Le Suricate magazine - Vingt-cinquième numéro

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Cinéma / Musique / Scène / Littérature / Arts

Le Suricate N° 25

mensuel

novembre 2013

Magazine

magic land theatre Que la saison commence ! Mais aussi...

23 films à voir Une foule de bd Une tonne d’interviews

Amour sur place ou à emporter La pièce à succès de la scène parisienne vient conquérir le public belge le temps d’un soir.



Sommaire

De ch’ti à ch’té L’avenir, c’est le net

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Cinéma Blood Ties Le coeur des hommes 3 Insidious 2 Il était temps Les amants du Texas Violette Don Jon Machete / Meteora Miele / Morroccan Gigolos Omar / Lettre à Momo Blackfish / Fonzy Heimat / Quai d’Orsay Het diner / Inside Llewyn Davis Marina / Il était une forêt L’inconnu du lac / Guillaume et... Rétrospective Tarantino Halloween Actualités ciné

p. 6 p. 8 p. 9 p. 10 p. 11 p. 12 p. 13 p. 14 p. 15 p. 16 p. 17 p. 18 p. 19 p. 20 p. 21 p. 22 p. 24 p. 27

Musique Interview de JJ Peters Interview d’Holy Cross Critiques CD’s

p. 28 p. 30 p. 32

(suite) Mariage et conséquences Si tu mourais... Les Moutons Amour sur place ou à emporter Interview de Jules Interview de Zidani

p. 47 p. 47 p. 48 p. 50 p. 54 p. 56

Littérature La guerre des fesses Persona / Paroles de nos anciens Bonneval Pacha / Blue Note T1 Le vin / La jeune fille en Dior WW 2.2 : chien jaune et Paris La brigade juive / Sarah T3

p. 58 p. 59 p. 60 p. 61 p. 62 p. 63

Cotations Rien à sauver Mauvais Mitigé Bon Très bon Excellent

Scènes Cabaret au TTO / Les pétasses Le RRRR Festival Interview au Magic Land Theatre Prix de la critique : Palmarès Prix de la critique : La Vecchia Money !

p. 36 p. 37 p. 38 p. 44 p. 45 p. 46

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Ne pas lire en dormant

novembre 2013



Le terrier du Suricate

Edito

Dany Boon, de ch’ti à ch’té Il y a tout juste vingt ans, la carrière de Dany Boon commençait à Paris avec un spectacle produit par Patrick Sébastien, Chaud mais pas fatigué, qui se jouait au Café de la Gare. L’homme était un ovni de la scène parisienne. De fait, au début des années nonante, le milieu du one man show (et du théâtre) était la chasse gardée des Parisiens (Guy Bedos, Didier Bénureau, Michel Boujenah, Dieudonné, Elie Semoun, Marc Jolivet, Elie Kakou, ...). Rare était celui qui pouvait se permettre de percer en provenant de sa province éloignée. Par des émissions télévisées, certaines têtes «provinciales» faisaient leur apparition mais toujours de manière timide. Dany Boon, en plus d’être un provincial, venait du Nord de la France, région sinistrée par le chômage ayant perdu tout son éclat d’antan. Une région et des habitants dont se moquent éperdument le reste de la France, en particulier Paris. Pourtant, Dany Boon va fonctionner et va remplir les salles, le début d’une consécration humoristique amplement méritée. Mais voilà, comme toute chose qui fonctionne, on l’exploite à fond. C’est pourquoi Dany Boon se lance dans le cinéma. D’abord timidement comme dans Joyeux Noël ou La Doublure, puis de plain-pied en se mettant derrière la caméra. Son premier long métrage, La Maison du Bonheur, n’est pas un chef d’oeuvre et ne convainc pas les français. Par contre, Bienvenue chez les Ch’tis va le propulser au rang d’icône du cinéma français. Lui

qui venait d’une région désuète et oubliée en a fait sa statue de bronze. La France entière (et la Belgique) crie au génie si bien qu’il devient l’année suivante Chevalier de la Légion d’Honneur. Attendu au tournant, l’empereur ch’ti continue de régner jusqu’à un certain Rien à Déclarer. Film peu attractif pour un cinéphile, il reste néanmoins un succès dû à l’aura de son réalisateur. Mais la cassure était faite. Le temps était venu pour les français de faire ce qu’ils font de mieux, détruire ce qu’ils ont eux-mêmes portés jadis aux nues. Fin 2012, c’est la crise financière. Gérard Depardieu fait les choux gras de la presse hexagonale qui l’érige en traître fiscal. Mais Dany Boon ne va pas tarder à attirer également les regards. Vincent Maraval, PDG de Wild Bunch, déclare que Dany Boon demanderait des sommes astronomiques pour tourner dans des films (un million pour le dernier Astérix) et se rémunère lui-même grassement (10 millions pour Supercondriaque). L’acteur se défendra en relativisant ces chiffres (respectivement de 600.000 € et 2 millions d’€ selon lui), mais le mal était fait. Dany Boon, l’exemple de la France du bas est devenu un riche à traquer... à Los Angeles où il a élu domicile. Depuis, l'idylle est terminée. Le public boude ses films systématiquement. Un plan parfait accusera un déficit de 15 millions d’€ et Le Volcan, actuellement à l’affiche, pourrait bien suivre. Bref, du pari gagnant au paria rebutant, il n’y a qu’un pas.

L’avenir, c’est le net Nier l’attrait croissant de l’information numérique via internet et, plus largement, via les réseaux sociaux, c’est désavouer une évidence. De fait, certains pensent encore pouvoir faire face à ce canal d’information aussi rapide que vaste. D’autres, plus circonspects mais réalistes, se méfient de cette pandémie électronique en lâchant timidement l’amarre. On entend à droite et à gauche des halte-là face aux nouveaux venus de l’information. Alors que l’entente demeure cordiale, le milieu de la presse jauge pourtant la capacité de certains sites à perdurer et à fournir de la matière qualitative. Ce jeu de Sioux se rapprochant à s’y méprendre à un mauvais western, Le Suricate Magazine l’a vécu et le vivra encore. Mais de plus en plus, le monde culturel nous accorde sa confiance, tout comme le milieu journalistique. Après avoir fêté en septembre son année d’existence, la mangouste diurne envahit d’autres terres. De nouveaux partenaires mais aussi de nouveaux rédacteurs. Vous le verrez au fil des pages, l’équipe s’est agrandie mais se professionnalise également de plus en plus. De surcroit, Le Suricate Magazine va continuer de montrer qu’il n’est pas là pour faire de la figuration et encore moins de passer pour une bête empaillée.

M.M.

M.M. Une publication du magazine

Le Suricate © http://ww.lesuricate.org Directeur de la rédaction : Matthieu Matthys Rédacteur en chef : Loïc Smars Directeur section cinéma : Matthieu Matthys Directeur section littéraire : Loïc Smars Directeur section musicale : Christophe Pauly Directeur section théâtre : Baptiste Rol

Crédits Webmaster : Benjamin Mourlon Secrétaires de rédaction : Pauline Vendola, Maïté Dagnelie, Adeline Delabre Relation clientèle : redaction@lesuricate.org Régie publicitaire : pub@lesuricate.org

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Ont collaboré à ce numéro : Inès Bourgeois, Olivier Eggermont, Quentin Geudens, Philippe Chapelle, Cynthia Tytgat, Cécile Marx, Marie-Laure Soetart, Margot Thibaut, Léopold Pasquier, Anaël Munsch, Nicolas Bruwier, Noelia Gonzalez, Van Hoang,

novembre 2013


Cinéma / Musique / Scène / Littérature / Arts

Cinéma

The Blood Ties, remake réussi

©Victory Productions

Cinq ans après avoir tenu le rôle titre dans « Les Liens du sang », de Jacques Maillot, Guillaume Canet en réalise la version américaine.

La critique

Mais revenons à nos frangins. À 6400 kilomètres près, l’histoire de départ est la même. Nous sommes en 1974 lorsque Chris, la cinquantaine, est libéré de prison sous condition de trouver un travail rapidement. Frank est un jeune flic plutôt doué mais il est aussi le frère de Chris. À part les fameux liens du sang, ces deux frangins n’ont pas grand-chose en commun. Chris est le voyou, le fils préféré, celui qui fait rire, tandis que Frank est le type bien, sympa, qui respecte la loi mais qui essaye tant bien que mal d’aider son frère et qui n’est pas non plus tout blanc. Ben oui, Frank est amoureux de la femme du mec qu’il vient d’arrêter : c’est pas bien ! Voilà donc tout le merdier que les deux frérots vont devoir gérer à deux. Chris arrivera-t-il à rester sage ? Frank continuera-t-il d’avoir confiance en son frère ? Et si tout bascule, Frank se révèlera-t-il comme faux frère ou comme frère d’armes ? Après avoir vu Les liens du sang, donc la version française, j’avoue que j’aime encore plus la version de Guillaume Canet, l’américaine. En effet, les ajouts et modifications au scénario original, qu’ils soient sur les personnages, leur passé ou sur l’histoire qui

se déroule, sont pour la plupart très intelligents. Par exemple, la création d’un événement du passé expliquant le moment où les destins des deux frères se sont séparés est très bien jouée. De même que la relation père-fils est plus poussée notamment grâce à une des scènes de fin. Mais je laisse Guillaume s’exprimer ici : « Pour vous donner un exemple, j’ai souhaité faire de la petite amie du personnage du flic incarné par Billy Crudup une jeune femme noire. Et imaginé que le tout début de leur histoire d’amour remonte aux années 60, avec les difficultés inhérentes à vivre une telle relation à l’époque entre un blanc et une noire. Ce type de détails me permettait d’américaniser mon histoire ». D’autres différences sont d’ailleurs plutôt amusantes à remarquer car révélatrices d’une culture et d’une production cinématographique américaines très différente de la nôtre sur quelques points. Les trois séquences sexuelles qu’il y avait dans Les liens du sang ont totalement disparues, à tel point que dans une des scènes de The Blood Ties j’étais incapable de dire s’il avait finalement accepté de coucher ou non avec la femme qui le lui demandait, et à en croire la version française, il n’avait pas hésité longtemps avant d’accepter. En revanche, l’ajout d’une bonne arrestation en plein repas de Noël en famille fait toujours plaisir outre-Atlantique, même si ç’aurait été mieux en plein coupage de Dinde à Thanksgiving, mais faut pas exagérer quand même, c’est Guillaume qui réalise. Dans le même délire, l’ajout d’un bon cassage de gueule plein de testostérone ou encore celui de drogues pour bien faire comprendre que ce n’est pas bien d’en prendre. Les deux fins sont totalement différentes et les nombreux remaniements visi-

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bles dans les vingt dernières minutes apportent plus de profondeur à cette relation fraternelle et plus d’attachements aux personnages pour les spectateurs. Les musiques y sont surement plus entrainantes et émotives également. Pour finir, c’est un plutôt bon film avec un casting vraiment cool. Les très convaincants Clive Owen et Billy Crudup dans les rôles titres. Marion Cotillard est plus que crédible en prostituée totalement camée, à croire que seuls les réalisateurs français savent comment la prendre. James Caan, aussi bon en père de famille qu’en gérant de Casino dans la série Las Vegas. Et aussi Mila Cunis, Lili Taylor, Zoé Saldana, et même Matthias Schoenaerts, un belge, cocorico !!! (Ah non ça marche pas du coup, et bien hourra alors). En conclusion c’est un plutôt bon film que je vous conseille d’aller voir.

Baptiste Rol 30 octobre 2013

Blood ties est le remake américain du film Les liens du sang, réalisé par Jacques Maillot en 2008, et dans lequel jouaient entre autres Guillaume Canet, François Cluzet ou encore Clothilde Hesme. Ce film était lui-même basé sur un roman autobiographique de Michel et Bruno Papet. Pour adapter cette histoire fraternelle française au New York des années 1970, Guillaume Canet ne s’est comme qui dirait pas embêté puisqu’il s’est accompagné de James Gray pour coécrire le film, et même mieux, c’est James Gray qui s’est proposé.

Blood Ties Thriller de Guillaume Canet Avec Mila Kunis, Zoé Saldana, Marion Cotillard

New York, 1974. Chris, la cinquantaine, est libéré pour bonne conduite après plusieurs années de prison pour un règlement de compte meurtrier. Devant la prison, Frank, son jeune frère, un flic prometteur, est là, à contrecœur. Ce ne sont pas seulement des choix de « carrières » qui ont séparé Chris et Frank, mais bien des choix de vies et une rivalité depuis l’enfance.


LES PRODUCTIONS DU TRESOR AND CANEO FILMS PRESENT

CLIVE

OWEN BILLY

CRUDUP MARION

COTILLARD MILA

KUNIS ZOE

SALDANA MATTHIAS

SCHOENAERTS AND JAMES

CAAN

DIRECTED BY SCREENPLAY BY A LES PRODUCTIONS DU TRESOR

GUILLAUME CANET

GUILLAUME CANET & JAMES GRAY PRODUCED BY ALAIN ATTAL

WORLDVIEW ENTERTAINMENT CANEO FILMS MARS FILMS WILD BUNCH LE GRISBI PRODUCTIONS FRANCE 2 CINEMA CHI-FOU-MI PRODUCTIONS LGM CINEMA TREASURE COMPANY FILM « BLOOD TIES » DIRECTED BY GUILLAUME CANET WITH CLIVE OWEN BILLY CRUDUP MARION COTILLARD MILA KUNIS ZOE SALDANA MATTHIAS SCHOENAERTS NOAH EMMERICH LILI TAYLOR DOMENICK LOMBARDOZZI JOHN VENTIMIGLIA GRIFFIN DUNNE JAMIE HECTOR YUL VAZQUEZ AND JAMES CAAN SCREENPLAY BY GUILLAUME CANET & JAMES GRAY BASED ON THE MOVIE « LES LIENS DU SANG » BY JACQUES MAILLOT SCREENPLAY BY JACQUES MAILLOT PIERRE CHOSSON AND ERIC VENIARD BASED ON THE NOVEL « DEUX FRERES, UN FLIC, UN TRUAND » WRITTEN BY MICHEL AND BRUNO PAPET EDITIONS FLAMMARION MUSIC BY YODELICE DIRECTOR OF PHOTOGRAPHY CHRISTOPHE OFFENSTEIN PRODUCTION DESIGNER FORD WHEELER EDITOR HERVE DE LUZE CASTING BY AVY KAUFMAN COSTUME DESIGNER MICHAEL CLANCY ASSOCIATE PRODUCERS JEAN-BAPTISTE DUPONT CYRIL COLBEAU-JUSTIN EXECUTIVE PRODUCERS KERRY ORENT CHRISTOPHER GOODE JAMES GRAY VINCENT MARAVAL MOLLY CONNERS SARAH JOHNSON REDLICH MARIA CESTONE HOYT DAVID MORGAN PRODUCED BY ALAIN ATTAL GUILLAUME CANET HUGO SELIGNAC CHRISTOPHER WOODROW JOHN LESHER WITH THE PARTICIPATION OF CANAL+ CINE+ FRANCE TELEVISIONS M6 FRANCE 4 W9 IN ASSOCIATION WITH WILD BUNCH


Cinéma / Musique / Scène / Littérature / Arts

Le coeur des hommes 3 de Marc Esposito Pour son troisième et certainement dernier volet, Marc Esposito reprend les mêmes (sauf Gérard Darmon) pour une comédie douce et romantique sans prise de tête... ni prise de risque.

