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14 | 24.1.2022 | SURVEILLANCE

Entre les réseaux sociaux, les smartphones et les applications en tout genre, jamais les technologies numériques n’ont autant menacé notre intimité. Essayiste et journaliste, Blaise Lempen met en garde contre l’avènement d’une société de l’hypersurveillance. Texte: Laurent Nicolet

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laise Lempen, vous dénoncez une dictature numérique, mais peut-on vraiment parler de dictature quand il y a consentement général? Il y a consentement parce que les fabricants sont très habiles, créent une addiction à ces techniques, mettent à disposition de nombreux services. Les smartphones sont utiles et agréables. Le problème, c’est que l’innovation avance à toute vitesse, qu’on en perd le contrôle, alors qu’elle devient incontournable. On le voit avec la pandémie. Pour les suivis des contacts, les codes QR, le pass sanitaire, il faut un smartphone. On est effectivement consentant, mais il y a aussi une forme de soumission, puisqu’on en est très dépendant et qu’il n’existe pas d’alternative. Pour d’autres technologies, par exemple l’automobile, il existe des alternatives, on peut aller à pied, à vélo, prendre les transports publics pour se déplacer. Pour le smartphone ou l’ordinateur, il n’y a pas d’alternative si l’on veut garder une vie sociale, c’est dans ce sens-là que l’on peut parler de dictature.

Le traçage sanitaire, comme la lutte contre le terrorisme, ont pourtant leur utilité, non? Oui, mais l’on a ainsi créé une accoutumance à une surveillance quotidienne, c’est cela qui est dangereux. Une prise de conscience est nécessaire. Il faut être conscient que cette surveillance existe sur les réseaux sociaux, les smartphones, les ordinateurs, tous les objets connectés. Les données sont récoltées par des entreprises situées souvent à des milliers de kilomètres. Cette surveillance s’est encore accentuée en raison de l’usage plus fréquent du télétravail, du téléenseignement, du commerce en ligne, des smartphones, conséquence de la pandémie. Nous sommes en partie responsables parce que nous plaçons sur les réseaux sociaux de nombreuses informations personnelles, parfois même intimes, concernant par exemple notre santé, notre vie familiale, nos loisirs. Dans ces conditions, la bataille pour la défense de la vie privée est déjà perdue. La réaction citoyenne que vous appelez de vos vœux n’est-elle pas dérisoire par rapport à la

De quoi parle-t-on? L’essayiste et journaliste Blaise Lempen propose des pistes pour maîtriser l’évolution rapide des technologies numériques qui menace nos démocraties en entraînant la disparition de toute vie privée. Un phénomène encore aggravé par les mesures sanitaires et la lutte contre le terrorisme et qu’il dénonce dans son livre La dictature numérique en marche*.

puissance que vous décrivez de toutes les technologies intrusives? La question essentielle est de sensibiliser le grand public à cette évolution afin de mettre des limites à la surveillance. Des ONG et des mouvements politiques font un travail de sensibilisation, mais ce n’est pas suffisant. Dans le cadre de la

Illustration: Getty Images  Photo: DR

«La bataille pour la défense de la vie privée est déjà perdue»


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