LM magazine 135 decembre 2017

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N°135 / DÉCEMBRE 2017 / GRATUIT

ART & CULTURE

Hauts-de-France / Belgique



SOMMAIRE - magazine

LM MAGAZINE #135 Décembre 2017

News – 08

Père Noël Rock, Alf sweat Alf, Message à caractère informatif

design

Educalux – 14 Toy story

Portfolio – 28 Educalux © Capucine Lamoitte

Brian Oldham Corps-à-corps

écrans – 36

Peaky Blinders Sur le fil du rasoir

gastronomie Le genièvre – 46 Du grain à moudre

Rencontre

Martyne Perrot – 10 Le Père Noël, cet imposteur Francesco Tristano – 62 Touche-à-tout

Peaky Blinders © R. Viglasky, Tiger Aspect / Caryn Mandabach Prod. Ltd 2017

Gilbert & George – 90 La barbe ! Jean-Paul Lespagnard – 94 Tout bien réfléchi Marie Lavandier – 100 Le Louvre-Lens a 5 ans !

événement – 84

David LaChapelle. After the Deluge

Le mot de la fin – 138

Coco Amardeil. Crise de mère


028

Colorama © Cruschiform / Gallimard

SOMMAIRE - sélection Les belles lettres du Père Noël – 18

Et si l'amour c'était aimer ?, Les Cahiers d'Esther, La Horde du Contrevent, Ar-Men, Les Vieux Fourneaux, Desproges par Desproges, Coffret Brian De Palma, Hip Hop Family Tree (1983 -1984), Colorama, Le petit peuple du sol, Le renard et l’étoile, Nos vacances

Musique – 56

hauts dignitaires de l’Église catholique n’ont pas choisi cette teinte par hasard. Si communément elle symbolise la force, le pouvoir ou l’amour, pour les cardinaux elle évoque le sang versé de Jésus-Christ.

Kelela, Les Nuits Électriques, Calypso Valois, Alice Cooper, Marilyn Manson, Francesco Tristano, Ali Farka Touré Band, Ibeyi, King Krule, Eddy de Pretto, Hercules & Love Affair, Jessica93, Tim Dup, Fishbach, Agenda...

exposition – 84

David LaChapelle, Gilbert & George, Jean-Paul Lespagnard, Au fil de l'artiste, Joel Meyerowitz, Le Louvre-Lens a 5 ans, Napoléon. Images de la légende, Agenda...

théâtre & danse – 116

Les Petits Pas, Réversible, Eddy Merckx a marché sur la lune, December Dance, Feux d'hiver, Alex au pays des poubelles, Trisha Brown, Rain, Price, Les Particules élémentaires, Agenda...

Santa & Cie © Gaumont

Le cardinal est un petit oiseau que l’on observe principalement aux États-Unis et au Canada. Il tient son nom du plumage rouge éclatant du mâle, qui rappelle la couleur de la tenue des cardinaux. Ces

Disques – 26

Compilation : Soul On Fire, The Detroit Soul Story Compilation : Am I Dreaming ? 80 Brit Girl Sounds of the 60s Jean-Louis Murat

écrans – 76

Battle of the Sexes, Santa & Cie, Argent amer, Are You Series?, Top of the Lake, Tueurs



MAGAZINE LM magazine – France & Belgique 28 rue François de Badts 59110 LA MADELEINE - F -

tél : +33 (0)3 62 64 80 09 - fax : +33 (0)3 62 64 80 07

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Direction artistique / Graphisme Cécile Fauré cecile.faure@lastrolab.com

Rédaction Julien Damien redaction@lm-magazine.com Alexis Lerat info@lm-magazine.com

Couverture Brian Oldham Wide Eyes Behind Beautiful Lies brianoldham.format.com Publicité pub@lm-magazine.com

Administration Laurent Desplat laurent.desplat@lastrolab.com Réseaux sociaux Sophie Desplat Impression Imprimerie Ménard 31682 Labège Diffusion C*RED (France / Belgique) ; Zoom On Arts (Bruxelles / Hainaut)

Ont collaboré à ce n° : Sonia Abassi, Thibaut Allemand, Elisabeth Blanchet, Rémi Boiteux, Madeleine Bourgois, Mathieu Dauchy, Marine Durand, Patricia Gorka, Hugo Guyon, François Lecocq, Raphaël Nieuwjaer, Brian Oldham, Marie Pons et plus si affinités.

LM magazine France & Belgique est édité par la Sarl L'astrolab* - info@lastrolab.com L'astrolab* Sarl au capital de 5 000 euros - RCS Lille 538 422 973 Dépôt légal à parution - ISSN : en cours L’éditeur décline toute responsabilité quant aux visuels, photos, libellé des annonces, fournis par ses annonceurs, omissions ou erreurs figurant dans cette publication. Tous droits d’auteur réservés pour tous pays. Toute reproduction, même partielle, par quelque procédé que ce soit, ainsi que l’enregistrement d’informations par système de traitement de données à des fins professionnelles, sont interdites et donnent lieu à des sanctions pénales. LM / Let'smotiv est imprimé sur du papier certifié PEFC. Cette certification assure la chaîne de traçabilité de l’origine du papier et garantit qu'il provient de forêts gérées durablement. Ne pas jeter sur la voie publique.

PAPIER ISSU DE FORÊTS GÉRÉES DURABLEMENT



Didier Super © Nicolas Monpion

NEWS

PÈRE NOËL ROCK C’est vrai, le Père Noël est un type plutôt généreux. Mais il ne peut pas faire le boulot tout seul ! Pour l’aider, l’association PNR organise depuis 2002 des concerts dont le tarif est fixé à un joujou (pas pour les musiciens, hein, mais les enfants nécessiteux). Parmi ses lutins, citons les rockeurs lillois de Château Brutal ou encore Didier Super et son mauvais goût (assumé), au Métaphone de Oignies. HÉNIN-BEAUMONT, OIGNIES, CARVIN, 01 > 22.12, Entrée = 1 jouet neuf, programme complet : leperenoelrock.wordpress.com

Qui dit Noël, dit pull moche. Tricoté sur la planète Melmac (en poil de chat, évidemment), celui-ci ressuscite Alf – pour les plus jeunes : un extraterrestre mangeur de matous sévissant sur nos écrans à la fin des années 1980. Quitte à passer pour un naze, autant le faire avec style, non ? Télex

www.fun.com

Vous pouvez annuler votre voyage à Londres. Selon The Guardian, Lille et Gand sont respectivement les 2e et 3e meilleures villes (derrière Lisbonne) où faire ses courses de Noël en Europe. Eh ouais. www.theguardian.com

© DR

BÊTE DE MODE


© Induo® / Atelier NA

MONSIEUR PROPRE À destination des gentlemen se goinfrant sans vergogne (on en connaît), voici la chemise idéale pour rester propres à table durant les fêtes de fin d'année et transpirer sans crainte. Conçue par l'Atelier NA, celle-ci est constituée d'un textile anti-taches. Avant de vous rouler dans le plat de dinde aux marrons, il vous faudra débourser 119 euros.

© DR

www.atelierna.com/fr/la-chemise-sur-mesure-intachable-induo

© DR

Vous avez la parole, prenez-la mon vieux !

La fête du slip Distingués, ces gants en forme de slip, isn't it ? Et encore, ceux-ci sont propres (oui, il en existe aussi avec des fausses taches...). Un cadeau culotté pour demeurer au-dessous de tout. www.handerpants.com

S W NE

Parce qu'on est des winners à la Cogip (sauf Berthier, qui a été viré), on est giga-contents d'apprendre la diffusion de nouveaux Messages à caractère informatif. Nicolas Charlet et Bruno Lavaine reprennent leurs détournements de vidéos d'entreprises, 20 ans après la première saison. Oui, c'était vraiment très intéressant. À partir du 01.12, à 20 h 40 sur Canal+ dans l'émission Canalbis


SOCIÉTÉ

MARTYNE PERROT

Interview

SUR LES TRACES DU

PÈRE NOËL

Si vous avez moins de huit ans, ne lisez surtout pas cet article ! Vous risquez d’apprendre une mauvaise nouvelle… Depuis le début du siècle, Martyne Perrot décortique la magie et les petits secrets de Noël. Cette sociologue du CNRS a écrit moult ouvrages sur le sujet. D'où vient ce gros bonhomme barbu ? Pourquoi se fait-on des cadeaux ? On en connaît un qui va voir rouge…

# 10

Propos recueillis par Julien Damien Photo M. Perrot © Julien Falsimagne

© Eugène

fr / BnF

e gallica.bnf.

Oge / Sourc


Au milieu du xixe siècle, on assiste à l'avènement des grands magasins et à la naissance du Père Noël.

Cette fête est-elle une création marchande ? Oui, en tout cas celle que l'on célèbre aujourd'hui. Noël a toujours plus ou moins été fêté mais ne comportait pas cette dimension commerciale. Cette forme apparaît au milieu du xixe siècle avec l'émergence des grands magasins qui ont vu là une aubaine extraordinaire, et l'occasion de détourner la célébration en inventant ce fameux cadeau. D'abord cantonnée aux milieux favorisés, la pratique va se démocratiser, surtout au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. En fabriquant des jouets en série, l'industrie a intensifié les achats réservés aux enfants. Dans

la foulée, les adultes se feront aussi des cadeaux. Pourtant, cette offrande révèle des racines profondes… Oui, dans l'Antiquité romaine, il existait une fête s'accompagnant de dons alimentaires, symbolisant l'abondance. Cela se déroulait à l'occasion de la nouvelle année, en lien avec la déesse de la santé Strenia. Le mot "étrenne" vient de là. Pourquoi à la nouvelle année ? Ce moment correspond au solstice d'hiver. Dans la littérature folklorique, cette période est décrite comme dangereuse : la nuit devient suite


SOCIÉTÉ

très profonde, propice aux revenants, aux sorcières… (Halloween a d'ailleurs repris cette imagerie). On se fait alors des dons pour conjurer le sort.

« JE COMPRENDS LES PARENTS QUI REFUSENT DE BERNER LEURS ENFANTS » Comment le Père Noël est-il né ? Une première personnification apparaît au xiiie siècle, avec un seigneur Noël qui distribuait des présents. Mais celui que nous connaissons descend de Saint-Nicolas. Il provient de la réforme protestante et des migrations européennes. Les Allemands et Hollandais partis aux États-Unis au xviie siècle importèrent Saint-Nicolas, qui s’est transformé en Santa Claus. Après la Seconde Guerre mondiale, on assiste en France et en Europe à une réappropriation de ce modèle américain, avec son habit rouge, sa bonhomie… Idéal pour les boutiques qui l'installent dans leurs rayons. Il s'agit donc d'un personnage hybride qui a puisé dans les traditions de plusieurs pays.

# 12

Pourquoi Saint-Nicolas fut-il supplanté par le Père Noël ? Principalement pour des raisons commerciales : à Saint-Nicolas on offre plutôt des friandises que des cadeaux.

Coca-Cola a-t-il imposé sa couleur rouge ? Le Père Noël était déjà rouge en Allemagne, au xixe siècle. Coca-Cola a fixé sa couleur dans ses publicités des années 1930. Le dessinateur de l'époque, le Suédois Haddon Sundblom, a choisi la couleur, mais elle existait déjà. (ndlr. Michelin, Colgate, Waterman l'ont, avant lui, habillé en rouge et blanc). Faut-il croire au Père Noël ? Quand on a moins de six ans, oui. Mais je comprends les parents refusant de berner leurs enfants, ou voulant contrer leurs exigences parfois folles. Chez Saint-Nicolas, il y a toujours le Père Fouettard pas loin qui punit les enfants pas sages. Avec notre Père Noël moderne, même les enfants turbulents savent qu'ils recevront leurs cadeaux. Ils obtiendront une récompense sans conditions ni sanctions. C'est vraiment le symbole de la société de consommation américaine qui s'est répandu. À LIRE / Le cadeau de Noël. Histoire d'une invention, (Autrement, 2013), 176 p., 15 €, www.autrement.com Faut-il croire au Père Noël ? (Le Cavalier Bleu, 2010), 160 p., 12 € Noël, idées reçues, (Le Cavalier Bleu, 2002), 125 p., 9,80 €, www.lecavalierbleu.com

À LIRE / l'interview intégrale sur lm-magazine.com



EDU CA LUX © Educalux

# 14

L'ENFANCE DE L'ART


DESIGN

Il y a eu les pyramides d’anneaux à empiler, les petites figurines en plastique Minitou et surtout Zouki, l’adorable chien en bois à tirer. Iconique dans les années 1960-1970, la marque de jouets Educalux aurait pu rester un hit de brocante, prisé des connaisseurs. C’était sans compter l’ambition de trois designers lillois, qui ressuscitent la griffe jurassienne dans une ligne de mobilier et de décoration délicieusement vintage. Officiellement, c’est pour les « offrir à [leurs] enfants » que Sébastien Delobel et les frères Stéphane et Xavier Meurice ont commencé à collectionner les pièces Educalux. Mais les cofondateurs de l’agence de design lilloise l’Atelier télescopique, chineurs invétérés, ne trompent pas grand monde. « Nous nous sommes pris de passion pour ces jouets toujours en parfait état, qui sont aussi de très beaux objets de déco », racontent-ils. En 2016, les trois papas quadras sautent logiquesuite ment le pas et rachètent

Trophée lumineux Allondon // Plaques métal Dourdou Bob et Lucille // Coussins inspirés du motif de la roue Éducalux et des personnages Minitou.


Educalux, créée par une famille de tourneurs sur bois, pour lui donner une nouvelle jeunesse. Sébastien, qui a rencontré Xavier sur les bancs des Arts décoratifs de Strasbourg, précise : « On ne voulait pas relancer la marque en s'intéressant au jouet, mais en utilisant notre savoir-faire : le design et les petits objets ». Souvenirs, souvenirs Des luminaires pour chambre d’enfant aux coussins pop et colorés, le charme propre aux joujoux d'antan traverse la collection. Ainsi des posters et plaques en métal, où figurent les bouilles rondes et naïves de la "petite indienne" ou du "petit Table modulable Madon © Capucine Lamoitte

« ON ESPÈRE QUE DANS 30 ANS, NOS OBJETS CIRCULERONT ENCORE DANS LES FAMILLES » clown", des appliques murales, patères et miroirs, reprenant les codes graphiques de la ligne Minitou. Le mobilier modulaire (une table de chevet, qui devient table basse puis petit bureau) s'inspire lui du motif de la roue bicolore, « emblématique d’Educalux ». Si le bois a été abandonné au profit du métal et du textile, Sébastien, Xavier et Stéphane sont restés fidèles aux exigences de qualité de la marque, mais aussi


Posters la petite Indienne et le petit Mexicain

à leur région d’origine : l’intégralité de la gamme est produite dans les Hauts-de-France. En avant les histoires Est-ce le subtil mélange de lignes contemporaines et d’esprit rétro qui a d’emblée séduit le public ? L'e-shop cartonne, et la "jeune" enseigne a déjà eu les honneurs de plusieurs magazines et de quelques boutiques de musée. De quoi inciter l’équipe, qui n’exclut pas de revenir au jouet, à multiplier les idées de développement. Pour les fêtes, les meubles s’habillent de noir et de doré, et une série de cochons 100% déco ne devrait pas tarder à voir le jour. « Un peu sur

le modèle de l’éléphant de Ray et Charles Eames », relève Sébastien Delobel, dont les références design reviennent au galop. Les trois amis s'inscrivent dans les pas de leurs prédécesseurs en perpétuant l'âme d'Educalux : un label attachant, qu’on transmet à ses enfants. « On espère que dans 30 ans, nos objets circuleront encore dans les familles. Cette marque a encore beaucoup d’histoires à raconter ». Marine Durand

EN FAMILLE

EDUCALUX 54 rue Gustave Delory 59000 Lille À VISITER : www.educalux.fr, www.ateliertelescopique.com


Noël à livre ouvert Sous le sapin, à côté des joujoux et des pulls moches, on placerait bien quelques bouquins. Des bandes dessinées, des beaux livres et même des albums "jeunesse", histoire de réjouir toute la famille. Voici une petite sélection au moment de dresser votre liste au gros barbu.

BD FABCARO Et si l’amour c’était aimer ? (6 Pieds Sous Terre) Depuis plus de 10 ans, Fabcaro nous impressionne à chaque livraison. A priori, le Montpelliérain prolixe n’a pas fini de nous ébaubir. On a adoré le trait rond de Talijanska ou encore les silhouettes de Zaï Zaï Zaï Zaï. Ce nouvel album renferme un dessin plutôt réaliste et très figé au service d’un pastiche de romans-photos. Le propos, lui, conte l’amour fou d’une jeune femme mariée pour un livreur de salades de macédoine… Fabcaro déroule son imagination débordante : expressions toutes faites répétées jusqu’à l’absurde, élucubrations hilarantes, situations loufoques… Ce grand n’importe quoi est exécuté avec le plus grand sérieux. Bref, un bazar minutieusement ordonné. 56 p., 12 €. Thibaut Allemand

RIAD SATTOUF

# 18

Les Cahiers d’Esther, T.3 : Histoires de mes 12 ans (Allary Editions) Depuis trois ans, R. Sattouf publie dans L’Obs les tranches de vie que lui confie la jeune Esther. On fut d’abord charmé par la candeur de cette fillette. Désormais, à 12 ans, ses préoccupations ne sont plus les mêmes : la pré-ado se penche entre autres sur la politique (désopilantes scènes sur l’après-Trump ou le péril FN). Quant au reste ? Oh, souvent, elle "s’en balek", mais prend du recul sur le fait que son existence soit racontée en BD – ce qui donne lieu à une savoureuse mise en abîme, qu’on vous laisse découvrir. 56 p., 16,90 €. T.A.


