5 minute read

Mon univers

Next Article
Votre région

Votre région

Profession: dompteuse de fouets

La Fribourgeoise Sylvia Rosat a été l’une des premières femmes whipcracker d’Europe. Elle tresse aussi elle-même ses accessoires et désire initier davantage de femmes à cette discipline.

Texte: Véronique Kipfer Photos: Sylvia Rosat

Il y a deux ans – le 10 août 2019, précisément –, Sylvia Rosat faisait son entrée dans le Guinness Book. Son record? Faire claquer son fouet 86 fois en une minute – «mais attention, avec une réception entre chaque claquement, et en faisant à chaque fois bien entendre le son de ce dernier, sinon ça ne compte pas!», tientelle à préciser. Un exercice déjà extrêmement compliqué en tant que tel, mais qu’elle a effectué, elle, avec trois fouets…

La gracieuse trentenaire de Châtel-Saint-Denis (FR) n’en est toutefois pas à ça près, elle qui a eu un coup de foudre pour le whipcracking (fouet artistique) à seulement 17 ans: «J’étais allée assister à un spectacle du cirque Conelli, à Zurich, se remémoret-elle avec toujours autant d’émerveillement. Il y avait un numéro western, avec fouet et lasso, et je me suis dit: c’est ça que je veux faire!» Seul problème: c’est alors une discipline encore totalement méconnue en Suisse, excepté dans quelques villages alémaniques où on la pratique au début et à la fin de l’hiver, afin de s’assurer une saison clémente, puis de la chasser pour faire place au printemps. «Mais la règle, là-bas, est de ne pas utiliser les fouets avant le mois de novembre, et uniquement au début et à la fin de l’hiver. Je n’avais donc personne pour m’apprendre la technique…»

Un spectacle à part entière La jeune femme se forme donc au jonglage, tissu aérien et autres arts du cirque, tout en essayant de s’entraîner par ellemême, avec un fouet mexicain offert par sa maman – «mais dont la spécificité est d’avoir un manche qui tourne, pas adapté à ce que je voulais faire».

Puis, soudain, l’avènement de Youtube «ouvre [son] horizon» et elle peut enfin commencer à s’exercer sérieusement. Elle devient alors l’une des premières femmes whipcracker d’Europe: «Étant donné que je propose des numéros uniquement avec des fouets, il fallait que j’arrive à rendre le tout intéressant. J’y ai alors ajouté de la bonne

En combinant le fouet avec de la musique et de la danse, Sylvia Rosat a réussi à le rendre féminin.

Sylvia Rosat tresse elle-même ses fouets avec de la paracorde, un matériau très solide. Sans cesse sur la route, Sylvia Rosat donne des spectacles à l’international.

musique, de la danse, et j’ai ainsi rendu le fouet féminin», explique-t-elle fièrement.

Ayant envie de s’exercer avec les fouets qui lui conviennent, elle commence à les tresser ellemême en paracorde, un nylon ultrarésistant utilisé aussi pour les parachutes. Puis avec du cuir, «pour l’apprentissage, le développement individuel et parce que je voulais connaître les différents matériaux et méthodes et explorer le métier, qui, à l’origine, utilise bien sûr du cuir». Mais «le problème du cuir, c’est qu’il faut l’entretenir et le graisser pour qu’il garde sa souplesse, et il s’use et finit par casser, remarque-t-elle. Le fouet en paracorde, lui, est souple mais très solide et a l’avantage de pouvoir être utilisé par tous les temps. Chaque client peut commander ce qu’il veut, en matière de longueur, nombre de brins et de couches, décorations, etc. Selon sa complexité, une pièce me demande en moyenne entre douze et seize heures de travail.» Ses créations sur mesure sont commandées régulièrement un peu partout dans le monde, «par des artistes burlesques, des cascadeurs, etc. L’an passé, malgré le Covid, j’ai envoyé sept fouets uniquement en Suisse, et un magasin de Las Vegas a commencé à en proposer en boutique. Mes fouets voyagent encore plus que moi!»

Une mission qui lui tient à cœur Sans cesse sur les routes, Sylvia Rosat fait actuellement une tournée de spectacles en Bulgarie, pays de son compagnon. «Lui et moi proposons des animations de rue et avons un spectacle prévu bientôt dans un parc historique. Ensuite, on commencera la saison des hôtels, dès le mois de juillet.» Mais désireuse de promouvoir son sport – surtout auprès des femmes –, elle fourmille également de projets pour la suite: «Il ne faut pas oublier que si Zorro manie le fouet, Catwoman l’utilise aussi! souritelle. C’est le moment d’initier les femmes à cette discipline, qui est très appréciée de celles-ci, car elle fait beaucoup plus appel à la technique qu’à la force. Elle favorise la coordination, la souplesse des poignets, et les femmes qui la testent se sentent immédiatement les maîtresses du monde! Bon, bien sûr, il y a ensuite beaucoup de travail…»

«Il ne faut pas oublier que si Zorro manie le fouet, Catwoman l’utilise aussi!»

Bientôt toute une communauté Si elle-même favorise le whipcracking classique, elle souligne qu’il existe une multitude de facettes de la discipline – dont le fameux targeting, qui consiste à couper à distance une feuille de papier, une fleur, etc. – et que chacun doit découvrir la sienne. «Cela vaut la peine de s’entraîner devant un miroir et d’apprendre en partie par soi-même, afin de développer son propre style. Mais on apprend plus vite si on suit aussi des cours en parallèle.»

Afin d’initier les amateurs au fouet, elle propose ponctuellement des cours en groupe et privés, mais caresse aussi l’idée de créer prochainement une communauté en Suisse et de présenter sa propre chaîne Youtube. «Je suis une personne qui a beaucoup de rêves et de passions, mais qui n’est pas du tout compétitive, remarquet-elle en riant. Si j’ai voulu entrer au Guinness Book, c’était surtout pour avoir une crédibilité dans ma spécialité artistique. J’ai maintenant envie de me consacrer au lasso, qui n’a pas l’air difficile à première vue, mais qui est en réalité extrêmement compliqué. Cela me prendra beaucoup d’années pour développer la technique. Et j’aimerais aussi apprendre à jongler avec un revolver… puis faire un jour une tournée aux États-Unis, pour rencontrer enfin tous ces gens qui m’ont aidée à me réaliser au fil des années.» MM

This article is from: