiques hétéroclites, ravit par

cette fable, et à travers la fourmi,

même, qu’incarne le longiligne

grimaçante et toute en jambes. Il faut

son homogénéité. Avec un livret

il critique le capitalisme qui non seu-

Giuseppe Chiavaro. Dans une mise

dire que la qualité des danseurs du

dépoussiéré de son siècle d’existen-

lement accapare les biens avec une

en scène très visuelle, Malandain

Ballet Biarritz était un sérieux atout

ce, cette Cigale garde la fraîcheur

attitude dépourvue de solidarité mais

l’enchanteur a joué sur plusieurs

(…).

d’une fable sur la générosité et le

qui finit par même détruire le cœur

niveaux de lecture, faisant de la fable

Corneloup, novembre 2003.

partage, mais y apporte une profon-

des personnes. Un chant à l’humanité

qu’importe

Lyon

l’argument

Figaro,

Gérard

un conte nettement symbolique. (…)

deur actuelle. Il est question du rôle

et une invitation à la réflexion. Diaro

Il y a des séquences poétiques bien

LA CIGALE CHANTE AUSSI L’HIVER

(certes pas rentable mais salvateur)

Vasco, Anna Remiro, décembre

enlevées et de jolis duos. L’envol des

Le Ballet Biarritz s’affirme comme

de l’artiste-cigale dans la société. La

2003.

âmes aurait cependant mérité une

une place forte de la danse actuelle.

fourmi concentre en elle repli sur soi

lecture plus facile. Peaufiné, Cigale,

En engageant Thierry Malandain, le

et peur de l’autre. Au final, Cigale est

LA FONTAINE REVISITÉ PAR LA

pourrait aboutir à l’unité des magni-

Centre Chorégraphique National a

un dessert fruité duquel Malandain a

CHORÉGRAPHIE OU LA MAGIE DE

fiques pièces composant la première

sans doute réalisé la bonne affaire de

viré les agents les plus conserva-

LA DANSE.

partie de la soirée. L’après midi d’un

ces dernières années. (…) Après

teurs mais gardé les colorants. Pour

La dernière création de Malandain

faune, sensuellement interprété par

Création en juin, voici Cigale, qui a

que la joie demeure. La Dépêche

réjouit le regard, les sens et la pré-

Christophe Romero et La mort du

été donnée en apothéose d’une soi-

du

sence du spectateur, par sa pure

cygne où Rosa Royo, Magali Praud et

rée comprenant aussi L’après midi

novembre 2003.

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Midi, Jean-Louis

Dubois,

forme imagée, allégorique et sédui-


ACTIVITÉ

Un hommage aux ballets russes et Création en Russie

sante de La Fontaine en sa poésie de La cigale et la fourmi. (…) Nulle volonté chez le chorégraphe de tirer morale facile du méchant contre la frivole fourmi malgré ses apparences repoussantes, drapée dans un corsage androgyne, voilée d’une chevelure de virago, se laisse humaniser par Cigale dont la désinvolte déposséssion laisse libre cours au désir amoureux. Cigale et fourmi se rencontrent dans leurs différences mêmes. La leçon finale les rend unies à la condition humaine, faîte de nécessité amoureuse qui fait pâlir de désir les plus réfractaires d’entre tous ! Émouvant de vérité ! François Xavier Esponde, décembre 2003. LES CHOSES LÉGÈRES, SÉRIEUSEMENT (…) Pour Cigale, en prenant toute distance avec le synopsis originel, lourdement décalqué de la fable de la Fontaine, Malandain créé une parabole stylisée. (…) Si tout cela n’est pas dépourvu de morale, jamais Malandain n’appuie son propos. Sa danse possède ce petit sourire com-