©Victory Productions

La critique

Ce troisième volet est une prolongation sur le thème de l’amitié et des confidences qui vont avec ; c’est aussi poursuivre sur le sujet du couple et de l’infidélité. Enfin, c’est la découverte d’un nouveau comparse dans leur histoire de camaraderie. Marc Esposito n’a pas voulu « remplacer » le personnage de Jeff, il en a donc créé un autre, tout aussi attachant et interprété par le comédien Eric Elsmonino (alias Jean), l’interprète de Serge Gainbourg dans le film éponyme de Joann Sfar. Même si Marc Esposito envisageait déjà le premier de la série comme une trilogie, ce troisième film reste un pari osé : reprendre et revisiter les mêmes thèmes, avec le même fond musical. Quant au scénario, il est quelque peu

modifié en la présence de Jean qui a son histoire et qui découvre la solidarité amicale au contact d’Alex, de Manu et d’Antoine. Petit bémol cependant car si ce compère s’intègre dans le trio avec aisance, son personnage n’apporte pas vraiment une nouvelle dimension au film. C’est peut-être un peu dommage de n’en n’avoir pas profité. Du coup, la saga aurait tout aussi bien pu fonctionner à trois.

Ce sont les deux personnages féminins « stables » de l’histoire finalement.

Et bien c’est malgré tout franchement réussi. Les dialogues sont bons, le film alterne les scènes d’émotions, de rires et de sourires. Le jeu des acteurs est authentique, l’ambiance est bon enfant. Ca fonctionne bien.

Inès Bourgeois

Pour les fans, c’est une suite très agréable à regarder, rythmée, sans ennui et sans longueur. On ne boude pas son plaisir et on ne voit pas passer les quasis deux heures de film. C’est parce que cette série de films nous parle de nos vies qu’elle nous touche… La vie avec ses joies, ses émotions, ses angoisses et ses surprises. Jean Pierre Darroussin, pareil à luimême dans son rôle de gentil et de tendre, nous touche comme il sait si bien le faire. On ne parle jamais que des acteurs dans ce film… Mais saluons quand même le jeu des actrices Catherine Wilkening (l’épouse d’Alex) et Florence Thomassin (épouse de Manu).

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On s’attend à un quatrième Cœur des hommes (en tout cas on l’espère en quittant la salle) pour connaître la suite : suivre l’évolution de leurs amours respectifs, le sort de la femme de Manu, le bouleversement dans la vie d’Alex…. Une bonne comédie, un super moment de détente.

déjà à lʼaffiche

Le Cœur des hommes 3, c’est reprendre le film là où on l’a laissé la dernière fois, au soleil, dans le midi. Dans ce troisième volet, on atterrit une nouvelle fois au milieu de la vie de nos pères de famille : Antoine (Bernard Campan), Alex (Marc Lavoine) et Manu (Jean-Pierre Darroussin)… Cette fois sans Jeff (Gérard Darmon), absent de ce tournage. Ce dernier a en effet refusé de participer à cette troisième réalisation (des histoires de fâcheries avec le réalisateur paraît-il…). On y rencontre donc un nouveau personnage, Jean, un solitaire qui découvre les joies de l’amitié en compagnie du joyeux trio.

Le coeur des hommes 3 Comédie, Romance de Marc Esposito Avec Marc Lavoine

Alex, Antoine et Manu rencontrent Jean, un solitaire, qui ignore les plaisirs de l'amitié. Peu à peu, ils apprennent à se connaître, à s'apprécier. Jean est touché par la complicité et l'affection qui nourrit leur relation, il découvre le bonheur d'être ensemble. Quand leurs aventures sentimentales et les épreuves de la vie les bousculent, ils se regroupent pour les partager, pour se tenir chaud. De confidences en éclats de rires, le trio redevient un quatuor.


Insidious 2, on reste sur notre fin En 2010, James Wan avait émerveillé les amateurs de films d’horreur avec son film « Insidious ». Fort de ce succès financier et cinématographique, il réitère l’aventure avec un second opus.

©Sony Pictures

La critique

Si Conjuring a eu un succès incroyable en reprenant des concepts existants et en les disposant d'une excellente manière, Insidious Chapitre 2 utilise la même méthode mais semble se situer un cran en dessous. On y retrouve les ingrédients basiques d'un film de revenants : portes qui s'ouvrent toutes seules (beaucoup), meubles qui bougent, piano qui se met à jouer dans une pièce déserte,... Si la fin du premier chapitre partait un peu en mode Poltergeist, les influences du second opus se ressentent beaucoup plus. Entre Les Griffes de la Nuit (pour l'exploitation du sommeil), Poltergeist, Les Autres (le piano qui joue tout seul), Shining ou encore Le Silence des Agneaux (le tueur travesti), on a parfois l'impression que le film se résume à une succession de clichés du genre plutôt qu'à une idée originale.

Certaines scènes développent un côté intéressant (surtout dans la première partie) et les liens avec le premier opus arracheront un sourire à ceux qui l'ont vu. On retrouve justement ce côté « puzzle » des réalisations de James Wan que l'on avait surtout pu admirer dans Saw, mais il est moins bien exploité que dans ce dernier. On constate malheureusement que les moments faibles se multiplient au fur et à mesure du long métrage, pour s'achever avec une fin attendue et décevante. Au-delà, on discerne un tiraillement entre l'envie du réalisateur de faire un produit original et qui apporterait quelque chose de nouveau au genre et un conventionnalisme très « hollywoodien » qui réduit ces efforts à peau de chagrin. Cela relance le débat d'un cinéma d'horreur qui a de plus en plus de mal à se renouveler et qui n'a de cesse de faire appel aux mêmes concepts éculés et aux recettes utilisées des centaines de fois. Si Conjuring dosait très bien les moments de tensions, les sursauts provoqués et les moments gores, on a l'impression ici d'assister à l'avènement d'un phénomène de plus en plus présent dans le genre : ce qu'on pourrait qualifier de « bouh !!- movie ». Il ne s'agit en effet plus de nous effrayer par la musique ou par le psychologique mais plutôt de faire monter la tension jusqu'à son paroxysme et ensuite de faire surgir la source de la peur de manière soudaine afin de faire sur-

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sauter le spectateur (accompagné d'une montée musicale à ce moment précis). Pour avoir un bon film on a coutume de dire qu'il faut un bon début et une bonne fin, Insidious Chapitre 2 ne remplit malheureusement son contrat qu'à moitié.

Olivier Eggermont

30 octobre 2013

Après le succès du premier chapitre, des Paranormal Activity et surtout de Conjuring : Les Dossiers Warren, le moins que l'on puisse dire est que les histoires de fantômes ont la cote ces derniers temps. Réalisé par James Wan (Saw, Insidious Chapitre 1, Conjuring) et produit par Jason Blum, le film reprend au moment où le premier s'était arrêté, à la mort d’Élise (Lin Shaye). Soucieuse pour son mari Josh (Patrick Wilson) qui semble se comporter de manière inhabituelle, Renai (Rose Byrne) fait appel à des amis d’Élise pour tenter de contrer une bonne fois pour toutes l'entité maléfique qui semble s'acharner sur sa famille.

Insidious 2 Horreur de James Wan Avec Patrick Wilson, Rose Byrne, Ty Simpkins

Après tout ce qu’elle a affronté, la famille Lambert s’efforce de reprendre une vie normale, mais le monde des esprits semble en avoir décidé autrement. Josh et Renai vont tenter de découvrir le secret qui les relie au terrifiant monde des esprits.

novembre 2013


Cinéma / Musique / Scène / Littérature / Arts

Il était temps de Richard Curtis Dix ans après Love Actually, Richard Curtis nous narre une nouvelle fois une histoire romantique. Mais cette fois, il a choisi de mixer la romance avec la science-fiction.

©Universal

La critique About Time, ou Il était temps dans la langue de Molière, nous emmène dans le voyage fantastiquement ordinaire de Tim, capable de voyager dans le Temps, comme tous les mâles de sa famille. Bien entendu, Tim ne peut sortir de sa propre ligne du temps et aller courageusement tuer Hitler ou forniquer avec Hélène de Troie, comme l’explique avec dépit son paternel. Reste alors à utiliser ce pouvoir pour idéaliser et réussir son histoire amoureuse encore inexistante…

Notting Hill, Le Journal de Bridget Jones ou encore l’indémodable Quatre mariages et un enterrement.

Il apprendra bien malgré lui que l’altruisme temporel a souvent des dommages collatéraux indésirables, ce qui n’est pas sans rappeler Ashton Kutcher dans L’Effet papillon (les effusions nasales de sang en moins), et que l’unique utilisation du voyage spatiotemporel ne suffit à extirper de l’utopie l’idée d’un monde parfait.

Pour sa part, la Canadienne Rachel McAdams, derrière son sourire envoûtant, sa fraîcheur et sa spontanéité, incarne la quintessence de l’héroïne de comédie romantique, tandis que Bill Nighy, flegmatique décalé en puissance, réitère une nouvelle fois une collaboration réussie avec Curtis.

Pour son troisième long métrage en tant que réalisateur, Richard Curtis (Love Actually, The Boat That Rocked) conjugue donc le genre romantique à ce thème bien particulier qu’est le voyage dans le Temps, habituellement plus intrinsèquement lié à la sciencefiction.

Il faut par ailleurs souligner l’alchimie savamment orchestrée par Curtis entre McAdams et Gleeson, mais aussi entre Nighy et Gleeson, qui nous offre quelques francs moments de sincérité, de simplicité et de tendresse.

Bill Nighy, Domnhall Gleeson et Rachel McAdams embarquent bien volontairement dans ce délire teinté d’uchronismes et de romance, écrit par le réalisateur déjà (re)connu pour ses scénarios de comédies romantiques à succès, telles que Coup de foudre à

Prétextant le voyage spatio-temporel, About Time s’avère en fin de compte (conte ?) une fable romanticoépicurienne, à la fois légère et chargée de beaux sentiments, qui amènera sans nul doute son lot de larmes et de rires dans les salles obscures, et ce malgré une efficacité moins franche qu’à l’accoutumée pour Curtis, et une tendance à se laisser porter par les stéréotypes du genre.

Quelque part entre la maladresse de Rowan Atkinson, le teint rouquin de Rupert Grint et le charme de Hugh Grant, Domnhall Gleeson (Black Mirror, Harry Potter et les reliques de la mort) endosse avec perfection le rôle de Tim, fait sur mesure, qui participera probablement à sa notoriété grandissante et justifiée.

Outre quelques longueurs et redondances évitables, Curtis se renouvelle quelque peu en exploitant le potentiel évident d’acteurs de la nouvelle génération (comme il l’avait notamment fait à l’époque avec Hugh Grant) tout en se frottant à ce thème mythique, mais terriblement périlleux, qu’est le voyage dans le Temps.

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Bref, une comédie dans l’air du temps.

6 novembre 2013

Quentin Geudens

Il était temps Fantastique, Drame de Richard Curtis Avec Rachel McAdams, Bill Nighy, Tom Hollander

À l’âge de 21 ans, Tim Lake découvre qu’il a la capacité de voyager dans le temps... Lors de la nuit d’un énième nouvel an particulièrement raté, le père de Tim apprend à son fils que depuis des générations tous les hommes de la famille maîtrisent le voyage intertemporel. Tim ne peut changer l’histoire, mais a le pouvoir d’interférer dans le cours de sa propre existence, qu’elle soit passée ou à venir... Il décide donc de rendre sa vie meilleure... en se trouvant une amoureuse.


Les amants du Texas de David Lowery Présenté au dernier festival du film de Sundance où il a remporté le prix de la meilleure photographie, « Les Amants du Texas » est le second film de David Lowery.

©AFilm

La critique

Quand David Lowery a entrepris son deuxième long métrage, il avait opté résolument pour un film d'action. Si d'emblée l'idée d'un amour séparé par la prison lui est venue à l'esprit, du film d'action pur et dur, il a glissé vers l'examen des relations entre les personnages... Alors se laisse-t-on entrainer par cette errance de Ruth, son amour pour sa fille, sa quête de l'impossible entre ce qui ne sera pas, ce qui pourrait être, le tout entrecoupé par les tentatives désespérées de Bob pour revenir ? Si le titre Les amants du Texas est assez clair, sa traduction de l'anglais Ain't them bodies saints relève quelque peu du mystère. Littéralement on pourrait traduire en "Ces corps ne sont-ils pas sacrés" ? Cette formulation en «américain redneck», qui désigne de manière ironique voire injurieuse

l'Américain type du fin fond de la campagne du Sud, pauvre et illettré, reste sans réponse : le film ne nous apprend rien. Celui-ci est donc un long cheminement interne, et non un road movie, encore moins un film d'action. Alors oui ou non se laisse-t-on emporter par cette espèce de mélancolie introspective bercée par de très belles images crépusculaires voire nocturnes (la fin du jour, la fin d'un amour ?) rythmée par une très belle musique folk, cadencée parfois par un claquement des mains, sans parler du violon lancinant qui souligne encore, si c'était nécessaire, toute la difficulté pour Ruth de se positionner... La réponse est mitigée. Pourtant tout semblait concorder pour y arriver. De belles images (le film a par ailleurs obtenu le prix de la meilleure photographie au festival du film de Sundance), une très belle musique folk, une direction d'acteurs remarquable.... Alors où cela coince-t-il? Ruth (Rooney Maria) ne parvient pas à faire franchir l'émotion au travers de l'écran et Bob (Casey Affleck) n'a pas ce charisme si nécessaire pour faire tressaillir, sans parler de sa voix parfois trop éraillée. J'ai beaucoup apprécié le jeu tout en finesse de Will (Ben Foster), amoureux, respectueux, prenant son temps... L'émotion qu'on pensait pouvoir ressentir, celle qui aurait pu faire battre notre coeur un peu plus fort... l'Emotion avec un grand E, n'était pas au rendez-vous,... hélas. Certains s’en-

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nuieront. D'autres, comme moi, apprécieront cependant : on a un beau film à défaut d'un grand film. Et puis ce n'est jamais que son deuxième long métrage à David Lowery. Cela promet de belles surprises dans le futur. C'est tout le bonheur qu'on lui souhaite. Dans ma tête trotte encore la musique, dans mes yeux me restent de belles images, l'histoire, cette tragédie, ce drame et la façon de la raconter ... non je ne boude pas mon plaisir, même si... même si je n'ai pas vu un chef d'oeuvre.

Philippe Chapelle 6 novembre 2013

Ruth et Bob s'aiment. Très fort. Unis envers et contre tout et surtout contre tous car le couple vole, braque... Un soir, avant de commettre un autre délit, Ruth confie qu'elle est enceinte. Au petit jour la police a encerclé les voleurs réfugiés dans une maison dans la campagne lointaine et l'irréparable est accompli: Ruth blesse un policier. Avant de se rendre ils ont juste le temps d'arranger l'innocence de Ruth et de se promettre se revoir. Ruth est libre. Bob prend 25 ans. Une petite fille naît, les semaines, les mois passent... et quatre ans plus tard, Bob s'évade...

Les amants du Texas Drame de David Lowery Avec Casey Affleck

Bob et Ruth s’aiment, envers et contre tout. Et surtout contre la loi. Un jour, un braquage tourne mal et les deux amants sont pris dans une fusillade. Quand Bob est emmené par la police, Ruth a tout juste le temps de lui annoncer qu’elle est enceinte. Dès lors, Bob n’aura qu’une obsession : s’échapper de prison pour rejoindre sa femme et son enfant.

novembre 2013


Cinéma / Musique / Scène / Littérature / Arts

Violette de Martin Provost Pensionnaire de la Comédie-Française, Martin Provost n’est pas un néophyte. « Séraphine », l’une de ses précédentes réalisations avait remporté sept Césars en 2009. Qu’en est-il ici ?

©Big Bang Distribution

La critique

Elle remet alors ses écrits à Simone de Beauvoir, personnifiée par Sandrine Kiberlain. Celle-ci reconnait immédiatement le talent de Violette et l’aide à publier cette première œuvre intitulée L'Asphyxie. Malheureusement le livre ne rencontre pas le succès espéré. Néanmoins, il lui rapporte la reconnaissance de Jean Genêt et du parfumeur Jacques Guérin. Simone de Beauvoir l’encourage de continuer à écrire. Débutera une relation d’amitié complexe et tendue entre les deux femmes. Elle soutiendra Violette jusqu’à la reconnaissance tant attendue de son écriture… Provost a choisi Emmanuelle Devos pour interpréter Violette. Un choix qui paie à l’écran ! L’actrice a su capturer et nous rendre la détresse de son personnage. En interprétant Simone de

Beauvoir, Sandrine Kiberlain s’attaque à un personnage sobre qui ne s’improvise pas à l’écran. Encore une fois, le choix du réalisateur s’avère payant ! Cette dernière est stupéfiante de justesse et maîtrise avec élégance le personnage qu’est cette grande dame de la littérature. L’histoire nous plonge dans un milieu assez obscur voire pessimiste. Une ambiance qui colle parfaitement au personnage de Violette qui oscille, bien trop souvent entre la déprime et le défaitisme. Authentique et réaliste, le film nous emmène pas à pas sur les traces de cette femme amère, « abîmée » par une vie difficile et cruelle. Les faiblesses de Violette sont mises en avant, parfois trop ! On se surprend d’ailleurs à vouloir secouer cette blonde geignarde aux réactions quelquefois enfantines. Pourtant, celle-ci tire sa force d’écriture de ses faiblesses. Une force qui l’amènera à briser des principes rigides d’une époque encore trop machiste. L’amitié complexe entre Simone de Beauvoir et Violette est brillement représentée à l’écran. Elles sont complémentaires par leur caractère totalement opposé. La première incarne la grandeur, l’élégance et la froideur. Une personnalité qui ne laisse aucune place pour la fragilité et le repli sur soi. Le contraire de Violette qui n’a de cesse de se replier sur elle-même. Si l’ambiance et les décors de l’époque sont très bien représentés dans le film,

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le rythme est quant à lui irrégulier. Entrecoupé de passages à vide, ce film comporte des scènes trop longues voire inutiles. On regretterait presque l’absence de télécommande avec la touche « avance rapide » ! Bref, Violette c’est le charme reconstitué de l’après-guerre où nous suivons le parcours semé d’embûches d’une femme écrivain hors norme. Un parcours entrecroisé de rencontre avec de grands écrivains et penseurs de l’époque. Une époque où la femme ne peut encore s’exprimer qu’à demi-mot. Voici une histoire qui conte en quelques sortes le début du féminisme…

Cynthia Tytgat 6 novembre 2013

Intitulé sobrement Violette, le nouveau long métrage de Martin Provost, nous projette dans un aprèsguerre assez sombre. Un biopic où l’on ne ménage pas le spectateur, découvrant sans fioritures la vie de Violette Leduc, écrivain solitaire aimant les femmes. Incarnée par Emmanuelle Devos, Violette est née bâtarde. Affrontant des années difficiles depuis sa jeunesse, elle se débrouille pour survivre allant jusqu’à faire du marché noir pendant la Seconde Guerre Mondiale. Elle vit avec Maurice Sachs (Olivier Py), écrivain homosexuel qui la pousse à coucher sur papier ses douloureux souvenirs d’enfance.

Violette Biopic, Drame de Martin Provost Avec Emmanuelle Devos, Sandrine Kiberlain

Violette Leduc, née bâtarde au début du siècle dernier, rencontre Simone de Beauvoir dans les années d’aprèsguerre à St-Germain-des-Prés. Commence une relation intense entre les deux femmes qui va durer toute leur vie, relation basée sur la quête de la liberté par l’écriture pour Violette et la conviction pour Simone d’avoir entre les mains le destin d’un écrivain hors norme.


Don Jon de Joseph Gordon-Levitt Acteur incontournable à Hollywood, Joseph Gordon-Levitt se lance maintenant dans la réalisation. Après trois courts, place à un long métrage sous la forme d’une comédie romantique.

©AFilm

La critique

Don Jon est le premier long métrage de Joseph Gordon-Levitt, acteur américain qui depuis Et au milieu coule une rivière jusqu'à Lincoln, n'a eu de cesse d'apparaître sur les écrans de cinéma. Il est tentant d'être réticent sur un premier film réalisé par un jeune acteur omniprésent du cinéma Hollywoodien, qui s'offre pour son essai cinématographique, Scarlett Johanson et Julianne Moore. Malheureusement pour les gens méfiants tendant vers l'aigreur lorsqu'il s'agit du cinéma, dont je fais volontiers partie, ces appréhensions narquoises ne se sont pas confirmées. Don Jon est un film brillant sous tant d'aspects que l'on peine à trouver par lequel com-

mencer. La redondance des situations dans lesquelles Jon se retrouve (L'église, le club, la salle de sport, le déjeuner chez ses parents, le porno, changer ses draps) permet de rentrer dans l'intimité et la profondeur creuse du personnage. Par tous ces rituels qui conduisent la structure du film, l'histoire qui se met en place gagne en intensité. Jamais sentencieux, ou moralisateur, Joseph Gordon-Levitt parvient à parler d'un sujet on ne peut plus problématique et contemporain tout en permettant à ceux qui le désirent, de rester dans le divertissement et la légèreté d'une comédie. La prestation du réalisateur est surprenante. Ce jeune homme aux trapèzes trop musclés, à la colère facile, et à l'introspection limitée est interprété par Gordon-Levitt avec beaucoup de sincérité. Scarlett Johansson excelle dans le rôle de la « pouf » basique à l'accent peu distingué. Jamais caricaturale, Barbara Sugarman machouille ses chewing-gums, dévorée par la frustration de ne pas voir le moindre de ses désirs amoureux hollywoodiens exécuté. Julianne Moore se fait de plus en plus présente à mesure que le film se déroule, elle est l'élément sortant du quotidien de Don Jon, intrigant, inexplicable, ne répondant à aucun critère. Une actrice une fois de plus bouleversante d'authenticité. On oublierait presque que l'on regarde une comédie américaine se destinant à un large public, tant l'inventivité, l'innovation et la finesse sont omniprésentes. Le commencement de rédemption de Jon,

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nous le rappelle malheureusement. Ce serait peut être le seul point noir à discuter de ce beau film. On est tiraillé entre la joie de voir une évolution possible et la déception de regarder encore un film qui se doit de remettre ses personnages dans le droit chemin. Bien sûr, ce n'est pas si grossier, est en aucun cas, ce dernier argument ne prend la main sur l’entièreté de ce film réussi. Don Jon est une œuvre inventive, drôle et dure, peu conventionnelle sous la plupart de ses aspects. Il emportera certainement le succès qu'il mérite, politiquement et artistiquement.

Cécile Marx 20 novembre 2013

Jon Martello est un séducteur. Un chasseur professionnel. Il opère généralement dans les boites de nuits, où il retrouve ses amis pour quelques verres avant de passer à l'attaque de la bombe parfaite pour égayer son samedi soir. Son surnom : Don Jon, en raison des caractéristiques de ce jeune homme au cheveux gominés, citées plus haut. Malgré une consommation industrielle de jeunes femmes, Jon n'est pas rassasié sexuellement par la réalité. Son extase ne voit le jour que devant des films pornographiques. Il rencontre un soir, au bar, Barbara Sugarman, une superbe blonde pour laquelle « le Don » tombera instantanément. La belle est évidemment l'opposée du héros. Tout à fait imbibée de comédies romantiques et d'illusions amoureuses.

Don Jon Romance, Drame de Joseph GordonLevitt Avec Scarlett Johansson

Jon Martello est un beau mec que ses amis ont surnommé Don Jon en raison de son talent à séduire une nouvelle fille chaque week-end. Mais pour lui, même les rencontres les plus excitantes ne valent pas les moments solitaires qu’il passe devant son ordinateur à regarder des films pornographiques. Barbara Sugarman est une jeune femme lumineuse, nourrie aux comédies romantiques hollywoodiennes, bien décidée à trouver son Prince Charmant.

novembre 2013


Cinéma / Musique / Scène / Littérature / Arts

Les lumières s’éteignent. Le brouhaha s’amenuise. La vraie-fausse (ou faussevraie ?) bande-annonce de Machete Kills Again … In Space ! jaillit avant de nous balancer en pleine figure le titre en caractère grossier mais désormais culte « Machete Kills », accompagné du célébrissime cri Wilhelm, reconnu de tout cinéphile qui se respecte… Le ton est donné.

Machete Kills de Robert Rodriguez déjà à lʼaffiche Action (107ʼ) Avec Danny Trejo, Lady Gaga, Mel Gibson, Michelle Rodriguez, Jessica Alba, Amber Heard

Amateurs de films d’auteurs, de comédies romantiques et autres blockbusters, sortez de la salle, Robert Rodriguez ne s’adresse pas à vous. Pour la suite des aventures de Machete Cortez, le réalisateur mexicain surfe sur la vague provoquée par l’ovni cinématographique Machete en 2010 et nous offre un nouveau délire dont lui seul connaît le secret. Et cette fois-ci, Machete aura la lourde tâche de sauver … le monde ! Ne cherchez pas, Machete Kills ne veut pas innover mais bien sublimer une recette efficace, doublée d’un casting une nouvelle fois détonnant et plein de surprises. Outre l’évincement express de Jessica Alba et le retour du patibulaire Danny Trejo, Charlie Sheen se fond dans la peau du président

En Grèce du Nord, deux communautés religieuses orthodoxes, un couvent et un monastère, se font face au sommet des Météores. Dans ce petit coin de paradis sur terre, le jeune moine Theodoros et la religieuse Urania se croisent régulièrement dans la vallée. Ils vouent leur existence à Dieu mais une attirance grandissante les pousse l’un vers l’autre. Entre l’appel de la chair et les tourments de l’âme, ils devront choisir.

Meteora de Spiros Stathoulopoulos déjà à lʼaffiche Romance (82ʼ) Avec Theo Alexander, Tamila KoulievaKarantinaki

Largement contemplatif, on peut dire que Meteora fait partie des films qui doivent se mériter. Lent, aride et austère à l’image de la vie monacale. Le jeune réalisateur Spiros Stathoulopoulos nous livre un moment d’apesanteur avec des images panoramiques époustouflantes et une mise en scène aussi minimaliste qu’épurée. Le film mêle des scènes réelles et animées à l’aide d’icônes orthodoxes. Celles-ci communiquent, de manière originale, les désirs et les pensées des personnages mais évoquent aussi des mythes grecs et des récits bibliques. Cependant, la volonté de Stathoulopoulos d’aborder le film comme une poésie visuelle présente des limites. Cette réalisation esthé-

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des Etats-Unis (pour la première fois crédité sous son vrai nom, Carlos Estevez), Mel Gibson endosse le rôle d’un méchant pour la 1ère fois de sa carrière, Sofia Vergara s’offre des attributs létaux (au sens propre) et Lady Gaga compose son premier rôle sur grand écran (et on se dit que, finalement, elle sort peut-être tout droit d’un film de série B) et partage le personnage de « El Camaleon » avec Cuba Gooding Jr et Antonio Banderas. Avouons, il fallait oser ! Rodriguez se la joue référence sur référence à l’instar de son pote Quentin (Tarantino) et s’amuse avec les codes de série B et de la « mexploitation » (pour les profanes, wikipédia est votre ami) tout en s’immisçant petit à petit dans la science-fiction. De bon augure pour le 3ème opus. Car oui, Machete will kill again … dans l’espace ! Bref, jouissif, jubilatoire et geek à souhait, Machete Kills ravira les amateurs de Rodriguez, de comédiennes aux formes généreuses et d’hémoglobine. Un film de série B en puissance, teinté d’une autodérision sans limite, où Mel Gibson en richissime mégalomaniaque fan de Star Wars, à lui seul, vaut le détour !

Quentin Geudens

tisante manque d’ancrage dans le réel et pèche par excès d’images symboliques. L’histoire ne dévoile rien de la vie communautaire orthodoxe. De même, elle ne contribue pas à faire exister les personnages. Nous ressentons difficilement, dans les interstices des gestes et des paroles du pope et de la nonne, les pulsions contradictoires qui devraient les animer. Ballotés entre deux mondes, le moine et la religieuse restent la plupart du temps dans une zone de suspension : ils ne prennent pas chair mais ne sont pas non plus touchés par la grâce. Un film à voir, comme œuvre picturale, pour la beauté vertigineuse des paysages et pour l’originalité des fresques animées.