ERIC HENNINOT

EMMANUEL LEPAGE

La Horde du Contrevent (T.1)

Ar-Men

(Delcourt) Dans un monde continuellement balayé par les vents, une quinzaine d’hommes et de femmes, choisis et formés dès l’enfance, constituent la Horde du Contrevent. Leur mission ? Rejoindre le légendaire Extrême-Amont, source de ces bourrasques. Impossible à résumer, le roman SF, lyrique et polyphonique d’Alain Damasio fit date. Comment l’adapter ? En le trahissant merveilleusement. Henninot resserre le propos, prend des libertés avec l’original et met son trait fluide au service d’une œuvre possédant, forcément, un sacré souffle. 80 p., 16,95 €. T.A.

(Futuropolis) Gardien de l’Ar-Men, phare situé au large de l’île de Sein, Germain rapporte les récits qui nimbent l’édifice battu par les vents et les flots. Des légendes révélant l’Ankou, le serviteur de la Mort, des mots conduisant dans la mystérieuse cité d’Ys… Emmanuel Lepage n’est prisonnier d’aucun style. Capable de narrer le quotidien à Tchernobyl comme dans les îles Kerguelen, il excelle aussi dans la fiction pure ici nourrie aux mythes de sa région, la Bretagne. Une fois encore, l’art et la manière nous renversent. 96 p., 21 €. T.A.

PAUL CAUUET & WILFRID LUPANO Les Vieux Fourneaux, T.4 : La magicienne (Dargaud) Quel dommage ! Après trois tomes fabuleux contant les aventures de trois papys libertaires, ce quatrième volet tombe à plat. Scénario bâclé, gags poussifs, personnages méconnaissables ou quasiment absents… Ce tome, baptisé La magicienne, souffre semble-t-il de la pression subie par les auteurs après un succès (critique et public) inattendu et mérité. Espérons qu’ils se reprennent dans un cinquième épisode déjà annoncé… 56 p., 11,99 €. T.A.


BEAUX LIVRES DESPROGES PAR DESPROGES (Les éditions du Courroux)

# 20

Cette somme consacrée à Pierre Desproges paraît alors qu’il nous a quittés voici 29 ans. Pas très rond, tout ça… Oui ! Mais son cancer, lui, s’est déclaré en 1987. Le crabe de Desproges fête donc ses 30 ans. Le compte est bon ! Mauvais esprit ? Même pas : c’est l’argument invoqué par sa propre fille, Perrine. L’humour noir en héritage. Et une certaine droiture, aussi. On craignait une énième réédition de ces réquisitoires, aphorismes et autres élucubrations que l’on connaît par cœur. Or, sont ici réunis 600 documents rares ou jamais vus : photomontages potaches, articles et brèves parues dans L’Aurore ou Pilote (entre autres), entretiens radiophoniques ou télévisuels, extraits de chroniques, correspondance imaginaire ou amoureuse… Ce corpus offre une vision panoramique de Pierre Desproges, un portrait intime mais jamais impudique de cet éternel angoissé, exigeant avec lui-même comme avec les autres – d’où cette image de misanthrope qui lui colle à la peau. Derrière l’humour acerbe, on (re)découvre un grand styliste à la plume affûtée – lire la nécrologie consacrée à Francis Blanche : un modèle du genre, tout en finesse et dénué d’obséquiosité. Souvent invoqué à tort et à travers, Desproges dépasse largement la catégorie de "l’humoriste" pour se placer aux côtés des grands écrivains, parfois "notoirement méconnus" tel Alexandre Vialatte. Ces 340 pages nécessitent, exigent et valent des heures et des heures de lecture. Attentive. Étonnée. Rigolarde. Et souvent émouvante, mine de rien. 340 p., 39 €. Thibaut Allemand


BRIAN DE PALMA Entretiens avec Samuel Blumenfeld et Laurent Vachaud (Carlotta) Phantom of the Paradise, Furie, Pulsions, Blow Out, Body Double, Scarface : les six films réunis dans cet élégant coffret ne comptent pas parmi les plus rares de Brian De Palma. Ce sont néanmoins des jalons indispensables dans la grande entreprise de déconstruction des images hollywoodiennes que le cinéaste a entamée au début des années 1970. Ce travail de "cinéphilie critique" ressort aussi des passionnants entretiens qui accompagnent les DVD. Publié en 2001, l’ouvrage de Samuel Blumenfeld et Laurent Vachaud était depuis longtemps épuisé. Amplement complété, il constitue une ressource précieuse sur la méthode et la pensée du cinéaste. En attendant une édition française de Get to Know Your Rabbit, Wise Guys ou Home Movies, voici de quoi réviser nos classiques ! 320 p. + 6 DVD, 69,99 €. Raphaël Nieuwjaer

HIP HOP FAMILY TREE Tome 3 (1983 -1984)

Ed Piskor (Ed. Papa Guédé)

Cette BD scrupuleusement documentée retrace l’histoire du hiphop à la façon des vieux comics, en 64 couleurs sur papier jauni. Après avoir introduit les pionniers (Afrika Bambaataa, Grandmaster Flash…) puis montré comment le rap sortit du ghetto, ce troisième volume s’intéresse à l’émergence d’une nouvelle génération. Entre les graffs de Dondi White et la genèse du documentaire Style Wars, on croise KRS-One en adepte de Krishna et galérant de foyers en prisons, les Run DMC fringués en vendeurs de voitures ou Rick Rubin, fondateur de Def Jam, en blanc-bec bossant des prods dans sa piaule… Bref, c’est toujours aussi drôle et truffé de ces petites histoires qui firent la grande, entre hasard et débrouille. Une saga indispensable. 112 p., 26 € / Coffret Vol. 1 & 2, 224 p., 54 €. Julien Damien


ALBUMS JEUNESSE CRUSCHIFORM Colorama (Gallimard Jeunesse) Diplômée de la prestigieuse école Estienne, MarieLaure Cruschi (aka Cruschiform) a eu une idée aussi simple qu’originale : mêler nuancier et imagier. À chaque couleur sa petite histoire, et cet ouvrage en comporte 133. Saviez-vous par exemple que le rouge carmin était obtenu à partir d’un minuscule insecte, le kermès ? Que les flamands roses devaient la teinte de leur plumage à l’ingestion massive de crevettes ? Que la sépia était une encre projetée sur les prédateurs par les seiches, poulpes et calamars ? Que le coquelicot renvoie au chant du coq ("coquerico") dont la crête est rouge ? Du blanc neige au clair de lune, en passant par la barbe à papa ou le jaune canari, c’est toute l’histoire chromatique du monde qui nous est contée. Un beau livre à picorer sans retenue. 280 p., 25 €, dès 7 ans. Julien Damien

052 096 028

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PHILIPPE UG Le petit peuple du sol (Les Grandes Personnes) Avez-vous déjà observé une colonie de gendarmes en action ? Distingueriez-vous l’amanite tue-mouches de l’oronge rougissante ? Savez-vous ce qu’est une trompette de la mort ? Ce joli livre pop-up nous emmène à la découverte des champignons et autres minuscules créatures peuplant l’humus. Ces cinq planches s’apprécient comme autant de sculptures en papier, tout en enrichissant le vocabulaire des petits lecteurs – et même des plus grands. 12 p., 20 €, dès 3 ans. J.D.

CORALIE BICKFORD-SMITH Le renard et l’étoile (Gallimard Jeunesse) Renard a perdu son amie Étoile, et doit désormais affronter seul l’obscurité de la forêt… Grand succès en Angleterre, le premier livre de cette illustratrice des éditions Penguin s’inspire de poèmes de W. Blake et W. Morris. Le graphisme est épuré, élégant, tout en arabesques et restreint à cinq couleurs. Il sert une fable sur la perte et l’accomplissement de soi, un conte mélancolique s’adressant à tous les âges. 64 p., 15 €, dès 4 ans. J.D.


ALBUMS JEUNESSE

BLEXBOLEX

# 24

Nos vacances (Albin Michel Jeunesse) En 2009, le Douaisien Bernard Granger (alias Blexbolex) reçut le prix du "plus beau livre du monde" à la Foire de Leipzig, avec L’imagier des gens. Point de ligne claire chez cet amateur de Chaplin, mais une grande clarté. Un style marqué par une esthétique rétro et la technique de la sérigraphie que l’on retrouve dans son nouvel ouvrage. Ici, il prend le parti de raconter une histoire sans texte. Celle-ci illustre les aventures d’une fillette en vacances chez son grand-père, mais perturbées par l’arrivée d’un éléphanteau… Un récit teinté d’étrangeté où l’imaginaire du lecteur est sans cesse stimulé – jusqu’à en devenir le co-auteur. Ces doubles pages d’aplats de couleurs vives sont ponctuées de vignettes dynamisant la narration. Encore un très beau livre, assurément. 128 p., 18 €, dès 6 ans. Julien Damien



DISQUES Soul On Fire, The Detroit Soul Story (1957-1977)

Am I Dreaming ? 80 Brit Girl Sounds of the 60s

(Cherry Red)

(RPM Records / Cherry Red)

Détroit, soul… Motown ? Perdu. On oublie trop souvent des labels tels Lu Pine, Sidra, Impact... Ces maisons de disques sont un peu l'AJ Auxerre de la soul de Détroit. Comprendre : elles ont hébergé nombre d'artistes qui formeront ensuite la légende des labels Stax, Atlantic ou Motown. Ce florilège colossal (86 morceaux, 3 CD) invite à découvrir ces grands noms. Citons les premiers singles des Falcons (parmi lesquels Eddie Floyd, Mark Rice ou Wilson Pickett) ou des Primettes, que le monde entier connaît désormais sous le nom des… Supremes. Embarrassants, ces débuts ? Que nenni ! Ces artistes possèdent un tel feu sacré qu'il est impossible de ne pas succomber. Thibaut Allemand

Depuis 1994, les diggers de RPM Records balayent l'éventail des artistes féminines et ce, dans presque tous les sous-styles pop et folk via les compilations Dream Babes. Ce neuvième et ultime florilège comprend 80 pépites pop méconnues, des tubes qui ne le furent jamais vraiment – on ne s'explique toujours pas comment. Parmi cette foule d'inconnues, quelques célébrités dont Marianne Faithfull, Sandie Shaw, Cilla Black, Dusty Springfield, Petula Clark… Comme d'habitude, l'objet est magnifique, les notes de pochettes érudites et, ici, signées par l'insigne Bob Stanley (Saint Etienne) qui fut l'instigateur de toute cette affaire. Thibaut Allemand

JEAN-LOUIS MURAT

# 26

Travaux sur la N89 (Le Label / Pias) C’est l’histoire d’un Auvergnat qui prend la route pour sortir de la routine. Mais elle est en travaux... Alors il s'extrait du véhicule et prend l’air, dans tous les sens du terme. Les amarres sont magistralement larguées dès l’ouverture avec Les Pensées de Pascal. Rien ne préparait à une telle explosion des codes, à ces ruminations existentielles et ces cut-up électroniques. L’écoute déconcerte, mais avec délice. Les mélodies typiques du troubadour ressurgissent et on y retourne pour les volutes de Coltrane ou les injures ambiguës de Dis le le. C’est de la free-chanson comme il y a du free-jazz, de la post-chanson comme il y a du post-rock. C’est l’histoire d’un chanteur attachant qui sort un très, très grand disque. Rémi Boiteux



PORTFOLIO


BRIAN OLDHAM CORPS ET ÂME O

n n’est jamais mieux servi que par soi-même, dit-on. Brian Oldham a donc fait de sa personne le sujet principal de ses créations. « Ma passion est née au lycée et j’ai débuté avec l’autoportrait, je suis un autodidacte », assure cet Américain de 22 ans, installé dans la région de Los Angeles. Ce jeune homme moustachu s’appliquant du rouge à lèvres, c’est lui (voir page 34). « Lorsque j’ai réalisé ce cliché, je m’interrogeais sur ma masculinité et mon identité », explique celui qui s’inspire surtout de ses expériences personnelles. À l’heure où le selfie est devenu un nouveau genre photographique autant qu’un exercice d’autocélébration, Brian Oldham utilise sa propre image, non pas pour se la raconter, mais comme vecteur artistique. « J’aime aussi m’exprimer en modifiant mon apparence, avec des vêtements, du maquillage... ». D’ailleurs dans son nouveau projet, The Artist is For Sale, il donne littéralement de sa personne : « chaque semaine je publie des sculptures de parties de mon corps. Elles sont disponibles à la vente en tant qu’accessoires fonctionnels et accompagnées de photos et de peintures. C’est une collection d’œuvres centrées sur l’autoexploitation dans la société capitaliste ». L’autre grand thème de son travail interroge notre relation avec Dame Nature, comme on peut l’observer à travers ce portfolio, où transpire son attrait pour le « réalisme magique ». Et, devinez quoi : le damoiseau posant sur notre couverture, sur le visage duquel se sont posés deux papillons, c’est encore lui ! Julien Damien

brianoldham.format.com www.instagram.com/brianoldham

# 29

À VISITER /


Beautiful Lies



Eternity


Poof


Boys Will Be Boys



ÉCRANS

PEAKY BLINDERS

Bande à part


Série Peaky Blinders, Arte France Archives © Robert Viglasky Caryn Mandabach Productions Ltd/Tiger Aspect Productions Ltd 2016

Le monde entier attend avec impatience la suite de Peaky Blinders. De la Turquie à la Russie en passant par la France, la Belgique, les États-Unis et bien sûr le Royaume-Uni, les gangsters des années 1920 raflent la mise. À la veille de la diffusion de la saison 4 sur Arte, voyage entre fiction et réalité, des bas-fonds de Birmingham jusqu'à la riviera anglaise, bien rencardés par le créateur de la série : Steven Knight !


ÉCRANS

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Jamie Devon, créateur et propriétaire du Peaky Blinders Bar & Grill à Paignton, Devon. Son arrière-grand-père faisait partie du gang © Elisabeth Blanchet


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imanche midi, Paignton, Devon, station balnéaire de l’English Riviera. On est loin de l'Angleterre industrielle miséreuse rythmée par les guerres entre malfrats. C’est pourtant ici, dans une petite rue, que Jamie Devon a ouvert le Peaky Blinders Bar & Grill en septembre. « Quand la série est sortie, ça a fait tilt. Mon arrière-grand-père était un authentique Peaky Blinders et je voulais ouvrir un bar depuis longtemps », explique Jamie. Bière à la main, casquette de tweed vissée sur la tête, chemise blanche et petit gilet, il se souvient : « Mon arrièregrand-père est arrivé d’Irlande à Birmingham enfant. Il a rejoint les gangs des "courses de chevaux" qui organisaient des paris illégaux, un business tenu par les Peaky Blinders ». Pincé par la police, il fut emprisonné à Londres. Une fois repenti, il demeura sur place. Jamie a lui-même grandi dans la capitale britannique avant de suivre ses parents à Paignton. Tandis qu'il raconte son histoire, le pub se remplit : des familles, des couples et, déjà, des habitués. Parmi eux Sandy, pimpante sexagénaire : « J’adore la série. Cet endroit lui rend vraiment hommage ». Il faut dire que Jamie a pensé à tous les détails : « les chemisiers blancs des serveuses renvoient

Les portraits des Peaky Blinders Harry Fowler, Ernest Bayles, Stephen McHickie et Thomas Gilbert tirés des archives photos © West Midlands Police Museum Garrison Tavern, Garrison Lane, 1961. Le QG des Peaky Blinders © Carl Chinn

à ceux de Grace, l’épouse de Thomas Shelby, le chef de la bande ». Le décor, la musique jouée en live, les pintes qui se vident… Tout cela donne furieusement envie de se replonger dans la salle de paris, poumon du business des Shelby ! Sous la casquette Une ambiance que Steven Knight, créateur de la série, décrit avec passion. Celle-ci est fortement influencée par les récits de son enfance. suite


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Nyani Quarmyne Les serveuses habillées A Beach comme in my dans Living la série Room mettent We la Were pression. Once©Three Elisabeth MilesBlanchet From the Sea, Totope, Ghana, 2010

« Je viens de la "working class" de Birmingham, je suis le dernier de sept enfants, explique-t-il. Mon père était forgeron, issu d’une famille de gitans anglais. Quand il avait 9 ans, son grand-oncle Sam Sheldon, dont je me suis inspiré pour le personnage de Thomas Shelby, l’a envoyé chez les Peaky Blinders pour leur transmettre un message. Il nous raconta sa surprise en ouvrant la porte de la salle de paris, enfumée, avec ces types tirés à quatre épingles buvant du whisky à même la bouteille ». Ce sont ces histoires hautes en couleur qui lui ont donné envie d’écrire sur les bandes de Birmingham. Pour cela, la BBC lui a donné carte blanche… Mais au fait, qui sont réellement les Peaky Blinders ?

