Le Suricate Magazine - Vingtième numéro

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Cinéma / Musique / Scène / Littérature / Arts !

Inferno de Dan Brown Editions JC Lattès

La critique C’est l’une des plus grandioses œuvres de la littérature italienne, L’Enfer de Dante, qui est le fil conducteur de cette nouvelle aventure. En Italie, plongé dans une atmosphère aussi opaque que mystérieuse, le héros de Dan Brown, Robert Langdon, professeur de symbologie à Harvard, va devoir affronter un adversaire diabolique sorti des limbes de l’Enfer et déchiffrer l’énigme la plus complexe de sa carrière. Elle le fait plonger dans un monde où l’art et la science de pointe tissent un écheveau qui exige de sa part toute son érudition et son courage pour le démêler. S’inspirant du poème épique de Dante, Langdon se lance dans une course contre la montre pour trouver des réponses et découvrir en traversant les Cercles de l’Enfer ceux qui détiennent la vérité… avant que le monde ne soit irrévocablement changé. Je me souviens parfaitement d’avoir découvert Da Vinci Code, bien avant sa sortie française, au bord d’une plage espagnole, les doigts de pieds en éventail et la cervelle toute entière offerte à cet excellent divertissement pseudo-provoquant. Que le livre soit ensuite devenu un phénomène d’une telle ampleur m’a toujours surpris. Certes, l’histoire est bien menée, les rebondissements nombreux et les « révélations » assez nébuleuses pour titiller l’amateur de complot bien troussé. Avec Le Symbole Perdu, aucun doute n’était permis : toute sincérité avait quitté le bateau, pour laisser place à un plan marketing savamment organisé, un travail d’ingénieur de l’édition, destiné à

capitaliser sur la marque Dan Brown, sans plus trop se soucier de satisfaire un autre lectorat que celui déjà acquis. Un calcul que l’on peut comprendre, lorsque le potentiel flirte avec quatre-vingt-dix millions de lecteurs ! Les aventures de Robert Langdon à Washington, dans la sombre galaxie des francs-maçons américains, assuraient un service minimum, entre visite guidée des lieux insolites de la capitale fédérale, symbolisme de bon aloi et suspense technologique. « Inferno ou comment je me suis arrêté dans une librairie pour acheter les 3 guides touristiques les plus vendus aux States, avant d’en faire un bouquin ! » Quatre ans plus tard, il est donc temps de repasser les plats, avec Inferno, sous-titré le retour des aventures de Robert Langdon en Europe, où « comment je me suis arrêté dans une librairie pour acheter les trois guides touristiques les plus vendus aux States, avant d’en faire un bouquin ». Florence, Venise et Istanbul sont donc les trois villes que permet de découvrir Inferno, au fil d’une histoire abracadabrante, traversée de personnages caricaturaux, de raccourcis scénaristiques ahurissants et dotée d’une conclusion tirée de la pire des BD populaires. Le tout étalé sur 500 pages (il faut bien vendre du papier), truffé d’un nombre incalculables de répétitions, de descrip-

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tions tout droit sorties des guides touristiques précités et sous-tendues par une idéologie plus que tendancieuse à l’égard de la vie humaine. Je sais que je prêche dans le désert, que des tas de lecteurs se réfugieront sous leur parasol avec le roman pour l’été... Et qu’ils y trouveront sans doute un moment d’évasion, sans prise de tête... Et ceux qui me connaissent et me suivent sur internet, ou à travers mes écrits romanesques, savent que je ne suis pas le dernier à plonger tête la première dans un plan marketing, ou un buzz bien emballé. Mais il y a tout de même des limites. Et avec Inferno, Dan Brown, ses auteurs et son éditeur les ont allègrement dépassées. Qu’un tel foutage de gueule attire tous les regards médiatiques depuis la mi-mai... Ca fout les boules !

Christophe Corthouts


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