LYON PEOPLE JUIN 2015 / Spécial Dombes

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ROGER GIRARD La mécanique dombiste Implantée depuis 1870 à Villars-les-Dombes, la famille Girard a accompagné les profondes mutations du paysage agricole dombiste. Du paysan à l’agriculteur, de la charrue à main au tracteur, du cheval au moteur… Rencontre avec Roger Girard. Texte : Benjamin Solly - Photos : Fabrice Schiff & DR

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a tristesse, la solitude, la fièvre et la misère, voilà la Dombes ! »* L’ingénieur draineur à l’origine de cette description avait-t-il cru tomber dans le 10e cercle de l’Enfer en rejoignant le pays des étangs ? Nous en sommes en 1859 et la Dombes souffre toujours d’une épouvantable réputation. Déjà, entre 1830 et 1840, la révolte des « Voraces » avait mis en lumière les conditions de vie dantesques des moissonneurs locaux. Pour récolter le maigre fruit de son labeur, le paysan dombiste doit dompter une terre inhospitalière, argileuse l’hiver et aride l’été, qui serpente entre les étendues d’eau. A quelques kilomètres, la Chalaronne fait figure d’Eldorado. Pourtant, c’est bien à Villars-les-Dombes que s’installent Joseph Girard et son épouse Claudine en 1870. Originaire de Châtillon, ce fils de cultivateurs se taille une jolie réputation comme mécanicien-constructeur. « A l’époque, les forgerons travaillaient le fer et les charrons le bois. Pour lier les deux, j’imagine que mon arrière grand-père devait avoir un certain doigté », explique Roger Girard. Joseph réalise, entre autres, des moules en bois servant à forger les canons utilisés pour la guerre de 1870 et commence à se faire un nom à Lyon. « Il faisait également un peu de battage », glisse Roger. Véritable attraction locale, sa batteuse à vapeur Clayton rejoint même le Champ de Mars pour parader lors de l’exposition universelle de 1878 à Paris. La mécanisation de l’agriculture tient encore du roman d’anticipation mais Joseph fait déjà figure de précurseur dans l’utilisation de cet engin. Et implante définitivement les Girard en Dombes. Son fils porte le même prénom. Né en 1871 à Villars, Joseph fils creuse le sillon familial, entre mécanique et battage. A 20 ans, appelé à Paris pour remplir ses obligations militaires, il prolonge son séjour sur les conseils de son père. « Il n’y avait pas de récoltes, donc pas de battage », explique Roger. Dans la ville lumière, Joseph fils travaille à la construction du métro. Lorsqu’il revient à Villars, dont il occupe le poste de maire de 1925 à 1926, les machines agricoles motorisées babillent. C’est en 1926 qu’il vend son premier tracteur, un Austin, à la comtesse de Montessuy. Il fabrique en 1930 une charrue révolutionnaire à 4 socs. Jadis terre de misère, la Dombes est désormais pionnière sous l’impulsion inventive des Girard. La mécanique se perpétue avec l’indomptable Elie, né en 1908 et dernier garçon de Joseph fils.

Lyonpeople / Juin 2015

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