D’après l’historien Carl Chinn, il s’agit d’un nom générique caractérisant tous les truands du quartier miteux de Small Heath, dans les années 1890. Leur sobriquet viendrait de la casquette qu’ils portaient tous, très à la mode à l’époque, et surnommée "peaky". L’association avec "blinders" renverrait aux lames de rasoir cousues à l’intérieur. Quand un de ces voyous attaquait le visage de quelqu’un avec son couvre-chef, il lui lacérait le nez, le faisait pleurer et l'aveuglait (blind en anglais)… Selon Carl Chinn, ils n’auraient toutefois pas survécu à la Première Guerre mondiale. Pour Steven Knight, Small Heath et ses environs seraient toutefois restés truffés de bandes liées aux paris illicites de


Peaky Blinders Bar & Grill, Paignton, Devon. © Elisabeth Blanchet

canassons (entre autres rackets et trafics…) jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, et même 1961, quand les paris furent légalisés. Plus vrai que nature Si les "héros" de la série sont fictifs, ils s'inspirent d'individus ayant réellement existé, « comme l’inspecteur en chef Chester Campbell, ressemblant à un flic irlandais qui s’appelait Rafferty ». Ou alors de faits historiques : « Grace n’incarne pas une personne en particulier mais on sait que l’État britannique envoyait des espionnes déguisées en barmaids ou femmes de ménage pour glaner des informations sur l’IRA ». Plus encore que le scénario, ce sont donc les personnages

qui font le succès du programme. « Oui, Thomas Shelby est presque sympathique… Pourtant il commet des actes terribles. Mais, je voulais que le spectateur découvre l'histoire à travers ses yeux ». Il fallait le rendre "humain", émouvant. Cette idée justifie une bande sonore décalée : de PJ Harvey à Nick Cave, la musique ajoute de la noirceur tout en renforçant notre adhésion aux émotions des protagonistes. Contre-culture ouvrière Steven Knight ne parvient pas à expliquer le carton de sa création. Mais il en est fier. « Je ne voulais pas que cette série fasse honte aux "working class" mais célèbre leur culture. suite


ÉCRANS


Série Peaky Blinders, Arte France Archives © Robert Viglasky Caryn Mandabach Productions Ltd/Tiger Aspect Productions Ltd 2016


Steven Knight © Black Country Living Museum / A Caryn Mandabach and Tiger Aspect Production Pose des voies de tram au centre de Coventry Road (1904-1953) © Small Heath and Sparkbrook / Ted Rudge and Keith Clenton / Amberley Publishing

Tous les drames d’époque en Angleterre tournent autour de la bourgeoisie et de l'aristocratie. Les cris, la vie, l’alcool, le jeu… ça ne se passe pas dans les grands salons mais dans la rue ! ». De retour au Peaky Blinders Bar & Grill, les fans attendent avec impatience la saison 4. Selon Steven, celle-ci verra nos truands favoris réintégrer Small Heath en 1925, et affronter un nouvel ennemi, incarné par Adrien Brody… Jamie, lui, prévoit d’agrandir son pub et d’en ouvrir d’autres. Le fameux slogan "By order of the Peaky Blinders!" n'a pas fini de nous faire frissonner. Elisabeth Blanchet

À LIRE / l'interview de Steven Knight sur lm-magazine.com

À VOIR / Peaky Blinders, saison 4, de Steven Knight, avec Cillian Murphy, Helen McCrory, Tom Hardy, Adrien Brody… diffusée à partir du 18.01.2018 sur Arte À VISITER / Le Peaky Blinders Bar & Grill, Paignton, 107 Winner Street, +44 1803 411819, facebook.com/peakyblindersbar À ESSAYER / Le Peaky Blinders Tours à Birmingham, www.peakytours.com À LIRE / The Real Peaky Blinders : Billy Kimber, the Birmingham Gang and the Racecourse Wars of the 1920s, de Carl Chinn (Brewin Books), 112 p., 15,45 €, www.brewinbooks.com


Saison 4 de la série Peaky Blinders © Robert Viglasky / Caryn Mandabach Productions Ltd/Tiger Aspect Productions Ltd 2017

Tel père, tel fils.


GASTRONOMIE

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© Philippe Hudelle


LE GENIÈVRE LES DERNIERS DES MOHICANS C'est un digestif typique du nord de l'Europe, en particulier des Hauts-de-France et de Belgique. Pourtant, il ne reste plus que deux distilleries de genièvre dans l'Hexagone. D'un côté, celle de la famille Persyn à Houlle. De l'autre, Claeyssens à Wambrechies. Reportage au sein de ces deux monuments patrimoniaux.


France, région qui en dénombrait plus d'une centaine à la fin du xixe siècle.

Après-guerre, Jean-Marie Persyn reprend l'activité de la distillerie de Houlle. La Carte Dorée (lancée en 1965) et surtout la Carte Noire (en 1970) assurent la renommée de son genièvre.

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évolue la bistouille, ce tordboyaux bas de gamme mélangé à de la chirloute pour tonifier voire abrutir les masses laborieuses, mineurs en tête ! L'image du genièvre y a été longtemps associée, galvaudant cet alcool de céréales (seigle, avoine, orge ou blé) distillé, in fine, aux baies de genévrier. Ses origines datent de la fin du xvie siècle, quand la factory Bols de Schiedam (Pays-Bas) faisait couler à flots "le courage des hollandais" (autre nom de cette boisson). Sa distillation en France n'a été autorisée qu'après la Révolution. Jusqu'à cette époque, les céréales ne devaient servir qu'à nourrir le bon peuple, voire les animaux, conséquence d'un monopole royal de 1713 valorisant les seules gnôles dérivées du vin. Voilà qui explique la naissance et la longévité des deux dernières distilleries de genièvre, Persyn et Claeyssens, en activité aujourd'hui dans les Hauts-de1 2

Un process inchangé Même si la première reste plus artisanale et familiale que la seconde, elles ont de nombreux points communs. D'abord, elles sont nées il y a environ 200 ans. En 1812 pour la distillerie Persyn1, à Houlle, petit village de l'Audomarois. En 1817, à Wambrechies sur les bords de la Deûle, pour la Distillerie Claeyssens2. Certes de tailles différentes, leurs bâtiments ont gardé leur physionomie d'origine. De même pour les outils et techniques de fabrication (brassins, alambics, colonnes de distillation) fonctionnant toujours par campagne étalée d'octobre à avril. Ce sont de véritables pièces du patrimoine industriel, attirant chaque année entre 5 000 et 10 000 visiteurs. Ces deux maisons défendent aussi la qualité de leurs produits qui les distingue des breuvages à base d'éthanol parfumé constituant le cœur du marché belge ou néerlandais. Enfin, ces entreprises (de respectivement 5 et 9 salariés) relèvent les mêmes défis : surmonter un repli de leur production qui a été divisée par deux pour stagner, depuis une décennie, à 50 000 cols par an. « Cela est dû à la baisse régulière de la consommation de digestif et la dosuite mination d'autres alcools,

Fondée par la famille Decocq, reprise en 1885 par les Lafoscade puis les Persyn en 1944. Filiale des Grandes Distilleries de Charleroi depuis son rachat en 1999.


La matière première, le grain. // Christophe Caron, chef distillateur chez Persyn, devant la cuve de brassage.

© Sébastien Anquez


GASTRONOMIE

tel le whisky, qui représente 40% des ventes des spiritueux en France », reconnaît Lionel Persyn, dirigeant associé avec son oncle Jean-Noël de l'affaire familiale. Arômes sucrés Si on consomme moins de genièvre, tout l'enjeu est de savoir comment mieux le déguster. Claeyssens investit depuis plusieurs années pour se diversifier dans la fabrication de whiskies, gins, vodkas et cocktails dérivés, distillés à partir des mêmes céréales que le genièvre. Les Persyn misent eux sur l'élaboration d'assemblages premium. « Ils sont vieillis dans des fûts ayant contenu d'autres alcools, surtout des vins moelleux comme le Sauternes ou le Monbazillac. Le but est d'en

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Distillerie Claeyssens © Gerard Uferas

exploiter la sucrosité résiduelle pour l'élevage de cuvées plus fruitées », précise Lionel Persyn. Une montée en gamme réussie avec le Houlle XIV, assemblage de deux eaux-devie de 15 ans d'âge vieillies en fûts de chêne, dont les arômes boisés et les reflets cuivrés rappellent un vieux whisky. Mais c'est bien du genièvre, et entend le rester… François Lecocq

DISTILLERIE PERSYN Houlle, 19, route de Watten, +33 (0)3 21 93 01 71, www.genievredehoulle.com DISTILLERIE CLAEYSSENS Wambrechies, 1, rue de la Distillerie, + 33 (0)3 20 14 91 90, www.wambrechies.com


'T DREUPELKOT LES BONS TUYAUX

En Belgique, le genièvre est un jalon du patrimoine culinaire, au même titre que la gaufre et les frites. Et c'est sans doute au 't Dreupelkot qu'on peut y déguster les meilleurs. Rencontre avec Pol Rysenaer, qui tient le comptoir de cette taverne gantoise depuis 32 ans. planète. « Mes clients viennent de tous les pays, je suis connu dans le monde entier », sourit-il derrière ses faux airs de Jean-Pierre Coffe. Dans le centre historique de la cité de Charles Quint, s'aventurant dans une petite rue bordant la Lys, on aperçoit sa bobine de loin. Elle s'affiche en grand au-dessus de nos têtes, sur la façade en briques rouges de ce troquet traditionnel.

Pol Rysenaer derrière le comptoir du 't Dreupelkot. *Dreupel signifiant "goutte" et kot, "cabanon".

suite

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Si les Belges et les Hollandais se disputent la paternité du genièvre depuis des lustres, ils s'accorderont sur le fait que le meilleur est distillé dans le Nord de la France. Ce n'est pas nous qui le disons, mais Pol Rysenaer. L'homme sait de quoi il parle : cela fait 32 ans qu'il s'échine derrière le comptoir du 't Dreupelkot*, le plus célèbre bar à genièvre de Gand, du Royaume, et peut-être même de la


© Nicolas Pattou

Jusque sur l'enseigne, il ne se sépare pas de son éternel cigare. Oui, Pol est un personnage. Du genre truculent.

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Les goûts et les couleurs Poussant les portes de la petite taverne, on découvre une ambiance boisée et chaleureuse. « Ici, les gens sont comme à la maison », assure notre hôte, aujourd'hui âgé de 69 ans. Il faut dire que le genièvre favorise les relations sociales (entre autres vertus médicinales mises au jour par le bon docteur hollandais Franciscus de le Boë, qui aurait inventé le breuvage en 1650). « Après deux verres, tout le monde devient amis ». Pol est lui tombé dedans quand il était petit. Comme Obélix. Sauf qu'il a toujours le droit d'en boire. De préférence « du vieux, mélangé à du whisky ». Oui, c'est costaud… On se rassure, le Gantois propose plus de 200 goûts différents (de 20

à 50 degrés) : à la banane, au tiramisu, café glacé… Nombre d'entre eux ont d'ailleurs été créés par ses soins (il y a sa frimousse sur l'étiquette des bouteilles). « J'ai inventé ceux à la vanille et au chocolat il y a plus de 20 ans », revendique-t-il. C'était avant tout pour satisfaire une clientèle féminine. Pour les âmes (et palais) moins sensibles, on en trouve aussi au poivre. « Il y avait une usine automobile pas loin, beaucoup de Suédois y travaillant passaient par ici, me demandant des trucs forts… ». Avec modération, évidemment, même si cela conserve : Pol prendra sa retraite à… 87 ans ! « J'aurai fait mes 50 ans de 't Dreupelkot, je sortirai alors par la petite porte de derrière ». On ira sans doute prendre un dernier "shot" avec lui. Julien Damien 'T DREUPELKOT Gand, Groentenmarkt 12, tous les jours dès 16 h, + 00 32 (0) 09 224 21 20, www.dreupelkot.be





© DR

# 56

MUSIQUE


KELELA

GIRL POWER Vous ne la connaissez peut-être pas, mais vous l’avez sûrement déjà entendue. Et pour cause : sa voix envoûtante traverse les meilleurs albums de ces dernières années (de Gorillaz à Solange Knowles). Échappée de l’underground grâce à son EP Hallucinogen (2015), Kelela porte aujourd’hui son R’n’B hybride en solo. Nue, de longues tresses recouvrant son corps, Kelela nous fixe d'un regard ténébreux sur la pochette de son premier disque, Take Me Apart. Sorti en octobre dernier, il révèle un style sombre et sensuel où s’entrechoquent tourments amoureux et… réflexions politiques. La chanteuse de 34 ans avait prévenu : « il s'agit d'un album personnel, mais le caractère politique de mon identité influence le son. Je revendique à la fois une certaine vulnérabilité et une grande force ». Gare aux malheureux qui la cantonneraient aux bleuettes adressées aux teenagers et autres sirops frelatés (Mariah Carey, si tu nous lis). Kelela se livre sans concession, sexy sans être vulgaire, indifférente aux canons imposés. Genre idéal Ouvertement engagée, elle enfonce le clou : « il n’y aura jamais assez de chansons qui encourageront la femme noire ». À l'instar d’une Princess Nokia ou d’une Kali Uchis, elle refuse de se soumettre aux règles d’une société qu’elle juge misogyne et raciste – à juste titre, au regard de notre actualité… Bref, la musique reste son seul moyen de contestation. Ce n'est pas un hasard si elle a tapé dans l'œil de Warp, l'inénarrable label anglais, défricheur electro entre tous : Kelela fusionne jazz langoureux, vibrations soul mâtinées d'une touche synthétique, servant un R’n’B d’un nouveau genre. Celui qui donne la chair de poule. Sonia Abassi ANVERS, 02.12, Trix, 19 h 30, 18 / 16,50 €, www.trixonline.be


Nées par surprise en 2012, Les Nuits Électriques ont depuis pris leurs aises et leurs quartiers un peu partout, du Tripostal au Grand Sud en passant par L'Aéronef. Elles semblent désormais se plaire aux Halls de la Filature. De cette sixième édition, on attend déjà fébrilement la prestation de You Man. Maya Jane Coles et Louisahhh annoncent, chacune à leur manière, des moments deep house aériens et cotonneux. Quant à John Talabot, indépendant et catalan (nul lien politique entre ces deux épithètes !), on le sait capable d'audaces insensées. Bref, ces Nuits Électriques promettent du courant alternatif en continu. T.A. SAINT-ANDRÉ-LEZ-LILLE, 08 & 09.12, Les Halls de La Filature, 22 h, 1 soir : 33 €, 2 soirs : 55 €, www.festivallesnuitselectriques.com PROGRAMME : Maya Jane Coles, John Talabot, Louisahhh, Mad Rey, Mezigue, Leo Pol, You Man (08.12) // Modeselektor, Detroit Swindle, Darius, FJAAK, Folamour, Sabrina & Samantha (09.12)

© Antoine Carlier

CALYPSO VALOIS Tout le monde la présente comme la fille d'Elli & Jacno. Ce n'est pas faux et ça en dit long sur le pédigrée. Ça ne suffit heureusement pas à résumer cette jeune femme que l'on avait découverte, voici trois ans, au sein du tandem Cinéma – un chouette LP et puis s'en va… Cette complice de Lescop ou Daho conjugue textes francophones, écriture électronique et inspiration pop – le tout produit par Yan Wagner. Des eighties conjuguées au présent ? On prend ! T.A. LILLE, 05.12, L'Aéronef, 20 h, 22 > 14 €, www.aeronef.fr (+ Mademoiselle K en deuxième partie)

© John Talabot

LES NUITS ÉLECTRIQUES



ALICE COOPER

MARILYN MANSON

© DR

GLAM ROCK, HARD ET BEAUTÉ Marilyn Manson et Alice Cooper, c'est d'abord des décibels. Et beaucoup de rimmel. Mais que trouve-t-on si l'on gratte le vernis ?

LE BLAZE

Les deux gonzes ont choisi des pseudonymes féminins, histoire de troubler la virilité rock'n'roll. Un bon point pour Vincent Damon Furnier, aka Alice Cooper, qui a lancé l'idée (en fait, il a repris le nom de son premier groupe). ■ Brian Warner, alias Marilyn Manson, a radicalisé le propos en juxtaposant le prénom d'un sex-symbol, Marilyn, au nom d'un tueur-fou, feu-Charles Manson.

SHOCKING ! Alice Cooper a créé le shock rock. Rigolard, outrancier, jubilatoire, il envoie le rock'n'roll à la fête foraine, avec 15 tours dans le trainfantôme. ■ Marilyn Manson a un peu politisé le truc. S'est érigé contre la censure. Oui, bon, d'accord, mais on rigole quand ? LA MUSIQUE

Là, ce sont bel et bien deux écoles. Alice Cooper excelle dans le glam rock – David Bowie comptait parmi ses admirateurs, lui chipant un ou deux trucs au passage. ■ Manson s'inspire davantage du glam metal, de la pop synthétique des 80's… et des Crados, aussi.

ÉCRAN LARGE

Des "gueules" taillées pour le cinéma : on a vu Alice en statue du commandeur dans Wayne's World. ■ Manson la jouait plus arty chez Dupieux (Wrong Cops).

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BILAN ?

Enfin réhabilité (l'âge, ça aide) Cooper est désormais considéré comme une pierre de touche du rock. ■ Manson conserve une image de plouc. Pour MARILYN MANSON BRUXELLES, 02.12, Forest National, écrire ces quelques lignes, nous n'avons 20 h, 45 €, www.forest-national.be évidemment écouté aucun de ses albums ALICE COOPER récents. Et si on commençait par là ? DEINZE, 05.12, Brielpoort, 20 h, 46 €, Thibaut Allemand

www.deinze.be



Interview

FRANCESCO TRISTANO

ÉLECTRON LIBRE

© Ugo Ponte / onl

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Propos recueillis par Julien Damien


MUSIQUE

Pianiste de formation classique, Francesco Tristano est aussi à l’aise sur la scène d’une philharmonie qu’en club, derrière les touches d’un synthé. Du baroque à la techno de Détroit, le Luxembourgeois peut interpréter (ou remixer) un concerto de Bach ou se produire avec Carl Craig. L’onl donne carte blanche à ce chef de file du "New Classical", pour une tournée mêlant images, sons et technologie.

Comment votre passion pour la musique est-elle née ? Grâce à ma mère, qui est une grande mélomane. D'ailleurs, à la maison il y avait un piano droit. C'était un meuble plus qu'autre chose mais aussi, je pense, un "coup stratégique". J'étais tellement curieux que je m'y suis mis à 5 ans. Puis, j'ai grandi en écoutant tous les styles : du "classique", des compositions plus synthétiques, Pink Floyd, Jarre… Au sortir du conservatoire, cela ne me suffisait pas de jouer des compositeurs morts… C'est vraiment la musique électronique qui m'a ouvert des portes. J'avais besoin de m'inscrire dans cette révolution esthétique. Comment l'avez-vous découverte ? Lorsque Daft Punk a sorti Around the World en 1997, j'avais 15 ans. Je n'en étais pas forcément fan mais je voulais comprendre comment ce

son était produit. Durant mes études à New York, le soir je m'enfermais dans le "music lab" de l’école au milieu des séquenceurs. C'est là que j'ai commencé à écrire des pièces pour piano très electro.

