EN COUVERTURE
© Fondation Mérieux et Collection particulière
L
Bal costumé chez Humbert Isaac et son épouse, née Marie-Louise Tresca, au 31bis boulevard des Belges
Mondanités et filiations à l’infini UN CONCENTRÉ DE LYONNAISERIES A la Belle Epoque, les Brotteaux sont le quartier le plus riche de la ville, concurrençant durement Ainay, l’aristocratique. L’industrie est triomphante, et les plus dynamiques représentants de la nouvelle bourgeoisie possèdent des usines tout autour de l’agglomération. Et l’aisance financière qu’elles procurent. Par Marc Polisson 52
JUIN 2010
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e soir venu, industriels, banquiers et soyeux regagnent le boulevard du Nord, considéré comme «le petit Neuilly lyonnais », notent Bernadette Angleraud et Catherine Pelissier dans leur ouvrage «Les dynasties lyonnaises»*. On retrouve donc des Gillet, Balaÿ, Aynard et leurs alliés à tous les numéros impairs. Et vice-versa. On est dans le même salon ! «Leurs différents descendants auront dans la première moitié du siècle, occupé neuf immeubles différents dont six dans la partie la plus cotée longeant le parc. L’entrecroisement des liens de parenté et de voisinage est très fréquent*». «Vers le parc, conformément aux dispositions originelles, les constructions ne peuvent avoir plus de trois étages ; elles font alterner deux types de bâtiment. Les édifices anciens sont des « villas » souvent de dimensions énormes, ostentatoires, comme la fortune de leurs propriétaires, par opposition à la discrétion des demeures aristocratiques d’Ainay» confirme l’historien Jean Pelletier. Les villas ne sont séparées du parc que par une grille et possèdent leur propre jardin. Dans chaque maison, s’active une dizaine de domestiques (6 pour les plus modestes) avec cuisinière, chauffeur, femme de chambre, lingères, jardiniers… Le personnel masculin loge dans les pavillons situés à l’entrée des propriétés. Les employés féminins dans les chambres de bonne du dernier étage. Ces messieurs, industriels ou banquiers (pas question de professions libérales !) vaquent à leurs occupations professionnelles puis sociétales (Cercle du Commerce, Jockey Club...) ou sportives (Tennis Club de Lyon) tandis que leurs épouses se rendent ou reçoivent leurs amies, à jour fixe, de façon mensuelle ou bimensuelle. Une mention qui figure dans la notice de l’annuaire du Tout Lyon, consacrée à chaque famille. «Surchargé et varié, tel est l’emploi du temps de la parfaite maîtresse de maison. En effet, il lui faut diriger les domestiques, surveiller les fournisseurs, s’occuper des enfants, recevoir, broder *».
La vie mondaine connaît son apogée en automne et en hiver (carême excepté), car dès les beaux jours, les familles s’installent à la campagne. De très beaux bals costumés sont donnés dans les salons des hôtels particuliers (celui d’Edmond Gillet mesure 18 mètres de long), la jeunesse dorée fait ainsi plus ample connaissance en cirant les parquets après avoir essuyé ses culottes de flanelle sur les bancs de l’école Nazareth, du Lycée du Parc, de la Trinité ou d’Ampère. A leur majorité, ces jeunes messieurs ne se contentent plus de chasser le col vert en Dombes. Nombreux sont-ils à enterrer leur vie de garçon dans les cabarets du quartier Célestins... et ensuite «aller à confesse» à la Rédemption ou à Saint Joseph des Brotteaux, les deux