La Transition Ecologique comme composante de l'enseignement de l'architecture

LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE COMME COMPOSANTE DE L’ENSEIGNEMENT DE L’ARCHITECTURE

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Mémoire S9_Séminaire «Vivre Ensemble» H21_Encadrant : Arlette HÉRAT _Étudiante : Ludivine OBIEJESI.

SOMMAIRE Introduction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 1. La Transition écologique : d’un mouvement à une mobilisation collective

8

1.1. La Transition écologique au fil de l’histoire

1.2. Prendre conscience des enjeux

1.3. Initiatives et limites du mouvement

2.

L’enseignement de la Transition écologique en école d’architecture 16

2.1. Une histoire à écrire...du XIXème siècle à nos jours

2.2. Rencontres pour une mise en réseau

2.3. Etat des lieux des enseignements pédagogiques des ENSA

3.

Les étudiants : vers une conscientisation ou une prise de conscience?.

24

3.1. Trois ENSA, trois exemples

3.2. L’ENSA-Marseille : enquête sensible auprès d’étudiants en master Conclusion

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

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Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38 Annexes.

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42

AVANT-PROPOS / Le choix et la définition d’un sujet de mémoire s’avèrent souvent délicats et complexes. Il faut soulever une problématique, en déterminer les limites, savoir se positionner en critique. Ce travail demande une certaine exigence, depuis les recherches jusqu’à l’écriture sous forme académique. S’orienter vers ce qui suscite notre curiosité paraît être un bon point de départ. À travers ce mémoire de 5ème année, je souhaite aborder un thème inhérent au département H21 «Habiter le monde, penser la décroissance au XXIème siècle» de l’ENSA-Marseille mais surtout d’actualité face aux problématiques de dérèglement climatique et de pic pétrolier : celui de la transition écologique. J’ai été initié à ce nouveau vocabulaire lors de mon entrée en master. D’une timide conscience de ces notions, j’ai pu en apprendre d’avantage, y mettre des mots et derrière ces mots, des définitions. Dans cet apprentissage, théorie et pratique projectuelle se corrèlent. L’écriture de ce mémoire, me permet d’organiser mes pensées, mes interrogations et mes connaissances. En tant qu’étudiante, cet exercice est une manière de m’exprimer sur le phénomène de la transition écologique, et de transiter personnellement d’une conscience sensible vers une conscience plus intelligible.

MOTS-CLÉS

Transition écologique Enjeux environnementaux Conscience Enseignement Architecture Étudiant 3

4

INTRODUCTION / «La recherche de la qualité environnementale est une attitude ancestrale visant à établir un équilibre harmonieux entre l’homme et la nature qui l’entoure.

Pratiquée par nécessité pendant des siècles, en particulier dans l’architecture domestique et vernaculaire, elle est tombée en désuétude après la révolution industrielle, à une époque où l’homme a cru à son omnipotence et puisé sans mesure dans les ressources de la planète.»

(Gauzin-Müller, 2001 : 12).

1. Ignacy Sachs né en 1927 d’origine polonaise, est un professeur français de socioéconomie et considéré comme le pionnier des concepts d’écodéveloppement et de développement durable.

Les activités industrielles et humaines ont engendré deux grands bouleversements que sont le pic pétrolier et le dérèglement climatique. Ils marquent une rupture dans l’histoire, et les changements qui en découlent échappent à l’entendement des hommes (SINAÏ, 2013). Pour une prise de conscience globale de ces enjeux environnementaux, de nouvelles démarches apparaissent tel que le mouvement de la transition écologique qui tend vers un profond changement des pratiques des sociétés industrialisées. On note depuis le milieu du XXème siècle, des glissements sémantiques de concepts liés aux activités humaines sur leur environnement. En 1972, Ignacy Sachs1 propose le concept d’écodéveloppement qui induit un développement des populations par elles-mêmes, utilisant au mieux les ressources naturelles et s’adaptant à un environnement qu’elles transforment sans le détruire (Sachs, 1980). En 1980 il est substitué par le concept de développement durable proposé par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) avant d’être repris puis défini dans le rapport Brundtland en 1987 (cf. en partie 1.a.). Depuis le début des années 2000, le concept de transition écologique (Hopkins, 2010) s’installe progressivement dans l’actualité, les écrits et les discours. «La transition écologique est une 5

évolution du modèle de développement durable qui renouvelle nos façons de consommer, de produire, de travailler, de vivre ensemble pour répondre aux grands enjeux environnementaux : ceux du changement climatique, de la rareté des ressources, de la perte accélérée de la biodiversité et de la multiplication des risques sanitaires environnementaux.»2 Comme le précise Lucile Schmid (2013), membre du conseil politique d’Europe Écologie Les Verts, «la transition écologique n’est pas réductible à la transition énergétique»3. C’est une notion complexe qui englobe les questions liées à l’énergie mais aussi l’agro-alimentaire, l’économie locale, l’éco-construction ou encore les transports alternatifs ; autant de secteurs démultipliés en initiatives -locales ou globales- et portées par des acteurs qui se mobilisent en sa faveur.

La prise de conscience de la finitude des ressources planétaires et les enjeux environnementaux amène à penser que les pratiques architecturales et urbaines doivent changer ou tout du moins s’adapter. Si l’Etat français semble avoir pris conscience de la nécessité d’induire dans l’enseignement des notions environnementales et énergétiques afin de mieux former les futurs architectes, qu’en est-il de la pédagogie mise en place et comment celle-ci est-elle interprétée par les étudiants ?

L’enseignement de la transition écologique dans les ÉNSA est-il pluriel ou singulier ? fragmenté ou diffus tout au long du cursus scolaire ? Est-on face à une conscientisation4 des étudiants par le corps enseignant ou bien face à une prise de conscience propre aux expériences -hors école- des étudiants ?

Pour mener à bien ce mémoire, trois étapes se succèdent et en constituent le plan. La première correspond à une recherche sémantique dans des ouvrages et articles spécifiques, choisie à l’aide des mots-clés: «transition écologique», «transition énergétique», «architecture écologique», «critique». Une sélection plus fine a été nécessaire, 6

2. Définition tirée du site : http://www.manche.gouv.fr/ , mise à jour le 17/08/17, consulté le 05/01/18.

3. SCHMID Lucile, «Transition écologique et modification du travail», disponible sur : http://www. huffingtonpost.fr/ 4. Action de conscientiser, c’est-à-dire faire que quelqu’un ou un groupe prenne conscience des problèmes (sociaux, politiques, environnementaux, culturels,...) qui se posent à lui. Disponible sur : http://www.larousse.fr/ , consulté le 05/01/18.

notamment Cairn5, en parcourant d’une part le sommaire des ouvrages pour cibler les chapitres en lien avec mon sujet, d’autre part en considérant leur bibliographie qui m’a mené sur des textes plus spécifiques. La seconde étape est une collecte de données documentaires principalement sur trois réseaux : - les données de l’Etat sur la transition écologique et ses lois via les sites .gouv.fr, - les données liées à l’histoire de l’enseignement de l’architecture en France à partir du XIXème siècle, rassemblées en partie dans l’enquête « L’enseignement de l’architecture en France au XIXème siècle » de Frédéric Seitz (1993) et dans le programme de recherche « Histoire de l’enseignement de l’architecture au XXème siècle » (HEnsA20), initié par l’ÉNSA-Strasbourg (2015) - les données de l’enseignement de la transition écologique dans les écoles d’architecture grâce au réseau ENSA-ECO depuis 2006.

De cette collecte j’ai pu constituer une frise chronologique pour comprendre l’évolution des écoles d’architecture. L’analyse des rencontres et de l’état de l’art des ÉNSA m’a permis d’orienter mon enquête de terrain qui constitue le troisième point de ce rapport. Cette étude porte sur le ressenti et les connaissances des étudiants vis-à-vis de la transition écologique et de son enseignement à l’ENSA-Marseille.

5. Cairn.info est une plateforme numérique constituée en 2010 par quatre maisons d’édition (Belin, De Boeck, La Découverte et Frès) ayant en charge la publication et la diffusion de revues de sciences humaines et sociales.

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1.

La Transition écologique : d’un mouvement à une mobilisation collective

Pour bien comprendre ce qu’implique le mouvement de Transition écologique, une vision historique de cette notion est nécessaire. Dans le Dictionnaire du Larousse (larousse.fr, oct. 2017), la transition se définie par le passage progressif entre deux états ou deux situations. Elle peut concerner une personne, une idée ou un développement.