« LE BAROQUE TOUT COMME L'ELECTRO S’APPUIENT SUR LA BASSE » Dans l'esprit de la techno de Détroit ? Oui, je suis séduit par son côté minimaliste. Il n'est pas non plus propre à l'electro : on retrouve ce rythme rituel, répétitif, dans certaines pièces de Bach. On peut aussi citer les chants grégoriens, Satie… Pour moi, il s'agissait de trouver des structures libérées des grands développements thématiques, de trouver une force dans le détail, des petits changements de notes. suite


Quels seraient les liens entre musique acoustique et électronique ? L'ADN de la musique est universel, régi par les mêmes éléments : la mélodie, les sonorités, le timbre… C'est de la cuisine finalement : avec ces ingrédients on peut obtenir des résultats très différents. Cela dit, le baroque et l'electro s’appuient tous les deux sur la basse. Chez Bach, le basso continuo est un rythme qui porte toute l’harmonie et l'énergie du morceau. Le baroque est dansant, syncopé. C'est pourquoi je tiens à prolonger le répertoire ancien via les musiques actuelles.

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« TOUT COMME LA TECHNO, LE BAROQUE EST DANSANT ET SYNCOPÉ » On vous présente comme un "ovni", parce que vous vous intéressez autant à l'acoustique qu'à l'électronique… Tous ces épithètes ne m'intéressent pas. Peu importe où l'on se place "entre l'acoustique et l'électronique". De même, le mot "classique" ne signifie rien pour moi. Les compositeurs dits "classiques" n'ont jamais écrit de musique "classique" car le terme n'existait pas. Il est apparu beaucoup plus tard pour désigner une musique du passé. Finalement, Mozart écrivait des morceaux contemporains, populaires même. Il voulait plaire au public.

Que jouez-vous à Lille et Courtrai ? Le Concerto pour piano et orchestre de Ravel qui est une pièce incontournable. Puis je vais montrer les deux facettes de mon travail. En jouant du baroque, Bach, et mes propres compositions. Notamment Island Nation, un concerto que j'ai écrit l’an passé et joué une demi-douzaine de fois. J'ai hâte de le présenter avec Christian Schumann et l’onl. S'agit-il aussi de mêler images et musique avec le projet Goldberg City Variations ? Oui, en nous référant même à l'architecture, très présente dans la musique. Je travaille depuis deux ans sur ce projet avec des architectes et designers graphiques. L’idée est d’édifier une ville en temps réel grâce aux 26 000 notes des Variations Goldberg. LILLE, 07 & 09.12, Nouveau Siècle, jeu : 20 h, sam : 18 h 30, 50 > 5 €, www.onlille.com COURTRAI, 08.12, Schouwburg, 20 h 15, 29 > 21 €, schouwburgkortrijk.be PROGRAMME : Tristano : Goldberg City Variations // Ibert : Ouverture de fête // Ravel : Concerto pour piano et orchestre, en sol majeur // Tristano: Island Nation Concerto (dir. : Christian Schumann, piano : Francesco Tristano)

À ÉCOUTER / Piano Circle Songs (Sony Classical) // Versus (Carl Craig et Francesco Tristano / InFiné) À LIRE : l'interview intégrale sur lm-magazine.com



© DR

ALI FARKA TOURÉ BAND Ali Farka Touré nous a quittés voici 11 ans et il existe un moyen autrement plus saisissant qu'un hologramme pour le (re)découvrir. Son groupe, sobrement nommé Ali Farka Touré Band, reprend le flambeau ! Il ravive la flamme d'un blues syncrétique, nourri aux racines maliennes et aux lointaines descendances américaines. Alanguies et lumineuses, ces compositions envoûtent. Elles nous rappellent tout ce que lui doit la jeune génération, de son fils Vieux Farka Touré à Tamikrest ou Tinariwen, en passant par Terakaft – ici en première partie. T.A. DIXMUDE, 16.12, 4AD, 20 h, 16 / 12 €, www.4ad.be

© Amber Mahoney

IBEYI Ces jumelles ont épaté le monde en mêlant gospel, arabesques vocales et samples urbains. Le tandem récidive de fort jolie façon et convoque pour l'occasion Kamasi Washington, Mala Rodriguez ou Chilly Gonzales. Inclassable (à la façon d'une Kate Bush ou d'une Björk), Ibeyi ouvre discrètement de nouvelles voies à la pop contemporaine. Délicates, les sœurettes. Ce qui ne les empêche pas d'apparaître sur le dernier essai d'Orelsan… T.A. LOUVAIN, 07.12, Het Depot, 20 h, complet ! BRUXELLES, 01.03.2018, Ancienne Belgique, 20 h, 27 / 26 €, www.abconcerts.be



© Frank Lebon

MUSIQUE

KING KRULE

L'ÂGE D'HOMME Finie l'adolescence. Terminée cette quête d'identité qui déboucha sur un trop-plein d'alias (Zoo Kid, Edgar the Beatmaker). Archy Marshall est très talentueux, cela ne fait aucun doute. Alors, il avance sereinement (ou presque) sous son blaze le plus célèbre pour livrer son meilleur disque à ce jour. Et, on l'espère, ses meilleurs concerts.

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King Krule, c'est une nouvelle facette de ce blues urbain tel que défini par The Specials dans Ghost Town. Du blues ? Oh, pas à la lettre, mais dans l'esprit. Un mal-être qui ne doit qu'aux soirées plombées des mégalopoles. Et aux petits matins blêmes dans des avenues froides et désertes. Le tout raconté avec un détachement surjoué – on ne conte pas de pareilles histoires en en ayant totalement rien à carrer. À 23 ans, Archy Marshall reprend le flambeau du hip-hop britannique là où Dizzee Rascal et The Streets l'avaient laissé et l'amène à hauteur d'homme, ou presque : difficile de rivaliser avec un deuxième album de la trempe de The Ooz. King Krule avait tendance à abuser de son timbre de tuberculeux enroué. Une époque révolue. Cette voix est la sienne. Reste à voir si le Londonien a fait du chemin depuis ses premiers concerts. Comme terrassé par l'enjeu, le résident d'East Dulwich se maintenait sur la réserve. Et nous avec. Le jeune rouquin peut-il désormais livrer un set aussi asphyxiant ET libérateur, aussi plombant ET salvateur que ce qu'il bricole miraculeusement entre les quatre murs de sa piaule ? C'est tout ce qu'on souhaite – on a toutes les raisons de l'en croire capable. Thibaut Allemand ANVERS, 11.12, De Roma, complet !, www.deroma.be



© Axel Morin

EDDY DE PRETTO

À FLEUR DE FLOW

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Le robinet des sorties rap a toussoté en 2017. Apparu entre Niska et ses dents en acier, les blagues Carambar d’Orelsan et les biscotos de Damso et Kaaris, le freluquet Eddy de Pretto a soufflé un air autrement plus sensible cet automne. Mais d’où vient cette brise inespérée ? La sortie de Kid, premier quatre titres d’Eddy de Pretto, a piqué la curiosité d’une grande partie de la presse, début octobre. Le jeune homme de 24 ans y synthétise ses amours pour Booba et Aznavour avec l’aide des producteurs de PNL. Il reprend Jul et honore Barbara comme Diam’s. D’un phrasé précieux (rappelant Stromae et le Québécois Pierre Lapointe) le natif de Créteil aborde des thèmes très personnels résonnant furieusement avec l’actualité : la revendication d’un "non-genre", la dénonciation d’une virilité abusive ou encore la vacuité des rapports amoureux sur Internet. Présenté comme un rejeton de la « génération Dolan » (L’Obs) qui « bouscule les codes de la masculinité » (Le Monde), Eddy de Pretto a des choses à dire sur la sexualité des "millennials", et surtout sur la sienne. Il le fait avec aplomb, sans pudeur et sans la novlangue cryptée du milieu, dans un dispositif scénique dépouillé à l’extrême (un iPhone, un batteur). Le propos, qui transforme la banlieue en "Beaulieue" et parle d’homosexualité, est original. La mise à nue est saisissante et l’ambition de remplir les salles en passe d’être atteinte (trois Cigale prévues en mars 2018). Souhaitons lui AMIENS, 15.12, La Lune des Pirates, 20 h 30, le même succès que son équivalent complet ! littéraire, Eddy Bellegueule. BRUXELLES, 22.02.2018, Botanique, 19 h 30, Mathieu Dauchy

18 > 12 €, botanique.be



© Murielle Victorine Scherre

HERCULES & LOVE AFFAIR Nous sommes en 2017, donc, a priori, aucune personne sensée ne résumerait le disco à Patrick Hernandez, aux cols pelle à tarte et à Travolta. Le cas échéant, faites avaler au malotru les 428 pages de Turn The Beat Around de Peter Shapiro. En guise de promenade digestive, emmenez-le au concert de Hercules & Love Affair. Tenanciers depuis bientôt dix ans d'un disco revisité façon DFA, les New-Yorkais débarquent avec un quatrième album (chez Atlantic) ou apparaissent la folkeuse Sharon Van Etten et le caméléon Faris Badwan (The Horrors, Cat's Eyes). Dansant, mélancolique, remuant… en deux mots ? Disco. Moderne. T.A. ANVERS, 01.12, Trix, 19 h 30, 22 / 20 €, www.trixonline.be

© William Lacalmont

JESSICA93 LA VAGUE La Péniche n'est plus ? Vive La Vague ! Organisées au Splendid par À Gauche de la Lune, ces soirées pensées en "formule club" ressuscitent les concerts intimistes propres à l'ancienne salle lilloise, fermée l'an passé. Idéal pour accueillir Jessica93. Désormais quatuor, la formation vient de signer un troisième LP implacable – pour fans de Nirvana et The Cure mais aussi Godflesh ou Loop. Bref, un condensé de boucan de ces 25 dernières années. T.A. LILLE, 13.12, Splendid, 20 h, 17,80 €, www.le-splendid.com, www.agauchedelalune.com



© Hugo Pillard

TIM DUP

ET AUSSI… VEN 01.12 WASHED OUT Bruxelles, VK*, 19h30, 17/14e THE MECHANICS + SLUMBERLAND Dixmude, 4AD, 20h, 10>6e VITALIC + MAESTRO Lille, L'Aéronef, 20h, 28/25/22e DAGOBA Calais, Centre Culturel Gérard Philipe, 20h30, 12>7e MILLIONAIRE + KO KO MO Dunkerque, Les 4 Ecluses, 20h30, 10/7e

# 74

SAM 02.12

Seul sur scène avec son piano, Tim Dup chante au nom de sa génération, désabusée, attendant son tour pour s'exprimer dans cette société malade. Poétique, mélancolique, l'auteur-compositeur-interprète de 22 ans cultive l'ambivalence : textes variant entre consternation et espoir, musique mêlant classique et contemporain, avec des touches de hip-hop et d’electro… Il rejoint cette génération qui renouvelle la chanson française. Un artiste de son temps, mais parolier digne des plus grands. A.L. LA LOUVIÈRE, 13.12, Le Palace, 20 h, 12 / 8 €, www.ccrc.be

CALYPSO ROSE Lens, La Scène du LouvreLens, 17h, gratuit DIDIER SUPER + CHATEAU BRUTAL Oignies, Le Métaphone, 17h, Gratuit en échange d'un jouet

MAR 05.12 MOUNTAIN BIKE Bruxelles, Ancienne Belgique, 20h, 15e

MER 06.12 BAL FUNK HIP-HOP - BLOCK PARTY AVEC D.STREET Roubaix, La Condition Publique, 19h, gratuit BROKEN BACK Lille, Le Splendid, 20h, 27e IDLES + BISON BISOU Lille, L'Aéronef, 20h, 15>5e

GIRLS IN HAWAII Lille, Le Splendid, 20h, 25,80e

JEU 07.12

NAÏVE NEW BEATERS + EDGÄR Oignies, 19>13e

ALISON MOYET Anvers, De Roma, 20h, 24/22e

NOSTROMO + TANG Béthune, Le Poche, 20h30, 10/8e

DA SILVA Lille, Le Splendid, 20h, 23e

VEN 08.12 HAROUN + NAMILS + L'HEXALER Lille, Le Flow , 19h30, 15e DUB INC + NAÂMAN + JAHNERATION + ALPHA BLONDY + LE SON DU PEUPLE Lille, Le Zénith, 20h, 39>33e JIM WHITE + DRIES Dixmude, 4AD, 20h, 11>7e RODOLPHE BURGER + L'ORAGE Arras, Le Pharos, 20h, 7>1,5e GUNWOOD + PETER HARPER Lille, L'Antre-2, 20h30, 10>2e JOHNNY MAFIA + POGO CAR CRASH CONTROL + LOMECHUSA Dunkerque, Les 4 Ecluses, 20h, 5e/Gratuit (abonnés) ERASERHEAD DE DAVID LYNCH / CERCUEIL (CINÉ-CONCERT) Bruges, Concertgebouw, 21h30, 16e

SAM 09.12 JORDI SAVALL Lens, La Scène du LouvreLens, 17h, gratuit

DIM 03.12

VIANNEY Lille, Le Zénith, 20h, 42>29e

LO'JO + TITI ROBIN TRIO Oignies, Le Métaphone, 20h, 18>12e

FRANÇOIS ATLAS & FRIENDS Louvain, Ferme du Biéreau, 15h30, 16>9e

WE ARE BASTARD - MAT BASTARD + A-VOX Lille, L'Aéronef, 20h, 30e

KILLASON Béthune, Le Poche, 20h30, 10>6e


DIM 10.12

JEU 14.12

BLOCK PARTY 6: D.STREET, BLACK ADOPO, DJ SHARKY, DJ SMOZ... Lille, Le Flow, 15h, gratuit

SON LITTLE Bruxelles, Botanique, 19h30, 12>6e

ALDEBERT Béthune, Théâtre, 16h, 22/18e

MAR 12.12 SHARKO Nieppe, Salle Line Renaud, 20h, Gratuit

BERNSTEIN ON BROADWAY Lille, Nouveau Siècle, 20h, 50>5e LE PEUPLE DE L'HERBE Boulogne-sur-Mer, Carré-Sam, 20h30, 10>6e

COELY Louvain, Het Depot, 20h, 19>14e

JULIEN DORÉ Saint-Omer, Scénéo, 20h, 29€

SAM 16.12

MER 13.12

JAY-JAY JOHANSON Bruxelles, Botanique, 19h30, 20>14e

TRIGGERFINGER Charleroi, Eden, 20h, 30€

CATFISH + JUG Louvroil, Espace Culturel Casadesus, 20h, 10/6e

VEN 22.12 SOULWAX Anvers, Lotto Arena, 18h30, 41e ARNAUD VAN LANCKER QUARTET Armentières, Le Vivat, 20h, 8e/ gratuit (-26 ans)

CATHERINE RINGER Lille, Le Splendid, 20h, 29,80e TRIGGERFINGER + ROMANO NERVOSO Lille, L'Aéronef, 20h, 26>19e

BERNSTEIN ON BROADWAY Lille, Nouveau Siècle, 20h, 50>5€ BICEP Anvers, Contrair, 23h, 15>5e

FISHBACH

© Yann Morisson

OLIVIA RUIZ Amiens, Maison de la Culture, 20h30, 36>16e

TRICKY Louvain, Het Depot, 20h, 24>19e

JEU 21.12

VEN 15.12 EMILY LOIZEAU Béthune, Théâtre, 20h30, 34/30e

FREAKS / CERCUEIL (CINÉCONCERT) Roubaix, La Condition Publique, 20h, 6e

MAR 19.12 JULIEN DORÉ Lille, Le Zénith, 20h, 50>29e

TÉTÉ Jeumont, Centre Culturel André Malraux, 20h, 15/10e

ALB Bruxelles, Botanique, 19h30, 19>13e

EMMANUEL TOP + FRED HUSH… Charleroi, Rockerill, 22h, 15/12e

Entre Françoise Hardy et Niagara, Fishbach surfe sur le succès de ses aînées avec cette synth-pop typique des eighties – dont elle ne se revendique étrangement pas. Portée par un chant rauque, ses paroles lucides sur l’amour et la mort nous laissent sans voix. Sur scène, son charisme soulève une émotion quasi mystique. Non, son titre de "Révélation de l’année" décerné par le Prix des Indés n'est pas volé. A.L. LA LOUVIÈRE, 20.12, Le Théâtre, 20 h, 20 / 18 €, ccrc.be CALAIS, 03.02.2018, Centre culturel Gérard Philipe, 20 h 30, 12 > 7 €, www.spectacle-gtgp.calais.fr


BATTLE OF THE SEXES

© Melinda Sue Gordon / 20e Century Fox Film Corporation

# 76

Jeu, set et mach

s

Battle of the Sexes, c'est le nom du match de tennis qui opposa, en 1973, la numéro un mondiale Billie Jean King à Bobby Riggs, ex-champion masculin de 25 ans son aîné. Valerie Faris et Jonathan Dayton (coréalisateurs de Little Miss Sunshine, Elle s’appelle Ruby) retracent cette aventure exaltante qui fit beaucoup pour l’égalité hommes-femmes, dans le sport comme ailleurs. Au début des années 1970, l’Américaine Billie Jean King, 29 ans, règne sur le tennis féminin. Tout juste victorieuse du tournoi de Los Angeles, elle déboule en furie dans le bureau de l’organisateur, Jack Kramer : sa récompense est huit fois moins importante que celle offerte au vainqueur masculin. Le promoteur, et un aréopage de vieux mâles blancs fumant


Avantage King Les deux réalisateurs consacrent la majeure partie de leur 3e film de fiction au tournoi de Virginia Slims, créé par King avec huit autres championnes montant au filet contre les inégalités. Cette "Battle of the Sexes" cherche surtout à montrer que les femmes « méritent le respect ». Son issue est presque secondaire. Après tout, le résultat de ce match suivi par 90 millions de téléspectateurs est connu : King, bien préparée, écrasa en trois sets Riggs, autoproclamé "porc machiste ". Outre une délicieuse reconstitution des seventies, cette épopée féministe nous emporte grâce à un casting sans faute. Tandis qu’Emma Stone brille dans ses habits d’icône, Steve Carell endosse parfaitement le rôle du bouffon accro aux paris et aux projecteurs. En double, Dayton et Faris ne sont définitivement plus des outsiders. Marine Durand DE JONATHAN DAYTON ET VALERIE FARIS, avec Emma Stone, Steve Carell, Andrea Riseborough… En salle

ÉCRANS

le cigare, lui rétorquent que les joueuses, moins fortes physiquement, produisent un tennis moins excitant qui mobilise moins les foules. Rires gras et airs satisfaits. CQFD.