Avec le concours de DLB Spectacles (Didier Le Besque) et le soutien de l’Association française d’action artistique (AFAA), Ballet Biarritz s’est rendu en Russie du 20 au 27 octobre dernier. À Moscou, invité par Yves Zoberman, directeur du Centre culturel français avec le soutien de l’Ambassade de France et du Théâtre des Nations, Ballet Biarritz a présenté Un hommage aux ballets russes au Théâtre Malyi dans le cadre du mois de la danse contemporaine française. Après une critique élogieuse, Ekaterina Bieliaieva dans le Journal Russe conclut par ces mots : « Devant une salle pleine, le spectacle offert par Ballet Biarritz a provoqué des applaudissements interminables, conquérant dès la première fois Moscou, une ville pourtant blasée par la profusion de spectacles de danse». À Ekaterinbourg, invité par Oleg Petrov, avec le soutien de l’Alliance française dirigée par Patrick Renard, Ballet Biarritz retrouvait pour la seconde fois le Théâtre de la Jeunesse où après Un hommage aux ballets russes, la compagnie présentait Création. « Standing ovation » lors de la première représentation. Suite au succès remporté par ces représentations, Ballet Biarritz se rendra à nouveau en Russie en 2004 pour présenter Création, à Moscou et Saint-Petersbourg, tandis qu’Ekaterinbourg accueillera un nouveau spectacle qui sera créé en septembre prochain à Biarritz.

plice et jubilatoire qui lui permet d’être sereinement grave. Il n’aime

Le Théâtre Malyi à Moscou. Photographies Chritophe Romero.

pas que l’on dise qu’il s’agit de fraîcheur. Cela y ressemble pourtant et c’est, aujourd’hui, une vertu précieuse. La

quinzaine

du

spectacle,

Philippe Verrièle, décembre 2003.

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PORTFOLIO : CIGALE

Nathalie Verspecht et Cédric Godefroid, photographie Julien Palus.

Roberto Forléo et Giuseppe Chiavaro, photographie Cyrille Sabatier.

Ana Ajenjo Soto et Nathalie Verspecht, photographie Jose Usoz.

Photographie Olivier Houeix. PAGE 4 NUMÉRO 21 – BULLETIN D’INFORMATION DU CENTRE CHORÉGRAPHIQUE NATIONAL / BALLET BIARRITZ


La danse à Biarritz

# 16

Ida Rubinstein : L’Art aux trois visages l’artiste où citant Jacques de Fouquières, il note : « Dans sa propriété basque, Mme Ida Rubinstein vit aussi solitaire, cloîtrée dans sa légende, inaccessible aux curieux, mais d’une charité constante, et constante dans ses amitiés… » De la charité, Ida Rubinstein en fit preuve durant le conflit. Sans compter, elle consacrera son temps et son argent aux blessés des hôpitaux militaires anglais. Elle a fui la France dès la signature de l’armistice, car bien que convertie, elle sait que son nom ne pourra passer inaperçu. À la libération, elle retrouve Paris où elle possède un hôtel particulier, puis rejoint Biarritz. Ida Rubinstein est née en 1883 à Saint-Pétersbourg. Après la disparition de ses parents, elle hérite d’une importante fortune qui lui permet de vivre dans un environnement particulièrement luxueux. Le théâtre est sa passion. L’année de ses vingt ans, avec assurance, elle se présente à Léon Bakst et lui commande un décor pour Antigone de Sophocle qu’elle souhaite monter elle-même. Le spectacle a lieu en 1904 devant un public conquis. Diaghilev le futur animateur des Ballets Russes est dans la salle. Elle manifeste ensuite de l’intérêt pour Salomé d’Oscar Wilde. Faisant traduire la pièce, elle sollicite à nouveau Bakst et s’adresse à Alexandre Glazounov pour qu’il compose la musique de

Il lui faudra danser. Comme toutes les jeunes filles de la bonne société, elle possède quelques rudiments, mais est-ce suffisant ?

C’est dans l’étourdissante activité d’une ville à peine libérée de l’occupant qu’Ida Rubinstein vient s’installer à Biarritz. Elle y loue la Villa Paz, une luxueuse demeure située près du phare, construite en 1930 pour Eséchiel Pedro Paz, le propriétaire du journal La Prensa de Buenos-Aires. Ida Rubinstein y résidera durant sept ans, avant de devoir la quitter. Elle reste cependant dans la région, témoin cet extrait d’une lettre datée du 16 septembre 1952 : « Ici, je ne vois l’océan que de loin, mais j’ai une vue merveilleuse sur toute la chaîne des Pyrénées ; et puis, je suis loin de tout, à 4 kilomètres de Biarritz… » En effet, après une étonnante carrière de danseuse et d’actrice interrompue par la guerre, Ida Rubinstein a choisi le Pays Basque pour se retirer. Elle y vit discrètement comme le souligne Jacques Depaulis dans son ouvrage sur