«La Transition tend vers une organisation plus locale de la vie, qui soit plus productive tout en utilisant l’énergie plus efficacement.» (Hopkins, 2010). En ces termes, elle touche donc à la fois les personnes -animées par une conscience collective- , les idées -mises en place par des outils spécifiques- et le développement, qui se veut subsidiaire et local. Lorsqu’on parle du mouvement de Transition écologique il n’existe pas, aujourd’hui une définition unique qui fasse consensus. Cette notion concerne diverses disciplines telles les sciences sociales, l’économie, l’énergie, la géographie, les sciences politiques et comme nous allons le voir dans ce mémoire, l’architecture et l’urbanisme. Il semblerait donc que la Transition écologique ne soit pas unique mais multiple, selon le domaine auquel elle se rapporte.

1.1.

La Transition écologique au fil de l’histoire

Les ouvrages liés à l’histoire des transitions écologiques ont la particularité d’analyser les expériences vécues pour en déceler les clés à mettre en place pour répondre aux crises environnementales actuelles. Ces ouvrages sont donc des modèles rétro-intro-prospectif sur la situation des hommes dans leur environnement.

La notion d’écologie6 est introduite par Ernst HAECKEL7 8

6. Etymologiquement l’écologie vient du grec oikos (maison, habitat) et logos (science); C’est donc littéralement la science de la maison, de l’habitat.

7. Biologiste, philosophe et libre penseur allemand (1834-1919)

8. Entre autres : les Nations Unies ; WWF (World Wildlife Fund) ; UICN (Union Internationale pour le Conservation de la Nature) 9. Murray Bookchin est un militant et essayiste américain écologiste libertaire (1921-2006) 10. Le rapport Brundtland, aussi nommé «Notre avenir à tous» , a été rédigé en 1987 par la Commission mondiale sur l’environnement et le développement, elle-même créée en 1983 par l’Assemblée générale des Nations-Unies.

Disponible sur : www. assemblee-nationale.fr 11. La catastrophe nucléaire de Tchernobyl est un accident nucléaire majeur qui a commencé le 26 avril 1986 dans la centrale Lénine, située à l’époque en République socialiste soviétique d’Ukraine en URSS. Il s’agit de la plus grave catastrophe nucléaire du XXe siècle, classée au niveau 7, le plus élevé sur l’échelle internationale des évènements nucléaires. Les conséquences sont d’ordre environnementales et sanitaires mais aussi politico-socio-économiques.

12. Militant antinucléaire allemand.

13. Dominique GAUZIN-MÜLLER est une architecte et écrivaine française spécialisée sur les thèmes liés au développement durable.

Elle est également rédactrice en chef du magazine Ecologik, fondé en 2007.

en 1866 et spécifie la science des conditions d’existence et des interactions entre les organismes et leur environnement. À cette même période, les pays développés entrent dans la révolution industrielle et la montée en puissance des énergies fossiles et électriques ne cesse de croître jusqu’au premier choc pétrolier en 1973. Cette crise énergétique marque les prémices d’une conscience écologique globale et les premiers ministères de l’environnement voient le jour. Les préoccupations environnementales ne relèvent désormais plus seulement de certaines organisations internationales8 et sont intégrées aux divers programmes politiques. On trouve principalement dans des ouvrages militants traitant des questions énergétiques l’œuvre d’auteurs comme Murray BOOKCHIN9 qui, déjà dans les années 1970 énonçait le terme d’ écologie sociale ; sa conviction était qu’aucun des problèmes écologiques ne pouvait être résolu sans un profond changement social. Au courant des années 1980 le concept de développement durable se définit dans le rapport de Brundtland10 comme un développement qui répond au besoin du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Cette notion repose sur trois piliers qui sont : la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, la production de biens et de services durables, la protection de l’environnement. En 1986, en réponse à la catastrophe nucléaire de Tchernobyl11, Florentin KRAUSE12 émet la notion d’ Energiewende littéralement «transition énergétique», dans son ouvrage « Transition énergétique ; croissance et prospérité sans pétrole et uranium ». En France, dès 1995, une loi relative à la protection de l’environnement est promulguée, cependant il faudra attendre 2008, pour que soit engagé au sein de l’Union européenne le premier Plan énergie-climat visant entre autres, à réduire les émissions de C02 et à porter le regard vers les énergies renouvelables. Au cap du XXIème siècle, Dominique GAUZIN-MÜLLER13 associe dans son ouvrage «L’Architecture écologique» les enjeux environnementaux à l’architecture et à l’urbanisme, et propose des 9

alternatives exemplaires liées au développement durable. En 2006, Rob HOPKINS14 initie le «mouvement des villes en Transition» à Totnes en Angleterre où il vit, en rassemblant les citoyens de sa communauté pour repenser ensemble une manière d’habiter et de consommer qui soit moins énergivore et plus résiliente. Le point de départ des initiatives de transition est un exercice mené avec ses étudiants du Further Education College de Kinsale en Irlande, un an auparavant. Ils se sont interrogés sur l’ avenir post-carbone de leur territoire, liant leurs disciplines et savoirs. Leurs recherches touchent toute la région de West Cork en Irlande à la rencontre de petites communautés sur la voie de la résilience locale (production d’énergie et d’aliments locaux) et en parallèle à la rencontre de scientifiques experts du pic pétrolier. Les travaux résultant de ces investigations ont été regroupés pour former le premier Plan d’Action de Descente Energétique15 (PADE : Kinsale en 2021, 2005), tel un cahier des possibles pour un avenir à basse consommation énergétique. «La descente énergétique se réfère au scénario d’un futur dans lequel l’humanité s’est adaptée avec succès au déclin des énergies fossiles disponibles et est devenue plus locale et autosuffisante.» (Hopkins, 2010 : 59). Le PADE de Kinsale est à l’origine du processus des douze étapes du modèle de Transition qui se spécifie autour des thèmes de l’énergie, du climat et de la résilience.

1.2.

Prendre conscience des enjeux

Les mouvements de Transition écologique naissent d’une prise de conscience de notre environnement et des changements irréversibles qu’il est en train de subir. Six principes sous-tendent au modèle de Transition et en établissent les bases : la conscientisation, la visualisation, l’inclusivité, la subsidiarité, la crédibilité et la résilience. Le concept de résilience est peut-être le plus important des six principes de base et se définit comme étant «l’aptitude d’un système, de l’échelle des individus à celle 10

14. Rob HOPKINS est un enseignant britannique en permaculture.

15. Un PADE est la projection d’une communauté dans un avenir post-carbonne à 15-20 ans. L’objectif est non seulement de réduire sa consommation énergétique mais également de proposer des alternatives résilientes quant à l’alimentation, l’habitat, la mobilité, l’éducation, la santé, le tourisme, etc.

16. Alberto Magnaghi né en 1941 est un architecte, urbaniste et professeur émérite, fondateur de l’Ecole Territoriale italienne à Florence. Dans son laboratoire de conception écologique (LaPEI) il traite des thèmes du «développement local autosuffisant» et de la «représentation identitaire du territoire».

17. Richard HEINBERG est un journaliste américain et conférencier au Nex College of California où il dispense un cours sur l’écologie et la collectivité durable ainsi que sur la déplétion énergétique et en particulier le concept de pic pétrolier.

18. «Pour rappel, le pétrole est une ressource fossile provenant de la décomposition de matières organiques au fur et à mesure de leur enfouissement dans la croûte terrestre pendant des millions d’années. Au cours de ce processus, une partie de ce pétrole (en moyenne 65%) s’infiltre dans des roches réservoirs, roches poreuses le long duquel le pétrole remonte vers la surface, comme le gaz naturel.» Disponible sur : http://www.connaissancedesenergies.org

d’économies entières, à maintenir son intégrité et à continuer de fonctionner sous l’impact de changements et de chocs provenant de l’extérieur» (Hopkins, 2010 : 12). Un système résilient se compose de trois spécificités : la diversité, la modularité et les rétroactions directes. Alberto Magnaghi16 souligne que ce n’est pas «Gaïa» en tant que système vivant qui est en danger car la nature s’adaptera toujours, mais il est bien question de la survie de l’espèce humaine face à l’effondrement des écosystèmes (Magnaghi, 2003). Deux problématiques majeures résultent des activités industrielles et humaines en perpétuelle croissance depuis le milieu du XIXe siècle : le pic pétrolier et le dérèglement climatique.

Concernant le pic pétrolier, c’est un fait scientifique encore délicat à intégrer aux modes de vie. Pourtant, l’adaptation à un nouveau mode de consommation énergétique est, selon Richard HEINBERG17, imminent ; «Il est tout à fait probable que l’intervalle de temps nous séparant du pic mondial sera plus bref que la période dont auront besoin les sociétés pour s’adapter sans douleur à un régime énergétique différent» (Heinberg, cité par Hopkins, 2010 : 17). Le pétrole18 est une énergie fossile et une ressource épuisable dans le temps, que les sociétés industrialisées, en l’espace de presque trois siècles, ont exploité sans relâche. Le pic pétrolier, désigne donc le point où l’expansion mondiale de production de pétrole atteint son apogée avant de décroître en lien aux limites technologiques concernant l’extraction et à sa non-rentabilité. Le pic pétrolier c’est aussi l’hypothèse que «l’ère du pétrole [abondant et] à bon marché (qui a duré de 1859 jusqu’à nos jours) touche à sa fin» (Hopkins, 2010 : 17).

En parallèle, le dérèglement climatique est l’autre conséquence des activités humaines sur terre, à différencier du changement climatique qui lui est un phénomène naturel induit par des cycles géologiques. D’après le Dictionnaire de l’environnement (dictionnaire-environnement.com), le changement climatique désigne de 11

lentes variations des caractéristiques climatiques en un endroit donné, au cours du temps : réchauffement ou refroidissement. Les modes de vie des sociétés occidentales depuis l’ère industrielle ont un impact sur la biosphère tel que le climat, déréglé, tend à se réchauffer sensiblement.

Les répercussions n’en sont pas moins importantes, puisqu’à quelques degrés près, la fonte des calottes glaciaires fait augmenter le niveau des mers, entrainant inondations, cyclones, sècheresses, difficultés agricoles, désertification et réduction de la biodiversité ; pour ne citer qu’une des multiples réactions en chaine induites par le réchauffement climatique.

Tant Rob HOPKINS qu’Alberto MAGNAGHI, s’accordent à dire que l’enjeu de notre ère réside dans l’ajustement de nos modes de vies consuméristes afin de tendre vers une co-habitation de l’homme et de son milieu. Le mouvement des villes en Transition se propose d’être une réponse proactive à ces altérations environnementales. La thèse étant «d’accorder autant d’importance à la constitution d’une résilience, ou plus exactement à sa reconstitution, en vue de réduire radicalement nos émissions de gaz carbonique.» (Hopkins, 2010 : 12). Toutefois, le mouvement de Transition n’est pas unique et implique des actions concrètes qui peuvent être initiées à différentes échelles [fig. 1].

1.3.

Initiatives et limites du mouvement

Fig. 1 : Organigramme explicatif de la Transition écologique

21 ACTIONS LOCALES POUR LE XXIÈME SIÈCLE

Le mouvement de Transition né en Grande-Bretagne en 2006 s’est depuis propagé dans plus de 50 pays à travers le monde dont 150 initiatives officielles de villes en transition comptées en France. Ungersheim, commune alsacienne, révélée dans le film «Qu’est-ce qu’on attend?» De Marie-Monique ROBIN est aujourd’hui considérée comme exemplaire au regard des principes du mouvement.

Connu durant le XXème siècle comme l’unique bassin de la potasse19 en France (20 000 ha), la commune participe 12

19. La potasse est un minerai rose orange qui favorise le développement des organes de réserve (tubercules, racines, fruits), ainsi que la coloration des fruits et des fleurs, tout en rendant les végétaux plus résistants aux maladies. Elle est l’un des trois engrais miracles de l’agriculture – le trio « NPK » – l’azote (N), le phosphore (P), le potassium (K).

activement à la révolution agricole productiviste en exportant de par le monde son minerai. La région alsacienne toute entière vit à l’époque de cette économie, jusqu’à la fin du gisement dans les années 198020. Face au manque de résilience, la commune est alors confrontée à une reconversion de son bassin de vie. Jean-Claude MENSCH, ancien mineur et maire d’Ungersheim depuis 1989, propose un plan de résilience tourné vers une société bas-carbone comme prémices de la Transition écologique. Ce plan s’articule en vingt et une actions réparties en trois chapitres : l’autonomie intellectuelle, l’indépendance énergétique et la souveraineté alimentaire (annexe n°1). Bien que ces initiatives rayonnent jusqu’à Mulhouse ou Colmar, les ungersheimois ne sont pas tous convaincus de la Transition écologique en process. Le coût de certaines infrastructures pour passer à l’énergie renouvelable, ou encore l’aspiration à une agriculture biologique totale, établissent peu à peu un clivage entre les citoyens d’Ungersheim. Le pouvoir en place étant assuré par un même maire depuis plus de 25 ans a certes permis la bonne transition de la commune minière mais amène certains ungersheimois à plus de prudence21.

LE CADRE LÉGISLATIF FRANÇAIS

20. Découverte du gisement potassique en 1904, début de l’extraction en 1910, dépassement des 11 millions de tonnes de sel brut par an en 1978 puis arrêt complet de l’exploitation en 2004.

21. Notamment, lorsque le maire impliqué dans des affaires juridiques depuis 2015, a été reconnu coupable devant le tribunal correctionnel de Colmar de prise illégale d’intérêt et d’infraction aux dispositions du plan local d’urbanisme.

La Transition basée sur une mobilisation citoyenne est plus efficace si les initiatives se font du local vers le global (Hopkins, 2010). C’est un mouvement qui se veut donc ascendant, toutefois il est tout aussi important d’enclencher des actions menées en parallèle à l’échelle nationale et internationale. Les initiatives qui en découlent revêtent un caractère politique et des enjeux économiques (De Muynck, 2011).

L’Etat français propose une législation relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) publiée au Journal Officiel du 18 août 2015. Cette loi établie des plans d’actions et des objectifs à moyen terme. Dans les grandes lignes, les objectifs touchent le secteur de 13

l’énergie, celui du bâtiment, la gestion des déchets et l’économie circulaire (annexe n°2). Comme l’indique l’intitulé de la loi, le gouvernement français reste positionné sur un schéma de croissance dite «verte» mais où la question de l’adaptation sociale n’est à priori pas abordée. Or, «toute perspective écologique sensée repose en grande partie sur nos perspectives et nos relations sociales ; ainsi, concevoir un programme écologique qui ne fait pas de place aux préoccupations sociales est aussi stupide que d’élaborer un programme social qui ne fait pas de place aux préoccupations écologiques.» (Bookchin, cité par Chatterton et Cutler, 2013 : 5). La Transition à l’échelle nationale ne peut pas seulement être énergétique, elle doit être aussi profondément sociale formé de citoyens conscients et prêt à se mobiliser pour leur avenir. «Il faut que la Transition soit portée par un réseau d’acteurs, dans lequel l’Etat n’est qu’un des maillons de la chaîne.»

(Schmid, cité par Le Monde, 2017).

DES ACTIONS GLOBALES

Outrepassé les frontières communales, puis nationales, il existe des actions à l’échelle internationale. Des protocoles et outils scientifiques sont mis en place pour faire face aux bouleversements énoncés au début de cette première partie.

Tout d’abord face au pic pétrolier, l’enjeu des nations est de réduire leur dépendance aux énergies fossiles et de (ré)apprendre à gérer leur consommation énergétique.

Le rapport «Oil Depletion Protocole»22 proposé par le Dr. Colin CAMPBELL en 1996 se présente comme un outil de gestion des énergies fossiles post pic pétrolier et se fonde sur un accord international coopératif entre les pays signataires. Ces derniers s’engagent à une certaine transparence sur l’état de leurs réserves. Le principe est le suivant: «les pays importateurs de pétrole accepteraient de réduire leurs importations selon un pourcentage annuel convenu, appelé taux mondial de déplétion du pétrole [ou encore taux d’épuisement], tandis que les pays 14

22. Protocole de diminution du pétrole.

producteurs de pétrole accepteraient de réduire leur taux de production. Cette formule simple et sensée produira, en effet, un système de rationnement global. Si le monde entier adoptait le Protocole, la consommation mondiale de pétrole diminuerait de près de 3% par an, stabilisant ainsi les prix.»23

23. Protocole disponible sur : http://richardheinberg. com 24. La Syrie (Bachar al-Assad) en guerre civile depuis 2011, Le Nicaragua (Daniel Ortega) qui estime que les mesures prises dans l’accord sont insuffisantes et les Etats-Unis (Donald Trump) qui souhaite se retirer de l’accord pris par son prédécesseur (Barack Obama) d’ici novembre 2019 à l’issu du délai d’engagement obligatoire de trois ans. Disponible sur : http:// www.lemonde.fr/

Quant au dérèglement climatique, la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) initiée à Rio de Janeiro en 1992, mène des actions internationales, notamment via la Conférence des Parties (COP) qui se tient chaque année depuis 1992, chez une des 196 parties adhérentes du monde. Ces parties reconnaissent que le réchauffement climatique est lié aux activités humaines depuis l’ère industrielle et qu’il en vient donc aux sociétés industrialisées d’en assumer la responsabilité en luttant contre ce phénomène. La COP 21, qui s’est tenu en fin d’année 2015 à Paris, a obtenu un accord historique vis-à-vis du réchauffement climatique.

Les 194 signataires de cet accord s’engagent d’ici à 2050 à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, dans l’objectif de limiter la hausse de température moyenne à 1,5 degrés. Cependant, ce type de traité international reste fragile car trois pays s’en exemptent24 et bien que les signataires soient soumis à des obligations juridiques de moyens et de résultats, il n’y a pas de pénalités prévues si l’accord n’est pas tenu. Seule «la règle du “name and shame” (montrer du doigt) fait office de punition et peut encourager les Etats à respecter leurs promesses».

(Neyret, cité par Le Monde, 2015).

«La question de l’échelle du changement est donc fondamentale : si c’est à l’échelle locale qu’on enregistre le plus d’initiatives, de mobilisations et d’avancées en matière d’environnement, les changements en faveur de l’environnement à l’échelle globale restent limités.» (De Muynck, 2011 : 7). Ces initiatives induisent une adaptation nécessaire en vue du déclin énergétique de nos sociétés et du réchauffement climatique global. Pour 15

qu’une co-habitation de l’homme et de son milieu soit possible, il est nécessaire de reconsidérer la place et le rôle de chacun des systèmes éco-socio-culturel et naturel (Magnaghi, 2003). Considérant le domaine de l’Architecture dans le cadre de ce mémoire, de quelle manière cette adaptation se fait-elle au sein de l’enseignement en architecture?

2.

L’enseignement de la Transition écologique en école d’architecture

2.1.

Une histoire à écrire...du XIXème siècle à nos jours

L’histoire de l’enseignement de l’architecture en France, est en perpétuelle évolution. Cependant on constate un manque de données historiques concernant l’enseignement de l’architecture au XXème siècle. Sur ce constat, une recherche active est actuellement menée par l’ENSAStrasbourg à l’aide du Comité d’histoire et soutenu par le ministère de la culture et de la communication : «HEnsA20» ou l’Histoire de l’Enseignement de l’Architecture au 20e siècle. Durant un siècle et demi (de 1819 à 1968), l’Architecture fut une discipline enseignée à l’École des Beaux-Arts. Le parcours typique d’un élève suivant les cours d’architecture -composés de mathématiques, géométrie descriptive, projet architectural, histoire de l’art et des constructions et d’histoire générale- se cantonnait à des exercices journaliers en atelier et à l’exercice des concours jusqu’au Prix de Rome, consécration ultime permettant au lauréat de partir en pension royale en Italie pour parfaire sa formation. En mai 1968 se soulève un mouvement de révolte des étudiants25, las de l’enseignement traditionnel et du manque de débouchés professionnels. Cette année marque un seuil dans l’enseignement de l’architecture qui se décompose désormais en unités pédagogiques. Cette réforme annoncée par le ministre de la culture André Malraux est issue d’un processus amorcé dès 1962 avec le décret-cadre Debré26 mal accueilli à l’époque par les étudiants comme les 16

25. Qui se globalisera en mouvement de contestation politique, sociale et culturelle.

26. J.O. du 17 février 1962 ; décret n°62-179 relatif à l’enseignement de l’architecture.

enseignants car trop vague (Violeau, 2005). Depuis sa dissociation de l’École des Beaux-Arts, les Écoles Nationales Supérieures d’Architecture (ÉNSA) ont été placées successivement en l’espace de vingt ans sous différentes tutelles. Tout d’abord placées sous le ministère de la Culture, la loi sur l’Architecture du 3 janvier 1977 revendique que l’architecture est une expression de la culture et donc que la qualité architecturale est d’intérêt public.

Cependant, l’année qui suit, les ÉNSA changent de tutelle et sont placées sous la responsabilité du ministère de l’Environnement et du Cadre de vie jusqu’en 1981. Cette même année se crée l’Institut Français d’Architecture (IFA) qui assure la promotion de l’architecture contemporaine française. De 1981 à 1996, c’est le ministère de l’Equipement qui est en charge des écoles d’architectures avant qu’elles ne soient de nouveau transférées vers le ministère de la Culture et de la Communication. Sur le site du gouvernement il est dit que le ministère de la Culture «favorise la création architecturale et veille à la promotion de la qualité architecturale et paysagère dans les espaces naturels et bâtis.» Depuis 2015, suite aux débats engagés lors de la COP21 sur le climat, le ministère de la culture souhaite intégrer la Transition écologique comme composante ou matière à réflexion dans l’enseignement de l’architecture et sa pratique [fig. 2].

17

Prix de Rome/Grand prix d’architecture organisé par l’académie royale d’architecture.

1720

École des Beaux-Arts fondée par Napoléon, en autogestion jusqu’en 1863 (pas d’approbation ministérielle / corps enseignant en charge de tout

1806

Introduction de cours liés à l’Architecture au sein de l’École des Beaux-Arts

1819

Loi sur l’Architecture du 3 janvier Création du Ministère de l’Environnement et du Cadre de Vie

Concept d’écodéveloppement proposé par Ignacy Sachs Premier choc pétrolier (second choc en 1979)

Rapport au Premier ministre sur les archives de l’architecture par Michel Massenet, à Paris

1980

1978

1977

Catastrophe nucléaire de Tchernobyl

Création de l’Institut Français de l’Architecture (IFA)

1981

1973

1972

CCNUCC initiée à Rio de Janeiro Rapport Brundtland défini le concept de développement durable

1986 1987

Loi relative à la protection de l’environnement

1992 1995

LÉGENDE / CODE COULEUR : [BLEU] : Évolution de l’École des Beaux-Arts / [ROUGE] : Évolution de l’École d’Architecture / [ORANGE] : Notions essentielles liées à l’environnement / [NOIR] : Évènements historiques 18

Premières divergences doctrinales entre Beaux-Arts et discipline architecturale. Ateliers hors concours/ récompenses et refus de certains enseignements ex: histoire de l’architecture française

1840

Décret replaçant l’École Impériale et Spéciale des Beaux-Arts sous l’autorité des pouvoirs publics (tutelle ministérielle)

1863

Notion d’écologie introduite par Ernst Haeckel Création des premières écoles régionales d’architecture suite au décret du 23 janvier

1866

1903

Suppression de Prix de Rome par André Malraux, remplacé par une sélection sur dossier Éclatement de l’École des Beaux-Arts Création des «unités pédagogique d’architecture» à Paris et en région, aujourd’hui nommé ENSA

1968

Direction de l’Architecture passe du Ministère de l’Éducation au Ministère de la Culture

Protocole de diminution du pétrole proposé par le Dr. Colin Campbell

1958

1940

Loi du 18 août relative à la Transition Énergétique pour la Croissance Verte (LTECV) Accord de la COP21, à Paris

Mouvement des Villes en Transition de Rob Hopkins / concept de Transition écologique

2006

Création de l’Ordre des Architectes

Premier Plan énergieclimat au sein de l’Union européenne

Prémices du réseau ENSA-ECO de 2006 à 2009

1996

Réorganisation de l’enseignement et de la profession / Monopole des Beaux-Arts face aux écoles d’ingénieurs et d’arts décoratifs

Réseau ENSA-ECO

2008

2015 à 2018

Fig. 2 : frise chronologique synthétique croisant l’évolution des écoles d’architectures avec les notions et évènements liés à la Transition écologique.

19

2.2.