Marie-Laure Soetaert


Seuls trois pays pratiquent l’euthanasie dite « active » : la Belgique, les PaysBas et l’Etat de l’Oregon aux Etats-Unis. C’est donc un thème particulièrement tabou et délicat, bien évidemment susceptible d’engendrer la controverse. Le film traite ouvertement de ce sujet, mais tout en pudeur. Pas de scène rude ou trash : la caméra s’éclipse toujours avant…

Miele de Valeria Golino déjà à lʼaffiche Drame (96ʼ) Avec Jasmine Trinca, Carlo Cecchi, Libero De Rienzo

Si le thème du film est clairement apparent, la singularité du personnage principal incarné par Jasmine Trinca reste malgré tout au centre de l’histoire. Tout en pratiquant l’euthanasie de façon tout à fait illégale, Irène, alias Miele accepte néanmoins de jolies enveloppes bien remplies… Elle n’en ressort cependant jamais indemne, en proie à des questionnements et des tourments. Lorsqu’il s’agit d’un jeune, cela lui devient quasiment insupportable. Elle se libère alors du poids de ses actes par le biais du sport et s’évade au travers de la musique. L’idéologie qui anime Miele est peu exploitée ; la réalisatrice accentue davantage le côté Bruxelles, 2013. Trois amis d’enfance rêvent d’ouvrir un snack. Mais pour cela il leur faut du fric. Beaucoup. Et vite. Comme ils ont mis toutes leurs économies dans un acompte non remboursable, ils sont aux abois. Jusqu’au jour où Samir rencontre une belle bourgeoise qui le paie pour quelques instants de bonheur… Un pitch (potentiellement) comique développé par Ismaël Saidi à l’occasion de son premier long métrage belge au nom évocateur : Moroccan Gigolos.

Moroccan Gigolos dʼIsmaël Saidi déjà à lʼaffiche Comédie (83ʼ) Avec François Arnaud, Reda Chebchoubi, Coretin Lobet

Afin de ne pas plonger directement dans les stéréotypes (rires), le réalisateur/scénariste se pourvoit d’un casting blanc-black-beur politiquement correct (du moins en théorie) avec François Arnaud, Eddy King et Reda Chebchoubi. Ces noms ne vous disent rien ? Ne vous en faites pas … Mis en scène avec un talent qui frise l’amateurisme à en faire frémir Edward Wood, et soutenus par une réalisation à peine maîtrisée, les trois compères, affublés de seconds rôles désolants, tentent tant bien que mal de balancer à tout va des répliques hypothétiquement cinglantes mais concrètement tou-

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fragilisé du personnage. Sans doute cherchet-elle à donner un sens à sa propre existence en pratiquant ces actes. Outre la peur d’être identifiée, le mal-être de la jeune femme grandit au fil du temps. Et puis sa rencontre avec Monsieur Grimaldi va finir de la déstabiliser complètement. « Personne n’a jamais réellement envie de mourir » comme elle le dit dans le film, et on comprend bien que cette décision extrême n’aboutit que lorsque ces êtres humains n’en peuvent plus. Las de leurs souffrances physiques mais aussi parfois de l’ennui effroyable qu’ils ressentent dans leur vie.… Le destin du personnage alternatif de Monsieur Grimaldi nous surprend toutefois à la fin du film. Le film oriente la réflexion du téléspectateur sur le droit de chacun à disposer de son corps et quelle qu’en soit la raison. Ce premier long métrage de Valeria Golino reste sombre, mais la prestation de la belle Jasmine Trinca est remarquable : à la fois secrète, paumée dans sa vie et « tueuse » sur demande, son rôle est ambigu tout au long du film.

Inès Bourgeois

jours aussi efficaces qu’une tentative de suicide par overdose d’hamburgers. Notons aussi la présence d’artifices supposés porter le film, telle que la présence de Stéphane Pauwels lors d’une courte scène (ouf !) aussi superflue que pathétique, ou encore les quelques plans esthétiquement et volontairement gracieux mais toujours superficiels et inutiles à la diégèse. Toujours à la limite du vulgaire, Moroccan Gigolos touche le fond dès les premières minutes (et continue de creuser) sans jamais assumer son statut de « comédie » à prétention multiculturelle et demeurera, on l’espère, un exercice unique de prostitution cinématographique. Le film, gigolo en puissance, dépouille en effet les spectateurs mais oublie de leur offrir les quelques instants de bonheur promis et dus. À oublier. Et vite.

Quentin Geudens

novembre 2013


Cinéma / Musique / Scène / Littérature / Arts

Omar vit en Cisjordanie. Habitué à déjouer les balles des soldats, il franchit quotidiennement le mur qui le sépare de Tarek et Amjad, ses deux amis d’enfance, mais surtout de Nadia, l’élue de son cœur. Seulement, avant d’être l’élue de son cœur, elle est la sœur de Tarek, et elle est aussi l’élue du cœur d’Amjad. Bref, c’est un beau foutoir quoi. De plus, Omar, Tarek et Amjad ont décidé de créer leur propre cellule de résistance et ils lancent leur première action. Mais voilà, tout ne se passe pas comme prévu et Omar se retrouve pris dans un engrenage qu’il n’était pas prêt à affronter. Omar de Hany Abu-Assad déjà à lʼaffiche Drame (96ʼ) Avec Essam Abu Aabed, Foad Abed-Eihadi, Adel Abu-Lasheen

Lettre à Momo de Hiroyuki Okiura déjà à lʼaffiche Animation (120ʼ)

Le film traite de la manière dont le jeune Omar va devoir faire ses choix de vie et pour qui il devra les faire. S’il va choisir de sauver sa peau en faisant couler ses amis pour pouvoir couler des jours paisibles avec celle qu’il aime ou s’il va résister au chantage des agents fédéraux. Pour le réalisateur Hany Abu-Assad (Paradise Now) l’idée était de faire ressentir comment se passe la vie en Cis-Jordanie, et pour ce faire, il s’est emparé d’éléments réels qu’il a croisé à des éléments fictionnels. « Quand

Trois gouttes d'eau tombent du ciel. Trois gouttes d'eau tirant Momo de sa mélancolie et de la contemplation de trois signes calligraphiés, début de la dernière lettre que son père voulait lui adresser. Trois gouttes d'eau la suivant, sa mère également, sans que l'on sache pourquoi, jusqu'à la révélation de la moitié du film. Trois gouttes d'eau prenant la forme de yōkais, monstres de la tradition japonaise, et, de ce fait, faisant peur à notre héroïne. Trois gouttes d'eau, ou maintenant, trois monstres dévalisant les récoltes de l'île de Shio et dont la présence, dans la maisonmême de la jeune fille et à chacune de ses sorties, soulève beaucoup de questions, mais aussi de rires. Trois gouttes d'eau ou toute la poésie des traditions du Pays du Soleil Levant, qui apporte de la candeur et de l'humour, jusque dans les moments les plus noirs de la vie, ces moments où le deuil frappe une famille, sans le moindre avertissement. L'humour et le rire se partagent, en effet, chacune des scènes, et l'on se retrouve à quêter la moindre bêtise de ces trois énergumènes

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vient le moment de faire le film, la réalité n’est pas aussi importante que la vraisemblance, et dans le cas de Omar, chaque scène est à la fois vraisemblable et proche de la réalité. » Le film est prenant au début. Les trajets de Omar pour rejoindre ses ami(e)s de l’autre côté du mur, les entrainements au tir dans la nature et la première tentative d’action sont bien menés. On bascule entre tension et rire et le réalisateur nous embarque sans difficultés dans son histoire. Cependant, l’histoire d’amour entre Omar et Nadia est super niaise. Ils se passent des mots en secret pendant un tiers du film, puis pendant un autre tiers elle lui dit une fois oui une fois non, et pendant le dernier tiers, on a juste envie qu’ils en finissent. La fin a au moins le mérite d’être déroutante mais là encore, j’aurais peut-être préféré qu’elle soit moins soudaine et un peu plus approfondie pour l’ensemble des personnages. En conclusion, le film a ses qualités mais il est vraiment trop « amours adolescents » pour être vraiment bon.

Baptiste Rol bien étranges, et le moindre changement dans le comportement de la petite Momo. Car, finalement, à l'aide de ces artifices monstrueux, l'on voit notre héroïne évoluer dans sa nouvelle vie, affronter les défis que tous ces chamboulements ont mis sur son chemin, jusqu'à se rapprocher, enfin, de sa mère. Ce long-métrage fait énormément penser au Voyage de Chihiro ou à Mon Voisin Totoro, chefs-d'œuvre d'Hayao Miyazaki, que ce soit pour les paysages magnifiques d'un Japon traditionnel, ou pour l'insertion des mythes et légendes nippones dans un quotidien contemporain. Néanmoins, ce film se démarque de ses prédécesseurs par un trait plus brouillon, laissant ainsi plus de place à l'imaginaire foisonnant de ce pan de la mythologie, ce qui donne envie de se laisser porter par l'histoire, malgré la ressemblance frappante avec Mon Voisin Totoro. Lettre à Momo porte en lui tout le charme de la civilisation japonaise et permet d'aborder le thème du deuil d'un parent tout en finesse.

Adeline Delabre


Blackfish de Gabriela Cowperthwaite Sortie le 30 octobre 2013 Documentaire (83ʼ) Avec Kim Ashdown, Ken Balcomb, Samantha Berg

Fonzy dʼIsabelle Doval Sortie le 30 octobre 2013 Comédie (103ʼ) Avec José Garcia, Audrey Fleurot, Lucien JeanBaptiste

Tilikum est un orque qui fait partie de l’un des shows aquatiques les plus connus au monde, celui du SeaWorld d’Orlando. Mais avant de faire rêver les visiteurs du parc, Tilikum était un orque en liberté, nageant au gré des courants marins l’amenant aux larges de l’Islande, lieu de sa capture en 1983. Depuis, ce cétacé de près de six tonnes, le plus grand en captivité, émerveille les visiteurs mais défraye régulièrement la chronique. Après avoir tué trois personnes depuis le début de sa « carrière », l’animal est encore et toujours présent dans les bassins floridiens. Une présence contestée par les défenseurs de la cause animale mais également par de nombreux professionnels qui qualifient l’animal de bête sauvage naturellement dangereuse. Sans en éluder la moindre partie, le documentaire nous présente au travers de séquences vidéos authentiques les différentes étapes qui ont amené Tilikum à devenir le tueur qu’il est aujourd’hui. De fait, tout démarre en Islande et par le transfert d’un groupe d’orques vers le Sealand of The Pacific situé au Canada. Ce parc fût critiqué à maintes reprises. Par la suite, il fût fermé en 1991, envo-

yant ses orques, dont Tilikum, dans un nouvel espace, le SeaWorld. Mais pourquoi ? De fait, Blackfish et sa réalisatrice Gabriella Cowperthwaite, nous dévoilent une série de témoignages très durs à l’encontre de cette captivité. Renforcé par la présence de documents réels, le documentaire nous plonge dans l’univers du divertissement business. Et pour cause, Tilikum a, en 2010, tué sa dresseuse Dawn Brancheau en pleine représentation. Un évènement qui a marqué les spectateurs mais aussi l’Amérique toute entière. De manière très objective, le documentaire dépeint la face sombre de ce show splendide. Sans nier la dangerosité de l’animal, et de l’espèce dans son ensemble, il apporte des éléments permettant d’expliquer la violence dont a plusieurs fois fait preuve l’animal.

Fonzy est le remake français d’un film québécois, Starbuck réalisé par Ken Scott et sorti en 2011. Il faut l’avouer, le remake francophone d’un film francophone, qui plus est, très bon, c’est moyen. De plus, un des gros soucis récurrents des comédies françaises est le choix des jeunes acteurs et actrices. On a toujours l’impression d’avoir affaire au neveu du producteur ou à la belle fille du réalisateur, ou à un comédien ne connaissant que le théâtre. Lorsqu’Isabelle Doval a défendu son film à l’avant-première, je dois avouer que j’étais plutôt enthousiaste. Elle a par exemple évoqué le fait que dans le film de Ken Scott, les enfants sont tous blancs alors que l’utilisation des échantillons pour 500 cas permettait d’avoir des enfants de différentes origines. C’est pourquoi la réalisatrice nous a dit avoir privilégié la diversité comme avec l’actrice Alice Bélaïdi. De même, Isabelle Doval dit avoir davantage donné la parole aux enfants, et avoir approfondi la question de la paternité. Le problème est que rien de ce qu’elle annonce ne se retrouve dans le film. Les enfants prononcent une ou deux phrases bateaux, Alice Bélaïdi représente effectivement

la diversité puisqu’elle en est presque la seule représentante. On aperçoit un noir dans un coin, et une petite grosse à la fin d’un plan. C’est ce que l’on appelle de la « diversitéreprésentative » ou aussi de la « poudre aux yeux ».

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Bref, ce film sonnera comme un écho dans l’esprit des Européens qui n’y verront qu’une suite logique à la politique menée sur notre continent concernant l’interdiction de détenir des bêtes sauvages en captivité. Néanmoins, il servira à conscientiser les plus réticents et à redéfinir clairement les limites de la relation complexe entre l’homme et l’animal.

Matthieu Matthys

Quant à la réalisation, elle est banale et redondante. Dès qu’il se passe plusieurs choses à la fois, c’est la facilité qui l’emporte : on enchaîne les plans sur une musique indé-pop. Il est impossible d’avoir des passages émouvants sans musique derrière et à force, il n’y a plus aucune émotion. En bref, le film est ennuyeux et le casting poussif. Mais, à vingt minutes de la fin du film, il se passe quelque chose. On s'intéresse au dénouement, on rit à gorge déployée et quelques fois, on a la larme à l’oeil, on est heureux. Et même, on ressort du film content et ému. Mais cela est le fruit d’un scénario bien ficelé et de dialogues bien écrits. En résumé, Fonzy est un hold-up malgré une fin réussie.

Baptiste Rol

novembre 2013


Cinéma / Musique / Scène / Littérature / Arts

Arthur Vlaminck (Raphaël Personnaz) vient d'être engagé au Ministère des Affaires Étrangères pour s'occuper du langage. En clair, écrire les discours du Ministre. Mais pas n'importe quel ministre: il s'agit d'Alexandre Taillard de Vorms. Ce dernier est cultivé, manie les bons mots, jongle avec les expressions verbales... et Arthur doit trouver sa place. D'abord comprendre ce que veut le Ministre, ensuite s'imposer à son entourage.

Quai dʼOrsay de Bertrand Tavernier Sortie le 6 novembre 2013 Comédie (113ʼ) Avec Thierry Lhermitte, Niels Arestrup, Joséphine de La Baume

Le film est adapté de la BD éponyme de Christophe Blain et Abel Lanzac. Depuis peu, nous savons que ce dernier est le pseudonyme du diplomate Antonin Baudry, qui travailla sous la houlette de Dominique de Villepin.... Et Alexandre Taillard de Vorms est clairement Dominique de Villepin. La BD fut un succès. Et qu'en est-il du film? Cette transposition des petites cases vers le grand écran est-elle une réussite? Certes, le passage d'une BD vers l'écran est une gageure, et hélas, très souvent, tout se termine par un flop. Faut-il rappeler Boule et Bill? Marsupilami? Pour-

Edgar Reitz n’en est pas à son premier coup d’essai en matière de films historiques. Ses trois Heimat précédents retraçaient en plus de cinquante heures l’histoire d’une famille allemande vivant dans un village imaginaire de Rhénanie (Schabbach), à trois périodes charnières de l’histoire de l’Allemagne (de 1919 à 1989).