La danse des sept voiles. Il lui faudra danser. Comme toutes les jeunes filles de la bonne société, elle possède quelques rudiments, mais estce suffisant ? Jugeant que non, elle s’empresse de prendre des leçons avec Michel Fokine. Ce dernier accepte ensuite de lui régler la fameuse danse, tenant compte à la fois des lacunes techniques de son élève et de son indéniable personnalité. Peu avant la première, les autorités religieuses frappent la pièce d’interdit. Après tant de travail le coup est rude, mais Bakst a l’idée de remplacer les répliques par de la pantomine tout en distribuant le texte aux spectateurs. Attiré par le scandale, le public venu nombreux, réserve un triomphe au spectacle. Le lendemain celui-ci est interdit. C’est un tournant pour Ida Rubinstein. Diaghilev séduit par un tempérament hors du commun lui propose alors d’incarner Cléopâtre pour la première saison des Ballets Russes à Paris. Aux côtés de Nijinsky, Pavlova et Karsavina, elle connaît un grand succès et telle une idole, on l’invite à toutes les mondanités parisiennes. La saison suivante, elle est la sultane lascive du ballet

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Ida Rubinstein dans le Martyre de Saint-Sébastian de Claude Debussy.

artistiques. Pour l’anecdote, elle termine sa saison en Afrique où on la retrouve chassant le grand fauve. À son retour, elle créée La Pisanelle de d’Annunzio au Théâtre du Châtelet. Puis survient la guerrre, un moment inopportun pour de nouveaux projets, elle en profite pour travailler auprès de Sarah Bernhardt. Laquelle, à soixante dix ans, affaiblie par l’opération que l’on sait, est sans argent. Rubinstein l’assiste discrètement. Avec la fin de la guerre Ida Rubinstein retrouve sa place dans le milieu artistique parisien et en 1919 à l’invitation de l’Opéra, elle paraît dans La Tragédie de Salomé de Florent Schmitt. C’est pour elle l’occasion de danser à nouveau et de travailler avec Rosita Mauri, ancienne étoile de cette maison où le spectacle est reçu avec succès. C’est alors qu’elle enchaîne une suite de collaborations avec les plus grands artistes de son temps : Gide, Valéry, Claudel, d’Annunzio, Bakst, Benois, Debussy, Honegger, Stravinsky, Sauguet, Milhaud, etc… En 1923, elle reprend le rôle de Sarah Bernhardt dans La Dame au Camélia de Dumas, on dit qu’elle y porte une parure ayant appartenu à l’Impératrice Eugénie. Dans le domaine de la danse, à la tête des Ballets Rubinstein, elle travaille avec Fokine, Massine, Joss et Nijinska.

On lui doit entre autre : Le Baiser de la fée de Stravinsky, La Valse et le Boléro de Maurice Ravel.

Schéhérazade et obtient un second triomphe. Sa prestation tient davantage du mime que de la danse, mais Fokine a su plus que jamais mettre en valeur l’artiste. Lors de ce séjour, elle rencontre le poète italien Gabriele d’Annunzio. Ce dernier bouleversé écrit à son ami Robert de Montesquiou : « Je ne domine pas mon trouble. Que faire ? » « Une œuvre capable de mettre en lumière le don unique d’une telle interprète : écrivez pour elle une tragédie » lui répond Montesquiou. Ce sera le Martyre de Saint-Sébastian mis en musique par Claude Debussy. Si les opinions divergent sur l’œuvre, elles sont également partagées sur l’interprète. On louera sa beauté superbe, tout en critiquant l’accent dont elle n’a pu se départir. En 1911, elle fait la connaissance de Sarah Bernhardt qui envisage une collaboration autour d’une pièce d’Edmond Rostand. Au même moment, la relation avec Diaghilev se détériore. Pour la remplacer dans Cléopâtre et Shéhérazade, ce dernier choisit une certaine Mac Leod, connue plus tard sous le nom de Mata Hari. En 1912, Rubinstein monte Hélène de Sparte avec Emile Verhaeren, Déodat de Séverac et Léon Bakst, reprend Salomé qui reçoit un accueil mitigé, mais ce n’est pas son souci. Déjà très à l’aise, disposant par ailleurs de la fortune de Walter Guinness dont elle est la maîtresse, rien d’autre ne compte que la satisfaction de ses aspirations

