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La tête dans les étoiles

Chloé Carrière s’envolera-t-elle un jour vers la Lune? Cette étudiante en management des technologies spatiales à l’EPFL espère bien réaliser son rêve de devenir astronaute. En attendant, sous le pseudo de «Galactic Chloé», elle raconte les mystères de l’univers sur Youtube.

Texte: Catherine Hurschler Photo: François Wavre / Lundi13

Girls can do anything.» C’est la phrase brodée sur son pull, le matin de notre rencontre, sur le campus de l’EPFL. «Les filles peuvent tout faire», oui, c’est une évidence, d’autant plus que Chloé Carrière, 23 ans, vise loin: au moins 390 000 kilomètres, soit la distance entre la Terre et la Lune. La France, son pays d’origine, compte plusieurs astronautes de renom, dont Thomas Pesquet, qui vient de passer six mois dans la Station spatiale internationale, et Claudie Haigneré, première femme astronaute européenne. En Suisse, personne n’a oublié la dextérité de Claude Nicollier face au télescope Hubble, tout là-haut. Chloé Carrière aimerait un jour fouler le sol lunaire, une ambition qui pour l’instant lui demande de garder les pieds bien ancrés sur terre. «J’ai un bachelor en physique et je suis en train de finir un master en management des technologies spatiales. C’est une formation orientée sur la gestion de projets. En septembre, je vais partir pour six mois de stage à l’Agence spatiale européenne (ESA), au bureau du directeur général en stratégie et développement, à Rome», dit-elle, bien au clair sur ses plans.

Sur Youtube, elle est «Galactic Chloé»*, en combinaison argentée et discours structuré pour parler de l’espace au plus grand nombre. À l’EPFL, elle est bien plus qu’une étudiante, elle a un rôle de communicante: elle vient de participer au Consumer Electronics Show (CES) qui se tenait début janvier à Las Vegas. Il s’agit du plus important rassemblement consacré à l’innovation technologique. «J’avais pour mission d’animer le stand de Swisstech, qui représentait la Suisse, avec un show que je faisais plusieurs fois par jour sur le thème de l’espace durable. J’ai également fait des vidéos pour les réseaux sociaux en allant à la rencontre des start-up et animé les réseaux sociaux de l’ambassade suisse aux États-Unis», complète-t-elle.

Des recherches utiles sur Terre Quand on voit l’état de la planète Terre, est-il raisonnable de consacrer autant d’énergie à l’espace? «C’est une question que le public se pose, mais il est important de ne pas dissocier le spatial de ce qui se passe sur Terre: la plupart des technologies que l’on utilise ont un lien avec l’espace. La miniaturisation des téléphones provient de notre volonté d’explorer l’espace, les sèchecheveux ou les machines à café sont des dérivés de technologies faites pour aller sur la Lune ou sur Mars», dit-elle. Et puis, il y a aussi l’envie de découvrir de nouveaux horizons, propre à l’humanité, avec toutefois un bémol: «Pour moi, il ne s’agit pas de conquérir quoi que ce soit. L’espace est une nouvelle frontière à explorer», souligne Chloé Carrière. En revanche, elle a déjà observé que le spatial va devenir un endroit à commercialiser. «Il va falloir prendre les bonnes décisions pour ne pas faire les mêmes erreurs que sur Terre.» Chloé Carrière le sait, d’ici quelques années, la NASA et l’ESA envisagent de relancer les missions sur la Lune, avec le projet d’y installer «un village lunaire» pour des expériences scientifiques sur le long terme. «L’idée est de faire comme avec la Station spatiale internationale, dans laquelle il y a toujours des astronautes à bord.» C’est ce projet fantastique qui fait briller son regard, tout en gardant une certaine retenue. «Lors du dernier recrutement à l’ESA, il y a eu 22 000 postulations pour 6 places disponibles. Et puis c’est un domaine qui demande d’avoir de la patience, et c’est quelque chose de difficile pour moi. Je suis une personne dynamique, orientée sur les résultats.» Chloé Carrière a eu le déclic pour cet univers à 15 ans, lorsqu’elle a découvert la mission Planck, menée par l’Agence spatiale européenne. «C’est un satellite en orbite qui a pour but de prendre la première image de l’univers, juste après le Big Bang. Je suis tombée amoureuse du cosmos, de ses paradoxes, et je me suis mise à l’astronomie. Travailler dans ce domaine, c’est ce qui me motive, et si je deviens astronaute, cela sera la cerise sur le gâteau», confie-t-elle. Pour la petite histoire, elle a pu rencontrer Thomas Pesquet, qui lui a signé un livre. «Il a marqué: ‹Chloé, ta place t’attend›. Ce que je trouve fascinant chez lui, c’est son talent pour vulgariser et rendre accessible tout ce qu’il fait.»

«Lors du dernier recrutement de l’ESA, il y a eu 22 000 postulations pour 6 places disponibles»

Mars, hors de portée Mis en lumière ces derniers mois, le tourisme spatial lui inspire une réflexion tout en nuances. «Si j’avais à choisir, j’aimerais clairement être astronaute professionnelle et contribuer à la science. Mais si on me donnait une place en tant que touriste, à bord d’une mission privée, je ne saurais pas quoi répondre parce que j’essaie de m’investir pour une utilisation durable de l’espace. Je pense que l’on n’a pas encore atteint le moment où le tourisme spatial entre dans cette catégorie. Je vais attendre pour y aller de manière plus verte.» Quant aux éventuelles missions pour Mars, Chloé Carrière les balaie rapidement: «Je ne pense pas que je verrais cela de mon vivant et, pour l’instant, la technologie n’est pas prête pour assurer le retour. Et moi, je ne signe pas sans ticket de retour.» MM

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