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Les terres rares ne sont présentes qu’en très petites quantités dans les minerais qui les contiennent. Gadolinium

Terres rares: le nouvel eldorado

L’annonce de la découverte d’un gisement de minerais contenant des terres rares en Suède a fait sensation. Plus répandus que l’or ou l’argent, ces métaux sont essentiels à un grand nombre de technologies, notamment la fabrication de batteries.

Texte: Ariane Gigon Samarium

Les terres rares, c’est quoi?

Découvertes en Suède par un minéralogiste amateur en 1787, les terres rares recouvrent en fait dix-sept éléments chimiques légèrement différents dans leur structure atomique, mais proches les uns des autres par leurs propriétés électriques, optiques, chimiques ou métallurgiques. Leur nom vient de l’habitude de l’époque de nommer «terres» les minerais résistant au feu. Et «rares» parce qu’ils sont souvent présents en faibles doses dans le minerai qui les contient. Les réserves mondiales étaient, en 2021, estimées à 120 millions de tonnes, dont la plus grande part en Chine (37%), devant le Brésil, le Vietnam, la Russie, l’Inde, l’Australie et les États-Unis. Mais attention: «On appelle ‹réserves› les quantités que l’on a déjà repérées et étudiées. Cela ne tient pas compte de tous les gisements que l’on n’a ni cherchés ni trouvés», nuance Vincent Serneels, professeur au Département de géosciences de l’Université de Fribourg.

«Pour l’heure, il y a peu d’endroits où les terres rares sont assez concentrées pour qu’une exploitation soit rentable»

Vincent Serneels, professeur au Département de géosciences de l’Université de Fribourg

À quoi servent ces métaux?

Les dix-sept métaux regroupés sous le nom de «terres rares» sont, à l’état brut, mélangés au minerai qui les porte. Dès leur découverte, ils ont été utilisés pour la fabrication de certains objets, comme des pierres à briquet. Mais il a fallu attendre la moitié du XXe siècle pour que des techniques de purification permettent d’extraire les différents éléments. L’yttrium a par exemple été utilisé pour les tubes cathodiques permettant d’avoir de la couleur sur les écrans de télévision. On le trouve aujourd’hui dans tous les écrans couleurs. D’autres éléments de terres rares sont nécessaires aux catalyseurs de voiture ou aux batteries de véhicules électriques, même si, dans ce dernier cas, le lithium, autre métal découvert relativement récemment, leur est préféré, car plus léger. Le néodyme, un des dix-sept minerais «rares», allié avec du fer et du bore, devient un «superaimant» (250 grammes suffisent pour porter environ 100 kilos). Ces aimants sont utilisés notamment dans les éoliennes. Autre exemple encore: l’europium est utilisé dans la fabrication des billets de banque. Exposé à des rayons ultraviolets, il provoque une fluorescence rouge qui permet d’éviter les contrefaçons.

Praséodyme Des échantillons de six oxydes de terres rares.

Cérium

Lanthane

Pourquoi la découverte suédoise a-t-elle fait sensation?

Mi-janvier, l’annonce de la future exploitation d’un gisement de plus d’un million de tonnes de terres rares, soit «le plus grand gisement connu à ce jour en Europe», selon la société exploitatrice LKBA, près des mines de fer de Kiruna, au nord de la Suède, a été commentée dans le monde entier. «Pour l’heure, il y a peu d’endroits où les terres rares sont assez concentrées pour qu’une exploitation soit rentable, explique Vincent Serneels. Le minerai de fer de Kiruna est déjà exceptionnel. L’infrastructure déjà en place va faciliter l’extraction des terres rares également.» LKBA compte néanmoins entre dix et quinze ans de préparatifs avant de pouvoir commencer à exploiter.

Il faut toutefois être conscient que toute extraction a un impact environnemental. «Lorsqu’on exploite une roche où la matière recherchée représente 0,1%, comme dans le cas des terres rares, il y a automatiquement beaucoup de débris», poursuit le professeur.

Néodyme

Pourrait-on trouver des terres rares en Suisse?

«Tant qu’il n’existait pas de marché pour les terres rares, la recherche de gisements n’existait quasiment pas», souligne Vincent Serneels. Or, aujourd’hui, ces minerais sont parmi les plus recherchés, notamment pour la transition énergétique. «Je pense que l’on va découvrir encore beaucoup de sources potentielles de terres rares, ajoute le professeur. Et en Suisse? «Cela n’est pas exclu. Mais le potentiel d’un petit pays est forcément limité.»

L’industrie suisse utilise aussi des terres rares. Selon un sondage de l’association Swissmem, 20% des entreprises y recourent, mais, dans la majorité des cas, sous forme de biens déjà transformés, comme des aimants permanents pour le mouvement de montres, et non de matières premières.

Est-il possible de recycler ces minerais?

Les recherches battent leur plein. Mais «le recyclage n’est pas facile, parce que, le plus souvent, les matériaux contiennent une toute petite quantité de terres rares, précise Vincent Serneels. Cela dépend toutefois des produits. S’il est complexe de récupérer des terres rares dans un écran, la procédure l’est moins avec les aimants. Tous ces objets étant relativement récents, les quantités à recycler ne sont pas non plus encore énormes. En Suisse en tout cas, il n’y a pas encore d’éoliennes à recycler…» MM

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