LYON PEOPLE JUIN 2016 / Toques Blanches Lyonnaises - L'album des 80 ans

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IL ÉTAIT UNE FOIS

LES TOQUES BLANCHES LYONNAISES… L’Histoire ne repasse pas les plats, affirmait Céline. N’en déplaise au grinçant Louis-Ferdinand, qui n’avait pas toujours raison, on fera une exception pour celle des Toques Blanches Lyonnaises : 80 ans obligent ! C’est l’opportunité d’évoquer à nouveau les grandes heures de cette association réunissant la fine fleur des cuisiniers de Lyon et de sa région. Une histoire déjà racontée par le menu dans le très beau livre signé par Valérie Desgrandchamps, illustré par le photographe Etienne Heimermann, publié il y une dizaine d’années. Ouvrage de référence qui a nourri l’essentiel de ce petit rappel historique. Un retour aux sources en l’amicale compagnie du chef Christian Bourillot, mémoire vivante des Toques Blanches Lyonnaises dont il fut pendant près de vingt ans ans plus que le scrupuleux secrétaire : le gardien du temple. Par Jean-Jacques Billon

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renouveau. L’amicale reprend ses habitudes, 936 : le Front Populaire instaure la alors dispensés rue Sala, sous l’impulsion du semaine de 40 heures et octroie aux entre rencontres quotidiennes au marché Saintfameux chef Albert Mennweg (Au Filet de sole, salariés quatorze jours de congés payés Antoine - autour des Paul Bocuse, Jean-Paul rue Ferrandière) ou de Claude Maret, le cuisinier annuels. Un coup de tonnerre dans le Lacombe, Bernard Constantin, Jacky Marguin, chantant (La Soierie, place des Terreaux). secteur de la restauration où les horaires Roger Douillé et autres joyeux drilles- parties de de travail dépassent largement les nouvelles boules hebdomadaires et quelques réunions normes. Un peu comme si on avait accordé aux chez l’un ou l’autre des membres qui reçoit écoliers la semaine des quatre jeudis ! Léon ses amis autour d’un pot au feu, d’un gratin de Blum ne l’a jamais su, mais il a ainsi favorisé la tripes ou d’une blanquette ; tous sont alors ses naissance des Toques Blanches invités, mais « aucun n’oublie Lyonnaises. « La véritable histoire de laisser son obole pour le a bien commencé comme personnel », souligne Christian ça » assure Christian Bourillot qui Bourillot. Le temps s’accélère n’avait que deux ans à l’époque avec les années soixante. Mais mais le tient de source sûre. De les Toques Blanches évoluent Marius Vettard en personne. lentement. Président incontesté, Grande figure de la gastronomie Marius Vettard le restera à vie. lyonnaise, celui-ci bat le rappel de « Quand je suis arrivé, c’était le ses collègues restaurateurs pour patriarche » se souvient Christian une réunion de crise dans son Bourillot, admis au sein des Toques fameux établissement de la place Blanches en 1961, l’année de son Bellecour, le Café Neuf, en juin installation place des Célestins. 1936. Comme il en faut plus pour « On entrait déjà par cooptation leur couper l’appétit, c’est aussi et double parrainage. A l’époque, l’occasion d’un chaleureux cassenous étions 37 membres et croûte. Des liens se créent, des lorsqu’on se réunissait en habitudes aussi et d’abord celle assemblée, aucune absence de se retrouver régulièrement n’était tolérée… Une fois par pour des parties de boules an, on organisait un concours autre activité où excelle Marius de boules, à Saint Clair, au Corvée patates pour le Figaro Magazine en 1975. De g à d : Patrick Henriroux, Jacques Pic, Vettard - prolongées par de Chalet dauphinois, chez le Georges Blanc, Pierre Troisgros, Alain Chapel, Paul Bocuse, Jérôme Bocuse (Debout), Pierre joyeuses agapes. A l’époque, le père Laurent. Après la finale, Gagnaire, Philippe Chavent, Jean-Paul Lacombe, Pierre Orsi, Roger Jaloux, Marc Veyrat guide Michelin recense 19 tables on passait à table, bien sûr. A ce étoilées entre Rhône et Saône ; repas, les épouses n’étaient jamais ils sont alors moins d’une trentaine de cuisiniers invitées, mais les maîtresses étaient acceptées » Après les années de disette de l’Occupation, à se retrouver au sein de cette amicale que confie malicieusement Christian Bourillot en les Toques Blanches vont être les artisans de la Marius Vettard baptise Les Toques Blanches. ajoutant : « en revanche, lors du dîner gala instauré résurrection de la gastronomie à Lyon incarnée Une certaine élite qui a fait sienne la formule dès l’après-guerre et qui s’est tenu très longtemps notamment par Joannès Nandron qui devient en au casino de Charbonnières, seules les épouses lancée par Curnonski en 1934, qualifiant Lyon de 1949 le premier chef de province à recevoir le titre capitale de la gastronomie, et s’emploie à ne pas étaient conviées. » Les temps ont changé bien de Meilleur Ouvrier de France. Avec lui, Edmond le faire mentir en assurant le rayonnement de la sûr ; aujourd’hui les chefs affirment qu’ils n’ont plus Lafoy (Farge, place des Cordeliers), Jean Vignard restauration lyonnaise, notamment lors de la Foire assez de temps pour… jouer aux boules. Après la (Chez Juliette, rue de l’Arbre sec) et Roger Roucou de Lyon mais aussi en s’impliquant fortement dans disparition de Marius Vettard, en 1976, Paul Blanc (La mère Guy, quai Jean-Jacques Rousseau), (Le chapon fin à Thoissey) incarne le changement la formation des apprentis, chez eux ou dans le s’imposent comme les figures de proue de ce dans la continuité à la tête des Toques Blanches. cadre des cours d’enseignement professionnel

Le renouveau de la gastronomie lyonnaise

Lyonpeople / Juin 2016

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