Magazine Maisons Créoles N°144 Martinique

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L’ancien hôpital militaire, bâti aux mille destinées Texte et photos : Corinne Daunar

Un bâti à la destinée difficile Tout s’entame logiquement pourtant : alors que le premier hôpital de la Martinique s’érige en 1665 à Saint-Pierre, il faut déjà, pour les gouverneurs de l’île, songer à la croissance du Fort-Royal et aux difficultés du transport des malades en canot jusqu’au nord. L’idée de bâtir un second centre de soin dans la future capitale fait son chemin. Pour en permettre la construction, le Sieur Villamont, habitant du Fort-Royal lègue à la colonie en 1698 un terrain bordant la rivière Madame, qui doit accueillir la nouvelle institution. Les travaux sont cependant fastidieux, peut-être autant que le financement du projet, et s’étendent sur plus de treize ans. En 1722, alors que beaucoup de bâtis peinent à sortir de terre, le roi, Louis XVI, offre une parcelle adjacente pour agrandir l’emprise et

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« Cent fois, sur le métier remettez votre ouvrage » : l’adage bien connu de Boileau semble vouloir s’appliquer sans fard cette parcelle iconique et inamovible en bordure de la rivière Madame, à l’orée du quartier de Terre Sainville. L’ancien hôpital militaire de Fort-Royal, cis là depuis le début du XVIIIe siècle, n’aura cessé de passer à la coupe des planificateurs et urbanistes, avant d’enfin trouver son destin !

enfin achever les dépendances. En 1723, l’hôpital, devenu Saint-Louis, est confié à la congrégation de la Charité, dont les prêtres sont déjà très installés dans les colonies et leurs hospices. Il faut encore plusieurs années pour arriver non sans difficulté à la pleine capacité de l’institution qui, au mitan du XVIIIe siècle, compte près de deux cent soixante-dix lits autour desquels s’active une petite cohorte d’esclaves spécialisés et les soignants de la Charité.

Hier hôtel-Dieu… Le bâti, tout de pierre de taille et de moellons, se détache en deux grands pavillons, dont le principal, formant un fer à cheval évasé, accueille le cœur de l’hôpital. La charpente de bois, elle, dépose une toiture en bâtière. Les plans arborent des coursives ouvertes, circulantes et aérées, et le parc doit participer au repos des malades.

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Et pourtant, malgré ses ambitions initiales, le dispensaire apparait bien maladroitement conçu, et surtout, mal situé, accolé à la rivière stagnante. Face à lui, l’un des plus anciens cimetières de Fort-de-France, à l’angle de la Levée et du Vieux Chemin, est érigé en 1777. Dès 1826, l’on en reconnait l’émoi négatif généré pour les malades et l’atmosphère pour le moins insalubre. Pied de nez de l’histoire, c’est bien le parc funéraire qui survivra à l’hôpital! Les constructions, elles, subissent les affres du temps chahuté : le récit est long, et se contourne en catastrophes naturelles, vicissitudes politiques et nouveaux projets urbains. De ces séismes, occupations anglaises et expansions démographiques sans précédent se dégagent un siècle de bâti errant, vainement remodelé au cours des ans, que les dévouées sœurs de Saint-Paul de Chartes, en charges depuis 1818, peineront à maintenir.

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