Die andere heimat dʼEdgar Reitz Sortie le 13 novembre 2013 Drame (225ʼ) Avec Jan Dieter Schneider, Antonia Bill, Maximilian Scheidt

Cette fois, il nous revient avec un diptyque qui nous plonge dans un passé plus lointain. En 1842, le cadet de la famille Simon, Jakob, se passionne pour les livres. Il a soif de liberté et d’aventure et souhaiterait ardemment émigrer. Son père, forgeron, réprouve fortement cet attachement et aimerait que son fils suive ses traces. Mais les temps changent. La Révolution française a éveillé des idéaux de liberté. De plus en plus d’Allemands, fortement éprouvés par la famine et les maladies qu’elle emporte dans son sillage, décident d’émigrer en Amérique du sud. Le clan Simon, lui aussi, ne sera pas épargné et va traverser de nombreuses épreuves. Reitz a indéniablement un talent pour ressusciter un monde disparu. Grâce à un réalisme minutieux, de belles images en noir et

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tant cadrage, mise en scène font partie du vocabulaire commun: y aurait-il une malédiction? Thierry Lhermitte, dans le rôle du ministre, est en très grande forme. On virevolte dans les couloirs de l’Administration. On sourit en voyant les déboires des uns et des autres. On rit aussi... les bons mots foisonnent. Mais... Mais voilà tout cela ne fait pas vraiment un film. Beaucoup de gesticulations... et le scénario se résume à des instantanés de la vie dans le bureau d'un ministre. Trop souvent des scènes sont répétées suivant le même schéma : le ministre fait sa crise, les feuilles volent,... et le discours est à refaire. Et le fait de « sortir » des bureaux pour aller en mission ne change pas grand chose: le décor est autre, malheureusement la soupe reste la même. Quelques passages sont mémorables, mais 1H53 de logorrhées, de gesticulations, même avec quelques rires et sourires : cela fait long. Et je reste très mitigé... à croire qu'une BD, en définitive, reste et doit rester dans ses cases. Et pour relancer le débat (puisque les soirées deviennent longues), Tintin est-il une réussite?

Philippe Chapelle

blanc parsemées de quelques impressions de couleur et une lumière contrastée, il réussit à magnifier la nature, la fête, le deuil, la souffrance, le labeur. Son épopée épique nous fait vivre avec beaucoup de justesse le quotidien âpre de ces paysans. À l’heure où nos pays sont devenus des terres d’immigration massive, nous avons tendance à occulter l’autre face du problème, celle de l’émigration. Nous avons oublié que couper les liens affectifs avec ses proches et se défaire de ses habitudes de vie demandent une force énorme. Dans ce contexte, une histoire comme die andere Heimat résonne de façon particulièrement troublante.

Marie-Laure Soetaert


Un restaurant branché à Amsterdam. Deux frères se donnent rendez-vous avec leurs épouses pour discuter de leurs enfants. De l’apéritif au plat principal, le sujet sera soigneusement évité mais le véritable enjeu va, peu à peu, se profiler : que faire avec l’acte de violence inouïe commis par leurs fils respectifs ?

Het Diner de Menno Meyjes Sortie le 7 novembre 2013 Thriller, Drame (88ʼ) Avec Daan Schuurmans, Thekla Reuten, Kim van Kooten

Inside Llewyn Davis de Joël et Ethan Coen Sortie le 6 novembre 2013 Biographie, Drame (105ʼ) Avec Oscar Isaac, Carey Mulligan, Justin Timberlake

Le film se raconte à travers les yeux de Paul (Jacob Derwig), un des deux frères. Professeur d’histoire plutôt sympathique au ton pour le moins caustique (écarté de la profession d’ailleurs suite à ses sautes d’humeur imprévisibles et à ses idées radicales sur la société moderne), ce père de famille a des opinions bien tranchées sur pas mal de sujets. Notamment sur son frère, politicien de la nouvelle gauche néerlandaise, qu’il soupçonne d’avoir adopté un petit africain comme on s’approprie un accessoire, à toutes fins (politiques) utiles. Paul redoute fortement le dîner car il veut avant tout préserver sa femme du drame. Il pense être le seul au courant de l’ampleur de la situation. Mais les certitudes de Paul vont être taillées en pièces au cours de la soirée. Cela ne se passe pas vraiment comme il l’avait prévu. Inside Llewyn Davis raconte une semaine de la vie d'un jeune chanteur de folk dans l'univers musical de Greenwich Village en 1961. Llewyn Davis est à la croisée des chemins. Alors qu'un hiver rigoureux sévit sur New York, le jeune homme, sa guitare à la main, lutte pour gagner sa vie comme musicien et affronte des obstacles qui semblent insurmontables, à commencer par ceux qu'il se crée lui-même. Il ne survit que grâce à l'aide que lui apportent des amis ou des inconnus, en acceptant n'importe quel petit boulot. Inspiré très librement de la vie de l’artiste Dave Van Ronk, le duo inséparable des frères Coen s’approprie une nouvelle fois un personnage atypique et attachant dans une atmosphère qui leur est propre, à la limite du kafkaïen. Sorte d’étrangeté impalpable à laquelle Oscar Isaac (Drive), interprète principal, fait écho impeccablement. Sans aucune volonté d’une catégorisation qui serait bien trop réductrice, le film des Coen appartient, du moins en partie, au genre du « road movie ». Une courte odyssée, catalysée par la fuite d’un chat répondant délibérément au petit nom d’Ulysse, qui nous emmène à la rencontre de personnages aussi éclectiques qu’improbables. Justin Timber-

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Het diner est une adaptation du roman de Herman Koch qui a fait un carton aux PaysBas et un peu partout en Europe. Le film est à la fois une étude de mœurs, une satire sociale et un thriller. Inégalement mis en scène par le fait de cette multiplicité des genres, le film de Menno Meyjes (scénariste de Spielberg) dévoile, avec un style au cordeau, les petits arrangements complaisants que certains parents font avec leur conscience face à cet acte de violence gratuit. Un peu brouillon dans son récit chronologique, le film a néanmoins le mérite de nous laisser quelques questions morales. Comme celle-ci : jusqu’où peut-on aller pour préserver le ciment familial ?

Marie-Laure Soetaert lake (Friends with Benefits) déguisé en 1er de classe chantant gaiement « Please, Mr. Kennedy » et John Goodman (The Big Lebowski) en producteur toxicomane antipathique valent à eux seuls le détour. À l’image de l’audacieuse scène introductive du film, la bande originale exceptionnelle, interprétée notamment par Oscar Isaac et sa voix enivrante, porte littéralement le film de bout à bout et plaira à toutes les oreilles. Inside Llewyn Davis, tout en créant la surprise, s’inscrit sans aucun mal dans la lignée des précédents films de Ethan et Joel Coen tels que No Country For Old Men, The Big Lebowski ou encore Fargo, et justifie facilement son Grand Prix du Jury reçu il y a quelques mois à Cannes. Une véritable démonstration de mise en scène pour cette ode au folk et aux années 60. Bref, un film sans fausse note aux dialogues savoureux, mené avec une véritable sincérité et un sens impressionnant du réalisme à tel point qu’il faut, à plus d’une reprise, se retenir d’applaudir de manière très pavlovienne après la performance d’une chanson par Oscar Isaac (ou d’autres). Il ne reste plus qu’à souhaiter à ce dernier qu’il ait un prénom à dimension prémonitoire…

Quentin Geudens

novembre 2013


Cinéma / Musique / Scène / Littérature / Arts

« On a tous une passion mais parfois la vie décide de ce que tu fais ». Marina est le nouveau film de Stijn Coninx – étant déjà à l’origine entre autre de Daens et Sœur Sourire – basé sur les souvenirs d’enfance de Rocco Granata, chanteur italo-belge et virtuose de l’accordéon devenu célèbre avec sa chanson du même nom.

Marina de Stijn Coninx Sortie le 6 novembre 2013 Drame Avec Chris Van Den Durpel, Matteo Simoni, Ludo Hellinx, Luigi Lo Cascio, Evelien Bosman

Italie, 1948, Rocco alors âgé de 10 ans vit dans un petit village pauvre de Calabre jusqu’au jour où son père – Salvatore – décide de partir pour la Belgique en quête d’un meilleur avenir pour sa famille. Il part seul dans l’espoir de gagner assez d’argent afin de pouvoir revenir riche au pays dans trois ans mais il fera rapidement venir sa famille à Waterschei. Du jour au lendemain, dans la grisaille du Limbourg, Rocco devient un migrant. Il se heurte à une langue et à une culture différente ainsi qu’au racisme de l’époque de la bourgeoisie flamande. Il lui faudra lutter. Lutter pour réaliser ses rêves, lutter pour son identité, pour sa passion. Car Rocco veut devenir quelqu’un dans un pays où il n’est encore personne.

Les forêts sont les joyaux biologiques de notre planète. Partant du constat de la déforestation massive actuelle, ce film nous raconte et nous explique la naissance ou plutôt la renaissance de la forêt tropicale. On comprend rapidement l’extrême interrelation qui existe entre le règne animal et le règne végétal. On saisit également l’extraordinaire complexité de cet univers qui n’a d’égale que sa grande fragilité face à l’homme destructeur.

Il était une forêt de Luc Jacquet Sortie le 13 novembre 2013 Documentaire (78ʼ)

À la forêt pionnière (programmée pour vivre 50 années) succède la forêt secondaire qui peut ensuite croître durant 7 siècles. Et contrairement à ce que l’on pourrait s’imaginer, les arbres sont de grands voyageurs : chaque morceau de forêt a fait un bout de chemin avec un animal. C’est leur concours involontaire qui transporte et sème. Mais la forêt utilise toutes les formes de pollinisation : par les animaux, l’eau, le vent ou encore l’allogamie (auto-pollinisation). Comme dans la nature rien n’arrive par hasard, les arbres, eux aussi, obéissent à ces lois. Tout est prévu et minutieusement orga-

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Ce film est à l’image d’une partition : on se retrouve entrainé dans une valse tournoyante et pleine d’émotions. De la comédie au drame, de la romance au film historique, des paysages ensoleillés de Calabre à la bruine belge, du métier de mineur à celui de musicien,… Evelien Bosman (La Ragazza) et Matteo Simoni (Rocco) y dansent à merveille, nous emportant au passage avec eux dans leur histoire d’amour touchante et belle à sa façon. Alternant l’italien et le flamand, on se laisse facilement charmer par le mélange des accents, des expressions et des cultures. Si cette mixité nous semble aujourd’hui évidente, elle était loin de l’être à l’époque. Luigi Lo Cascio et Matteo Simoni sortent du lot, se distinguant par deux excellentes prestations riches en émotions et signent les plus belles scènes du film. S’il y a pour moi une chose à retirer de ce film, c’est l’importance cruciale d’avoir un rêve. Un rêve auquel il faut avoir la force de s’accrocher, coûte que coûte, car c’est ce rêve qui, en fin de compte, définit le mieux qui nous sommes.

Margot Thibaut

nisé pour vivre et grandir, survivre et procréer. De la plus petite fourmi protectrice jusqu’à la modification des feuilles ou des fleurs pour attirer ou repousser, la complexité du système est stupéfiante et époustouflante d’ingéniosité. Si le film s’adresse avant tout à un public ciblé d’amoureux de la nature ou de parents désireux de sensibiliser leurs enfants, il est agréable à regarder même s’il y a quelques longueurs. Un film bien tourné par Luc Jacquet, toujours passionné de nature. Les vues de la canopée sont superbes, et du plus petit au plus grand, le cadrage met tout cela en valeur de façon poétique. Grâce au concours de Francis Hallé, grand botaniste français, ce filmdocumentaire est riche et didactique : un patrimoine en mode pellicule qu’il faut à coup sûr visionner. Représentant l’un des enjeux écologiques majeurs, les grandes forêts sont notre salut : chaque arbre est un poumon pour la planète qui s’asphyxie un peu plus chaque jour.

Inès Bourgeois


Lʼinconnu du Lac dʼAlain Guiraudie Sortie le 20 novembre 2013 Policier, Drame (97ʼ) Avec Pierre Deladonchamps, Christophe Paou, Patrick dʼAssumçao

L’inconnu du lac, le nouveau film d’Alain Guiraudie fait sauter les verrous des convenances. Entre porno gay et thriller homosexuel, le film, acclamé à Cannes et interdit au moins de 16 ans, décloisonne les genres. En portant à l’écran des scènes de sexe crues, Alain Guiraudie prend le pari de tout montrer, sans artifice, et en toute simplicité. Le cinéaste aveyronnais a campé son intrigue autour d’un lac, quelque part en France. C’est l’été, le moment propice aux plans dragues. Un lieu-dit pour les homos nudistes. Une chasse en plein air. Franck (Pierre Deladonchamps), un habitué des lieux, y rencontre Henri (Patrick d'Assumçao), un hétérosexuel bedonnant qui va devenir son ami, et Michel (Christophe Paou), un bel homme musclé dont il tombe amoureux. Dans cette nature luxuriante, Alain Guiraudie filme des hommes de tous âges qui se retrouvent dans les sous-bois pour se lorgner, se mater, se toucher à tout moment de la journée. De prime abord, on a l’impression qu’il se complait à nous mettre dans l’inconfort avec certains passages incongrus. Mais on réalise vite que tout ceci est tourné Guillaume Gallienne adapte sur grand écran sa pièce de 2009, Les Garçons et Guillaume, à table !, soit le récit d'un malentendu invraisemblable : durant sa jeunesse, il fut entendu pour tous que Guillaume était homosexuel. Mais l'est-il vraiment ?

