LYON PEOPLE JUIN 2015 / Spécial Dombes

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LA DOMBES GOURMANDE

GRENOUILLES SANS FRONTIÈRES De la Turquie à la Dombes… Entre le filet de carpe à l’oseille et le poulet à la crème, les grenouilles persillées sont à la carte de la plupart des restaurants de la Dombes. Traitées avec plus ou moins de bonheur, dégustées avec plus ou moins de plaisir, selon les établissements, elles n’en restent pas moins le plat le plus représentatif de la cuisine locale. Texte : Jean-Jacques Billon - Photos : Fabrice Schiff

S

i la carpe a généralement été pêchée dans les étangs qui donnent au paysage dombiste son charme mélancolique, si la volaille peut sans mentir revendiquer ses origines gauloises, voire - dans le meilleur des cas - s’enorgueillir d’être née et d’avoir été élevée dans la Bresse voisine, les grenouilles n’ont pour leur part jamais mis une patte palmée en Dombes, de leur vivant. La pêche et la commercialisation de ce délicieux batracien – rana esculenta, de son nom latin signifiant grenouille comestible – y sont en effet prohibées depuis 1980. Interdiction motivée par la nécessité d’assurer la sauvegarde de l’espèce, menacée de disparition par différents facteurs dont les insecticides, sans oublier les prédateurs naturels comme le héron. Seule est tolérée la pêche de loisir, pour consommation personnelle, uniquement de juin à septembre. Aujourd’hui, la quasi-totalité des grenouilles consommées en France, c’est-à-dire dans la région Rhône-Alpes pour l’essentiel, provient de pays étrangers. Comme le confirme Laurent Grandguillaume, l’un des rares importateurs français agréés, à la tête de la poissonnerie familiale, installée à Neuville-sur-Saône depuis 1971 : « Les grenouilles viennent en majorité de Turquie et d’Albanie, mais bien moins d’Egypte depuis quelques années ». Ces grenouilles venues d’ailleurs appartiennent bien à l’espèce rana esculenta et sont issues de la pêche artisanale. Deux critères essentiels, insiste Laurent Grandguillaume en précisant que « les grenouilles sont expédiées vivantes, par avion et elles le sont toujours à l’arrivée, en état de semi-hibernation. A réception, elles sont abattues et découpées dans notre laboratoire. Ce sont bien des grenouilles fraîches que nous revendons, essentiellement à des restaurateurs. ». Animal « sauvage », dont l’élevage s’avère délicat même si certains ont tenté l’expérience avec bonheur, à l’exemple de Patrice François, « raniculteur » à Pierrelatte dans la Drôme, la grenouille est donc soumise aux aléas climatiques. Pour autant, la gourmandise n’a pas de saison et force est de recourir également à d’autres sources d’approvisionnement. Si la France importe annuellement 800 tonnes de grenouilles fraîches, elle achète également 3000 tonnes de grenouilles surgelées. Certaines viennent également de Turquie, alors « leur texture est proche de celle de la grenouille fraîche et si le chef sait bien les préparer la différence de saveur n’est guère perceptible » souligne Laurent Grandguillaume ; ce qui n’est pas le cas de celles arrivant en majorité d’Indonésie et du Vietnam qui appartiennent à une autre espèce : « leur chair est plus sèche. » Vendues au rayon surgelé des supermarchés, on les trouve aussi dans les magasins réservés aux professionnels de la restauration. Libres à eux d’en servir ou non. Pour autant, si aucun restaurateur ne se risquerait à inscrire « grenouilles de la Dombes » à sa carte, ils sont nombreux à mentionner « grenouilles fraîches ». Une précision importante, tout comme la taille des grenouilles – moyennes de préférence, voire petites. Sans oublier un beurre généreux et des herbes goûteuses : le tour de main du chef, coâ !

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Lyonpeople / Juin 2015


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