On lui doit entre autre : Le Baiser de la fée de Stravinsky, La Valse et le Boléro de Maurice Ravel. Avec ce dernier, elle projette Morgiane, un ballet inspiré des Mille et une nuits. Malheureusement, le compositeur montrant les premiers signes de sa maladie, ce ballet ne verra pas le jour. Fidèle à leur amitié, elle n’hésitera pas à parcourir l’Europe pour faire le tour des plus grands spécialistes, mais en vain. Un autre proche, Gabriele d’Annunzio disparaît lui aussi tandis que la guerre s’annonce. Rubinstein s’embarque pour l’Algérie, puis gagne Londres mettant un terme à une carrière extraordinairement riche. À la libération, elle rentre à Paris, mais comme tant de « biens juifs », sa demeure a été saccagée, aussi elle décide de s’installer à Biarritz. Sept années passent, et aux alentours de 1952, elle quitte le Pays Basque pour la Côte d’Azur. On la retrouve à Vence, où elle vit discrètement dans la plus grande simplicité accompagnée du silence de la solitude refusant « la pitié que l’on a pour les vieilles actrices » confiera la pianiste Marguerite Long. Elle disparaît le 20 septembre 1960, conformément à ses dernières volontés, l’annonce de son décès est faite un mois plus tard. Toute sa vie, elle aura défendu ce qu’elle nommait l’Art aux trois visages : la déclamation, la musique et la danse. Sources Une inconnue jadis célèbre, Jacques Depaulis (Ed Honoré Champion) Légendes de la danse, Philippe Verrièle (Ed Hors Collection) Découvertes sur la danse, Fernand Divoire (Ed Crès)

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EXTRAITS

Danser pour danser

par Oleg Petrov, 2003

Oleg Petrov, critique et écrivain, aujourd’hui directeur de l’Institut de Danse d’Ekaterinbourg est l’auteur de ce texte qui figurait dans le programme de la tournée de Ballet Biarritz en Russie. Nous en publions quelques extraits traduits par Irina Chtcherbakova et Madame Loulia Bauduin. Oleg Petrov travaille actuellement à l’écriture d’un livre consacré à Thierry Malandain qui devrait paraître en Russie en 2005. Photographie : Création, Olivier Houeix.

On dit parfois que le silence vaut mieux que l’éloquence. Voilà, Thierry Malandain est persuasif même quand il vous regarde tout simplement. Plus tard, quand toutes les conversations sont terminées, vous comprenez que sans avoir dit un seul mot, il était le personnage principal de la discussion. Dans son silence est présent un tempérament profondément caché, un mystère tendu qui est lui-même cet aimant qui vous attire. Ces spectacles sont aussi comme cela : sans vouloir épater, sans aucune allusion à leur particularité ou à leur originalité. Mais, comme l’a remarqué un critique après Un hommage aux ballets russes, ils sont comme une drogue. On en demande encore et encore. D’où vient ce charme mystérieux des spectacles du chorégraphe français ? Il existe dans la danse de Malandain quelque chose de compréhensible du premier coup d’œil (ça va des objets disposés sur la scène jusqu’aux personnages et leurs relations). Il y a, ce qui semble étrange, provoque la curiosité, la stupéfaction et enfin, il reste les choses à deviner. Malandain réfléchit sur le monde en transformant l’espace à l’aide du corps humain. (…) Le mouvement que son imagination fait naître, a comme source l’humain, parfois trop humain. Mais cette humanité ne nuit pas à l’intégrité de sa quête artistique. Une intégrité qui se traduit par une géométrie chorégraphique propre où l’esprit évolue librement. C’est là le signe que tout en proposant une danse actuelle, il ne rompt pas avec les codes classiques. Peut-être est-ce à cause de cet amour de la danse et du mouvement qu’il n’apparaît pas comme un réformateur ? (…) Pour lui, la question n’est pas de savoir si la danse doit être

