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G R A N D A N G L E · ENQUÊTE

La rumeur est persistante. L’Archevêché aurait réalisé, il y a trois ans, une grosse opération immobilière, Allée Scheffer, à l’endroit où se dresse désormais le Business Glacis Center. «L’Archevêché n’a rien à voir avec cela», s’empresse d’indiquer Mathias Schiltz, vicaire général. «Les bâtiments construits sur le site appartenaient à une personne privée, Cécile Ginter, qui a créé une fondation de son vivant et à laquelle elle a légué son patrimoine. C’est cette fondation qui a vendu cette maison et les terrains à un promoteur privé». Montant de l’opération: plus de quatre millions d’euros. Si l’Archevêché déclare n’avoir rien à voir avec cette transaction, Mathias Schiltz admet tout de même, du bout des lèvres, qu’il est le président de la Fondation Cécile Ginter, tout comme il est celui, «à titre personnel», de la Fondation du Tricentenaire, de la Fondation François Élisabeth (Hôpital du Kirchberg), du conseil d’administration du groupe Saint-Paul Luxembourg et qu’il est également membre du conseil d’administration de la société Maria Rheinsheim, qui gère le patrimoine immobilier de l’Archevêché. M. Schiltz figurait également, jusqu’à l’été 2006, dans le conseil d’administration de la Fondation Caritas (établissement d’utilité publique ayant touché neuf millions d’euros de subventions en 2006), dont le président est l’Archevêque Fernand Franck. Pour les associations laïques, les subsides perçus par les Fondations catholiques constituent le principal mode de financement indirect de l’Église. «L’un des scandales les plus criants concerne l’Hôpital privé du Kirchberg, affirme Cécile Paulus, présidente de l’asbl Liberté de Conscience. Le bâtiment et les infrastructures ont été financés à hauteur de 80% par l’État (soit plus de 113 millions d’euros, ndlr.), les congrégations religieuses s’étant contentées de financer les 20% restants». || F. M.

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«De l’outsourcing au profit d’une Église» Pour les associations laïques, le montant réel des aides publiques versées aux cultes doit se calculer différemment. «En dehors du financement direct et officiel par le truchement du budget des Cultes, l’Église, au cours des deux siècles passés, a pu accaparer en plus la part du lion dans toutes

58% des habitants du Luxembourg se considèrent comme «religieux», 27% comme non-religieux et 7% se déclarent «athées convaincus», selon une étude publiée par le Sesopi-Centre Intercommunautaire en 2002.

Photo: Étienne Delorme

Solides fondations

autorités gouvernementales. «Tout ce qui concerne les cultes se retrouve sous la rubrique du même nom, dans le budget de l’État», affirme le ministre Biltgen. Soit une enveloppe, pour 2007, d’un peu plus de 21 millions d’euros, distribués aux différents cultes bénéficiant d’une convention avec le gouvernement (lire page 122), auxquels s’ajoutent quelques subsides «extraordinaires»: 50.000 euros pour la remise en état du presbytère de Luxembourg, autant pour la construction d’une nouvelle église orthodoxe… À prendre en compte également: le financement des professeurs de religion, les cours portant exclusivement sur le catholicisme. Dans le budget 2007, les indemnités pour «services de tiers», versées par le ministère de l’Éducation nationale pour l’enseignement religieux au primaire, approchent ainsi les onze millions d’euros.

les structures humanitaires et sociales, conventionnées ou non, que l’État et les communes lui ont concédées généreusement. Il s’agit là du financement indirect, sous forme d’allocations de toutes natures, dissimulées dans tous les autres postes de budget de l’État et des communes, sous couvert ou dénominations diverses; en somme, comme premier «outsourcing» au profit d’une institution religieuse, première multinationale de l’histoire du monde», relevait ainsi Gaston Hoffmann, viceprésident de Liberté de Conscience. Pour l’association, «cette énorme manne de deniers publics» reste «non quantifiée et inquantifiable. Il y a des choses qui nous échappent, car il s’agit d’un travail herculéen. Il faudrait y travailler à plein temps», soupire Cécile Paulus, la présidente actuelle. Et les militants d’enfoncer le clou: «L’Église catholique n’est pas seulement le premier décideur politique du pays, mais en même temps, un des plus importants patrons et acteurs économiques de la Place avec plus de 5.000 salariés laïcs (…), sans négliger l’armada archiépiscopale active dans les médias d’obédience religieuse», assène le bulletin de l’association. Une allusion à peine voilée à la Fondation Caritas, principal acteur dans le domaine social au Luxembourg, mais aussi au groupe Saint-Paul Luxembourg, détenu par l’Archevêché et éditeur du Wort et de La Voix du Luxembourg (chiffre d'affaires du groupe de


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