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L’amour n’a pas d’âge

Dans le film «Les Belles Années», qui sort cette semaine dans les salles romandes, il est question de l’éloignement, au fil du temps, d’un couple de retraités. Une réalité pour certains, mais pas une fatalité pour Caroline Fux. La psychologue et sexologue estime que la retraite ne sonne pas la fin des relations amoureuses.

Caroline Fux, dans le nouveau film «Les Belles Années», un couple de longue date rencontre des difficultés à l’âge de la retraite. Ce phénomène est-il très répandu?

Pour de nombreux couples, cette période représente en effet un grand tournant. Soudain, l’activité ralentit et une routine s’installe au quotidien. Pour les couples plus jeunes, cela peut également arriver lors de la naissance d’un enfant, d’un changement d’emploi ou d’un déménagement. Tous ces événements entraînent une remise en cause des fondements mêmes de la relation. Et la nouvelle situation ne plaît pas nécessairement à tous les deux...

La conséquence est que certains couples finissent par s’éloigner une fois à la retraite. Comment l’éviter? En prenant de l’âge, nous avons tendance à être plus compliqués et plus égocentrés. Il n’est pas rare que les couples de longue date prennent des chemins différents, car nous n’évoluons pas forcément de façon parallèle. L’objectif doit donc être de s’autoriser à évoluer, mais de veiller à toujours se retrouver, à s’investir dans la relation. Sinon, le fossé risque de se creuser au fil du temps.

Comment faire pour y arriver?

Je recommande de se poser ensemble une fois par semaine et d’échanger: de quoi as­tu besoin? De quoi ai­je besoin? Quels sont les défis auxquels nous devons faire face? Dans la vie professionnelle, c’est une démarche courante. Dans la vie de couple, c’est un concept étrange pour beaucoup. Mais ça fonctionne! Il faut néanmoins planifier ces échanges et leur accorder le temps nécessaire. Je le fais moi­même et je le propose aux couples dans mon cabinet sous une forme clairement structurée. Cela permet d’entretenir activement la relation et de maintenir le contact, quelle que soit l’évolution de chacun.

Selon vous, ces échanges font souvent défaut?

De nombreux couples de longue date entretiennent l’illusion de bien se connaître. Or, souvent, on ne remarque pas tel ou tel changement chez l’autre, alors que les préférences et les intérêts changent. Parfois, nous nous mentons également à nous-mêmes, parce que c’est plus confortable, parce que nous ne voulons tout simplement pas remettre en cause certaines choses.

Par exemple?

Pour les êtres humains, il n’y a rien de plus périlleux que le changement. En demandant à l’autre: «Te sens-tu encore bien dans notre relation?», on court le risque que sa réponse soit:

Le film «Les Belles Années» sort en Suisse romande le 5 avril. Le scénario est l’œuvre de la réalisatrice Petra Volpe («L’Ordre divin»).

«Non, pas vraiment». Que faire, dans ce cas? Il est beaucoup plus simple de fermer les yeux et de continuer comme si de rien n’était. Mais tout risque de se compliquer à la suite d’un événement qui change beaucoup de choses, comme un départ à la retraite. Il existe aussi des couples qui vivent de manière tellement indépendante que tout se passe bien pour eux à ce moment-là, et ce ne sont pas les plus malheureux.

Quand on constate qu’on s’est éloigné, n’est-il pas préférable d’en tirer les conséquences plutôt que de poursuivre une vie à deux malheureuse et ennuyeuse?

C’est une question très complexe que de nombreux couples et de nombreuses personnes me posent. Là aussi, il n’y a pas de recette miracle. La question à se poser est la suivante: combien de personnes voulons-nous vraiment laisser entrer dans nos vies? Nous voulons partager notre vie avec quelqu’un, mais les personnes avec qui nous pouvons nous imaginer vivre une relation ne sont pas nombreuses. Une belle relation qui dure, c’est un peu comme un foyer: on ne perçoit sa valeur qu’une fois qu’on l’a perdue. Il n’existe pas seulement les deux options de poursuivre la relation sans être heureux ou d’y mettre un terme. On peut aussi essayer de faire évoluer la relation.

Est-ce que cela réussit souvent?

Oui, je le vois régulièrement. Toutefois, une séparation en bonne intelligence peut aussi être une réussite. Souvent, nous nous faisons une conception étrange de nos relations. Personne ne s’attend à ce qu’une carrière professionnelle progresse toute seule. Nous savons tous qu’il faut beaucoup travailler pour réussir. En amour, en revanche, nous voudrions que tout soit simple. Nous attendons de nos relations et de notre couple bien plus que de tout autre domaine de notre vie. Et pourtant, nous ne sommes pas prêts à nous investir comme il le faudrait.

Dans quelle mesure les romances hollywoodiennes sont-elles responsables de cette représentation de l’amour?

Le film romantique est à la relation de couple ce que la pornographie est à la sexualité: il peut occasionner des dommages importants si nous avons l’impression qu’il est le reflet de la réalité. Ce n’est le cas ni pour l’un ni pour l’autre. Le problème, c’est que nous n’apprenons nulle part comment entretenir une relation.

Est-il facile de retomber amoureux après 65 ans?

J’ai régulièrement affaire à des personnes de plus de 80 ans qui sont amoureuses comme des ados. Malgré tout, pour la plupart des personnes âgées, il n’est pas si facile de s’imaginer vivre à nouveau avec quelqu’un. On sait ce qu’on veut et ce que l’on ne veut pas. Par conséquent, il est plus facile de tomber amoureux que de partager son logement.

Néanmoins, avons-nous encore une chance de nouer une nouvelle relation une fois âgés?

C’est plus facile que ça ne l’était auparavant. Autrefois, l’adage «Jusqu’à ce que la mort nous sépare» prévalait souvent et la personne survivante devait alors rester seule. On prétendait aussi que les personnes âgées n’avaient pas de relations sexuelles. C’était déjà du grand n’importe quoi. Quoi qu’il en

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