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1. Les origines de la rivalité nature/architecture

Si le lien entre architecture, nature, et paysage est aujourd’hui fortement étudié par les architectes contemporains, c’est justement parce qu’il n’a pas toujours été pensé de la bonne manière. On a longtemps considéré ces éléments comme rivaux et cette bataille n’est d’ailleurs pas tout à fait révolue. Afin d’aborder la difficulté de concilier ces deux arts, il est nécessaire de remonter quelques années plus tôt, afin de comprendre d’ou est née cette divergence.
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Outre le caractère primitif des constructions de l’époque néolithique et paléolithique, ces constructions peuvent être aujourd’hui rattachées au concept d’architecture vernaculaire. Ce concept, n’ayant trouvé sa définition que récemment, s’attache aux matériaux utilisés trouvés directement sur place, en fonction de leur disponibilité, à travers des techniques constructives ici traditionnelles. On oppose ce concept nommé « architecture des gens » soit faite par et pour les gens, à l’architecture d’aujourd’hui ou « architecture pour les gens », soit l’architecture des architectes.
Bien que cette idée de construire avec les moyens du bord leur ait été ici imposée, elle est aussi entièrement naturelle et donc respectueuse à la fois de la nature mais aussi du paysage dans lequel elle sait parfaitement se fondre.
On constate une reprise de cette idée de nombreuses années plus tard, notamment à travers le Cliff Palace, construit en l’an 1100 aux Etats-Unis (annexe 1). Mais cette idée de construire de façon précaire avec pour objectif principal de se protéger fut très vite compromise par l’arrivée d’un objectif esthétiquement luxueux. On l’observe notamment au VIem siècle avant JC, à Babylone, qui reflète une toute autre démarche d’intégration dans la nature et le paysage. En effet, si l’on se fit aux différentes illustrations de cette ville de l’époque, laquelle fut témoin des premières traces de civilisations observables encore aujourd’hui en Mésopotamie, on observe que les formes et la nature étaient dors et déjà travaillés minutieusement au sein des bâtiments construits.
De nombreuses gravures ont ainsi été réalisées dans le but de représenter le plus fidèlement possible les fameux temples de prestige dont la ville a été dotée. Cependant, on remarque de façon évidente un concept phare de cette époque: les « jardins suspendus » (A2) . Ces nombreux bâtiments se voyaient ainsi recouverts sur plusieurs étages d’éléments naturels sous forme de jardins. Selon eux, cet ajout partiel d’éléments naturels modifiés et déplacés spécialement à cet effet était symbole de magnificence de la nature environnante. L’insertion dans le paysage, elle, se faisait au dépend de la ville en elle même et son caractère aussi géométrique qu’imposant. Hors, le terme de jardin est en réalité l’antithèse même de la nature, dans le sens ou le fait de la modifier et l’apprivoiser dans un objectif purement esthétique ne rentre pas dans ce concept de moindre impact. Si la nature était pour eux sacrée, il est évident que ces derniers ne vivaient pas en symbiose avec elle, à l’inverse des peuples dits « primitifs » tels que ceux d’Amazonie qui vivent pour certain encore aujourd’hui dans le plus grand respect de cette dernière. La vision de la nature dépend donc surtout des différentes cultures.
Suite à cette question d’harmonie ou d’opposition, vient une longue évolution, avant d’arriver à l’époque « moderne » qui borde encore aujourd’hui notre façon de construire. Si la nature est devenue entre temps un objet d’art à part entière pour bon nombres d’artistes (Monnet, Gaudi …) (annexe 3), cette considération nouvelle pour la nature va vite être contredite par l’arrivée du mouvement moderne dans la construction en France comme à l’international.
En effet, à partir de ce mouvement est né un rapport architecture/paysage particulier, puisque qu’on construisait surtout dans un concept d’architecture objet, indépendante du contexte paysager sur lequel nous prenions place. Cette époque architecturale sera ainsi bordée par l’idéal du Corbusier (A4), mais aussi les différents progrès techniques supposant l’entrée en masse de nouveaux matériaux industriels.

On parle alors «d’architecture fonctionnelle, originale et rationnelle », soit pensée par et pour l’homme, mais dont le paysage ne figure pas dans les caractéristiques majeures. Par ailleurs, la Charte d’Athènes (1943) , écrite par le Corbusier lui même, dans la foulée du 4em CIAM, aura pour conséquence d’inciter à construire dans l’objectif de créer l’homme nouveau et universel à travers un monde alors uniformisé.
Plusieurs principes de l’aménagement des villes en découlent, dont l’urbanisme par zonage, qui consiste alors à penser aux fonctions et placements des bâtiments dans la ville avant leur insertion dans le paysage, en fonction de l’homme. On construit donc à priori pour le bien de la société et seulement pour ce dernier. Hors cette vision d’une société entièrement centrée sur l’homme pose en réalité des limites, la nature étant elle-même indispensable pour notre bien-être.
D’autre. part, c’est à cette époque moderne et bien longtemps après que se développe le métier de paysagiste. Bien que le paysagiste a pour mission « d’ajouter » des espaces verts à un endroit donné, qu’ils soit publique (parc, rue .. ) ou privé (terrasse, jardin..) dans le but d’améliorer la qualité de l’air dans l’espace urbain ou tout simplement améliorer la vue, il n’est ici toujours pas question de respect total de la nature sur laquelle on construit. Ces jardins sont par ailleurs souvent modifiés ou rasés quelques années après leur installation. De surcroit, l’arrivée en masse de cette pratique a eu pour effet de véhiculer une fausse image de la nature pour une majorité d’habitants, les laissant croire à une possible maitrise de cette dernière. Le paysagiste a toujours été considéré comme secondaire à l’architecte, ne faisant son métier qu’a l’issue d’un projet architecturale qui ferait de son travail une simple enveloppe verte, indépendante de l’édifice construit, exemple de la cité radieuse, aussi intéressante soit elle, architecturalement (A5). Un lien entre paysagiste et architecte est pourtant nécéssaire, ces deux corps de métier pouvant être complémentaires pour mener progressivement à une nouvelle vision plus responsable de l’architecture via la nature. Cet aspect est aujourd’hui travaillé par exemple dans les eco-quartiers,et reste à developper. (A6).