Rencontres pour une mise en réseau

L’appel de Nancy de 2006 constitue les premières rencontres du réseau d’enseignement du développement durable. L’appel invite à repenser l’enseignement de l’architecture et de l’urbanisme au sein de nos écoles.

L’ÉNSA-Nancy propose d’intégrer une démarche environnementale dans le secteur du bâtiment qui couvre aujourd’hui 40% des émissions de CO2, 37% de la consommation énergétique et 40% de déchets produits. L’école appelle donc à la responsabilité de tous et plus particulièrement à celui du corps professionnel, enseignants et «sachants», afin de mettre en place des dispositifs pédagogiques intégrant une démarche environnementale en accord avec le développement durable (annexe n°3). Les signataires s’engagent à participer à l’évolution des enseignements liés à la soutenabilité dans les ÉNSA. Durant quatre ans, chaque année, une école différente accueillera les rencontres suivantes : à Lyon en 2007, à Grenoble en 2008 et à Versailles en 2009. L’objectif de ces rencontres est de «constituer et animer un réseau d’échanges, de réflexions et de production collective sur les contenus, méthodes et moyens d’enseignement en vue de renforcer la prise en compte des problématiques soutenables liées à l’architecture, à la ville et au territoire.» (Toubanos, Villien, 2015 : 16). À chaque rencontre annuelle, des thématiques sont mises en place afin de susciter des débats, des partages d’expériences et la sensibilisation aux notions environnementales liées aux pratiques architecturales. Mais sans le soutien officiel du Ministère, le réseau s’essouffle après 2009. C’est en 2015, qu’il se renouvelle. La notion de développement durable se substitue à celle de Transition écologique dans l’intitulé du réseau appelé aujourd’hui ÉNSA-ECO ou «l’Enseignement de la Transition écologique dans les ÉNSA». Des rencontres se sont tenues la même année, à l’ÉNSA-Paris-Belleville porteuse de la continuité et de la consolidation du réseau, et soutenue cette fois-ci par le Ministère de la Culture et de la Communication. Le séminaire se déroule sur deux ou 20

trois jours et la présentation de ce qui se fait dans les différentes ÉNSA se raconte sous forme de PechaKucha27.

S’en suivent des réflexions collectives, interdisciplinaires et intergénérationnelles (rapport enseignant/étudiant) quant aux questions liées à la soutenabilité dans le domaine architectural et son enseignement. Dernièrement, l’appel de Lyon de juillet 2017 a réajusté de manière plus collaborative entre étudiants, enseignants et professionnels, les objectifs du réseau ÉNSA-ECO proposant de : 1- Forger une éthique 2- Construire des processus pédagogiques collaboratifs et interdisciplinaires 3- Renforcer la formation des enseignants aux fondamentaux écologiques 4- Aborder le projet comme un écosystème 5- Mettre en œuvre la transition écologique par l’expérimentation et la recherche 6- S’impliquer dans l’évolution des règles environnementales 7- Soutenir les nouvelles pratiques et reconnaître les nouvelles expertises

2.3. Etat des lieux des enseignements pédagogiques des ÉNSA

27. Le Pechakucha est un terme japonais qui signifie «bavardage» ou «son de la conversation». C’est un format synchronisant une présentation orale à la projection de 20 diapositives se succédant toutes les 20 secondes.

28. Les termes «écologique» et «développement durable» n’ont pas été retenu pour la recherche par mots-clés, car considérés comme étant trop génériques.

La reprise active du réseau ÉNSA-ECO en 2015 est notamment due à l’implication de certains acteurs comme Nicolas NOGUE, chargé de l’analyse pédagogique des formations des ÉNSA au Ministère de la Culture et de la Communication, qui entreprend une enquête «état de l’art» de la situation des ÉNSA. Cette enquête fait état de recensements chiffrés afin de donner un ordre d’idée de la place que tient actuellement l’enseignement de la transition écologique au sein des écoles. Il est important de souligner que cette étude n’est pas exhaustive. Elle a été réalisée grâce à un outil informatique commun à toutes les ÉNSA : la base de données Taïga. C’est par l’utilisation des mots-clés «énergétique» et «transition énergétique»28 qu’a pu être établi et réparti dans un tableau [fig. 3] le poids horaire des enseignements liés à la transition écologique. De cet état des lieux, et pour l’intérêt spécifique que porte ce mémoire à la situation des élèves proche de 21

la fin des études, le cycle de master sera étudié.

D’après le tableau, les différents enseignements ont été regroupés en quatre catégories: Sciences et Techniques pour l’Architecture, (STA), Projet, Séminaire et autres. On remarque que l’ENSA-Nantes ne présente aucun enseignement lié à la transition énergétique. Les ENSA de Grenoble, Paris-Belleville, Paris Val-de-Seine et Paris La Villette, comptent toutes plus de 1000h encadrées, enseignements confondus, dont plus de la moitié en travaux dirigés traitant à priori des notions énergétiques. L’ÉNSAMarseille quant à elle se situe dans la moyenne basse du classement en 13ème position sur les vingt ÉNSA françaises avec 208 heures comptabilisées uniquement en séminaire. Cependant, il existe à l’école de Marseille le département H21 orienté sur les questions de la transition écologique et de la décroissance de nos sociétés. Cet enseignement comporte trois ateliers de projet qui comptabilisent chacun 523h tout au long du 2nd cycle et attire un grand nombre d’élèves en interne comme en transfert. On remarque que ce poids horaire n’apparaît pas dans le tableau ci-contre.

Les données collectées, bien qu’objectives, restent surfaciques et ne permettent pas une retranscription claire des enseignements liés à la Transition écologique dans les écoles d’architecture.

Pour la suite du mémoire, il est intéressant de noter le poids horaire des ÉNSA de Bordeaux, Bretagne et Lyon qui oscillent entre 300 et 650h.

22

23

Fig. 3 : Enseignements dédiés à la transition énergétique exprimés en nombre d’heures (d’après enquête Taiga, juin 2015)

3.

Les étudiants : vers une conscientisation ou une prise de conscience ?

Nous avons dans un premier temps tenté de comprendre pourquoi les mouvements de Transition écologique sont au cœur de l’actualité, puis analysé l’insertion de cette notion dans l’enseignement en architecture. Cette partie se consacre au ressenti et expériences des étudiants quant à la transition écologique. Ont-ils acquis cette conscience par eux-mêmes, ou leur a-t-elle été enseignée à l’école ? Dans l’hypothèse d’une conscientisation des étudiants, est-elle diffuse et accessible tout au long de leur parcours ou ponctuée et restreinte?

3.1.

Trois ENSA, trois exemples

Les exemples choisis ont été évoqués lors des dernières rencontres du réseau ÉNSA-ECO à Lyon en juillet 2017 : ÉNSAP-Bordeaux, ÉNSA-Bretagne et ÉNSA-Lyon. On a pu remarqué dans le tableau précédent, qu’en matière d’enseignement de la Transition écologique, ces écoles comptabilisent un poids horaire moyen. Cependant, sur les vingt-quatre témoignages, la présentation des trois cas suivants m’a paru la plus pertinente en terme d’enseignements lié à la transition écologique, dispensés aux étudiants. Leurs témoignages apportent ainsi une complexité non décelée par l’état de l’art établi à partir de la base de données Taïga.

Le premier cas est un retour d’expérience d’un étudiant de l’ENSAP-Bordeaux, tout au long de son cursus ; «un parcours en exemple : regards croisés étudiant/enseignants»29. D’une formation initiale d’ébéniste, cet étudiant (Sébastien Schalck) sensible aux matériaux biosourcés30 et aux préoccupations environnementales part en mobilité post-licence, en Thaïlande. De retour, il intègre l’atelier d’architecture bioclimatique et effectue un travail de recherche sur le bambou, dont il questionne les dimensions constructives, environnementales et 24

29. Actes des rencontres du 6-8 juillet 2017, «Quelles pratiques collaboratives pour apprendre et entreprendre ?», ENSA Lyon, p.49.

