Place Financière E-payment
CHACUN SON MODÈLE, CHACUN SA LICENCE Nonobstant l’aura du Luxembourg de la finance, on peut tout de même s’étonner de voir autant d’acteurs de l’e-payment, pour certains avec des modèles très proches et donc concurrents, s’installer dans un si petit pays. « Si l’on creuse un peu, aucun de ces acteurs ne présente tout à fait la même offre, précise Marc Hemmerling. Par les agréments dont ils disposent, entre organismes de monnaie électronique, institutions de paiement ou disposant carrément de la licence bancaire, chacun développe un modèle différent. » Cela s’illustre parfaitement à travers les trois solutions de paiement mobile qui ont vu le jour en 2012. Mobey, créateur de Flashiz, et PayCash, ont une licence d’electronic money institution. Pour les utiliser, il faut alimenter un compte géré directement pour ces organismes. Digicash, en tant que payment institution, propose la même technologie mais le transfert d’argent s’opère directement depuis un compte bancaire préexistant, et, finalement, elle ne détient aucun montant sur des comptes. Des sociétés comme Rakuten ou Alipay viennent au Luxembourg pour faire fonctionner leur plateforme de paiement électronique liée à des portails e-commerce sur le marché européen. Mangopay, organisme de monnaie électronique, propose une plateforme de paiement en ligne vendue à des sites e-commerce ou à des plateformes de crowdfunding. Yapital est aujourd’hui electronic money institution. PayPal, de son côté, dispose d’une licence bancaire au Luxembourg. « Chaque licence octroie des droits et des devoirs, des possibilités plus ou moins grandes à chaque acteur. On constate rapidement que
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plusieurs modèles coexistent aujourd’hui, et tous répondent à un besoin particulier dans un contexte déterminé », poursuit Marc Hemmerling. On peut, en outre, classer les acteurs du domaine de l’e-payment au Grand-Duché de Luxembourg dans deux catégories. « Il y a des acteurs qui, comme nous, apportent une couche applicative, un service aux acteurs traditionnels de la banque. En proposant des solutions technologiques au monde bancaire, on lui permet d’évoluer plus facilement, sans avoir à assurer la recherche et le développement, commente Raoul Mulheims, CEO de Digicash. D’autres travaillent sur des modèles plus autonomes, de manière indépendante de la banque traditionnelle. » Au-delà de leurs services de paiement, des structures comme PayPal ou Yapital, ou encore des enseignes commerciales en ligne ou actives en dehors de l’univers digital, pourraient par exemple très bien proposer du crédit à la consommation. « Pour la banque traditionnelle, il faut faire face à un risque de désintermédiation bien réel. Évoluer, en proposant des solutions de paiement électronique efficaces, permet de garder le client dans leur giron et même de pouvoir lui proposer de nouveaux services. L’enjeu pour ces acteurs réside dans la capacité à se transformer, suffisamment rapidement. » L’économie luxembourgeoise dépendant en grande partie de son secteur financier et ayant pour deuxième pilier le secteur ICT, il y a aussi un intérêt évident pour la Place à se positionner comme un hub « FinTech », concept recouvrant les développements technologiques au service des fonctions de la finance. « Dans ce contexte, notre volonté est d’attirer des acteurs du paiement électronique, mais aussi de permettre à des start-up actives dans ce domaine d’émerger. L’enjeu est de créer un environnement propice pour ce genre d’activité, à même de développer de nouvelles solutions de paiement en phase avec les attentes des consommateurs et des utilisateurs de services bancaires, mais aussi capable de faire évoluer l’industrie financière dans son ensemble », précise Nicolas Mackel. C’est dans ce contexte qu’un groupe de travail sur les FinTech vient de voir le jour à la demande du Haut Comité pour la place financière. « À travers lui, nous allons fédérer les acteurs, réaliser l’inventaire de ce qui existe en la matière, identifier les besoins et envisager les moyens à mettre en œuvre pour l’avenir, poursuit le CEO de Luxembourg for Finance, qui présidera ce groupe de travail. L’enjeu, toujours, est de garder un temps d’avance sur nos concurrents. On ne doit pas se laisser dépasser par l’innovation. » ◄ En résumé Les acteurs du paiement électronique aiment manifestement le Luxembourg. Ils n’ont pas tous le même degré d’activité, la même ambition ou le même agrément, malgré des modèles parfois proches. Alors que le pays dispose de nombreux arguments pour devenir un hub des technologies au service de la finance – les FinTech –, un nouveau groupe de travail s’est lancé, à la demande du Haut Comité pour la place financière.
S’adapter
Du guichet électronique au bitcoin
Il y a eu des échecs, il y aura des changements : les acteurs répondent aux besoins.
PHOTO : LICENCE C.C.
► Europe, nous permet d’offrir un service de qualité à travers le continent. Nous pouvons nous appuyer sur des infrastructures et des acteurs de confiance comme il n’en existe nulle part ailleurs en Europe. Ici, nous bénéficions d’un environnement réglementaire fantastique, avec des lois modernes, et de compétences de qualité. » De la même manière, si des acteurs internationaux comme PayPal ou, plus récemment, AliPay, débarquent, c’est parce qu’ils ont considéré le Luxembourg comme une base de choix pour étendre leurs activités sur le continent européen. « L’autorité de contrôle luxembourgeoise, la CSSF, joue aussi un rôle important pour l’établissement de nouveaux acteurs actifs dans le paiement électronique au Grand-Duché, explique Marc Hemmerling, membre du comité de gestion de l’ABBL et spécialiste des questions de paiement. En développant une approche business minded, en étant à l’écoute des acteurs qui se présentent à eux, elle les oriente et les aide à s’établir en veillant au respect des exigences nationales et européennes. Cette approche n’est pas forcément la même dans d’autres pays. »
Le concept de paiement électronique recouvre de nombreuses réalités. La première étant finalement le guichet électronique, toujours utilisé aujourd’hui pour retirer du cash mais aussi pour réaliser des opérations. Cetrel a été chargé de gérer le réseau de guichets et de terminaux de paiement électronique dans le commerce, et ce dès les années 80. Aujourd’hui, l’organe poursuit sa mission, intégrant les tendances et les standards en matière de paiement, tout en assurant le suivi des transactions. D’autres solutions ont émergé, avec plus ou moins de succès durant les 30 dernières années. On évoquera par exemple Mini-Cash, qui fut un échec. La carte de banque, cela dit, reste aujourd’hui la clé privilégiée pour tout paiement électronique. Avec l’arrivée du paiement mobile, fonctionnant sur un QR code, et demain peut-être en ayant recours au Bluetooth ou à un signal RFID, seule la clé d’autorisation du paiement change. Le paiement électronique évolue donc avec son temps. Aux acteurs de suivre le mouvement. Les commerçants doivent adapter leurs terminaux. Cetrel discute avec les développeurs de paiement mobile au Grand-Duché pour intégrer ces modes de paiement, afin de proposer une solution standard et d’éviter aux commerçants de devoir jouer avec une multitude de terminaux. Opérateurs télécoms, fournisseurs d’énergie, assureurs, services publics doivent intégrer de nouvelles possibilités de paiement au cœur de leurs factures. Les banques, surtout, doivent s’adapter à une nouvelle concurrence. Le monde du paiement change à vive allure. Jusqu’à imaginer d’autres monnaies, comme le bitcoin. La Place réfléchit aussi à la manière de se positionner pour profiter de cette émergence. S. L. ◄