PÉPÈRE NOËL

# 78

Dans son cinquième long-métrage, Alain Chabat s’attaque à la traditionnelle comédie familiale de fin d'année. L'ex-Nul enfile les bottes et le manteau vert (et non pas rouge Coca) du Père Noël. Armé de cette dose d’absurde qui fit son succès dans ses précédents films (on se gondole encore devant Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre…), il revient par la cheminée. Verdict ? Santa, aka le Père Noël (Alain Chabat), vit peinard en Laponie avec sa femme Wanda (Audrey Tautou). Tout se passe comme sur des roulettes depuis 608 ans… jusqu'au jour où ses 92 000 lutins tombent subitement malades, foudroyés par un virus mystérieux. Le vieux casanier quitte alors son chalet douillet pour récolter de la vitamine C sur terre. Après un atterrissage douloureux à Paris, Santa affronte moult péripéties risquant de lui faire rater le grand soir ! Heureusement, dans son épreuve, il est épaulé par un jeune avocat (Pio Marmaï), sa femme et leurs deux enfants… Les 15 premières minutes du film regorgent de trouvailles visuelles, justifiant ainsi un budget de 5 millions d’euros rien que pour les effets spéciaux. Mais on quitte vite l'univers enfantin pour le monde impitoyable de Paname. Si de nombreuses blagues séduiront les fans de la première heure, d’autres gags demeurent plus hermétiques. Là réside la faiblesse du film. Contrairement à ce qu’on attend d’une comédie de Noël, celle-ci reste peu accessible au jeune public… voire franchement destinée aux parents. Mais ne boudons pas notre plaisir. À regarder avec un verre de vin chaud plutôt qu'un chocolat, DE ALAIN CHABAT, avec Audrey Tautou, Pio Marmaï, Golshifteh Farahani, Bruno Sanches… en somme. Hugo Guyon Sortie le 06.12

© Gaumont

ÉCRANS

SANTA & CIE



MADE IN CHINA Caméra à la main, Wang Bing continue de s'enfoncer dans la longue nuit du prolétariat chinois. Un atelier de confection, des hommes et des femmes venus de loin, la tyrannie de la production, la lumière des téléphones portables comme source de réconfort… Ainsi se trame Argent amer.

# 80

Depuis le monumental À l'ouest des rails en 2003, Wang Bing saisit les manières dont la libéralisation de l'économie chinoise modifie la société. En 2009, il trouvait ainsi dans l'exploitation du charbon un moyen de mettre au jour le réseau de circulation du capital. L'Argent du charbon ne devait hélas connaître qu'une version télévisuelle de 53 minutes. Argent amer est, d'une certaine façon, encore une "coupe" dans cet immense chantier. Pour ce projet, le réalisateur ne révèle qu'une part infime des 2 000 heures de rushes qu'il a tournés dans la région du Zhejiang. Il en tire cependant un film d'une grande puissance. En suivant le parcours d'hommes et de femmes (parfois de simples adolescents) quittant leur province pour travailler dans des ateliers de textile, il saisit d'abord la violence d'un exil massif. L'essentiel du récit se déroule néanmoins dans un seul immeuble de béton combinant, pour un rendement maximal, espaces de production et d'habitation. Ce bâtiment apparaît à la fois comme un lieu d'asservissement et un petit théâtre. Le labeur se mêle au désœuvrement, les contraintes sociales aux élans intimes. L'impression qui domine est celle de vies suspendues, en attente d'un improbable avenir. Pendant ce temps-là, l'argent coule à flots. Raphaël Nieuwjaer DOCUMENTAIRE DE WANG BING. En salle.

© Les Acacias

ÉCRANS

ARGENT AMER


C'est LE rendez-vous des sériephiles de la région depuis 5 ans - en attendant l'inauguration de Séries Mania à Lille, au printemps 2018. Le festival Are You Series? ouvre de nouveau à Bruxelles. Troubles existentiels, sagas historiques, dystopies... le menu de cette édition est aussi alléchant que diversifié. Entre des militants qui défendent la cause noire à Londres dans les années 1970 (Guerrilla), des femmes au bord de la crise de nerfs dans Paris etc. (de Z. Breitman) ou encore les espions allemands à fleur de peau de The Same Sky, votre sommeil sera mis à l’épreuve. Entre autres débats et rencontres, notons une nouveauté : le Are You Web Fest?, un festival dans le festival organisant une compétition internationale autour des créateurs de webséries (une bonne raison d'éteindre sa télé...). Alexis Lerat BRUXELLES, 14 > 19.12, Bozar, 09 h > 00 h, grat., pass pour les rencontres pro : 15 / 10 €, bozar.be

© Canal +

SÉLECTION : The Same Sky, d’Oliver Hirschbiegel (14.12) // Avant-première de Paris etc. de Zabou Breitman (16.12) // Guerrilla de John Ridley (17.12) // Salamanders – Blood Diamonds de Ward Hulselmans (18.12) // The Handmaid’s Tale de Bruce Miller (19.12)...

© See-Saw Films / Arte France

ARE YOU SERIES?

TOP OF THE LAKE CHINA GIRL Bien avant "l’affaire Weinstein", Jane Campion abordait de front les violences faites aux femmes, par le biais d’un polar aux accents surnaturels. Voici la deuxième saison de cette mini-série. Après avoir démantelé un réseau pédophile en NouvelleZélande, l’agente Griffin quitte les sublimes paysages maoris pour la moiteur bétonnée de Sydney. Elle traque cette fois le meurtrier d’une prostituée asiatique… La réalisation est toujours aussi soignée, le scénario addictif et le casting rehaussé par Nicole Kidman, bluffante en mère au foyer devenue lesbienne. On regrettera toutefois un manichéisme balourd : en gros, tous les hommes sont des salauds, les femmes leurs victimes. Une guerre des sexes latente que même la maternité, thème sousjacent de ces six épisodes, ne semble apaiser... Julien Damien DE JANE CAMPION ET GERARD LEE, avec Elisabeth Moss, Gwendoline Christie, Nicole Kidman… diffusion sur Arte du 07 > 21.12


SOUS HAUTE TENSION

# 82

Ex-figure du grand banditisme belge, François Troukens signe son premier film. Remarqué lors de la Mostra de Venise, ce thriller organise la confrontation virile (et pas toujours correcte) entre un Olivier Gourmet musclé et un Bouli Lanners méconnaissable en flic psychopathe. François Troukens n’est pas inconnu au plat-pays. Ancien convoyeur de fonds devenu braqueur de fourgons dans les années 1990, le "Paul Newman du banditisme" s’est depuis 2015 reconverti en présentateur télé (Un crime parfait ? sur RTL-TVI). Épaulé par Jean-François Hensgens, ponte de la direction photo, le Nivellois réalise là son premier long-métrage. L’histoire ? Le truand Frank Valken (Gourmet) tente un dernier coup avant de se retirer. Mais durant l’attaque, une juge est assassinée par un mystérieux commando. Étrange coïncidence : la magistrate s’apprêtait à déterrer une affaire vieille de 30 ans, celle des "tueurs fous". Le commissaire Bouvy (Lanners) accuse Valken… Librement inspiré de l’affaire des "tueurs du Brabant", qui ensanglantèrent le Royaume dans les années 1980, le film ne vise pas la reconstitution historique, mais trouve un écho troublant au regard des derniers rebondissements de l’enquête, entre secrets et théorie du complot… Ici, on saluera surtout une mise en scène haletante, rappelant par endroit Heat de Michael Mann. Hélas cette belle réalisation, sublimée par une BO composée par la fine fleur du rap belge, est plombée par une intrigue trop confuse. S’il n’a pas réussi le casse du siècle, DE FRANÇOIS TROUKENS ET JEAN-FRANÇOIS Tueurs augure toutefois du meilleur HENSGENS, avec Olivier Gourmet, Bouli Lanners, Lubna Azabal… Sortie le 06.12 pour Troukens. Julien Damien

© G. Chekaiban / Versus production

ÉCRANS

TUEURS



# 84

DAVID LACHAPELLE


The House at the End of the World, 2005 Chromogenic Print Š David LaChapelle Studio Inc


EXPOSITION

POP EN STOCK On se souvient de cette grande exposition consacrée à Andy Warhol, en 2013. Le BAM accueille aujourd’hui un glorieux élève du maître du pop art : David LaChapelle. De ses clichés de célébrités à ses créations plus spirituelles, cette rétrospective retrace en une centaine d’œuvres toute la carrière de l’Américain, des années 1980 à nos jours. L’accrochage met à bas nombre de clichés accolés à cet artiste sulfureux. De David LaChapelle, on connaît le sens de la provocation, cette esthétique kitsch et fluo reconnaissable entre toutes. Ses clips ou photos de stars, entre pop art et porno chic, ont fait le bonheur de la publicité et des magazines. Mais le temps des futilités sur papier glacé semble révolu pour l’enfant du Connecticut. Le virage eut lieu en 2006, suite à une visite de la chapelle Sixtine.

# 86

« IL TRAVAILLE À LA MANIÈRE D’UN ARTISAN COMME FELLINI » L’Américain fut ébloui par les peintures de Michel-Ange. « Il a vécu une profonde crise existentielle », se rappelle Gianni Mercurio, commissaire de cet accrochage. « Il voulait tout changer, arrêter les travaux commerciaux et entamer une nouvelle

vie d’artiste. Il s’est alors retiré sur une île d’Hawaï, a dépensé tout son argent pour acheter une ferme ». Cette révélation artistique et spirituelle s’est traduite par la réalisation de Deluge, fresque longue de sept mètres ouvrant cette rétrospective. Elle met en scène des hommes, femmes et enfants se débattant en pleine apocalypse, au milieu des casinos ou grandes enseignes submergées par les eaux, à Las Vegas. C’est une puissante allégorie, une critique du consumérisme. « Elle est à la fois le symbole de la destruction et de la purification, la fin d’un monde et le début d’un autre. L’artiste met en avant les valeurs d’entraide chez chacun des sujets ». Au-delà du message, l’art du "fermier" se caractérise donc par cette dimension narrative.

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My Own Liz, 2002. Chromogenic Print © David LaChapelle Studio Inc


Last Supper, 2003 Chromogenic Print © David LaChapelle Studio Inc

# 88

L’enfer Que l’on apprécie ou pas ce débordement de couleurs flashy et cette nudité des corps, on ne peut que s’incliner face à la technique de LaChapelle. En effet, point de retouche photo chez lui : les décors, costumes (quand il y en a)... tout est "fait-maison" et le cliché final résulte d’un unique "clic" ! « Il travaille à la manière d’un artisan, un peu comme Fellini. Il simule un effet aquatique avec une bâche en plastique, utilise des ventilateurs pour restituer le vent... ». Déployé sur les deux étages du BAM, le parcours n’est pas chronologique, mais thématique. Au premier, à la

« IL CROQUE DES CÉLÉBRITÉS POUR CARICATURER DES FAITS DE SOCIÉTÉ » suite de la série Deluge sont rassemblées ses fameuses photos du show-biz (de Bowie à Paris Hilton). Celles-ci témoignent de l’extravagance de la société du spectacle, une certaine vision de l’enfer... À l’image de ce portrait de la famille Kardashian, posant au centre d’un royaume dévasté, comme le sont les magasins lors du "Black Friday", ce jour de soldes américaines. On constate, en passant, que certains modèles se méprennent parfois sur les intentions de David LaChapelle...


After the Deluge, Museum, 2007 Chromogenic Print © David LaChapelle Studio Inc

« Cette composition moque la soif de pouvoir et le consumérisme, soutient Gianni Mercurio. David croque des célébrités pour caricaturer des faits de société, comme une étude anthropologique ». Eden Vient enfin la section consacrée au "paradis", au second niveau. L’être humain disparaît peu à peu des clichés, illustrant les préoccupations écologiques du photographe. Telles ces maquettes de stations-service abandonnées au milieu de forêts luxuriantes, dans un monde où la nature a repris ses droits (série Gas, 2012). Plus loin, New World (2017) dévoile un Eden où l’Homme

fusionne avec la Terre, au sein de paysages rappelant ceux de Gauguin lors de sa phase tahitienne. LaChapelle revient ici à une technique expérimentée dans les années 1980, peignant directement sur la pellicule. Il symbolise, par exemple, l’amour entre deux êtres via un tourbillon multicolore, révélant une facette insoupçonnée de sa personnalité... Julien Damien

DAVID LACHAPELLE. AFTER THE DELUGE MONS, JUSQU’AU 25.02.2018, mar > dim : 10 h > 18 h, 9 / 6 € / gratuit (-6 ans), bam.mons.be À LIRE / Poursuivez la visite de cette exposition sur lm-magazine.com


Interview

GILBERT & GEORGE # 90

POIL À GRATTER


EXPOSITION

© Julien Damien

Ce sont de véritables rock stars, les Dupond et Dupont de l'art contemporain. Voilà 50 ans que Gilbert (le plus petit) et George (le grand à lunettes) se mettent en scène. Ce fut d'abord à travers les fameuses "sculptures vivantes", puis sous forme de montages photographiques. Dans leur dernière série, The Beard Pictures, ils apparaissent en rouge écarlate, devant ou derrière des fils barbelés, affublés de toutes sortes de barbes. Détournant cet attribut de la virilité en symbole, ils témoignent d'un monde envahi par la religion ou d'hirsutes hipsters. Ces œuvres drôles, parfois inquiétantes et colorées sont dévoilées de New York à Athènes en passant par Bruxelles, où nous les avons rencontrés. Eternellement vêtus de leur costume-cravate, ils manient un humour pincesans-rire typiquement anglais (même si Gilbert est Italien), et se moquent allègrement d'euxmêmes – comme de nous ! Propos recueillis par Julien Damien

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EXPOSITION

Pourquoi avez-vous choisi la barbe pour thème de cette série ? Gilbert : Il y a trois ans, nous avons vu surgir partout en Europe un monde rempli de barbelés, de murs et de barrières tenant d'autres gens à l'écart. Derrière ces clôtures, nous avons distingué des personnes arborant des barbes à caractère religieux : juif, musulman… Dans le même temps, là où nous vivons (dans l'East End, à Londres, ndlr) sont apparus tous ces hipsters. C'était complètement nouveau. Quelque part, c'est une idée de la masculinité. Mais la plus intéressante pour nous reste la barbe propre à la religion. George : Oui, et la plus célèbre au monde demeure celle de Jésus Christ que vous voyez dans tous les musées. La seconde est celle du Père Noël, qui est aussi un chrétien.

# 92

« NOUS ESSAYONS DE DÉCRYPTER LES MYSTÈRES DU MONDE À TRAVERS LA BARBE » Que voulez-vous signifier ici ? George : Nous explorons le monde à travers la barbe. Où peut-elle nous emmener ? Pourquoi s'eston laissé pousser tous ces poils ? En réalité, cette question dépend de l'endroit et de l'époque où l'on vit. Quand nous étions ados, nous

n’aurions jamais décroché de job si nous portions la barbe ! À l'inverse, au xixe siècle les hommes rasés de près étaient considérés comme des gens aisés fréquentant les clubs, des noceurs décadents. Gilbert : Nous avons essayé de décrypter les mystères du monde, sa moralité, à travers cet attribut. C'est aussi un déguisement : on peut se cacher derrière, devenir une autre personne, dire des choses différentes.

« NOUS SOMMES DEUX PERSONNES, MAIS UN ARTISTE » Comment concevez-vous ces œuvres ? George : C’est complexe et en même temps très simple. Nous cherchons et rassemblons des images un peu au hasard. Elles nous montrent le chemin. Une trame se dessine peu à peu. Enfin, nous concrétisons nos idées grâce à un ordinateur. Gilbert : Les images doivent nous parler. Comme ce fut le cas avec les fils barbelés. George : Oui, par exemple. Lorsque nous étions enfant, ces barrières renvoyaient à la ferme, l'agriculture. Aujourd’hui elles signifient tout autre chose, des situations humaines particulières.


Beard Watch, 2016 © Gilbert & George / Galerie Baronian

Travaillez-vous toujours à deux ? Ensemble : Nous sommes deux personnes, mais un artiste. Vous célébrez vos 50 ans de carrière, de quoi êtes-vous particulièrement fiers ? Gilbert : D’avoir inventer les Living Sculptures, ce fut la plus grande de nos aventures. George : Nous avons trouvé notre propre manière de créer. Gilbert : Nous sommes en quelque sorte des visionnaires, capables de saisir la marche du monde en temps réel. Ce n’est pas l’art qui parle dans nos œuvres, c’est Gilbert and George.