30. Les matériaux biosourcés sont des matériaux issus de la biomasse d’origine végétale ou animale.

Fig. 4

Fig. 5

31. op. cit. , p.143.

culturelles. Il poursuit ses travaux avec une mention recherche qui interroge «la représentation que les architectes français et thaïlandais ont de ce matériau». Il utilise ses connaissances jusque dans son PFE qui développe une vision intégrant les différents enjeux de la soutenabilité dans le cadre de la ville de Bangkok, par la mise en place d’un espace urbain construit en bambou, offrant mixité sociale, valorisation et sensibilisation des enjeux écologiques au travers du matériau et de sa mise en œuvre [fig. 4]. Il est intéressant de voir dans ce cas particulier, la démarche volontaire de l’étudiant et les étapes pédagogiques qui lui ont permis d’être accompagné dans la réalisation de ces projets. Que ce soit en licence par des enseignements STA, ou en master par la possibilité de partir en mobilité forger ses propres expériences, jusqu’au choix d’un atelier de projet portant les principes de transition écologique.

Le second exemple provient du programme pédagogique en place à l’ENSA-Bretagne : «la transition écologique, une approche transdisciplinaire au sein du cursus de l’étudiant»31. Tout au long du cursus étudiant, sont mis en place des enseignements abordant la transition écologique. Les cours théoriques en L1 initient les élèves aux différents matériaux présents dans la chaîne de l’acte de bâtir. En L2, il s’agit d’un enseignement qui sensibilise au milieu environnemental et en L3 une approche plus technique avec l’étude d’architectures bioclimatiques. En master, deux cours sont communs à tous les studios. Le premier est l’occasion d’une construction à échelle 1 pour confronter les étudiants aux réalités physiques des matériaux. Le second, est également un atelier de construction mais visant cette fois l’utilisation de matériaux locaux. Les étudiants ont donc l’occasion de se confronter à la matière et aux techniques constructives à la fois à l’école mais aussi hors école, lors de voyages pédagogiques pensés comme des formations in-situ, comme leur voyage au Bénin pour un apprentissage des techniques de constructions en terre [fig. 5].

25

Enfin le dernier cas, plus axé sur les questions énergétiques traite de «L’éco-conception, vers l’intégration des enjeux bas carbone dans les critères de choix des étudiants»32 à l’ÉNSA-Lyon. L’éco-conception est un enseignement établi pour les étudiants en L3. L’enjeu pour eux, est d’évaluer les impacts carbone et énergie grise de leurs propres propositions architecturales. L’énoncé du projet demande la conception d’un édicule en tant qu’icône bâti du XXème siècle en phase avec les règlementations bas carbone du XXIème siècle. Les étudiants sont amenés à analyser objectivement leur propre projet, faisant abstraction des à priori et ne délaissant ni l’aspect technique ni l’impact environnemental de leur édicule. L’objectif ici est de faire comprendre aux étudiants, que le choix d’un matériau, bien qu’écologique, n’est pas l’unique composante à prendre en compte dans la conception d’un projet. Le terme d’éco-conception regroupe des données du site, climatiques, son orientation, sa structure, sa matière, sa consommation pendant le chantier et post-livraison, etc. Cet enseignement, constitué de groupes de travail étudiants, est récent puisqu’expérimenté pour la première fois en 2016-2017. Initialement réservé à certains étudiants en master, cette expérience étendue au cycle de licence touche de fait, tous les étudiants d’une même promotion, et leur permettent une meilleure compréhension des enjeux environnementaux.

3.2. L’ENSA-Marseille, enquête «sensible» auprès d’étudiants en master Mon terrain d’enquête porte sur l’ENSA-Marseille et interroge par interconnaissances sept étudiants en master appartenant aux différents départements actuellement présents : La Fabrique [du projet], H21 «Habiter le monde, penser la décroissance au 21ème siècle», AVT «Architecture, Ville et Territoire», AVEC [l’Architecture] et LAB 43 [construire, transformer, transgresser, métropoliser].

J’ai mené ces entretiens d’environ quinze minutes de vive 32. op. cit. , p.161.

26

voix, sollicitant d’atelier en atelier les étudiants en cycle 2, permettant ainsi un certain recul sur leur cursus scolaire mais aussi sur la manière dont ils se projettent incessamment sous peu en tant qu’architectes. J’ai organisé l’analyse issue de ces entrevues selon un tableau [fig. 6] en six parties : un parcours post-bac à aujourd’hui, les connaissances des notions liées à l’écologie, les définitions de la Transition écologique, les pratiques liées à l’école et hors école, enfin les observations quant à l’offre d’enseignement dispensé à l’ENSA-Marseille. Les résultats obtenus sont de l’ordre du ressenti étudiant et ont pour objet de croiser les différents parcours et enseignements reçus au sein d’une même école.

27

Étudiants en master Marjolaine (27 ans) - S7 - AVEC

Angélica (26 ans) - S9 - LA FABRIQUE

Parcours post-bac à aujourd’hui

Connaissance des notions liées à l’écologie

-Bac technologique STI Génie Civil en Aveyron

- Notion de développement durable

-BTS agencement de l’environnement architectural à Toulouse (2 ans)

- Secteur construction = matériaux qui polluent trop

-ENSA-Marseille (4 ans)

- références : maison en brique de terre+papier recyclé mur avec bouteilles de bières recyclés

-MANAA en Guadeloupe (1 an)

- Notion de développement durable

-BTS Design d’Espace à Toulouse (2 ans)

- Sensibilisation aux matériaux in-situ

-ENSA-Marseille (après 3 tentative) (6 ans)

Adrien (28 ans) - S9 LAB 43

Passer d’un concept à un autre. Façon de penser et de produire en accord avec les lois.

Transformations.

Ressenti du mot transition = «horrible». Quelque chose qui se transforme, qui se recycle, qui se veut propre par rapport à l’environnement. État non fini.

- Diplome d’anglais passé en Angleterre (1 an)

- Notion de développement durable

«ça veut tout et rien dire». Pas vraiment défini.

- BTS Hotellerie ( 2 ans)

- Notion de matériaux récupérés, réutilisés, recyclés.

- Pas de lien entre projet d’architecture et transition écologique. Peut etre plus tard, dans la vie pro.

- Formation Comptable - 2 ans de licence en Architecture en Belgique parcours ingé/archi - ENSA-Marseille (3 ans) 28

Définition de la Transition écologique

Pratiques école En licence: - Cours théorique S5 de Jean-Marc Hueber.

- Cours de Marine Bagneris : référence d’un immeuble de 6 étages en bois

Pratiques hors école -Expo «Matière Grise» -Conférence Parc Chanot sur les matériaux moins polluants -Suivi d’actualités sur facebook de collectif d’architectes innovants - Suici de sites internet liés aux inovations technologiques

Offre d’enseignement ENSA-Marseille - Enseignements sectorisés (limité à H21 pour les notions écologiques) - Manque de communication - Souhait d’enseignements plus généralisés et plus tranversaux

- Stage agence : proposition d’un cabanon de jardin avec matériaux recyclés comme le verre et isolation avec papier journaux.

- Workshop à Barjols (S5)

- Actualité COP 21

-Workshop à Correns (S7)

-Recyclage des déchets

-Cours théorie H21 (S7)

-Réutilisation de l’eau de la machine à laver pour les toilettes.

-Cours de sociologie (option S9) -Workshop AVEC : travail d’insertion sur site pollué en front de mer à Naples.

-ENSA-Marseille : formatage des étudiants.

-Plus de sensibilisation à l’écologie à l’ENSAMontpellier -Atelier Pierre Sèche (info mais pas le temps) -Atelier formation Pro-Paille (info mais pas compatible avec ses cours)

- Projet actuel Bains Publics réalisés en Adobe.

- En licence : cours S5 de Jean-Marc Hueber. Mais mal abordé à appliquer dans du projet plutôt que théorique.

-Souhait de changement d’école pour l’ENSAMontpellier mais demande sans suite.

- documentaires - Newletter quotidienne de Regis BTE «façon de voir l’architecture autrement»

- Démarche de transition écologique peut être à aborder dans tous les départements. Surtout en projet. Accent sur la mise en oeuvre.

- Enseignants pas assez documentés sur le sujet.

- Intervenants : impact pas assez conséquent

Fig. 6 : Portraits de sept étudiants en master à l’ÉNSA-Marseille. Tableau synthétique des entretiens menés.

29

Étudiants en master Rafael (24 ans) - S9 LA FABRIQUE

Parcours post-bac à aujourd’hui -Bas Scientifique -ENSA-Marseille ; licence en 4ans ; 6 mois sabbatique à Barcelone (stage longue durée 4 mois) ; M1 département AVEC voyage à Séville / M2 département La Fabrique voyage à Casablanca

Connaissance des notions liées à l’écologie

Définition de la Transition écologique

- énergie renouvelable / panneaux solaires «ça coûte rien»

C’est la compréhension du climat, du monde qui nous entoure.