ou ne pas être au sein d’un spectacle chorégraphique d’aujourd’hui. En la gardant, il est sans doute plus radical que ceux qui nous offrent un nouveau théâtre de danse sans danse. Sa danse semble ne jamais quitter la scène, même une fois le rideau baissé. Chacun y interprète son histoire, une histoire imperceptiblement liée à celui qui est à côté. Comme quelqu’un qui aime le rythme et le comprend, Malandain gère intelligemment ce moyen important en évitant la monotonie rythmique, cette maladie de la danse classique (…). Malandain réussit à la rencontre de deux mondes : la réalité et l’éternité. Unissant ces deux sphères dans un même corps, il manifeste cette présence-absence en se référant à la culture du passé. Il aime citer ses prédécesseurs ou bien s’inspirer d’oeuvres célèbres, comme dans L’après-midi d’un faune ou Le spectre de la rose. De ces deux ballets connus, il a pris ce que l’œil du spectateur ne pouvait pas ne pas retenir dès la première représentation. Cela est devenu un signe. Les connaisseurs y retrouvent facilement l’influence de Nijinsky ou de Fokine. (…) Si pour Nijinsky le faune était un animal imaginaire ou pour Fokine, le « spectre » un esprit, ce « spectre » interprété par un des meilleurs artistes de la troupe : Giuseppe Chiavaro ou le faune habité par Christophe Roméro sont des personnes vivantes qui racontent leurs rêves compliqués. On sait que dans les ballets du XIXe siècle, les scènes de rêves étaient distinctes des autres parties du spectacle. Le rêve c’est le centre du ballet classique, l’endroit où s’installe le mystère, où l’éclaircissement et la transfiguration ont lieu. Le rêve a plusieurs sens et peut être aussi ludique qu’important. Je voudrais souli-

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gner que le « mauvais » théâtre moderne a justement peur de ce type de centre. Chez Malandain, même dans des œuvres comme La chambre d’amour ou Bal Solitude, on en remarque la présence. Création, le dernier travail du chorégraphe nous prouve que du rêve, cette « réalité irrationnelle », Malandain fait naître les meilleurs moments de ses fantaisies artistiques. Dans ce ballet, le « polychrome » de quelques chorégraphies antérieures a fait place au « monochrome ». Avant, on remarquait chez lui l’intention de passionner le public avec des idées : le « polychrome » l’aidait beaucoup. Ce n’est pas que son désir était de plaire à tout le monde, mais comme les ballets du XIXe siècle précédemment cités, ses spectacles avaient du succès auprès d’un public différent : les balletomanes, les amateurs de divertissements et les gens intelligents tout court. Création peut décevoir ceux qui n’ont pas l’habitude de se concentrer sur la représentation d’un ballet, ceux pour qui la danse et la pensée ne peuvent pas être unifiées. La polyvalence des époques et des costumes attendus par le livret se révèlent spécialement modestes : les styles ne sont pas reconnus par tous, mais uniquement par les experts ; les costumes sont noirs, sobres et ne sont pas destinés à réjouir l’œil. (…) Un corps vibrant commence le spectacle. À la fin, il transmettra cette vibration à tous les partici-

pants du rêve que le chorégraphe invente. Pour retenir l’attention du public, le rythme, différent pour chaque époque, change souvent. Comme l’alternance des solos, duos ou ensembles va nous faire oublier la course du temps. Le chorégraphe saisit bien le moment où l’immersion du spectateur arrive à point, et c’est là qu’il amène des figures historiques de la danse (Fuller et Duncan). Ensuite commence la danse qui n’est encore attribuée à personne et c’est pour cela qu’elle peut être tournée en « plainte de l’idéal ». Peintre du temps post-jungien, Malandain a compris que l’inimaginable est une des plus importantes chose de l’Art. Mais pour lui, l’inimaginable n’est pas qu’Adam soit le premier danseur de l’humanité. Pour lui, il n’y a rien d’étonnant à ce que toutes les époques de la danse, et ceux qui les ont incarnées le plus singulièrement (Sallé, Camargo, Taglioni ou Fuller et Duncan), soient réunies ensemble. Pour lui, la cohabitation, dans le même spectacle de la célèbre diagonale des willis de Giselle ou des allusions au Lac des Cygnes de Mats Ek est naturelle. Il sait que le temps artistique et l’espace de l’art permettent cette existence. Pour le silencieux Thierry Malandain, l’inimaginable ce n’est pas le « rêve » mais la cruauté d’un acte fratricide, la mort d’Abel et ce qui viendra après.