Quels conseils donneriez-vous à un jeune artiste ? George : Je lui dirais ceci : quand tu te réveilles, ne te lève pas tout de suite, assieds-toi sur le bord du lit et demande-toi : "qu’est-ce que j’ai envie de dire au monde aujourd’hui ?" Ouvre les yeux seulement quand tu le sais. Que tu utilises un pinceau ou une machine à écrire, tu dois savoir exactement ce que tu veux faire. Gilbert : And fuck the teachers ! (rires) THE BEARD PICTURES BRUXELLES, Jusqu'au 23.12, Galerie Albert Baronian, mar > sam : 12 h > 18 h, gratuit, www.albertbaronian.com À LIRE / What is Gilbert & George ? de Michael Bracewell (Heni Publishing), 180  p., £ 9.95, www.henipublishing.com


EXPOSITION

# 94

© Musée mode et dentelle


REFLECTION

DANS LA TÊTE DE JEAN-PAUL LESPAGNARD Faut-il encore présenter JeanPaul Lespagnard ? Longtemps étiqueté "petit jeune qui monte", le créateur belge (à qui nous consacrions un portrait en 2011, voir LM magazine n°60) coud désormais dans la cour des grands. La preuve : c’est en lui offrant une exposition sur trois niveaux que le Musée du costume et de la dentelle de Bruxelles célèbre ses 40 ans, et se mue en un "Musée mode et dentelle" plus contemporain. Deux prix au festival d’Hyères en 2008, une place dans le calendrier de la fashion week parisienne, une exposition aux Galeries Lafayette en 2014… Pas de doute, Jean-Paul Lespagnard s’exporte bien en terres hexagonales. Pour autant, il n’a pas oublié le pays d’où il vient. © Musée mode et dentelle

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« Je suis resté un fidèle du Musée de la mode de Bruxelles, en tant que visiteur. J’aime le fait que les pièces exposées aient été portées par de vrais gens ». Le voilà désormais de l’autre côté de la barrière, commissaire d’une exposition dédiée à son propre travail, et baptisée Reflection. Pas comme l’indique le Larousse donc, plutôt comme le terme anglais renvoyant au reflet – en l'occurrence celui des vitrines - ici recherché par une scénographie de fonds noirs et miroirs. Ou comme la réflexion d’un artiste sur son propre processus créatif.

© Mmed, Miko / Miko Studio

« J'ADMIRE LE TRAVAIL DE JAN FABRE OU DE WIM DELVOYE DEPUIS TOUJOURS » Cabinet de curiosités Focalisé sur les sources d'inspiration de l’excentrique styliste, le premier niveau fait la part belle aux œuvres des autres. « On y trouve des pièces de Jan Fabre ou de Wim Delvoye dont j’admire le travail depuis toujours », explique Jean-Paul Lespagnard. Les réalisations des maîtres rencontrent bibelots insolites et objets personnels (une médaille de Prince Carnaval


© Musée mode et dentelle

ayant appartenu à son oncle, par exemple), dans un foisonnement assumé. « On n’allait pas donner d’emblée toutes les clefs », note le Liégeois, malicieux. Le Cluedo artistique se poursuit au second niveau, face à une vingtaine de silhouettes de mode, accessoires ou costumes de danse. Mélange osé d’imprimés, touches d’exotisme ludiques, l’œil averti y reconnaîtra le style Lespagnard, le néophyte des similitudes frappantes avec l’étage inférieur. Eh bien créez, maintenant ! La dernière étape de l’ascension dans le cerveau du créateur est aussi la plus concrète : pénétrant dans un "laboratoire", le visiteur est

invité à imaginer un motif de foulard, et à le partager sur les réseaux sociaux. Avec Jean-Paul, le musée bruxellois « plutôt classique » se tourne résolument vers la modernité. L’éternel "petit jeune" s’amuse d’ailleurs de son image, et de cette seconde collaboration avec une institution à l’occasion de "la crise de la quarantaine". Lui-même passera le cap dans deux ans. Qui sait ce que cela lui inspirera… Marine Durand REFLECTION BY JEAN-PAUL LESPAGNARD BRUXELLES, Jusqu’au 15.04.2018, Musée mode et dentelle, mar > dim : 10 h > 17 h, 8 > 4 € / gratuit (-18 ans), www.costumeandlacemuseum.brussels/fr À LIRE / l'interview de Jean-Paul Lespagnard sur lm-magazine.com


Entre le textile et les Hauts-de-France, c'est une longue histoire – artisanale, industrielle, artistique. Cette exposition en déroule le fil à travers le travail de neuf plasticiennes. Celles-ci transforment cette fibre pas si banale en véritables œuvres d’art. À l'image de Lili Bel qui, armée de ses pelotes de laine, investit le Colysée de Lambersart avec ses créations gigantesques in situ jouant sur notre perception de l'espace. Citons aussi le duo mère / fille Sylvie et Marion Breton, mariant nouvelles technologies et pratiques traditionnelles pour réaliser des lustres grandeur nature. Voilà notre curiosité rhabillée pour l'hiver ! A.L. LAMBERSART, Jusqu'au 28.01.2018, Le Colysée, mer > sam : 13 h > 18 h, dim : 13 h > 19 h, gratuit, www.lambersart.fr + Spectacles jeune public : Les Ateliers de Pénélope : L'atelier de tissage (10.12) // Aurélie Loiseau : Strong Doudou ! (17.01.2018) // Cie la Bicaudale : ToiIci et Moila (21.01.2018)

Au fil de mes pensées entrelacées © Lili Bel

EXPOSITION

AU FIL DE L'ARTISTE

EN FAMILLE

BRUXELLES, 14.12 > 28.01.2018, Botanique, mer > dim : 12 h > 20 h, 5,50 > 2 € / gratuit (-12 ans), botanique.be

Meyerowitz est l'un des pionniers de la photographie couleur. Armé de son Leica, ce New-Yorkais arpenta dès les années 1960 les rues des grandes villes des États-Unis et d’Europe pour capturer "l’instant décisif". Ses clichés révèlent des situations cocasses et une maîtrise toute cinématographique de la lumière et des couleurs. Il fut aussi le seul à accéder aux ruines du World Trade Center. Cette rétrospective dévoile des clichés devenus intemporels. A.L.

New York, 1975 © Joel Meyerowitz, courtesy Polka Galerie

JOEL MEYEROWITZ - WHERE I FIND MYSELF



© musée du Louvre-Lens / Frédéric Iovino

Interview

© Gautier Deblonde

LOUVRE-LENS

5

ANS

QUESTIONS À MARIE LAVANDIER

C'était le 4 décembre 2012. Le Louvre-Lens ouvrait ses portes dans l'ancien bassin minier du Pas-de-Calais. Ce long bâtiment de 28 000 m2, tout en verre et en aluminium, sonnait aussi la renaissance d'une région sinistrée. Cinq ans plus tard, quel est le bilan ? Quels sont les projets ? Marie Lavandier, directrice depuis l'été 2016, dévoile quelques pistes et le programme d'un anniversaire où c'est le public qui reçoit les cadeaux ! Propos recueillis par Julien Damien


EXPOSITION

Quelle est votre plus grande fierté, 5 ans après la création du Louvre-Lens ? J’ai pris mes fonctions à la direction du musée il y a un peu plus d’un an seulement. C’est le travail de toute une équipe qu’il faut donc saluer. Le Louvre-Lens est aujourd’hui reconnu sur le plan régional, national et international. Avec 450 000 visiteurs par an, il est le 3e musée le plus fréquenté de France, en dehors de Paris. C’est exceptionnel pour une ville de 33 000 habitants ! Mais ce qui me rend le plus heureuse, c’est d’accueillir chaque jour un public atypique, local, où les familles, les ouvriers et les employés sont plus nombreux qu’ailleurs. Savez-vous que 56 % de

nos visiteurs se déclarent pas ou peu familiers des musées ? Le défi initial de conquérir un nouveau public est en passe d’être réussi. Comment avez-vous conçu ce 5e anniversaire ? Quels sont les temps forts ? Je ne voulais pas d’un anniversaire en forme d’autocélébration, mais au contraire retrouver l’esprit qui a prévalu à la naissance du Louvre-Lens, porté par la région et ses habitants. Nous avons donc lancé un appel à nos partenaires, dialogué avec le public et les voisins, pour connaître leurs envies. Je tenais aussi à la gratuité et à la diversité des propositions. suite


EXPOSITION

Du concert de Calypso Rose à celui de Jordi Savall, en passant par un grand bal populaire ou des massages sonores, cette programmation est conçue comme un "best-of" du Louvre-Lens.

« LE LOUVRE-LENS EST LE 3E MUSÉE LE PLUS FRÉQUENTÉ DE FRANCE, EN PROVINCE » Que nous réserve la Galerie du temps ? Chaque année, sa collection est partiellement renouvelée. Pour notre 5e anniversaire, le musée du Louvre se montre particulièrement généreux en proposant 43 nouveaux chefsd’œuvre, dont un ensemble exceptionnel de Trésors nationaux. Ce sont des acquisitions récentes. L’une des plus extraordinaires est la Table de Teschen, un meuble-bijou du xviiie siècle unique au monde, dont le plateau est incrusté de 128 échantillons de pierres fines. Quels sont vos projets ? Je veux continuer à miser sur la médiation humaine, essentielle pour accompagner et fidéliser un public peu habitué des musées. Je souhaite notamment enrichir l’offre en direction des familles, en accueillant les parents de très jeunes enfants. Je crois aussi beaucoup aux approches

latérales, menant au musée par des voies détournées. À cet égard, notre parc de 20 hectares est un formidable outil pour créer un premier contact. Enfin, nous présenterons des expositions plus thématiques et transversales, grâce à des sujets qui résonnent en chacun de nous et renvoyant parfois à l’histoire et au patrimoine de notre territoire. Dès l’automne 2018, le public pourra ainsi découvrir une grande exposition consacrée à l’amour. Avez-vous une anecdote à partager ? Celle-ci m’a été rapportée par une institutrice lensoise. Ses élèves se sont tellement approprié le LouvreLens que, pour désigner le musée du Louvre à Paris, ils parlent de « Louvre-Lens à Paris ». C’est une belle récompense du travail accompli auprès des enfants de la région.

LE LOUVRE-LENS A CINQ ANS ! Lens, 02 > 10.12, Louvre, en semaine : 10 h > 19 h (fermé 05.12), week-end : 10 h > 20 h, spectacles, ateliers et accès à la Galerie du temps et au pavillon de verre : gratuit ! (+ exposition Musiques ! Échos de l’Antiquité gratuite les 02, 03, 09 et 10.12), louvrelens.fr PROGRAMME : Découverte des nouveaux chefs-d'œuvre de la Galerie du temps (à partir du 02.12, 10 h) // Massages sonores (02 > 09.12, 14 h > 17 h) // Bal populaire (02.12, 20 h) // Happy manif (03.12, 14 h 30 & 16 h) // Concert de Calypso Rose (03.12, 17 h) // Débat : Le Louvre-Lens, 5 ans ! Et après ? (08.12) // Concert de Jordi Savall (09.12, 17 h) // En fanfare au Louvre-Lens (10.12, 17 h)


© Frédéric Iovino


EXPOSITION

# 104

L'ART DU TRIOMPHE

NAPOLÉON. IMAGES DE LA LÉGENDE


Après Roulez carrosses ! (2012) et Le château de Versailles en 100 chefs-d’œuvre (2014), voici la 3e grande exposition issue du partenariat entre Versailles et Arras. Celle-ci retrace le parcours de Napoléon, de la gloire à l’exil. Mais l’accrochage met avant tout en lumière les talents d’un redoutable communicant…

A priori, on ne lierait pas forcément Versailles à Napoléon. Pourtant, le château possède l’une des plus grandes collections au monde sur le sujet. « Celle-ci est présentée pour la première fois dans sa totalité », se réjouit Marie-Lys Marguerite, directrice du Musée des beauxarts d’Arras. Peintures, sculptures, mobiliers… Plus de 160 pièces commandées par l’empereur lui-même, ou a posteriori, invitent ainsi le visiteur « à poser ses pas dans ceux de Napoléon ». L’une des premières œuvres de cet accrochage est une petite toile de Siméon Fort. Elle immortalise le siège de Toulon, en 1793. « Celui-ci a fait date car il permit l’émergence de Bonaparte. À ce moment-là, la ville était assaillie par les Anglais et le commandement français défaillant. Un petit capitaine d’artillerie prit alors la direction des troupes, changea de stratégie en montant sur les points

hauts, et bouta l’assaillant hors de la rade ». Un exploit qui marque le début de son épopée. En marche ! En avançant, on découvre un tableau célèbre, signé Antoine-Jean Gros, censé croquer le petit Corse lors de la bataille du Pont d’Arcole en 1796. Il est ici sublimé en « général combattif et vainqueur, romantique avec ses cheveux longs… C’est un jeune homme en marche ». Tiens, tiens… Pourtant, la réalité est moins glorieuse. « Lors de cet épisode, il a évité de justesse une salve autrichienne avant de tomber dans un marais. Il a bien failli se noyer ». Soit. L'homme en fit son premier portrait officiel. « C’est à ce moment-là qu’il comprend la puissance de l’image ». C’est tout le propos de l’exposition : « montrer comment Napoléon a su utiliser l’art pour construire et glorifier son pouvoir ». suite

Bonaparte franchissant le Grand-­Saint-­‐Bernard, Jacques-­Louis David. Photo © RMN-­‐GP (château de Versailles) / Gérard Blot


Bivouac de Wagram, dans la nuit du 5 au 6 juillet 1809, Adolphe -­‐Eugène -­‐Gabriel Roehn. Photo © RMN-­GP (château de Versailles) / Gérard Blot

# 106

Plus loin, nous voici face à un épisode de la seconde campagne d’Italie : Bonaparte franchissant le Grand-Saint-Bernard de Jacques Louis David, l'un des premiers tableaux commandés par l'empereur lui-même. « Et il a donné des indications très précises : sa monture est fougueuse tandis qu'il demeure extrêmement calme… En vérité, il était à dos de mulet au moment de franchir les Alpes ! ». Moins gla-

mour, il est vrai. Certes, Napoléon fit basculer l’État dans la modernité (ou mit l'Europe à feu et à sang selon les points de vue), mais c’était aussi un « grand communicant, sans doute le plus inspiré de notre histoire ». Les choses ontelles changé depuis ? Julien Damien ARRAS, Jusqu’au 04.11.2018, musée des beauxarts, lun, mer, jeu & ven : 11 h > 18 h, sam & dim : 10 h > 18 h, 7,50 / 5 € / gratuit (-18 ans), napoleon.versaillesarras.com

À LIRE / Poursuivez la visite de cette exposition sur lm-magazine.com



BRUXELLES, Jusqu’au 10.09.2018, Atomium, tlj : 10 h > 18 h, 12 > 6 € / gratuit (-6 ans), atomium.be

HUBERT DE GIVENCHY

RIDING MODERN ART

Givenchy revendique un style chic et décontracté. Une ligne sobre relevée par le détail qui tue. À la faveur de cette rétrospective, on découvre les fameux "separates", soit des pièces faciles à porter et à mélanger, mais aussi les tenues de soirée confectionnées pour de prestigieuses clientes. Point d’orgue du parcours, cet ensemble en satin ayant appartenu à Jackie Kennedy ou le fourreau au dos décolleté que portait Audrey Hepburn dans Diamants sur canapé.

Skater dans un musée ? Oui, c’est possible. Le BPS22 consacre sa première grande exposition à Raphaël Zarka. L’artiste français conjugue planche à roulettes et sculpture moderne par le prisme du mouvement. On admire ainsi une série de 53 clichés en noir et blanc, montrant des surdoués glisser sur diverses œuvres de plein air aux quatre coins du globe. Les visiteurs les plus aguerris sont invités à rider sur Paving Space, un ensemble de sept modules conçus en acier corten !

CALAIS, Jusqu’au 31.12, Cité de la dentelle et de la mode, tous les jours sauf mardi : 10 h > 17 h, 4 / 3 € / gratuit (-5 ans), www.cite-dentelle.fr

CHARLEROI, Jusqu’au 07.01.2018, mar > dim : 11 h > 19 h, 6 > 3 € / gratuit (-12 ans), www.bps22.be

MINUTE PAPILLON

# 108

À la croisée de l’art et du design, Florence Doléac détourne la fonction des objets armée d’une bonne dose d’humour. Cette rétrospective est conçue comme un grand appartement peuplé d’étranges meubles ou accessoires. Le visiteur peut s’abandonner sur un tas de poubelles des plus confortables tandis que des polochons sont accrochés au mur, prêts pour la bataille ! Une invitation salutaire à la lenteur et au jeu, dans un monde de plus en plus hystérique. DUNKERQUE, Jusqu’au 25.03.2018, Frac Grand Large-Hauts-de-France, mer > ven : 14 h > 18 h, sam & dim : 11 h > 19 h, 3 / 2 € / gratuit (-18 ans), www.fracnpdc.fr

Le Fils de l’homme, 1964, René Magritte © C.H.ADAGP Paris, 2017

MAGRITTE. ATOMIUM MEETS SURREALISM Il y a 50 ans, Magritte cassait sa pipe (mais en était-ce bien une ?). Forcément, les expositions consacrées au surréaliste pullulent. Le voici à l’Atomium. Ce parcours a ceci de particulier qu’il nous immerge littéralement dans son œuvre. Ses toiles (Le Fils de l’homme, Le Double secret…) sont présentées en taille réelle « comme un élément de décor, en 3D », rendant la visite aussi pédagogique que ludique – on peut s’asseoir sur des pommes vertes, flirter avec les nuages… Chapeau !



HORNU, Jusqu’au 11.02.2018, Centre d’innovation et de design, mar > dim : 10 h > 18 h, 8 > 2 € / gratuit (-6 ans), www.cid-grand-hornu.be

ANNE-MARIE SCHNEIDER

DÉTOURNEMENT DE FONDS

Pour Anne-Marie Schneider, le dessin est une forme d’écriture. Son œuvre s’appréhende tel un journal intime peuplé de figures grotesques, d’animaux ou d’objets tracés au crayon, à l’encre de Chine, au fusain, à l’aquarelle ou à l’acrylique. Oscillant entre sensibilité à fleur de peau et humour caustique, cette artiste française croque aussi bien ses fêlures personnelles que l’actualité sociale, livrant une vision à la fois onirique et cruelle de notre monde.

Georges Rousse investit l’ancienne Banque de France de Lens avec ses célèbres anamorphoses. Ici, un cercle se dessine au milieu des parois tapissées de milliers de journaux. Là, un disque rouge baigné de lumière par des panneaux japonais... Telles des sculptures immatérielles, ses créations jouent avec les perspectives. Ces trompe-l’œil s’étalent sur les murs, le sol, le plafond et se révèlent au spectateur au fil des pas. Façonnée en relief, l’œuvre devient alors une image… en deux dimensions.