- matérieaux de construction locaux, empreinte énergétique faible, de proximité (bois, pierre), innovant (panneaux avec algues intégrées)

Consommer moins et + intelligement.

-référence : Ricciotti «le béton est un matériau écologique» -être modéré / concevoir et produire intelligement / intégration écologique dans le processus de conception

Expérimentations.

Production locale.

Croissance plus raisonnée.

Mobilité électrique.

Des actions concrètes plutôt que des discours.

-ventilation naturelle bien faite.

Léa (24 ans) - S9 - H21

- MANAA à Marseille (1 an) - BTS Design d’Espace à Paris (2 ans) - ENSA-Paris Val-de-Seine L2/L3 entrée en équivalence - ENSA-Marseille transfert master

30

- Matériaux biosourcés, implantation douce, corridor écologique.

Respect, Avenir, Résilience, Durabilité, Soutenable

- Notion de développement durable.

- lien entre architecture et transition écologique indissociable

Pratiques école

Pratiques hors école

-très peu d’enseignement en licence : cours d’ambiance (S4) et cours d’analyse constructive (S3)

- Intérêt personnel et politique

-Cours de théorie H21 (S7) à peine suffisant pour de la culture générale.

- Stage en agence : rehabilitation de logements et ajout de panneaux solaires

-Projet actuel en pierre (carrière de pierre disponible à proximité de Casablanca site du projet)

- Articles, débats entre amis

- Covoiturage parfois - Sites internet : TerraEco , WeDemain

Offre d’enseignement ENSA-Marseille - Souhaite que le thème de la transition écologique soit plus abordé en licence lors de cours généraux -Avoir 1 semestre d’application de la théorie de la transition éco au sein du projet (dans les données de conception du projet) -Plus de focus en master

- Documentaires (le sable sur arte) -Site de publicités en lien avec la plantation d’arbres

- En licence à l’ENSA-Paris Val-de-Seine (aspect développemet durable)

- Actualités, documentaires

- En master : cours théorie H21 (S7) séminaire S7/S8/S9 atelier de projet P1-H21 «le déjà-là»

- Bellastock, festival du réemploi

- Sensibilisation

- plus d’implication des étudiants, plus de communication, enseignements plus généraux

-Tri déchets, compost, covoiturage

- Concours Karibati -Formation Pro-Paille, formation enduit terre

31

Étudiants en master Mickaël (23 ans) - S9 - H21

Parcours post-bac à aujourd’hui

Connaissance des notions liées à l’écologie

Définition de la Transition écologique

- Prépa Maths Sup (1 an)

- Côté humain : Notion de partage et de «vivre ensemble»

- Secteur de la construction = celui qui pollue le plus.

- ENSA-Grenoble licence (3 ans) - ENSA-Marseille transfert master (2 ans)

- Côté emploi de matériaux : bisourcés, locaux, conception et construction facile et quasi-accessible (faisabilité) par tous.

- Concevoir en fonction des ressources disponibles/locales.

- Consommer le moins d’énergie grise possible.

- Recupération de matériaux = conception raisonnée - Architecture/ architectes rôle majeur dans la transition écologique

Gaëtan ( 24 ans) - S9 - AVT

- ENSA-Marseille post-bac (5 ans)

- Notion d’impact écologique - Faire attention à sa consommation - «Part d’ombre» = notion d’énergie grise d’un produit - Notion d’urbanisme durable (composer avec les éléments) -RT2012. Moins réglementée en urbanisme qu’en architecture - Reflexion trame verte et bleue - Notion de développement durable

32

- Trouver le moyen d’adapter son comportement.

- Consommation plus en phase avec la planète (à tous les niveaux ; alimentaire, énergie, transport, architecture) - En lien avec le réchauffement climatique.

-Architecture en lien avec la transition écologique (surtout en urbanisme) Pensée globale

Pratiques école

Pratiques hors école

- en licence à Grenoble (L3) avec le Labo Craterre

- à la télévision (chaîne politique)

-en master (M1) à Marseille lors de conférences ou en Atelier de Projet.

- documentaires

-interventions de profs en cours de projet.

- limiter le gaspillage par la recupération de meubles et bricolage = donner une seconde vie aux objets - échange de services (non monnayable) - covoiturage

- en projet AVT «espace public» = réaménagement des berges de l’Huveaune entre Dromel et St Loup (Marseille)

- les médias, l’actualité, tendance «green» -tri déchets, sacs réutilisables -Consommation si possible au sein du réseau Europe (limite les transports) -Consommation locale et de saison

Offre d’enseignement ENSA-Marseille - que la transition écologique soit un cours/ une matière en soi.

- plus de sensibilisation.

- mobilisation de tous plutôt qu’individuel - au départ, enseignement de la transition écologique généralisé pour une prise de conscience globale puis cours au choix

- laisser le choix des enseignements aux étudiants : «on est plus fort si on est spécialisé» - plus d’échange entre les départements -certains cours en commun.

Théorie pas assez efficace mais intention louable.

- plus de diversité en licence pour mieux choisir/ se spécialiser en master.

33

ANALYSE / Il est intéressant de noter en premier lieu que la notion de Transition écologique se raccroche dans l’imaginaire des étudiants interrogés presque toujours à la notion de développement durable. En second lieu prédomine une sensibilisation quant au choix des matériaux, qu’ils soient recyclés, biosourcés ou encore in-situ [fig. 7].

Certains sont conscients de l’impact du secteur du bâtiment sur l’environnement tandis que d’autres sont plus sensibles à la surconsommation de nos sociétés et à la nécessité d’adopter une consommation plus raisonnée à tous les niveaux33. Seuls deux étudiants ont lié le mouvement de transition écologique au phénomène du dérèglement climatique, comme enjeu majeur auquel nos sociétés devront faire face au cours du XXIème siècle.

Cependant, aucune des personnes interrogées n’a fait de parallèle avec le pic pétrolier et à priori une seule se questionne sur l’utilisation des énergies renouvelables. Des expressions étonnantes ont été relevées telles que «la part d’ombre» pour parler des énergies grises ou «la sensation d’un truc horrible» en référence au vocable transition. Les définitions de chacun et chacune sont très différentes et font pour la plupart écho à leur pratiques scolaires. Mais le plus souvent, leurs connaissances de la transition écologique, provient d’un intérêt personnel via l’actualité, des documentaires ou lors de festivals ou conférences de sensibilisation. Ce que regrettent les étudiants interrogés de l’ÉNSA-Marseille, c’est le manque de communication des offres d’enseignements ponctuels inter-départements comme les formations constructives.

De plus, les enseignements théoriques dispensés depuis la licence, ne sont, selon leurs dires, pas assez approfondis et mériteraient d’être poursuivis en application concrète dans les ateliers de projet. La majorité des étudiants questionnés s’accordent à dire qu’une prise de conscience 34

33. alimentaire, énergétique, transport, construction, etc.

globale de la Transition écologique doit se faire dès la licence, proposant des enseignements généraux accessibles à tous, qu’ils soient théoriques, analytiques ou pratiques. Des divergences apparaissent quant au cycle de master ; certains sont pour l’enseignement de la Transition écologique dans chaque département, tandis que d’autres apprécient que le choix soit laissé aux étudiants quant à leur spécialisation.

Fig. 7 : Nuage de mots des notions principales ressorties des entretiens.

35

CONCLUSION / Le mouvement de Transition écologique, mis en lumière par Rob Hopkins en 2006, est une notion récente et actualisée des concepts de développement durable ou d’écodéveloppement. Ce qui fait réellement la force de ce mouvement c’est la mobilisation des hommes ensemble vers un but commun : celui d’un avenir postcarbone où les sociétés tendent vers la résilience et le respect de leur environnement naturel. Des centaines d’initiatives locales, pour certaines amorcées bien avant les années 2000, revêtent aujourd’hui un caractère «officiel» rejoignant le réseau Transition network qui met en relation les acteurs du mouvement de par le monde. En parallèle, face aux problématiques globales du pic pétrolier et du dérèglement climatique, des actions nationales et internationales sont menées, respectivement par le biais de législations, protocoles ou traités internationaux. Si une prise de conscience de la finitude des ressources et des enjeux environnementaux se généralise de plus en plus, les actions à l’échelle locale n’ont aujourd’hui, pas suffisamment de poids tandis que les actions à l’échelle globale ne sont pas assez engagées.