ACTIVITÉ TRANSFRONTALIÈRE

En marge des actions de sensibilisation conduites en milieu scolaire par Adriana Pous Ojeda, Ballet Biarritz au travers de l’association Dantzaz, propose des stages et des ateliers se déroulant à Donostia/San Sébastián au Centre Culturel Egia. Calendrier des activités à Egia Kultur Etxea en 2004 24 janvier 2004

Analyse du mouvement appliquée à la danse traditionnelle • INTERVENANTE : SOAHANTA Adultes débutants : 11h à 13h / Professionnels : 16h à 18h

DE OLIVEIRA

14 février 2004

Atelier d’initiation à la danse • INTERVENANTE : ADRIANA Adultes : 11h à 13h

POUS OJEDA

23 & 24 février 2004

Atelier danse & cirque • INTERVENANT : AITZ AMILIBIA Enfants à partir de 7 ans : 11h à 12h30 28 mars au 4 avril 2004

Dantzaz 2004 – Les journées de la Danse Spectacles, expositions, stages et conférences. Informations : Ballet Biarritz / Dantzaz – Baztan Kalea 21 – 20012 Donostia/San-Sebastián Tél. : 00 34 943 29 15 14 – Fax : 00 34 943 28 72 19 – donostia@balletbiarritz.com

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EN BREF

Giuseppe Chiavaro dans Sextet. Photographie Olivier Houeix

Le Grand Théâtre de Reims partenaire de Ballet Biarritz Coproducteur de Création, Serge Gaymard, directeur artistique du Grand Théâtre de Reims a souhaité mettre en œuvre un partenariat avec l’équipe du Centre Chorégraphique National de Biarritz. Actions de sensibilisation et diffusion des spectacles rythmeront les trois saisons de cette présence de Ballet Biarritz en région Champagne Ardennes. Voulez vous dansez avec nous? Les ateliers chorégraphiques destinés aux adultes (initiés ou débutants) reprennent leur activité. Animés par Dominique Cordemans et Adriana Pous Ojeda, ils se dérouleront dans le grand studio de Ballet Biarritz de 18h30 à 20h00, les mardis 20 janvier, 10 février, 16 mars,

27 avril et 25 mai. Une participation de 7 € par atelier sera demandée. Informations et inscriptions : Sabine Lamburu Tél. : 05 59 24 67 19 Sextet au Ballet national de Bordeaux Remonté par Françoise Dubuc, Sextet de Steve Reich est entré au répertoire du Ballet National de Bordeaux que dirige Charles Jude. Après deux représentations données au Théâtre Mariinsky de Saint Petersbourg, Sextet a été présenté au Grand Théâtre de Bordeaux dans le cadre du festival Nov’Art. Moteur demandé… Action ! Courant novembre une équipe de France 3 Aquitaine a suivi Ballet Biarritz durant une semaine pour tourner les images

d’un documentaire sur Thierry Malandain qui paraîtra dans la collection Regards Singuliers dirigée par le réalisateur Bernard Férié. Des artistes exposent au profit de Ballet Biarritz Du 11 au 18 novembre, en marge des représentations de Cigale, des artistes plasticiens (peintres, sculpteurs, designers, etc…) ont exposé leurs œuvres à la Galerie Singul’art de Biarritz. Chacun d’entre eux ayant accepté de faire don d’une œuvre, cellesci ont été mises en vente au profit de Ballet Biarritz. Aux artistes, Michel Bayet, Madeleine Courrèges, Mathieu Diesse, Colette Dubuc, Gonzalo Etchegaray, Gerald Franzetti, Jacques Lasserre, Agnès Mallet, Muniz, Marie-Christine Thiry Merlo, Colette Rousserie, Christiane