HORNU, Jusqu’au 14.01.2018, MAC’s, mar > dim : 10 h > 18 h, 5 > 2 € / gratuit (-6 ans), www.mac-s.be

LENS, Jusqu’au 30.12, ancienne Banque de France (5 rue de la Paix), mar > sam : 10 h > 19 h, dim : 11 h > 18 h, 4 / 2 € / gratuit (-18 ans), www.lensvillehote.fr

MUSIQUES ! ECHOS DE L’ANTIQUITÉ Le Louvre-Lens s’intéresse à la musique dans l’Antiquité. Instruments antédiluviens, papyrus, vases, sculptures… Près de 400 pièces esquissent le paysage sonore de quatre civilisations majeures : l’Égypte, l’Orient, la Grèce et Rome. Thématique, le parcours dévoile des objets pour certains jamais vus.... ni même entendus. À l’image de cette performance de l’Ircam, qui a réalisé des copies virtuelles de cornua, les trompettes romaines de Pompei. Un voyage inouï au bout de l’ouïe. LENS, Jusqu’au 15.01.2018, Louvre, tous les jours sauf mardi : 10 h > 18 h, 10 / 5 € / gratuit (-18 ans), www.louvrelens.fr

Oiseau androcéphale jouant de la syrinx © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Mathieu Rabeau

EXPOSITION

DO YOU SEE THE KING ? PATRICK MARCHAL Une bague fabriquée avec des douilles, des bracelets en forme de menottes... Patrick Marchal s’est fait connaître par ses Objets Valorisants Non Identifiés, c’est-à-dire des bijoux jouant avec les couleurs, les formes et les symboles. Armé d’une approche critique et d’un humour acéré, cet orfèvre-plasticien transforme le métal ou l’acier en bombes ou cartouches, donnant vie à des parures des plus originales – et mordantes.



LE TOUQUET, 02.12 > 20.05.2018, Musée du Touquet-Paris Plage, tous les jours sauf mar : 14 h > 18 h, 3,50 / 2 € / gratuit (-18 ans), www.letouquet-musee.com

PERFORMANCE ! 40 ans, 40 villes. Le Centre Pompidou célèbre son anniversaire en disséminant ses collections à travers l’Hexagone. Lille a été plutôt gâtée. En témoigne cette sélection d’œuvres de la fin des années 1960 à nos jours, principalement des vidéos. Participative, l’exposition présente un travail s’articulant autour de la notion de performance, où le corps devient une matière première. Elle se décline sur les trois étages du Tripostal, pour autant de sections thématiques : "Mouvement sur mouvement", "Scènes de gestes" et "Objets d’écoute". LILLE, Jusqu’au 14.01.2018, Tripostal, mer > dim : 10 h > 19 h, 8 / 4 € / gratuit (-16 ans), www.lille3000.eu

J-F MILLET, RÉTROSPECTIVE & MILLET USA Figure de proue du réalisme (avec Courbet), Millet a marqué l’histoire de l’art avec des scènes magnifiant les paysans – à l’image de L’Angélus. Cette double exposition retrace un parcours (trop) méconnu : de son enfance dans la ferme familiale à la reconnaissance acquise Outre-Atlantique. Il fut un modèle pour Van Gogh certes, mais aussi pour nombre de photographes et cinéastes américains (Terrence Malick, Gus Van Sant) ou encore Banksy ! LILLE, Jusqu’au 22.01.2018, Palais des beaux-arts, lun : 14 h > 18 h, mer > dim : 10 h > 18 h, 10 / 7 € /  gratuit (-12ans), www.pba-lille.fr

TOP SECRET ! UN MONDE À DÉCRYPTER De la pierre de Rosette aux arcanes du deep-web, voici dévoilés les secrets de la cryptographie. Soit l’art de cacher le contenu d’un message en le codant. L’exposition révèle les différentes utilisations de cette pratique à travers les âges. Le parcours est jalonné de pièces historiques, d’archives et d’objets hétéroclites. Le plus impressionnant reste Enigma, machine qui permit aux Allemands de communiquer durant la Seconde Guerre mondiale. MONS, Jusqu’au 20.05.2018, Mundaneum, mer > ven : 13 h > 17 h, sam & dim : 11 h > 18 h, 7 > 2 €, expositions.mundaneum.org

Enigma - ARCSI © Mundaneum

EXPOSITION

BERNARD PRAS. SANS OBJET Bernard Pras s’est rendu célèbre avec ses installations entre peinture et sculpture. L’artiste français donne une seconde vie aux objets de notre quotidien, les assemblant pour former de magnifiques anamorphoses – l’image se révèle selon un point de vue précis. Parmi la quinzaine d’œuvres présentées ici, citons ce portrait de Dali réalisé avec un piano, des chapeaux ou animaux empaillés… Une technique impressionnante doublée d’une réflexion pertinente sur notre incessant besoin d’accumulation.



ROBERT POUGHÉON. UN CLASSICISME DE FANTAISIE Prix de Rome en 1914, Robert Poughéon (1886 - 1955) fut un artiste éclectique. Peintre et dessinateur prolifique, il pratiqua aussi bien le paysage, le portrait que la nature morte. Sa toile la plus célèbre reste Le Serpent. Associant la figure du cheval et celle d’une jeune fille, l’œuvre est emblématique de son "classicisme fantaisiste". Elle est ici mise en avant au sein d’une sélection de dessins puisée dans un fonds de plus de 1 000 feuilles, dévoilant un processus de création singulier. Robert Eugène Poughéon, Le Serpent, 1930 © Roubaix, La Piscine/A. Leprince

ROUBAIX, Jusqu’au 07.01.2018, La Piscine, mar > jeu : 11 h > 18 h, ven : 11 h > 20 h, sam & dim : 13 h > 18 h, 5,50 / 4 € / gratuit (-18 ans), www.roubaix-lapiscine.com

RODIN, BRANCUSI, CARL ANDRE... LE SOCLE C’est un dialogue entre trois des plus grands sculpteurs de l’Histoire, certes d’époques différentes, mais ici réunis autour de la question... du socle. Purement fonctionnelle jusqu’à l’époque moderne, cette tradition fut en effet bousculée par Rodin avec Les Bourgeois de Calais, avant de devenir un sujet à part entière chez Brancusi, puis d’inspirer Carl Andre dans la production de ses pièces minimalistes. Ce parcours illustre cette réflexion fondamentale, jamais au ras du sol. TOURCOING, Jusqu’au 08.01.2018, MUba Eugène Leroy, tous les jours sauf mar : 13 h > 18 h, 5,50 / 3 € / gratuit (-18 ans) www.muba-tourcoing.fr

PANORAMA 19 C’est une institution au Fresnoy. Une vitrine annuelle de la création qui a révélé de grands noms (Hicham Berrada, Laurent Grasso…). Entre films, photographies ou performances, cette édition promet encore son lot de découvertes, et 52 œuvres d’artistes atypiques. Tel Thomas Garnier, dont l’installation vidéo (Shanzài) s’intéresse aux contrefaçons de monuments poussant chez de riches excentriques (tour Eiffel, Arc de Triomphe…). Vous avez dit original ? TOURCOING, Jusqu’au 31.12, Le Fresnoy, mer, jeu, dim : 14 h > 19 h, ven & sam : 14 h > 20 h, 4 / 3 € / gratuit (-18 ans), www.lefresnoy.net

# 114

DE PICASSO À SÉRAPHINE : WILHELM UHDE ET LES PRIMITIFS MODERNES Wilhelm Uhde fut l’un des premiers amateurs du cubisme. Ce collectionneur et critique d’art assista à la naissance de ce mouvement chez Picasso et Braque. L’Allemand agit aussi pour la reconnaissance des "primitifs modernes". Derrière cet oxymore, on trouve des artistes autodidactes tels Le Douanier Rousseau ou Séraphine Louis... sa femme de ménage (incarnée au cinéma par Yolande Moreau). Ce parcours met ainsi en lumière un courant méconnu, interrogeant ses relations avec l’art brut. VILLENEUVE D’ASCQ, Jusqu’au 07.01.2018, LaM, mar > dim : 10 h > 18 h, 10 / 7 € / grat (-12 ans), musee-lam.fr



d'à côté © Marc Coudrais

THÉÂTRE & DANSE


LES PETITS PAS

Entrez dans la danse ! Grand chambardement pour Les Petits Pas ! Alors qu’il se tenait jusqu'ici en février, le festival de danse jeune public du Gymnase se téléporte en décembre. Budget de transition oblige, cette 13e édition s'annonce resserrée mais plus audacieuse que jamais ! C'est un petit pas de côté, mais un grand pas dans le calendrier. La manifestation tombant au même moment que plusieurs festivals analogues, un changement de date s’imposait. Il s'agissait aussi de laisser souffler les équipes avant Le Grand Bain (l’autre temps fort du Gymnase, en mars). « Et puis décembre, c’est un moment propice aux sorties en famille », souligne Célia Bernard, la programmatrice. Comme un prélude à la magie de Noël, le thème de "l’extraordinaire" traverse ces sept spectacles. Vos bouts de chou ont (un peu trop) la patate ? Emmenez-les au Bal Fantastik ! Zombies ou mutants leur enseigneront les bases de la "ronde de l’espace" ou du "Boogie-mouche". Envie de les épater ? Allez admirer Spark, une pièce conçue comme un pas de deux féérique entre une danseuse et des lasers fendant l’espace. En scène ! Dans Deep are the Woods, c’est encore la lumière qui tient le premier rôle. « Ni plateau, ni musique, ni artistes. On entre dans une pièce brumeuse où tout est à ressentir ». Des moments d'émotion donc, mais aussi d'action ! Durant Les Petits Pas, les plus jeunes découvrent la danse en s’impliquant. Horses convie ainsi sur scène deux musiciens et dix danseurs professionnels, dont cinq enfants. Lâcher prise, ROUBAIX, LILLE, LOMME, WASQUEHAL, HAUBOURDIN, SARS-ET-ROSIÈRES, 07 > 15.12, divers lieux, confiance et bienveillance sont 13 > 4 € / gratuit, 5 places : 20 €, gymnase-cdn.com les maîtres-mots de ce spectacle SÉLECTION : Joke Laureyns & Kwint Manshoven : révélant les rapports humains sous Horses (07 & 08.12) // Sarah Crépin et Etienne Cuppens : Bal Fantastik ! (08.12) // Mélissa Von Vépy : L’aérien un jour nouveau. Si avec ça vous (09.12) // Eric Arnal-Burtschy : Deep are the Woods ne suscitez pas de vocations… (10 > 15.12) // Isida Micani & Spike : Spark (12 >

EN FAMILLE

Marine Durand

14.12) // Christian Rizzo : d’à côté (12.12) // Arnaud Pirault : We Can Be Heroes (13 & 14.12)...


©Alexandre Galliez

RÉVERSIBLE

QUEL CIRQUE ! Temps fort de la saison du Tandem, le festival Les Multipistes place le cirque au centre de l'attention pour la neuvième fois. Oui, mais quel cirque ? Celui érigeant le déséquilibre en art (Rare Birds de la compagnie Un loup pour l'Homme), la maladresse en source de comique absurde (Calamity Cabaret, de Camille Boitel). Ou encore celui, hybride, des 7 doigts de la main (déjà une incongruité anatomique en soi). Depuis 15 ans, ces Canadiens mêlent prouesses acrobatiques, danse, musique, théâtre et humour. Après avoir ouvert les portes de sa cuisine (Cuisine et confessions), la troupe nous révèle cette fois ses racines. Dans Réversible, ces huit virtuoses (et non sept, allez comprendre...) se saisissent de bribes de vie de leurs aïeux pour mieux appréhender le présent. Ici une grand-mère japonaise qui a abandonné son mariage pour s'enfuir avec un Suisse, là un grand-père ouvrier se rêvant ébéniste... Autant d'événements SÉLECTION "MULTIPISTES" : servant des figures souvent drôles, info : www.tandem-arrasdouai.eu touchantes et toujours gracieuses RARE BIRDS DOUAI, 06 & 07.12, Hippodrome, 20 h, 22 > 12 € – à l'image de cette démonstration CALAMITY CABARET (DU DEDANS) de hula hoop se muant en véritable ARRAS, 08 & 09.12, Théâtre (salle Reybaz), ven : 19 h 30, sam : 16 h 30, 22 > 12 € ballet. De numéros de jonglage en CALAMITY CABARET (DU DEHORS) roue allemande, cette quête de soi ARRAS, 08 & 09.12, Théâtre (salle Reybaz), se déroule dans un décor se pliant et ven : 20 h 30, sam : 17 h 30, 10 > 8 € RÉVERSIBLE se repliant (réversible, donc), et nous DOUAI, 09 & 10.12, Hippodrome, sam : 20 h, retourne à tous les coups. Julien Damien dim : 15 h, 22 > 12 €

# 118

EN FAMILLE



BEL EXPLOIT C'est un spectacle choral. Une pièce semblant s'écrire sous nos yeux. Imaginé par le dramaturge belge Jean-Marie Piemme, mis en scène par Armel Roussel, Eddy Merckx a marché sur la lune mêle politique et intime, exploits et héros ordinaires, entre désenchantement et joyeux bazar !

# 120

20 juillet 1969. Merckx gagne le Tour de France. Dans le même temps, Armstrong (Neil, pas Lance…) marche sur la lune. Ces deux miracles sont le point de départ de cette pièce décortiquant l'après Mai 68. Qu’en est-il de son héritage ? De nos idéaux ? Comment l'individu s'inscrit-il dans la mémoire collective ? Qu'est-ce qu'un petit pas pour l'homme ? Un grand pas pour l'humanité ? Il s'agit de raconter la grande Histoire à travers la petite. En l'occurrence celle de Max, mise en perspective avec celle de ses parents, qui l’ont conçu en ce jour d'exploits cyclistes et spatiaux. Sur le plateau, 11 comédiens déroulent le fil de ces existences. Ils entrecroisent les époques avec humour ou gravité, et paraissent improviser… « Mais tout est écrit ! », précise Armel Roussel, dont la mise en scène donne l’illusion que le récit « s'invente à vue ». Les acteurs créent des situations et personnages à mesure qu’ils parlent, se disputent, explorant à travers la fiction leurs désirs et angoisses propres à notre époque – de l’amour au terrorisme. Soutenu par une bande son galopant des sixties à nos jours, le spectacle se joue dans un décor immaculé. « Telle une immense page blanche sur laquelle on projette des images furtives, tout est en mouvement perpétuel ». Comme la vie. Julien Damien

BRUXELLES, 05 > 16.12, Théâtre Les Tanneurs, 20 h 30 (sauf mer : 19 h), 12 > 5 €, lestanneurs.be

© Francophonies en Limousin 2017 / Christophe Pean

THÉÂTRE & DANSE

EDDY MERCKX A MARCHÉ SUR LA LUNE



d'à côté © DR


La nouvelle édition de December Dance est aussi la dernière de Samme Raeymaekers, directeur artistique depuis 2007. Histoire de clore l’aventure en beauté, le responsable de la danse au Concertgebouw de Bruges confie les clés du festival à Christian Rizzo. Celui-ci réunit des légendes tel William Forsythe ou des artistes qui lui sont chers. En 11 ans, Christian Rizzo est le premier chorégraphe français à endosser ce rôle de programmateur, tenu avant lui par Jan Fabre (2015), Akram Khan (2011) ou Anne Teresa de Keersmaeker (2009). « J’aime sa façon d’aborder la danse en l’ouvrant à d’autres arts, explique Samme Raeymaekers. Son travail parle à ma tête, mes tripes et mon cœur ». Sans répondre à une thématique, les 13 spectacles reflètent l’intérêt du Cannois pour les métamorphoses et formes hybrides. Scène de genres Vincent Dupont donne ainsi corps à la solitude en interprétant un être coincé dans un décor trop petit pour lui. Dans un jardin d’Eden aux couleurs froides, Marco Berrettini délivre une transe minimaliste en duo avec Marie-Caroline Hominal. L'Iranien transgenre Sorour Darabi, disciple de Rizzo, met lui en scène son trouble face à la distinction entre masculin et féminin. Rizzo n’est évidemment pas que chef d’orchestre. Son syndrome ian ouvre la manifestation, et transforme le plateau en dance-floor dans une ode au "clubbing" et au post-punk, tandis que les créatures peuplant l'onirique d’à côté BRUGES, 07 > 17.12, divers lieux et horaires, 41 > 6 €, www.concertgebouw.be ferment la marche. Cette pièce jeune SÉLECTION : Christian Rizzo : Le syndrome ian public a été imaginée spécialement (07.12) // Ciné-concert par Cercueil : Eraserhead de David Lynch (08.12) // Ballet de l’Opéra de pour December Dance, à la demande Lyon (09.12) // Sorour Darabi : Farci.e, Marlene de Samme Raeymaekers. La boucle Monteiro Freitas : Jaguar (10.12) // Marco Berrettini : iFeel2 (12.12) // Latifa Laâbissi : Adieu est bouclée, le directeur peut s’en et Merci (13.12) // O. Naharin & Batsheva Dance Company : Last Work (14.12) // Vincent Dupont : aller le cœur léger. Marine Durand Hauts cris (15.12) // CCN Ballet de Lorraine (16.12) // Christian Rizzo : d’à côté (17.12)