La problématique de ce mémoire porte sur le changement nécessaire des pratiques architecturales et urbaines et plus spécifiquement sur l’intégration de la Transition écologique dans l’enseignement de l’architecture. On note depuis 2015, une sensibilisation plus accrue de l’État quant aux enjeux environnementaux, avec la loi LTECV et l’accord de la COP21 qui s’est tenu à Paris. Le Ministère de la Culture et de la Communication dont dépendent les ÉNSA, emboite le pas et se mobilise auprès du réseau ÉNSA-ECO pour l’intégration de la Transition écologique dans l’enseignement pédagogique des écoles d’architecture. Une enquête portant sur l’état de l’art de la 36

pédagogie des ÉNSA précède l’organisation des rencontres inter-écoles. Cette étude numériquement objective est intéressante mais peu approfondi, ne retranscrivant pas la complexité des enseignements dispensés dans les différentes ÉNSA. Les rencontres qui ont suivi, ont je pense permis de «contrarier» cette enquête et d’ouvrir le débat sur l’enseignement de la Transition écologique. Afin de poursuivre le débat, j’ai mené ma propre enquête au sein de l’ENSA-Marseille, interrogeant des étudiants aux profils diversifiés pour collecter leurs connaissances et leurs ressentis sur la Transition écologique. L’hypothèse se tournait vers une conscientisation des étudiants tout au long de leur parcours scolaire. Sur les sept cas interrogés, leur savoir quant à la Transition s’est généralement acquis hors école, via l’actualité ou des documentaires spécifiques. Certains ont pu bénéficier d’un enseignement choisi en master, traitant des questions environnementales par l’intermédiaire du projet, du séminaire ou de formations constructives. D’autres se remémorent un ou deux cours de licence ayant brièvement abordé la notion de développement durable. Au regard des entretiens collectés, les étudiants de l’ÉNSAMarseille ont une conscience de la Transition écologique qui est propre à leur expérience hors école, et l’enseignement de cette notion est ponctuelle en licence et restreinte à certains départements de master, donc l’hypothèse s’invalide. Toutefois, on peut souligner que l’enseignement de la Transition écologique dans le programme pédagogique des ÉNSA est en cours d’élaboration. C’est un processus long qui se veut interdisciplinaire et intergénérationnel intégrant l’opinion des étudiants, premiers concernés par cet enseignement. Tout ce qui a été mis en place depuis 2015 notamment par la réseau ENSA-ECO mériterait d’être approfondi mais surtout plus communiqué aux étudiants, pour qu’ils puissent prendre part à leur avenir. Si l’enseignement de la Transition écologique dans les écoles d’architecture se concrétise peu à peu, qu’en est-il de son application par les jeunes diplômés dans leur métier d’architecte/urbaniste/paysagiste?

37

BIBLIOGRAPHIE /

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CONFÉRENCE /

Conférence Rob Hopkins, Le pouvoir de faire les choses à la Halle aux sucres de Dunkerque, ajouté le 27 octobre 2017, vue le 2 novembre 2017. Disponible sur : https:// www.youtube.com/watch?v=o2HKjN6eNts FILMOGRAPHIE /

DION Cyril, Laurent Mélanie, « Demain «, documentaire, 2015.

ROBIN Marie-Monique, « Qu’est-ce qu’on attend «, documentaire, 2016.

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ANNEXE N°1 / DÉTAIL DES VINGT-ET-UNE ACTIONS MENÉES DANS LA COMMUNE D’UNGERSHEIM (p.13).

AUTONOMIE INTELLECTUELLE

1- L’engagement citoyen comme pierre angulaire de la politique communale depuis 2009 2- Promotion du Commerce Equitable : entre autre par la tenue annuelle du Festival EcoEquitable «Bio Ungersheim».

3- Adhérer au réseau international des communes citoyennes du monde depuis 2011 pour lutter contre la faim et pour la paix dans le monde.

4- Organisation d’un forum citoyen pour la sorite du nucléaire.

5- Création d’une monnaie locale complémentaire «Le Radis» ou «d’r Ràadig».

6-Elaboration d’un Atlas Communal de la Biodiversité recensant les espèces (faune et flore) sur la commune.

7- Ancienne friche industrielle de potasse reconvertie en parcours de sensibilisation à la Transition (jardin).

INDEPENDANCE ENERGETIQUE

8-Installation du solaire thermique (120 m2) sur le toit de la piscine depuis 1999.

9- Construction d’une chaufferie bois de 540 kw avec réseau de chaleur alimentant 7 bâtiments communaux (dont la piscine).

10- Mise en œuvre d’un centrale solaire HELIO PARC 68 sur une ancienne friche industrielle 11- Réduction de 40 % des dépenses d’énergie par l’éclairage publique à l’aide de gradateurs et de leds.

12-Campagne de diagnostic énergétique des bâtiments publics et mise en place d’une campagne de développement du photovoltaïque public-privé.

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13-Construction d’un habitat Bio-climatique à énergie passive : Eco-Hameau Le Champré, en autopromotion et auto-construction.

14-Retrait total des produits phytosanitaires et engrais chimiques pour le fleurissement, les espaces verts et terrains de sport, depuis 2006.

15-Remplacement des produits d’entretien issus de la pétrochimie par une gamme certifiée écologique et biologique depuis 2008.

16-Achat d’un cheval en 2008 (travaux d’arrosage, transport des enfants à l’école et interventions aux jardins maraîchers) et acquisition d’un véhicule utilitaire électrique.

SOUVERAINETE ALIMENTAIRE

17-Mise en place de la restauration scolaire 100 % Bio à l’accueil enfance depuis avril 2009 18-Création d’une exploitation maraîchère Bio de 8 hectares en chantier d’insertion.

19-Aménagement d’une légumerie-conserverie dans les annexes de la salle des sports en 2015.

20 - Construction d’une cuisine collective Bio pour la restauration scolaire, opérationnelle depuis 2014.

21- Construction de la ferme du Kohlacker, une ferme dédiée à l’exploitation maraîchère qui sollicite les bénévoles.

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ANNEXE N°2 / DÉTAIL DES OBJECTIFS ET PLANS D’ACTIONS DE LA LOI LTECV (p.14).

LES OBJECTIFS DE LA LOI LTECV

- Réduire la consommation énergétique primaire, finale et émissions de gaz à effet de serre - Développer les énergies renouvelables et atteindre des performances énergétiques exemplaires dans le bâtiment et les transports - Lutter contre la précarité énergétique et affirmer le droit d’accès à tous à l’énergie - Lutter contre le gaspillage, réduire la quantité des déchets mis en décharge -

Promouvoir les économies circulaires

-

Renforcer la sûreté du nucléaire

LES PLANS D’ACTIONS MENÉS TOUCHENT

- Le secteur du bâtiment avec l’appel à manifestation d’intérêt «plateformes de rénovation énergétique de l’habitat» - La gestion des déchets avec l’appel à projets «territoires zéro gaspillage, zéro déchets» - Le secteur énergie avec l’appel à projets «territoires à énergie positive pour la croissance verte»

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ANNEXE N°3 / LES OBJECTIFS DU RÉSEAU ENSA-ECO EN 2006 (p. 20).

1- Tous les enseignements théoriques ou appliqués qui concourent à la formation à l’architecture, à l’urbanisme et au paysage doivent intégrer, selon des modalités qui leurs sont propres, les principes d’un développement durable et équitable.

2- Les thèmes liés à la qualité environnementale doivent être abordés dans tous les cycles de la formation initiale (Licence, Master, Doctorat) et de la formation continue.

3- Les étudiants doivent tous avoir fait dans leur cursus au moins un projet intégrant une démarche environnementale par cycle d’études.

4- Des enseignements spécifiques doivent être conduits pour approfondir les diverses questions soulevées : principes bioclimatiques, urbanisme durable, éco-techniques, impacts sanitaires du bâtiment etc.

5- La recherche autour de cette problématique doit être amplifiée pour construire de nouvelles connaissances et fonder de nouvelles compétences.

6- Le rapprochement entre les connaissances scientifiques, techniques et culturelles doit servir de base à une nouvelle éthique, fondement d’une pédagogie conforme aux objectifs d’un développement durable et équitable.

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