Les garçons et Guillaume de Guillaume Gallienne Sortie le 20 novembre 2013 Comédie (85ʼ) Avec Guillaume Gallienne, Françoise Fabian, Yves Jacques

On identifie très vite le principal souci de ce film : Guillaume Gallienne ne sort jamais de son texte. Entre anecdotes cocasses et psychanalyse sur le pouce, Gallienne s'en tient au cahier des charges de son one man show autobiographique. Résulte l'impression d'un film sans débordement, balisé par une voix off omniprésente, style bateau mouche presque. C'est bête à dire mais Guillaume Gallienne semble oublier faire du cinéma. Certes le texte est mordant, il est surtout trop riche à la base. Le faire rentrer entier dans le film, ce n'est pas laisser beaucoup de place au reste. Voir à ce propos la mise à nue finale : Gallienne retourne à la scène et à son spectacle comme à l'essentiel et enterre ce qui reste de cinéma sous un dernier monologue péniblement démonstratif. Reste à Gallienne un talent certain pour la comédie dont les origines coïncideraient - le

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au-delà de la provocation, avec une légèreté trompeuse. En véritable peintre réaliste, il dresse le tableau complet des relations amoureuses et sexuelles, sans fard, en toute franchise. Il montre en gros plans le corps dans tous ses états (des musclés, des rondouillards). Il raconte l’attente, le désir, la passion et ses excès. Il aborde les différentes attitudes face au sexe (du désabusé au consommateur sans limites). Il révèle aussi l’isolement terrible qui gagne certains de ces hommes. L’ennui, c’est qu’Alain Guiraudie ne s’embarrasse d’aucun ressort dramatique. Les périodes de flottements se succèdent. Il y a, certes, de belles photographies de la nature mais on attend l’évolution de cette fameuse intrigue qui reste désespérément au fond du lac pendant la bonne moitié du film. De plus, le film joue beaucoup sur la répétition de plans : le lac, le soleil, la plage, le parking et les bosquets. Un vague ennui s’installe, et si des scènes cocasses, notamment avec l’inspecteur, nous agrippent de temps en temps, on doit bien avouer que l’on ne s’emballe pas souvent. Entre l’indolence des vacanciers et la lumière solaire aveuglante, ce huit-clos finit par lasser et même par nous étouffer.

Marie-Laure Soetaert film nous l'explique - avec sa volonté de devenir femme. Jeune, Guillaume collectionne de ses modèles féminins les attitudes, les tics de prononciation qui constituent aujourd'hui le répertoire maniériste qu'on lui connait. Comique de manière précisement, la mièvrerie too much du personnage est désopilante non pas parce qu'il est gay, mais justement parce qu'il joue le gay ; parce que Guillaume croit en son homosexualité postiche. Comprendre une passion (très française) pour le cliché. Après tout, le problème derrière le malentendu du film - l'amalgame - c'est aussi celui de la comédie en France. Il suffit de voir l'obsession française à penser la virilité jusqu'à la caricature (au pif : Les infidèles) pour se rendre compte à quel point la comédie française n'entretient avec son sujet qu'un mâché de stéréotypes se regardant de l'intérieur. Guillaume Gallienne est donc bien un gag français: quelques allusions de sa mère suffisent et le voilà rejouant allègrement La cage aux folles.

Léopold Pasquier

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Rétrospective

Quentin Tarantino

Quentin Tarantino sur Grindhouse ©TFM Distribution

L’homme Quel cinéphile ne connaît pas Quentin Tarantino ? Scénariste, producteur, acteur et réalisateur de films totalement barrés et cultissimes. Né le 27 mars 1963 à Knoxville, Tennessee, il est devenu l'un des cinéastes les plus influents de notre génération. Ses caractéristiques ? De la violence esthétique, de l'humour noir, une place importante accordée aux dialogues et des personnages atypiques. Portrait cinématographique de celui que l'on nomme l'enfant terrible d'Hollywood. D'acteur à réalisateur... il n'y a qu'un pas Tarantino a toujours été attiré par le métier d'acteur. Fan d'un certain... John Travolta, il s'inscrit dans une école d'art dramatique début des années 80. En bon passionné de ciné, il se trouve également un job dans un vidéo club où il aura tout le loisir d'enrichir sa culture cinématographique. Ses genres de prédilection: les westerns spaghettis, le Kung-fu, le polar ou encore la blaxploitation. Il se découvre aussi des talents de scénariste en ré-écrivant les scripts que ses amis et collègues lui proposent. Les ventes des scénarios de True Romance et Tueurs nés lui permettront de récolter suffisamment de fonds pour réaliser... en moins d'un mois ce qui sera son premier succès, Reservoir Dogs. Incursion dans l'univers des gangsters

Les premiers films de Tarantino nous emergent dans le monde impitoyable des malfrats. De Reservoir Dogs à Jackie Brown en passant par la claque Pulp Fiction, le spectateur suit en effet le quotidien de personnages peu recommandables. Et paradoxalement, ce n'est pas tant l'action qui est mise en avant dans ces films mais plutôt l'art de la parole. Menant à des situations tantôt loufoques, inattendues ou carrément explosives mais dans tous les cas souvent mortelles, les mots dans les films de Tarantino sont aussi dangereux qu'un sabre de Samourai. Ces premiers films posent les bases du style "Tarantinien". Nous, les femmes Avec Jackie Brown, Tarantino amorce un changement pour le moins radical en mettant en avant le genre féminin. Que ce soit par leur intelligence ou la force physique, le réalisateur nous montre comment ces femmes parviennent à se dépêtrer de situations dangeureuses. Avec le dyptique Kill Bill et Death Proof, il n'épargne pas la gent masculine. Les quelques rôles masculins qui osent s'en prendre à ses héroines finissent en effet tous à la casserole. "La vengeance est un plat qui se mange froid" Le thème de la vengeance est également très présent dans les films du célèbre réalisateur. De Kill Bill à

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Django Unchained en passant par Death Proof, ce ne sont pas moins de 5 films qui illustrent la vengeance de personnages qui en ont bien bavé. Au travers de ces longs métrages relativement violents, Tarantino rend hommage aux genres qu'il affectionne tant. Que nous réserve-t-il pour la suite ? Récemment récompensé par le Prix Lumière à Lyon, Quentin Tarantino est sans aucun doute l'un des cinéastes actuels les plus emblématiques qui a su forger son propre style cinématographique. Une quasi certitude : l'enfant terrible d'Hollywood n'a pas fini de nous surprendre... et c'est tant mieux !


Pulp Fiction Ou comment un film indépendant débarquant tel un ovni en octobre 1994 est devenu culte aujourd'hui.

©D.R.

L’oeuvre

Quentin Tarantino n'a pas acquis son statut de grand réalisateur pour rien. Il a en effet osé faire ce que peu ont osé: briser les codes conventionnels des films d'action et de criminels. Dans Reservoir Dogs, son premier long métrage, il nous narrait l'histoire d'une bande de voleurs sous forme de flashbacks. Il a repris cette structure dans Pulp Fiction en allant encore plus loin: raconter trois histoires reliées entre elles de manière non linéaire et sans que cela n'entrave la bonne compréhension du film. Ainsi, dans Pulp Fiction, ce n'est pas un seul acteur principal que l'on suit mais plusieurs. Ce choix de narration découpée en chapitres qui plus est était pour l'époque totalement nouveau et en a surpris plus d'un. Pulp Fiction peut se targuer d'avoir popularisé ce style de narration. Les films sortis après 1994 tels que Lost Highway, Memento, Snatch ou encore Cloud Atlas ont en effet repris ce procédé.

Tarantino a également pris des risques dans le choix de ses acteurs. Il n'a en effet pas hésité à se tourner vers de jeunes acteurs alors en quête de reconnaissance ou carrément sur le déclin, à l'exception de Bruce Willis qui avait déjà acquis son statut de star internationale. Pulp Fiction a ainsi révélé un grand nombre de talents et leur a permis de faire décoller leurs carrières.

critiques ont reconnu les nombreuses qualités de ce film qui a obtenu de multiples récompenses dont la Palme d'Or au festival de Cannes en 1994. Pulp Fiction a aussi et surtout consacré le style de Quentin Tarantino. Considéré comme l'un des films les plus influents des années 1990, Pulp Fiction a selon nous encore de beaux jours devant lui.

La qualité des dialogues de Pulp Fiction a également été soulignée par les critiques. Le film est en effet truffé de conversations sur des sujets totalement banals mais jamais ennuyants. Les discussions sur les hamburgers, massages de pieds et passages de la Bible n'ont jamais été aussi accrocheuses et délirantes. Pour couronner le tout, Pulp Fiction regorge aussi de nombreuses scènes cultes : la danse de Uma Thurman avec John Travolta, la scène de l'injection d'adrénaline (choquante pour l'époque), la confrontation entre Bruce Willis et Ving Rhames et la libération de ce dernier sans oublier l'arrivée de Harvey Keytel pour ne citer qu'elles. L'on peut aujourd'hui percevoir le style qui caractérise ces dialogues et scènes dans d'autres oeuvres culturelles telles que les dessins animés Looney Tunes et The Simpson ou encore les jeux vidéo GTA.

Anaël Munsch

La fiche du film

En octobre 1994 sortait en salle Pulp Fiction. Ce film de gangster burlesque réalisé par Quentin Tarantino a rencontré un énorme succès aussi bien critique que commercial. La recette ? Un scénario original, des personnages loufoques, des dialogues savoureux, un mélange de violence et d'humour noir le tout accompagné par une bande originale décalée. 19 ans après sa sortie, Pulp Fiction reste indémodable. Retour sur un film en avance sur son époque.

Pulp Fiction Policier, Thriller de Quentin Tarantino Avec John Travolta, Samuel L. Jackson, Uma Thurman

L'odyssée sanglante et burlesque de petits malfrats dans la jungle de Hollywood à travers trois histoires qui s'entremêlent.

En conclusion, ces ingrédients mélangés ont donné naissance à une oeuvre majeure du cinéma qui a connu la gloire dès sa sortie en octobre 1994. Les

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Cinéma / Musique / Scène / Littérature / Arts

Halloween fait son cinéma ! « Quel est ton film d’horreur préféré ? » Scream de Wes Craven

© Universal Pictures

La rétrospective La nuit tombe, une porte grince, des pas dans l’escalier, un cri dans la nuit… Le décor est planté ! Entre terreur et angoisse les films aux grands frissons sont à l’honneur ! Avec la fête d’Halloween qui approche, c’est l’occasion de se pencher sur le cinéma fantastique et autres bons films d’horreur. Le soir du 31 octobre on fête Halloween ! Pour certains c’est un soir comme un autre, mais pour d’autres c’est l’occasion de laisser parler notre côté démoniaque. La tradition moderne veut que l’on s’empiffre de bonbons en célébrant les démons, les sorcières et les vampires. Pour les cinéphiles, rien de tel qu’une soirée projection sur le thème de l’angoisse pour célébrer cette tradition celte qui remonte à plus de 2500 ans. Le cinéma a toujours su mettre en avant les pires créatures avec les 3 genres : fantastiques, horreur et science-fiction. Plusieurs catégories de personnages ou d’« espèces » sont récurrentes. Dracula, par exemple, est l’un des personnages les plus célèbres de l’histoire du cinéma. Il apparait dans plus de films que n’importe quel autre personnage fictif ou non. Les vampires sont très souvent mis à l’honneur à Hollywood. Mais il n’y a bien sûr pas qu’eux ! Les loups-garous, savants fous et autres apparitions démoniaques ont étés les sujets d’une flopées de films, bons ou mauvais. N’oublions pas non plus les affreux zombies, les méchantes créatures de l’espace, les serials killer increvables et la multitude de monstres et mutants dégoulinants en tous genres. On l’avoue, on adore et on recherche ce genre de films. Qui n'a jamais aimé ressentir quelques frissons et montées d'adrénaline ? Mais Pourquoi, me direzvous ? Simplement parce qu’on aime se

faire peur ! On adore retrouver à l’écran nos peurs personnifiées par des créatures toujours plus recherchées. Ce sentiment universel a toujours été une source d’inspiration pour le cinéma depuis ses débuts. C’est tout simplement le carburant du film d’horreur de science-fiction et du fantastique. On regarde une comédie pour se bidonner, on regarde un film d’horreur pour se faire peur. Bref, on aime ça, car le cinéma d’épouvante a un pouvoir sans limite sur notre imagination. Entre fascination, curiosité et dégoût, les monstres et autres créatures attisent nos angoisses pour notre plus grand plaisir ! Malheureusement, on ne peut pas tous aimer ça. Et quand il s’agit de choisir un film, des tensions peuvent naître. Qui n’a jamais négocié un Bridget Jones contre un Massacre à la tronçonneuse ? Voici un argument contre tous les réfractaires de l’horreur et de l’épouvante ! Saviez-vous que regarder ce genre de film serait excellent pour la santé ? Une étude récente britannique révèlerait que regarder un film d’horreur brûlerait autant de calories que de faire le du vélo ou nager pendant 20 minutes. En effet, le stress et la peur provoqués par les scènes intenses entraînent une augmentation du pouls et de la fréquence cardiaque. Le corps subit alors une poussée d'adrénaline. Ce qui chamboule le métabolisme de base, brûlant davantage de calories. Au top des films minceurs, on retrouve Shining avec en moyenne 184 kilocalories. Avec Les Dents de la mer vous pourrez perdre en moyenne 161 kilocalories. L’Exorciste se hisse à la troisième place avec 158 kilocalories. Vous prendrez bien un petit Alien pour la route ? Envie de passer une horrible et terrifiante bonne soirée ? Voilà une liste des 30 classiques du genre. Les incontournables

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ou les perles des films d’horreur, fantastiques ou de science-fiction : - La chose de John carpenter -Shining de Stanley kubirck -Evil dead de Sam raimi -La mouche de David Cronenberg -Drag me to hell de Sam raimi -Alien: le 8ième passage de Ridley Scott -Aliens de James Cameron -L’exorciste de William Friedkin - The Descent de Niel Marshall - Psychose d’Alfred Hitchcosk -The Mist de Frank Darabont -Shaun of the Dead d’Edgar Wright -Saw de James Wan -Dracula de Francis Ford Coppola -Sleepy Hollow de Tim Burton - The Grudge deTakashi Shimizu - The Ring de Hideo Nakata -Poltergeist de Tobe Hooper - Conjuring: Les dossiers Warren de James Wan - Nosferatu de Friedrich Wilhelm Murnau - Tucker & Dale fightent le mal d’Eli Craig - Le Labyrinthe de Pan de Guillermo Del Toro - 28 jours plus tard de Danny Boyle - Insidious de James Wan - Les Dents de la Mer de Steven Spielberg - La Fiancée de Frankenstein de James Whale - Grave Encounters des The Vicious Brothers - Freddy - Chapitre 1 : Les Griffes de la Nuit de Wes Craven -Halloween de John Carpenter -From Hell d’Allen Hughes

Cynthia Tytgat


Prochains frissons Envie de découvrir de nouveaux films qui vous feront frissonner ? Voici les prochaines sorties !

The Mortals instruments de Harald Zwart avec Lily Collins, Jamie Campbell Bower Alors que sa mère est kidnappée par d'étranges créatures, Clary, 15 ans, est témoin d'un meurtre commis lors d'une soirée. Elle est terrifiée lorsque le corps de la victime disparait mystérieusement devant ses yeux... Elle découvre alors l'existence d'un monde obscur et parallèle et y fait la rencontre d’un chasseur de vampires.

