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DÉSIRS
COLLIER TUTTI FRUTTI, JEANNE TOUSSAINT
COMMANDE SPÉCIALE
A ÉTÉ DIRECTRICE ARTISTIQUE
(1936)
DE LA JOAILLERIE. VISIONNAIRE, FEMME DE GOÛT ET DE CARACTÈRE, ELLE EST À LA FOIS LA MUSE ET L’INSTIGATRICE DU STYLE CARTIER AU 20E SIÈCLE.
BRACELET DE LA COLLECTION PANTHÈRE (1991)
PIERRE RAINERO, DIRECTEUR IMAGE,
Comment peut-on définir le style Cartier ? « C’est avant tout une approche créative et une recherche de la beauté. C’est un sens des proportions, de la ligne, du volume. Il y a également des associations de couleurs particulières comme le bleu et le vert, l’association de pierres telles que l’émeraude, le rubis et le saphir, aussi appelée ‘style hindou’ ou ‘tutti frutti’. Notre style est comme une langue vivante. Nous avons un vocabulaire esthétique qui se développe pour devenir Cartier. Mais c’est surtout un grand travail autour de l’esthétique. Cartier a aussi été connu pour son style moderne. Il ne faut pas oublier que Louis Cartier, pionnier dans son expression créatrice, a introduit l’abstraction dans ses bijoux dès 19041905. D’autre part, il a toujours eu une grande curiosité pour les autres civilisations, comme les arts islamiques, l’Orient, la Chine, l’Inde. Ces civilisations enrichissent les expressions de Louis Cartier et de son studio de création. En 1933, il se retire et confie à Jeanne Toussaint ‘l’invention du stock’, comme il le disait lui-même. Jeanne Toussaint était une femme d’un très grand charisme, d’une grande indépendance. Elle était d’ailleurs surnommée la panthère. C’est elle qui introduit le motif figuratif dans la joaillerie. On pourrait comparer son importance dans le monde de la joaillerie à celle de Gabrielle Chanel pour le monde de la mode. Elle offre aux femmes, à travers ses créations, la possibilité de s’exprimer, d’affirmer leur propre caractère. Cette approche casse complètement les conventions en termes de joaillerie. Avant Jeanne Toussaint, il était impossible d’illustrer son caractère à travers ses bijoux, à moins d’être actrice ou courtisane. Mais elle a introduit cette possibilité pour les femmes de la société. Sa panthère, qu’elle ose travailler en volume, rencontre un succès qui la dépasse. La duchesse de Windsor en fait même son emblème ! C’est un symbole d’affirmation de soi, une liberté d’expression, un animal avec une dimension féminine très forte, qui dégage à la fois une part de mystère et d’élégance, un mélange de férocité et de séduction. En parallèle de cet immense succès, elle développe d’autres bestiaires qui sont tous des métaphores de la féminité, sans jamais abandonner la joaillerie abstraite, avec un sens prononcé du mouvement. Elle utilise volontiers l’or jaune, les bijoux montés sur chaîne, avec des pierres en grappe, des accumulations. Ces bijoux induisent de nouveaux portés, créent de nouveaux gestes féminins. Elle a véritablement marqué l’histoire de Cartier et l’histoire de la joaillerie. On parlait même du ‘goût Toussaint’. Elle restera chez Cartier jusqu’en 1970. Elle a alors 83 ans. Cartier, ce sont bien entendu des bijoux, mais aussi des montres remarquables… « En effet, l’horlogerie occupe une place de choix dans notre maison. Il ne faut pas oublier que c’est Cartier qui a inventé la première montre-bracelet avec la montre Santos en 1904. Cela découle de la compréhension de l’évolution des modes de vie. Le geste de la lecture de l’heure est totalement différent en fonction de si vous avez une montre à gousset ou si vous jetez simplement un œil à votre poignet. C’est beaucoup plus rapide et plus confortable, ce geste intègre la notion de vitesse et de praticité. Et ces innovations se font toujours avec un sens très fort de
Photo : archives Cartier © Cartier
STYLE ET PATRIMOINE POUR CARTIER
l’esthétisme, un travail des formes dans leur épure, leur essence. La constante est cette désirabilité, la beauté des objets conjuguée avec l’aisance de les porter et de vivre avec. Mais Cartier crée des objets pour tous les moments de la journée. Il y a aussi de la maroquinerie, des parfums, des accessoires… En quoi la nouvelle collection Paris Nouvelle Vague correspondelle à l’esprit de Cartier ? « Ce qui est caractéristique dans cette collection, qui comprend sept lignes créatives, c’est que ce sont des bijoux qui peuvent être portés à différents moments de la journée ou le soir. Leur expression stylistique est résolument d’aujourd’hui. Ce sont des bijoux dont l’expression féminine est affirmée, avec des bagues à gros volume, d’autres plus légères, mais le mouvement est partout présent, qu’il soit réel ou suggéré. Ce sont des bijoux qui marquent une certaine présence, d’autres sont tout en fluidité. Aujourd’hui, il n’y a plus de canon à respecter et les options sont très variées. Une même femme peut avoir envie de différentes expressions. La modernité réside aussi en cela, dans la pluralité des possibles. L’image des boutiques Cartier a beaucoup changé. À Luxembourg, nous sommes passés d’une boutique à la façade en marbre vert à un espace beaucoup plus clair et lumineux. Pouvez-vous nous parler de ce choix ? « Le nouvel espace, beaucoup plus grand, donne effectivement l’effet d’être plus ouvert. Nous avons souhaité faciliter l’entrée dans la boutique. Mais en même temps, il ne s’agit pas d’une totale transparence, car nous pensons qu’il faut quand même conserver une certaine intimité. L’achat à la table est également favorisé. Ce sont des achats qui demandent de prendre son temps, pour lesquels il est normal d’hésiter, d’essayer, d’observer, de découvrir. Ce sont généralement des achats qui représentent des moments importants dans la vie de nos clients. Cette proximité avec l’objet permet de le découvrir, d’en observer le poli, le serti, le mécanisme. C’est donc un équilibre à trouver dans nos architectures entre transparence et intimité, qui est orchestré par notre architecte Bruno Moinard. » Boutique Cartier
13, avenue Monterey (coin rue Philippe II / avenue Monterey)
SEPTEMBRE-OCTOBRE 2013 —