THÉÂTRE & DANSE

DECEMBER DANCE RIZZO MÈNE LA TRANSE


CHAUD MUST GO ON

Cie Carabosse © JP Estournet

THÉÂTRE & DANSE

FEUX D'HIVER

Avis de renaissance en bord de mer : imaginé par le Channel à l'aube de l'an 2000, Feux d'hiver, objet festif incandescent, sort de sept années d'hibernation. Fin décembre, circassiens, musiciens mais aussi installations glacées ou pyrotechniques affolent le thermomètre ! À l'heure où la plupart des salles prennent congé, le Channel ouvre grand son portail pour Feux d'hiver, soit cinq jours de propositions artistiques en intérieur et en extérieur, du matin au soir. La dernière édition du festival, en 2009, avait attiré près de 40 000 personnes. Pour Francis Peduzzi, directeur du Channel, cette formule atypique est une façon de « casser une habitude ». Et aussi de fédérer un public avant tout familial. On peut ainsi écouter une chorale dès l'aube (Quand s'ébruite le jour), puis chevaucher un insecte géant sur le manège de la Compagnie La Machine (cf LM 121). Au passage, on déguste un risotto concocté par Peter de Bie, mi-metteur en scène, micuisinier. Quant à la grande salle du Channel, elle accueille en après-midi le clown Leandre, pour un solo muet et poétique (Rien à dire). Le local de l'étape, Jacques Bonnaffé, prend le relais pour nous parler du Nord avec sa gouaille légendaire (des Vieilles carettes, À l’mode ed‘ Raoul de Godewarsvelde). « Feux d'hiver, c'est avant CALAIS, 27 > 31.12, Channel, en extérieur : gratuit, tout une ambiance. Il se passe en intérieur : 3,50 € > gratuit, www.lechannel.fr quelque chose d'inhabituel quand SÉLECTION : Pierre de Mecquenem & Compagnie La Machine : Incandescences, Cie Carabosse : Installation on entre sur le site ». Qu'en est-il de feu, Emmanuel Bourgeau : - 10°C, Compagnie La Machine : Le manège Carré Senart, Compagine du soir du nouvel an ? Le direcLaïka : La cuisine de Peter de Bie, Magali Gaudubois : teur reste secret. Il sera question Quand s'ébruite le jour, Jacques Bonnaffé... (27 > 31.12) // Leandre : Rien à dire (28 > 31.12) // Lalala d'artifices, sans effets artificiels. Napoli (30.12) // Passage à la nouvelle année + bal +

# 124

EN FAMILLE

Madeleine Bourgois

surprises...(31.12)



© Charlotte Sampemans

THÉÂTRE & DANSE

ALEX AU PAYS DES POUBELLES

ABUS DE REBUTS

# 126

Maria Clara Villa Lobos a fait ses classes à Berlin et Bruxelles, dansant avec les plus grands chorégraphes contemporains. En 2000, la Brésilienne fonde sa compagnie, XL Production. Ses créations portent un regard drôle et acéré sur la société de consommation. À destination des enfants, cette pièce fouille joyeusement dans nos ordures. Alex, 8 ans, voulait un chien, mais sa mère lui offre une peluche... Déçue, elle jette le présent au rebut. Le lendemain, prise de remords alors qu’elle fouille les ordures pour la retrouver, la petite fille est propulsée au pays des poubelles, un waste land fantasmagorique librement inspiré du Wonderland de Lewis Carroll. Cheminant au milieu des collines de sacs et paysages en plastique, Alex croise de drôles de créatures comme les sœurs Poubelle ou le monstre Détritus, et s’initie au recyclage... Sur le plateau, les quatre interprètes mettent en mouvement un décor hétéroclite, à l’image d’une décharge. Celui-ci est constitué de matériaux de récupération, d'un bric-àbrac du quotidien... Entre danse, théâtre d’objets, cirque et vidéo, ce spectacle hybride se nourrit des œuvres d’artistes issus du cinéma et des arts plastiques, tous sensibles à la question écologique. Avec un zeste de malice et beaucoup de poésie, Maria Clara Villa Lobos dénonce l’accumulation exponentielle des déchets dans les océans ou l’atmosphère. Secrètement, elle caresse l’espoir de changer le CHARLEROI, 10.12, Les Écuries (Charleroi Danse), 15 h, 15 > 6 €, eden-charleroi.be // VILLENEUVE regard des spectateurs. Et si la proD’ASCQ, 20.12, La Rose des Vents, 18 h, 12 > 6 €, larose.fr // LOUVAIN-LA-NEUVE, 06.01.2018, messe d’un monde plus propre pasThéâtre Jean Vilar, 15 h, 7 €, atjv.be // MONS, sait par les enfants ? Patricia Gorka 15.04.2018, Maison Folie, 15 h, 15 > 3 €, surmars.be

EN FAMILLE



L'Amour au théâtre © Julieta Cervantes

THÉÂTRE & DANSE

TRISHA BROWN À CONTRE-COURANT

# 128

Grande figure de la danse contemporaine, pionnière facétieuse et chercheuse inlassable, la chorégraphe Trisha Brown nous a quittés en mars dernier, à l'âge de 80 ans. Son héritage est immense. L’Opéra de Lille met en lumière l'œuvre de celle qui a bouleversé avec malice l’histoire de son art. Dans les années 1960, un vent nouveau souffle sur New York. Plusieurs chorégraphes contestent la virtuosité pour s’inspirer du quotidien : marcher, courir ou tomber nourrissent un vocabulaire gestuel inédit. Dans ce courant qualifié de "post-

moderne", Trisha Brown fait de la ville son terrain de jeu. L'Américaine danse dans la rue, sur les toits (Roof Piece), défie l’apesanteur en invitant ses interprètes à marcher le long de la façade d’un immeuble (Man Walking Down the Side of a Building).


Groove and Countermove © Naoya Ikegami Saitama Arts Foundation

Le mouvement qu’elle écrit est vif, précis, géométrique et articulé. Elle fonde sa propre compagnie en 1970, élaborant des jeux de composition au gré d'une centaine de pièces. En musique Après avoir longtemps dansé en silence, Trisha Brown surprend en initiant un cycle musical dans les années 1990. Elle puise alors dans le répertoire classique, met en scène plusieurs opéras, de L’Orfeo en 1998 à Pygmalion en 2010. Lille accueille sa compagnie, restituant trois de ses créations récentes. Dans L’Amour au théâtre, on admire un jeu de portés dynamiques répondant à la musique de Rameau.

Dans Geometry of Quiet, six danseurs évoluent entre inquiétude et sérénité sous les mouvements d’un voile blanc et les notes délicates de Salvatore Sciarrino. La vitalité colorée de Groove and Countermove s’inspire elle du jazz de Dave Douglas. Soit trois tonalités ravivant une œuvre immortelle. Marie Pons

L’AMOUR AU THÉÂTRE // GEOMETRY OF QUIET // GROOVE AND COUNTERMOVE (Trisha Brown Dance Company) LILLE, 03 & 04.12, Opéra, dim : 16 h, lun : 20 h, 23 > 5 €, www.opera-lille.fr + IN PLAIN SITE (Trisha Brown Dance Company) dans de cadre de PERFORMANCE ! LILLE, 01.12, Tripostal, 18 h 30 & 21 h, gratuit sur réservation, www.lille3000.eu


© A. Van-Aerschot

© J.L. Fernandez

PRICE

RAIN

Dans ce roman d'apprentissage, Steve Tesich (1942-1996) dépeint le portrait de Daniel, un ado quittant le lycée et vivant dans la banlieue industrielle de Chicago. Il ne sait que faire de son existence, tiraillée entre la maladie de son père et les affres d'un premier amour. Cette fable sur le passage à l'âge adulte est portée sur les planches par Rodolphe Dana. Le directeur du Théâtre de Lorient a choisi une scénographie épurée, traduisant les rêves du héros sur écran et la dualité entre fiction et réalité.

Créée en 2001, cette pièce offre un concentré du style ATDK : la répétition, la forme mathématique, son goût pour la spirale... Encerclés par un rideau de pluie formé de cordelettes, dix danseurs suivent la musique entêtante de Steve Reich (Music for 18 musicians), jouée en direct par l'ensemble Ictus. Le mouvement devient alors une sorte de folie, « qui passe de corps en corps sans jamais s'arrêter sur personne », donnant vie à une énergie collective emportant tout sur son passage.

TOURCOING, 05 > 09.12, Théâtre de l'Idéal, 20 h 30, 25 > 10 €, www.theatredunord.fr

VALENCIENNES, 05.12, Le Phénix, 20 h, 29 > 10 €, AMIENS, 05.02.2018, Maison de la Culture, 20 h 30, 29 > 13 €

© Simon Gosselin

LES PARTICULES ÉLÉMENTAIRES Voici l'adaptation d'un roman-monde, l'un des plus ambitieux textes de Michel Houellebecq. Entre anticipation et "dramédie", l’auteur y règle ses comptes avec Mai 68, dressant le portrait d’une société enlisée dans une misère sexuelle et affective. Entre jeu d'acteurs (bluffant), vidéo et musique jouée en direct, la transposition sur scène du Nordiste Julien Gosselin a remporté un vif succès, captivant par sa justesse et sa modernité. Immanquable. BRUXELLES, 05 > 09.12, Théâtre National, 19 h, 31 > 18 € VALENCIENNES, 20 & 21.12, Le Phénix, 20 h, 23 > 10 €  ANVERS, 06 & 07.01, deSingel, sam : 19 h, dim : 17 h, 28 > 8 $



C’EST MOI LA PLUS BELGE !

© André D

Nawell Madani Ancienne danseuse hip-hop, ex-égérie du Jamel Comedy Club, Nawell Madani nous raconte son parcours semé d’embûches dans ce premier one-woman-show. De son enfance de garçon manqué jusqu’à la conquête de Paris, en passant par les affres de la puberté, elle nous plie en deux avec son porno version belge ou ses imitations de Mylène Farmer, à travers un sketch-up (mélange de sketches et de stand-up) ponctué de chorégraphies. La moule ET la frite. ROUBAIX, 06.12, Le Colisée, 20 h 30, 39 > 15 €, coliseeroubaix.com

LA REVUE

PHILIP SEYMOUR HOFFMAN, PAR EXEMPLE

Bernard Lefrancq et David Michels Chic, voilà la fin de l’année, avec ses rues illuminées, ses fêtes en famille, ses cadeaux et... sa revue des Galeries, pardi ! Chanteurs, danseurs, imitateurs ou humoristes se succèdent pour passer à la moulinette les événements qui ont fait la "une" des gazettes en 2017 – du plus grave au plus léger. Entre parodies politiques (et il y a de quoi pleurer de rire...), cabaret et music-hall, la troupe fait le bilan en nous mettant du baume au cœur. BRUXELLES, 06.12 > 14.01.2018, Théâtre des Galeries, 20 h 15 (sf dim : 15 h), 29 > 10 €, trg.be

R. Spregelburd / Transquinquennal P. Seymour Hoffman est mort en plein tournage du 3e volet de la saga Hunger Games. Le réalisateur voulut alors le remplacer par un hologramme… Le collectif Transquinquennal y a vu le point de départ d’une comédie grinçante. L’intrigue suit trois personnages : un acteur tentant sa chance à Los Angeles, un comédien japonais poursuivi par une groupie et Hoffman lui-même, que des escrocs persuadent de passer pour mort afin de berner l’industrie du cinéma ! BRUXELLES, 07 > 21.12, Théâtre Varia, 20 h 30 (sf mer : 19 h 30), 21 > 9 €, varia.be

CABARET Michel Kacenelenbogen / Thierry Smits / Pascal Charpentier

# 132

Créé en 1966, ce spectacle a marqué un tournant dans l’histoire du music-hall, en y injectant ironie et politique – en l’occurrence, la montée du nazisme. Il nous plonge dans le Berlin des années 1930, au "Kit Kat Club". Entre décadence et drame, la chanteuse Sally Bowles tombe amoureuse d’un écrivain américain. Sur scène, 25 acteurs se succèdent sur une musique jouée en direct par un orchestre et suivant les chorégraphies de Thierry Smits. Une relecture haute en couleur. ROUBAIX, 09 & 10.12, Le Colisée, sam : 20 h, dim : 17 h, 50 > 15 €, www.coliseeroubaix.com LIÈGE, 31.12 > 05.01.2018, Th. de Liège, mer : 19 h, jeu & ven : 20 h, dim : 19 h 30, 30 > 4 €, theatredeliege.be



LA 7E FONCTION DU LANGAGE

© Elizabeth Carecchio

Sylvain Maurice / Laurent Binet Paris, 25 février 1980. Roland Barthes est renversé par une camionnette après un déjeuner avec François Mitterrand. Bayard, commissaire benêt, et Simon, jeune prof gauchiste, enquêtent sur le meurtre de l’éminent philosophe et sémiologue. Dans cette adaptation du polar déjanté de Laurent Binet, le langage devient une arme. Sur scène, trois comédiens endossent de multiples rôles, accompagnés par un musicien. Truculent, ce spectacle emprunte aussi bien au cabaret qu’à San Antonio ou Sherlock Holmes. BÉTHUNE, 12 > 15.12, Le Palace, 20 h (sf jeu : 18 h 30), 20 > 5 €, www.comediedebethune.org

SYNDROME U

FLAQUE

Julien Guyomard / Cie Scena Nostra

Johan Swartvagher / Cie Defracto

Dans un futur indéterminé, les citoyens sont reliés à "La Masse", une entité informatique recueillant les opinions directement dans l'esprit de chacun. Ainsi, l'administration légifère en temps réel en fonction des idées majoritaires. Jusqu’au jour où la création du personnage politique parfait est demandée : La Masse va devoir s'incarner... Cette pièce de SF interroge avec humour les limites de la démocratie.

Sur scène, deux circassiens jonglent avec une balle chacun, suivant le rythme répétitif d’une musique électronique, sous le regard inquiet d’un troisième larron qui tente de sauver son matériel informatique. Entre peaux de bananes (préalablement dégustées), croche-pattes et danses en tout genre, Eric Longequel et Guillaume Martinet mêlent prouesses et clownerie, nous éclaboussant au passage d’un humour des plus burlesques.

VILLENEUVE D’ASCQ, 12 > 16.12, La Rose des Vents, mar, mer, ven : 20 h, jeu et sam : 19 h, 21 > 13 €, www.larose.fr

VALENCIENNES, 12 > 17.12, Le Phénix, mar & jeu : 20 h, mer : 20 h & 15 h, sam : 19 h, dim : 16 h, 17 > 10 €, scenenationale.lephenix.fr TURNHOUT, 08.03.2018, CC DE Warande EN FAMILLE

COLD BLOOD Collectif Kiss & Cry

# 134

Cold Blood est, après Kiss and Cry, le second spectacle d’un collectif formé par le réalisateur Jaco Van Dormael, la chorégraphe Michèle Anne De Mey et l’auteur Thomas Gunzig. Cette association a donné naissance à un nanomonde narré du bout des doigts – en direct – confrontant cinéma, musique, danse, théâtre et bricolages géniaux. À ce jeu de mains pas vilain s’ajoutent cette fois les pieds, les genoux, l’épaule… et toujours autant de poésie. BRUXELLES, 12 > 23.12, Théâtre National, mar, jeu , ven,  sam : 20 h 15, mer : 19 h 30, dim (+ sam 16.12) : 15 h, 31 > 18 €, theatrenational.be // BRUXELLES, 01 > 03.03.2018, Wolubilis, 20 h 30, 35 > 23 €, wolubilis.be



THÉÂTRE & DANSE

LA PRINCESSE LÉGÈRE G. MacDonald / J. Houben / J. Deroyer / V. Cruz

© Simon Gosselin

Il était une fois une princesse condamnée par une sorcière à la légèreté absolue. C’est bien simple, elle a perdu la notion de gravité, dans tous les sens du terme. Légère de corps (elle ne touche pas le sol) mais aussi d’esprit : elle rit de tout ! Écrit par George MacDonald en 1864, ce conte retrouve ici une seconde jeunesse. Les comédiens jouent avec un tourniquet sur les compositions électroacoustiques de Violeta Cruz, dans une mise en scène du roi de l’absurde, Jos Houben ! LILLE, 13 > 16.12, Opéra, mer et sam : 18 h, ven : 20 h, jeu (séances scolaires) : 10 h & 14 h 30, 23 > 5 €, www.opera-lille.fr

LOVE, LOVE, LOVE

EN FAMILLE

CONJURER LA PEUR

Mike Bartlett / Cie BVZK

Gaëlle Bourges

1967. L’Angleterre fredonne All You Need is Love, bercée par un vent de liberté. Kenneth pique Sandra à son frère Henry. 30 ans plus tard, coincé entre le boulot et les enfants, le couple se sépare. Années 2000 : ils ont refait leur vie, mais leur progéniture peine à vivre la sienne… Portée par l’écriture au vitriol de Mike Bartlett, la compagnie BVZK scanne l’histoire d’une famille sur trois générations, prise dans la marche idéologique du monde…

Tout part de la "fresque du bon et du mauvais gouvernement". Peinte par Ambrogio Lorenzetti à Sienne, en 1338, c’est un authentique programme politique en images. Selon cette toile, le seul moyen de sauver la république est de combattre la tyrannie et d’apprendre à vivre ensemble. De "conjurer la peur", pour reprendre le nom du livre qu’en a tiré l’historien Patrick Boucheron. Gaëlle Bourges et neuf danseurs traduisent cette œuvre en plusieurs tableaux.

BRUAY-LA-BUISSIÈRE, 15.12, Le Temple, 20 h, 8 > 3 €, bruaylabuissiere.fr

ARMENTIÈRES, 19.12, Le Vivat, 20 h, 16 / 8 €, www.levivat.net

THE SHOW MUST GO ON Jérôme Bel. Candoco Dance Company Derrière ce titre renvoyant au hit de Queen, on trouve l’une des plus célèbres pièces de Jérôme Bel. Le principe est simple : 20 performeurs traduisent en mouvement les paroles de 17 tubes enchaînés par un DJ. Du Let the Sunshine In de Hair au Come Together des Beatles, la chorégraphie évolue ainsi au gré des morceaux. Créé en 2001, ce spectacle se joue désormais avec des personnes valides et handicapées. Un hymne à la danse et à la joie de vivre. DOUAI, 19.12, L’Hippodrome, 20 h, 22 > 12 €, www.tandem-arrasdouai.eu



Crazy Mummy © Coco Amardeil

LE MOT DE LA FIN

# 138

Crazy Mummy – Coco Amardeil est une photographe francocanadienne reconnue depuis 20 ans pour son style coloré ou ses portraits aux allures de tableaux (elle a remporté le prestigieux LensCulture Portrait Awards 2017). C’est aussi une maman facétieuse, comme nous le montre sa série Crazy Mummy. Initiée en 2014, celle-ci met en scène sa fille Zhansaya dans des situations décalées, à l’image de ce joyeux bonhomme de neige. cocoama.com




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