Insidious chapter 2 12 janvier: 2013 - 20h Argo

de James Wan avec Patrick Wilson, Rose Byrne Après les événements du premier film, la famille Lambert tente de reprendre une vie normale, mais le monde des esprits semble en avoir décidé autrement. Aidés de Lorraine, Josh et Renai vont tenter de découvrir le secret qui les relie au monde des esprits.

carrie de Kimberly Peirce avec Chloë Grace Moretz, Julianne Moore Nouvelle adaptation du roman de Stephen King, dans lequel une jeune lycéenne, surprotégée par sa mère, use des pouvoirs télékinétiques qu'elle a récemment acquis le jour où ses camarades vont trop loin.

15 janvier 2013 - 20h 14Ender’s janvier game 2013 - 20h de Gavin Hood avec Harrison Ford, Asa Butterfield Dans un futur proche, des extraterrestres hostiles, ont attaqué la Terre. Sans l’héroïsme de Mazer Rackham, le commandant de la Flotte Internationale, le combat aurait été perdu.

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©Georges Biard

l’actu cinéma

©Once upon a time/ABC Studios

Jamie Dornan en Christian Grey

Tout le monde se souvient du succès mondial de la trilogie de E.L. James, Cinquante nuances de Grey, vendue à plus de 40 millions d’exemplaires à travers le monde. Dès ce succès, les studios Universal avaient fait main basse sur les droits d’adaptation et on attendait avec impatience le nom des acteurs figurants au casting. Depuis quelques semaines, le nom de la réalisatrice est connu, il s’agit de Sam Taylor-Wood, cinéaste qui a réalisé Nowhere Boy en 2009, film axé sur la jeunesse de John Lennon, le fondateur des Beatles. En outre, le nom de celle qui incarnera Anastasia Steele était également connu puisque la belle Dakota Johnson (Need for Speed, 21 jump street) a déjà signé pour le rôle. Cependant, l’acteur qui incarnera le charismatique Christian Grey est resté longtemps inconnu. Et pour cause, Charlie Hunnam (Pacific Rim) a claqué la porte laissant la place vacante. Même si beaucoup de noms ont fusé comme Alexander Skarsgard ou Scoot Eastwood, c’est finalement Jamie Dornan qui interprètera le charismatique et ambivalent personnage. M.M.

Box office Belgique

Ed Lauter est décédé à 74 ans

Du 16 au 20 octobre 2013

©MGM

1. Le Verdict 2. Planes 3. Prisoners 4. City of Bones 5. Grown Ups 2 6. Le Volcan 7. 2 Guns 8. Weʼre the Miller 9. T.S. Spivet 10. 9 mois ferme Source : Box Office Mojo

DVD - Blu ray

Le 16 octobre dernier, nous apprenions la mort de l’acteur américain Ed Lauter. L’homme est décédé à l’âge de 74 ans d’un cancer contre lequel il luttait depuis quelques temps déjà.

Alors bien entendu, le comédien était plutôt un habitué des seconds rôles et, dès lors, était peu connu du grand public. Malgré tout, il restera à jamais un incontournable du cinéma d’outre-Atlantique car ses personnages, même s’ils étaient de second plan, étaient souvent important à la compréhension de l’histoire, une sorte de clé de voûte scénaristique. Lui qui avait commencé sa carrière en 1972 dans La chevauchée des sept mercenaires, l’a terminée dans Une Nouvelle Chance de Robert Lorenz. Un acteur de l’ombre qui aura côtoyé les plus grands. M.M.

Roman Polanski et l’affaire Dreyfus À maintenant 80 ans, Roman Polanski ne semble pas vouloir s’arrêter de tourner. Réalisateur de génie mais aussi homme très critiqué, le cinéaste francopolonais va continuer son œuvre après avoir époustouflé la critique avec The Ghost Writer et Carnage. Malgré le fait qu’il soit toujours considéré comme fugitif par Interpol pour une affaire de mœurs datant de 1978 (il n’est blanchi que dans trois pays : la France, la Pologne et la Suisse), Roman Polanski va adapter une histoire judiciaire de grande envergure à l’écran. Evidemment, il ne s’agira pas de sa propre histoire mais bien celle du Capitaine Alfred Dreyfus. Pour rappel, Alfred Dreyfus avait été accusé à tort en 1894 de haute trahison envers son pays, la France, pour avoir livré des documents confidentiels à l’Empire allemand. Dégradé et envoyé au bagne de l’île du Diable, l’ancien militaire va connaître quatre années de douleurs dans les cases du camp guyanais puis encore de longues années d’incertitude derrière les barreaux. Aidé par Emile Zola notamment, le juif alsacien (région alors annexée par l’Empire allemand) deviendra le symbole de la lutte contre l’antisémitisme et l’injustice en France. Pour l’instant, le projet serait en cours d’écriture. En attendant, les fans pourront admirer bientôt dans nos salles son nouveau film, La Vénus à la fourrure. M.M.

Epic de Chris Wedge

L'histoire d'une guerre insoupçonnable qui fait rage autour de nous. Lorsqu'une adolescente se retrouve plongée par magie dans cet univers caché, elle doit s'allier à un groupe improbable de personnages singu-

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liers et pleins d'humour afin de sauver leur monde... et le nôtre.

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Musique

Rencontre avec JJ. Peters Quelques heures après la prestation de Deez Nuts le dimanche après-midi, nous allions retrouver le chanteur et leader du groupe australien : JJ Peters. Rencontre avec un des personnages les plus atypiques du hardcore mais néanmoins extrêmement sympathique.

La rencontre Salut JJ, c'est la première fois que tu viens ici avec Deez Nuts après ton passage avec I Killed the Prom Queen l'an dernier. Qu'est-ce que tu as pensé du concert ? C'est géant mec ! Ici tout le monde prends soin de chacun, il y a une atmosphère incroyable et aujourd'hui sous la tente c'était dingue. Je suis rentré, les guitares ont retenti et c'était la folie. J'adore ça. En général, on est toujours bien accueilli en Belgique, où que ce soit. Le public belge est assez incroyable et on le leur rend bien. Vous venez de sortir un nouvel album, 'Bout It !, que peux-tu nous dire sur celui-ci? Je suis vraiment très content du nouvel album, on a atteint un niveau qu'on

avait jamais eu avant sur les autres. Ça reste du Deez Nuts mais c'est un peu plus propre, plus soigné. On est pas devenu mature bien sûr, ça n'est pas pour bientôt, mais pour la première fois, on a tout enregistré en tant que groupe. Sur les albums précédents, j'enregistrais tous les instruments par moi-même, mais là, on s'y est mis tous ensemble et le résultat est bien meilleur. Tu faisais tous les instruments par toi-même ? Oui mais bon, je ne suis pas guitariste ni batteur, donc ça sonne toujours mieux quand c'est la personne qui joue de l'instrument dans le groupe qui enregistre sa partie. C'est ce qu'on a fait ici sur ce disque.

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Tu as déclaré qu'il t'avait fallu deux semaines seulement pour écrire les chansons de This One's for You. Combien de temps ça t'as pris cette fois-ci ? Cette fois, c'était assez différent puisque les chansons ont été écrites par tout les membres du groupe. On s'y est pris différemment. On a été en Grande-Bretagne passer quelques semaines à Sheffield au studio Drop Dead et on a pris quelques semaines à écrire avant d'aller en tournée et après celle-ci, on a passé une semaine à s'assurer que ce qu'on avait fait nous plaisait avant d'enregistrer. Donc on a été plus occupé mais pas beaucoup, si tu mets le temps d'écriture total, ça ne dépasse pas les trois semaines.


Tonight we gonna party like there 's no tomorrow avec ma Band of Brothers pour quelques shots after shots after shots after shots . Ce sont les paroles de certaines de vos chansons. Profiter de la vie c'est important pour vous ? Bien sûr que ça l'est. On est un « party band » donc ce qu'on aime par dessus tout, c'est passer du bon temps. Je trouve que c'est important de faire aussi des chansons là-dessus. Parce que quand tu vois toute la merde qu'il y a dans le monde, il y a déjà énormément de groupes qui en font leur sujet de compositions. Ils parlent de politiques et de choses sérieuses dans leurs textes.

Quels sont vos futurs projets ? On va continuer à tourner un peu là et puis, on prendra un peu de repos bien mérité. Quel est ton groupe préféré au Graspop 2013 ? The Ghost Inside sans hésiter, ces gars sont géniaux.

Et enfin peux-tu me citer un groupe que tu serais un peu honteux d'écouter ? Honteux ? Comme un mec avec un petit secret ? (rire). Je ne sais vraiment pas mec, j'ai écouté pas mal de merde mais je ne suis pas vraiment honteux de cela. Tout ce que j'aime dans la musique, je l'aime pour une bonne raison.

Propos recueillis par Olivier Eggermont

C'est aussi nécessaire d'avoir des groupes qui font ça bien sûr mais pour moi il faut aussi aux gens un groupe qui les mettent de bonne humeur. Un groupe qui parle de choses plus amusantes et plus légères. Et ça c'est nous. Des groupes comme Deez Nuts et Parkway Drive représentent la scène hardcore australienne. Que penses-tu de son développement ces dernières années ? La scène hardcore en Australie est vraiment forte. Mais pour des groupes comme Deez Nuts, ça n'est pas fantastique. Quand on vient en Europe on peut jouer dans des festivals comme ici mais en Australie on est un petit groupe donc on doit jouer des plus petits concerts. En Australie, c'est vraiment sympa mais personnellement je préfère venir faire des tournées en Europe. Tu as aussi un autre groupe : I Killed the Prom Queen, où en êtes-vous pour le moment ? L'an dernier on a joué ici au Graspop et c'était super. Mais bon on est tous dans des groupes à plein temps aussi donc c'est dur de trouver des moments pour tourner et puis, je n'ai pas non plus envie de passer ma vie dans un tour bus (rire). Donc, pour le moment, j'ai dû laisser un peu ce projet de côté. Mais je leur souhaite vraiment le meilleur, je me suis beaucoup investi làdedans mais Deez Nuts c'est ma passion.

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Rencontre avec Aujourd’hui, l’équipe du Suricate est partie à la rencontre d’un très bon groupe de métal français, les Holy Cross. Originaires de Saint-Etienne, ces quatre lascars nous proposent une bonne dose de trash metal digne des meilleurs groupes des années 80. Nous avons souhaité rencontrer Loic Chalindar, l’un des guitaristes du groupe pour nous parler de Place Your Bets, leur nouvel album.

La rencontre Tout d'abord, comment est né Holy Cross ? Est-ce que vous vous connaissiez déjà avant la formation du groupe ou est-ce que chacun s'est découvert au fil du temps ? HOLY CROSS est né en 2006 à StEtienne. L'aventure a commencé en 2003, lorsque j'ai rencontré Adrien (guitare) au lycée. On a commencé à composer et à rechercher des musiciens... Trois ans plus tard, au fil de rencontres, nous avions un line-up complet. Cet album est très abouti et l'on sent beaucoup d'expérience et de travail derrière chacun des titres. Aviezvous une idée bien précise du style et du son que vous vouliez pour celuici ?

L'expérience de notre premier album nous a permis de savoir précisément ce que nous voulions en terme de son. L'album a été enregistré et mixé par notre batteur Ludovic Dupont dans son studio d'enregistrement (DLM Studio). Ca a été très confortable et pratique pour nous afin de travailler notre son. Ludo a vraiment fait un super boulot! Au niveau de la composition, cela a été très naturel et nous n'avons pas spécialement réfléchi au style que nous voulions faire. Il y a beaucoup d'influences des groupes de trash metal des années 80 dans les sonorités de ce disque, (ce qui est très plaisant car on y retrouve beaucoup d'authenticité à l'opposé de certains groupes d'aujourd'hui). Êtes-vous nostalgiques de cette époque?

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Nostalgiques ? Non, car on il y a de bonnes choses aujourd'hui également. On vit avec notre temps et on apprécie toujours autant d'écouter nos bons vieux albums des années 80 ! La pochette (très belle) rappelle également cette culture. Qui est l'artiste qui a collaboré sur ce projet ? Est-ce un ami? La pochette a été dessinée par l'excellent Andreas Marschall qui a notamment réalisé les pochettes de Running Wild, Blind Guardian, Sodom,... une référence dans le domaine quoi! Ça a été un réel plaisir de collaborer avec lui. C'est une personne d'une extrême gentillesse et très professionnel !


Comment s'est passée la composition des morceaux? Faites-vous cela plus en commun ou est-ce que l'un d'entre vous sert de guide pour les autres ? La composition s'est faite assez rapidement en à peine plus d'un an. Tout le groupe a participé à la composition de l'album. Il n'y a pas de règle de composition chez nous. Tout se fait assez naturellement : un membre amène une ébauche de compo, si tout le monde est inspiré, on travaille ensemble dessus. Adrien (guitare) est à l'origine d'une bonne partie de la composition, tandis que Mickael (chant) et moi (guitare) avons plus travaillé sur l'écriture.

Nous avons pas mal de dates de concerts en cette fin d'années sur la France et la Suisse. Nous avons prévu de faire encore de nombreux concerts l'an prochain ! On vous tiendra au courant de tout cela !

Merci beaucoup pour cet entretien, et encore bravo pour cet album, il est très bon.

Aura-t-on la chance de vous voir en Belgique pour la promo de cet album ?

Propos recueillis par Christophe Pauly

Merci pour ton soutien et à très bientôt.

Nous n'avons jamais joué en Belgique et on espère vraiment venir très prochainement ! Le message est passé ?

Que pensez-vous de la scène métal aujourd'hui en France ? Il y a vraiment du potentiel avec d'excellents groupes dans différents styles. Ce qui manque cruellement, ce sont des infrastructures. Il est extrêmement difficile pour un petit groupe de se produire dans de bonnes conditions. Nous savons de quoi nous parlons car nous gérons nous-même notre booking. Pensez-vous que globalement les choses sont plus faciles qu'avant pour ceux qui débutent dans le métier ? Les contraintes ont changé par rapports aux années 80. Avant il était difficile et onéreux pour un groupe de faire un enregistrement de qualité en studio. Aujourd'hui avec la technologie, avec peu de moyen financier et matériel (mais des heures et des heures de pratiques !), on peut faire des enregistrements de très bonne qualité à la maison ! Par contre, il semblait plus simple il y a 20 ou 30 ans de se produire en concert. Il n'y avait pas internet et probablement moins de groupes aussi. Aujourd'hui avec internet, tous les groupes peuvent se mettre en avant, partager leur musique. C'est un avantage mais le revers de la médaille est que ce milieu est saturé tant l'offre est immense!