Trey, Geneviève Vigneau, nous adressons nos plus chaleureux remerciements. Informations : Les Amis de Ballet Biarritz – Colette Rousserie Tél. : 06 63 92 46 65 Forum De danses en danse Après le succès du premier forum de danse organisé à Pau en 2002, une nouvelle édition intitulée De danses en danse se déroulera à Bordeaux du 2 au 7 avril 2004. S’articulant autour du thème de la transmission, ce forum se veut à la fois un temps d’échanges, de réflexions, de rencontres et de découvertes d’univers artistiques mettant en relation des professionnels et des nonprofessionnels de la danse. Informations : Compagnie Épiphane – Marion Pouget Tél. : 06 75 48 33 39

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Cigale, photographie Jose Usoz.

CALENDRIER / JANVIER-FÉVRIER-MARS 2004 REPRÉSENTATIONS EN FRANCE VE 13/02 Niort 27, 28/02 Rennes MA 02/03 Nérac 11, 12/03 Bordeaux DI 14/03 Moulins MA 23/03 Tampon (Île de la Réunion) 25, 26/03 St Denis (Île de la Réunion) ME 31/03 Nouaillé Maupertuis

Un hommage aux ballets russes Création Soirée de ballets Création Un hommage aux ballets russes Création Création Un hommage aux ballets russes

REPRÉSENTATIONS TRANSFRONTALIÈRES 01, 02, 03, 04, 06/01 Madrid 15, 16, 17/01 Bilbao LU 19/01 Léon VE 23/01 Sopelana MA 10/02 La Coruña VE 05/03 Amorebieta

Casse-Noisette Création Création Un hommage aux ballets russes Un hommage aux ballets russes Soirée de ballets

REPRÉSENTATIONS À L’ÉTRANGER MA 27/01 Trevise (Italie) ME 28/01 Trento (Italie)

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www.balletbiarritz.com PAGE 10 NUMÉRO 21 – BULLETIN D’INFORMATION DU CENTRE CHORÉGRAPHIQUE NATIONAL / BALLET BIARRITZ

Gare du Midi 23, avenue Foch F-64200 Biarritz Tél. : +33 5 59 24 67 19 Fax : +33 5 59 24 75 40 ccn@balletbiarritz.com Président Pierre Durand Artistique Directeur / chorégraphe Thierry Malandain Maître de ballet Richard Coudray Assistante à la direction artistique / Relations internationales Françoise Dubuc Responsable sensibilisation Dominique Cordemans Responsable sensibilisation / Mission transfrontalière Adriana Pous Ojeda Professeur invité Angélito Lozano Danseurs Ana Ajenjo Soto, Véronique Aniorte, Giuseppe Chiavaro, Annalisa Cioffi, Frederik Deberdt, Gaël Domenger, Roberto Forleo, Cédric Godefroid, Mikel Irurzun del Castillo, Silvia Magalhaes, Magali Praud, Christophe Romero, Rosa Royo, Nathalie Verspecht Administratif Administrateur Yves Kordian Administrateur délégué / Mission transfrontalière Filgi Claverie Assistante administrative / Chargée de diffusion Françoise Gisbert Assistante administrative / Mission transfrontalière Sofia Alforja Chargée de communication Sabine Lamburu Comptable principale Rhania Ennassiri Accueil-secrétariat Isabelle Larre Technique Concepteur lumière / Directeur de la production Jean-Claude Asquié Régisseur général Oswald Roose Régisseur lumière Frédéric Béars Costumière Véronique Murat Régie costumes / Couturière habilleuse Karine Prins Responsable construction décors Michel Pocholu Technicien plateau Chloé Breneur Technicien lumière Frédéric Eujol Technicien son Jean-François Soutoul Techniciens-chauffeurs Jean Gardena, Jean Ansola Technicienne de surfaces Annie Alégria Numéro Directeur de la publication Thierry Malandain Création graphique Jean-Charles Federico Imprimeur Imprimerie SAI (Biarritz) ISSN 1293-6693 - juillet 2002 www.balletbiarritz.com


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