LYON PEOPLE JUIN 2015 / Spécial Dombes

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MARC DE CLAVIÈRE Grand pêcheur devant l’Eternel Au pays des 1000 étangs, ils sont encore une poignée de passionnés à vivre de la pêche. Rencontre avec Marc de Clavière, représentant la 3ème génération de pisciculteurs dombistes à Gondart. La dernière ? Texte : Marc Polisson - © Photos : Fabrice Schiff

A

quelques centaines de mètres de la route, se dresse une atypique maison coloniale construite autour d’un haras en 1914 par des Bressans. Acquise dans les années 30 par René de Clavière, c’est aujourd’hui le camp de base de Marc, son petit-fils. A la fin de la première guerre mondiale, ses écuries accueillaient 30 juments dont les poulains étaient destinés aux régiments de cavalerie. La mécanisation de l’armée sonne le glas de cette activité et contraint la famille à envisager une reconversion totale. Inutile d’aller très loin, les étangs qui bordent la propriété offrent une alternative attrayante : la pisciculture. Sentant le vent tourner, René de Clavière, dès 1928, rassemblant une dizaine de familles dombistes (Charveriat, Passot, Chalandon) pour commercialiser les produits de la pêche, crée une coopérative (Coopépoisson). Son fils Bernard développe l’activité familiale avant de transmettre le flambeau à son neveu Marc, président de Coopépoisson depuis 2006. A titre personnel, le domaine familial comprend une centaine d’hectares d’étangs. La coopérative qui regroupe une centaine de propriétaires et fermiers commercialise 650 tonnes de poisson (sandres, carpes, brochets) aux sociétés de pêche (1er client) et aux transformateurs (Eric Liatout, Homard acadien, Fumet des Dombes…). Ces derniers se chargent de dispatcher le produit fini (filets, soupes…) auprès des restaurateurs et distributeurs. Dans le but de s’assurer un complément de revenus, Marc de Clavière crée la société MPA Services (associé Laurent Quiblier) qui intervient en tant que conseil dans le domaine de la pisciculture,

de l’agriculture et des forêts. Les deux hommes gèrent une trentaine d’étangs appartenant à des propriétaires privés. Second volet de leur activité, les expertises auprès de la cour d’appel en matière de pisciculture et de faune sauvage.

« Dans les années 70, c’était le paradis » Le caractère enchanteur des lieux – dès la belle saison – dissimule une réalité économique et écologique contrastée. Un constat que Marc de Clavière résume à son ami Olivier de Seyssel, président de la MSA, d’une formule limpide : « Il faut être totalement passionné pour tenir le choc ! » Marié à Pascale Ginon, le quinquagénaire n’envisage pas sereinement de transmettre l’exploitation à l’un de leurs 4 enfants (15-23 ans). Car depuis une trentaine d’années, les nuages obscurcissent l’horizon des pisciculteurs dombistes confrontés à des problématiques commerciales et environnementales insolubles. Commerciales car le niveau des prix n’a jamais été aussi bas. En cause, la concurrence acharnée que livrent les pays de l’Est (Pologne et Tchéquie), avantagés par le faible coût de la main d’œuvre. L’embargo sur la Russie n’a rien arrangé. Tous les poissons destinés à l’empire de Vladimir

Poutine sont revenus… sur le marché français. A cela s’ajoute une qualité de l’eau en baisse. Et pour couronner le tout, il leur faut composer avec des prédateurs qui endommagent les digues (ragondins, rats musqués…) ou qui font une razzia sur la ressource (cormorans, hérons…). Doté d’un appétit insatiable, le cormoran cristallise à lui seul le mécontentement de toute la filière depuis que sa régulation a été stoppée par les écologistes en Hollande au début des années 80. Depuis, l’espèce a colonisé toute l’Europe. Or il faut savoir qu’un seul individu peut dévorer entre 600 et 700 grammes de poissons par jour. Chaque soir, près de 10 000 cormorans regagnent leur dortoir sur l’île de la Pape. Je vous laisse le soin de faire le calcul. Le conseiller général Guillaume Lacroix a pris le problème à bras le corps. Et fait voter par la précédente assemblée une batterie de mesures et de subventions pour aider les pisciculteurs à se protéger. Mais les filets de protection aériens paraissent bien dérisoires face à l’ampleur du problème. C’est désormais Bruxelles qui a entre ses mains le destin de cet écosystème unique en Europe.

Association de Promotion du Poisson des Etangs de la Dombes La filière s’est organisée autour de cette association présidée par Roland de Barbentane pour promouvoir le poisson de la Dombes aussi bien auprès des particuliers que des professionnels (présence au salon de l’agriculture, au SIRHA…). Elle comprend trois collèges : les pisciculteurs, les négociants, les transformateurs. Double objectif : être l’interlocuteur privilégié des pouvoirs publics et tirer les prix des poissons vers le haut. Aujourd’hui, la carpe se négocie entre 1 et 1,30 euros/le kg ; le brochet entre 4 et 6 euros/le kg ; et entre 9 et 11 euros pour le sandre. Des prix trop bas pour assurer la pérennisation de l’activité.

Lyonpeople / Juin 2015

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