Place Your Bets est le second album de Holy Cross. Il s’inscrit dans la lignée des meilleurs albums de trash metal des années 80. Loin d’un quelconque plagiat, cet album s’avère être un digne héritier de cette grande époque où tout a vraiment commencé. Adrien Liborio et Loïc Chalindar y exécutent des riffs ravageurs et des solos à couper le souffle. Mickaël Champon y délivre un chant aux tonalités parfaites et une rage dans chacun des morceaux. La pochette signée Andreas Marschall, une référence dans le genre... Pas de doute, Holy Cross fait partie de ces valeurs sûres qui savent allier mélodie et efficacité.

Quels sont vos projets à présent ?

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novembre 2013


Cinéma / Musique / Scène / Littérature / Arts Rock-Folk Hard Rock

Hard Rock

3 avril 2013

La Maison Tellier «Beauté Pour Tous»

AT(h)OME

C’est l’histoire de Helmut et Raoul, deux frères musiciens qui décident un jour de se lancer ensemble dans un projet musical : La Maison Tellier. Dès le départ, les deux frères ont une idée précise de ce qu’ils souhaitent développer et composent des morceaux mélangeant folk et rock. Avec la complicité d’autres musiciens, ils se produisent beaucoup en Normandie et leur travail est retenu pour la compilation Travaux Publics. Quelques temps après, le projet se métamorphose avec l’arrivée d’autres frères Tellier. Léopold joue de la trompette, Alphone, de la contrebasse et Alexandre se charge de la batterie. Ensemble, ils sortent un premier EP (La Maison Tellier) en 2005. Suivra ensuite le premier album éponyme en 2006 et deux autres albums en 2007 et 2010.

Ils reviennent aujourd’hui avec Beauté Pour Tous, leur quatrième album chez AT(h)OME. Le disque s’ouvre avec Sur Un Volcan, un morceau folk dans lequel le dobro et les percussions nous emmènent ailleurs. Les frères Tellier ont souvent recours à des instruments rappelant les musiques de Western. La Fortune, L’Honneur, Les Femmes nous fait aussi voyager ailleurs avec ses textes parlant d’un soldat ayant bravé bien des combats. La musique est superbe, avec une tension qui monte sans cesse jusqu’à son paroxysme. Les cuivres soulignent les mélodies et donnent un ton solennel aux paroles.

Un disque très bien produit et qui respire l’authenticité d’un groupe qui a choisi une voie inattendue pour une formation française en se réapropriant un style et en nous entraînant avec elle à travers les plaines de Deadwood. Les textes, eux, ne sont pas forcément axés sur ce thème et cela donne un savant mélange, une couleur que l’on ne trouve pas souvent dans les groupes d’aujourd’hui. Je vous conseille donc de prêter l’oreille à cet album qui redonne envie de se plonger plus en avant dans la discographie du groupe et de se laisser bercer par ces cœurs en fermant les yeux dans un rocking-chair.

Beaucoup de mélancolie dans les textes et la voix de Helmut Tellier qui place aussi sa voix d’une façon particulière qui renforce le côté dramatique de ses textes. On a vraiment cette ambiance western qui revient constamment au travers de l’album.

Christophe Pauly

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Rock Hard Rock

Hard Rock

3 avril 2013

Arcade Fire «Reflektor»

Barclay

Après cinq mois de teasing sur les réseaux sociaux, un premier single éponyme et une production de 22 minutes de Roman Coppola, Reflektor arrivait aujourd’hui en « double-face ». Epique, à l’image du groupe. Des dizaines de milliers de fans à travers le monde qui l’avaient déjà précommandé sur internet se sont levés ce matin avec une bonne surprise dans leur boîte mail, Reflektor, le nouvel album du groupe montréalais Arcade Fire était « déjà » disponible, avec un jour d’avance sur le timing, histoire d’en remettre une couche après cinq mois de « teasing ». Une chose est sûre, Arcade Fire se joue des moyens de communication actuels pour créer une tension. Ils l’avaient annoncé nonchalamment, et en réponse à un simple message de fan sur Twitter: « Notre prochain album sort le 29 octobre ». Quelques semaines plus tard, on apprenait que James Murphy, leader de feu LCD Soundsytem reconverti en producteur, a simplement répondu à NME « It’s really fucking epic ».

Murphy voit juste, il y a effectivement quelque chose d’épique dans cet album – un style que le groupe cultive depuis ses débuts, rien que ses performances scéniques peuvent en témoigner. Et la patte de James Murphy n’y est pas pour rien. Les breaks et changements de tempo dignes des meilleurs dj’s, le balancement entre « indie rock » et musique « électronique » mais surtout la compulsion de 50 ans de musique pop – mais pas seulement, voir plus bas – est certes orchestré de main de maître par James Murphy, mais il fallait un groupe comme Arcade Fire pour le rendre aussi épique. L’aspect double album, signe d’une époque charnière dans la vie du groupe, marque aussi un contraste entre une première partie, courte et dynamique, et une deuxième plus longue et grave. La comparaison avec Radiohead, groupe phare d’une époque, mérite également le détour. Comme le soulignait un confrère de Pretty Much Amazing , Reflektor est à Arcade Fire ce que Ok Computer a été à Radiohead il y a 15 ans.

Ce quatrième album est en effet le reflet d’une recherche sonore aboutie et un pari artistique : se réinventer dans un versant électronique à partir de son bagage rock et de trois albums témoins d’un crescendo qualitatif considérable, aussi bien au niveau musical que conceptuel. Mais l’aboutissement de Reflektor transcende les références citées plus haut. En effet, l’album s’articule autour de la dualité « entre la nuit et l’aurore, entre le royaume des vivants et des morts », à l’image de la principale référence aussi bien visuelle que sonore de l’album, Orfeu Negro (1959), film également unique en son genre. S’il ne convaincra pas tous les fans des précédents albums, Reflektor relève d’une capacité sans cesse renouvelée de création de musique au milieu du bruit, un talent de plus en plus rare.

Nicolas Bruwier

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novembre 2013


Cinéma / Musique / Scène / Littérature / Arts Electro Hard Rock

Hard Rock

3 avril 2013

The Bloody Beetroots «Hide»

Sony Music

Leur album Romborama, sorti en 2009 avait cartonné, notamment grâce au titre Warp 1.9 en featuring avec Steve Aoki. Ce duo italien qui fait de l’électro qui tape tes tympans bien comme il faut revient avec l’album Hide. Ne croyez cependant pas qu’ils se sont reposés entre ces deux albums sous le doux soleil italien. Non, ils écumaient les salles de concerts, festivals et autres champs où l’ont y fait pousser des enceintes et des bières en laissant à chaque fois derrière eux des gens fracassés et ravis. Pour les avoir vu au Sziget Festival à Budapest en août 2011 et au Cabaret Vert en août dernier, je peux vous garantir que ce duo ne laisse pas les festivaliers indifférents. Pour simple fait, The Bloody Beetroots est sûrement une des plus grosses ambiances de concert que j’ai vu de ma (courte) vie, et la plupart des images de concert que l’on voit sur les vidéos de l’édition 2011 du Sziget festival sont extraites de ce concert-ci.

Pour ce qui est de ce nouvel album, il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Les deux comparses ont gardé la même recette mais elle fonctionne toujours donc pourquoi le leur reprocher.

Montez le son à fond, n’oubliez surtout pas les basses et balancez-vous Spank, vous déciderez ensuite si vous continuez l’album ou non.

Des morceaux qui montent en puissance juste comme il faut, des beats qui tabassent, des ponts au piano, des samples de voix juste bien placés, et cetera et cetera. Que dire de plus si ce n’est que les amateurs des précédents aimeront celui-là même s’ils n’y trouveront rien de très nouveau à se mettre sous la dent. Il est également possible que cet album vous lasse rapidement pour ces mêmes raisons précédemment citées. Il y a en revanche un morceau dont vous ne vous lasserez pas tellement il est bon et qu’il fracasse sa m***. Spank, le tout premier morceau de l’album est un petit bijou du genre qui vous mettra bouillant même pour aller en cours théorique un lundi matin à six heure.

Baptiste Rol

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Variété Hard Rock

Hard Rock

3 avril 2013

Vincent Delerm «Les Amants Parallèles»

Tôt ou Tard

Le sujet du jour : Les Amants Parallèles de Vincent Delerm. J’avoue que j’ai pendant longtemps fuit ce chanteur français bobo à la voix aussi entraînante que… que rien en fait. Mais un jour, après qu’un être perfide ait glissé dans mon lecteur mp3 deux chansons de cet énergumène, je me suis surpris à écouter ces dernières en boucle. D’abord par curiosité, ensuite par envie puis, parce que je trouvais ça vraiment bon. En fait, le plus dur avec Vincent Delerm, c’est de passer outre sa voix pour le peu horripilante en se disant qu’il en joue vachement aussi. Le 27 novembre prochain, sortira Les Amants parallèles, son cinquième album studio si l’on enlève de sa discographie son album de reprise et son album destiné aux enfants. Pour aller à l’essentiel, cet album ne surprendra pas les fans, ni les filles de 1973, ni France Davoigneau, ni les autres (je ne vois pas pourquoi je me priverais de citer mes ami(e)s alors que V.D. passe tous ces albums à le faire).

Vincent est fidèle à lui-même. L’album transpire le cinéma, les histoires d’amour et les peines de cœur, et les voix féminines s’exprimant de manière très posées comme si elles avaient ingurgité trois tranquillisants et l’intégrale de la nouvelle vague pour les faire passer.

qué une amie : « comme toujours en ce qui concerne Vincent ».

Ça parle de l’amour, de la séparation, du souvenir et de pleins de trucs chers à Vincent. Bref c’est un album, drôle, touchant et très agréable à écouter. De plus, il y a un très bon équilibre entre les chansons et les interludes parlés et le tout baigne dans un humour plutôt appréciable, dont le phrasé est justement un des éléments prépondérants. « C’est le genre de filles qui peut confondre un dauphin avec un requin. Une fois, elle m’a dit d’aller voir un dauphin qui dormait au fond de l’eau, et en fait c’était un requin. En revanche il dormait, ça c’était bien. » Le gros défaut est que l’album est malheureusement trop court, environ 32 minutes, mais comme m’a rétor-

Baptiste Rol

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novembre 2013


Cinéma / Musique / Scène / Littérature / Arts

Scène

La rentrée du TTO En cette rentrée 2013, Le Théâtre de la Toison d’Or ré-ouvre son café-théâtre

L’ Ouverture du café théâtre

Les Pétasses

Vous avez marre de vous ennuyer les dimanches et lundis soirs ? Le TTO pense à vous et ré-ouvre son café-théâtre. Pour inaugurer ces soirées, c’est le spectacle L’Ouverture qui a été créé. Sur des textes d’auteurs réputés dans le genre tels que Laurence Bibot, Jean-Luc Fonck, Alexis Goslain ou encore Alex Vizorek, cinq comédiens enchaînent les sketchs.

Voici l’un des deux spectacles créés au TTO en ce début de saison.

Comme souvent dans ce type de construction, les sketchs sont très inégaux, et de l’un à l’autre c’est parfois le jour et la nuit. Le spectacle a un peu de mal à démarrer, et malgré de bonnes idées, les premières saynettes ne parviennent pas à décrocher de vrais rires francs aux spectateurs. Jusqu’au moment où...

Watermael-Boisfort, une classe d’une petite école primaire et quatre personnages : voilà le décor planté. AnneVéro, Isadora, et Jean-Paul veulent organiser une soirée de soutien à leur association d’aide pour combattre la leishmaniose en Afrique. Pour préparer au mieux leur gala, ils décident de faire

Pétasse : mot féminin qui peut désigner soit une femme facile soit une femme prétentieuse. Ici, Sébastien Ministru se centre sur la deuxième définition. Son objectif est de mettre en avant les clichés d’une classe sociale aisée de Bruxelles.

Jusqu’au moment où entre en scène Manon Hanseeuw. Dans son personnage de Brusseleir pure, elle parvient à faire rire à la moindre parole, et une fois que l’on a compris à quoi s’attendre avec elle, on jubile dès qu’elle fait une nouvelle entrée en scène. De l’humour noir au burlesque, on rigole, on s’amuse, on boit un coup en même temps et on passe une excellente soirée. Et pour l’aspect inégal, c’est aussi le jeu du café-théâtre de partir à la découverte avec le plaisir et l’envie d’être surpris.

appel à Pierre-Jean Pierre, un organisateur d’événements. Leur réunion va vite tourner en une gigantesque exhibition, où les personnages vont dévoiler leur personnalité. Plus intéressés par le coté « bling bling » de leur soirée que par la contribution qu’ils vont faire pour aider l’Afrique, le thème de la fête changera au fil de leur réunion, pour devenir finalement un gala contre la pauvreté. La pauvreté, c’est bien, c’est porteur bien qu’en définitive ils n’en n’ont que faire, mais cela leur donne bonne conscience. Aux idées et suggestions pour leur évènement se mêlent règlements de compte et souvenirs. La pièce est vraiment drôle et les clichés et références à l’actualité sont d’une grande justesse. Dans la salle, nombreux sont les spectateurs qui ont ri aux éclats et qui se sont sentis proches des personnages à plusieurs reprises : « J’avais l’impression d’entendre ma tante », nous confie un spectateur. Il faut souligner que les acteurs sont tous surprenants de justesse et que leurs interprétations sont irrésistibles. Nous avons particulièrement été séduits par l’interprétation de Nathalie Uffner (Isidora) qui est tout simplement « pétasse ». Un moment très divertissant à recommander.

Baptiste Rol

Le prochain rendez-vous est C’est par où la sortie, de et avec Bénédicte Philippon les 3, 4, 17 et 18 novembre.

Noelia Gonzalez

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RRRR Festival

Le festival Au mois de septembre dernier, et alors que la plupart des théâtres bruxellois n’ont pas encore repris, le Rideau de Bruxelles s’installait au Poème 2 pour un tout nouveau festival. Le RRRR, tel qui se nomme, est l’occasion de mettre en lumière les écritures dramaturgiques contemporaines. Pour sa première édition, le festival comprenait trois spectacles joués en alternance durant les trois semaines du festival, et un quatrième spectacle les derniers jours. En plus de ces spectacles, le Rideau et le Poème 2 ont organisés trois journées sur les écritures contemporaines chaque samedi du festival. Ces samedis étaient composés de lectures, de tables-rondes autour de thèmes tels que « L’écriture dramaturgique s’enseigne-t-elle ? », rassemblant des auteurs et comédiens bruxellois venant présenter et questionner toute la richesse de ces écritures contemporaines.

Le dire troublé

Tarzan

C’est un projet porté par deux comédien(ne)s et un musicien. En voyant le spectacle, le rapprochement avec le précédent et excellent spectacle du comédien Pierre Sartenaer m’a paru assez évident pour en parler. Territoire gardé par un chien crevé présenté au Marni en mai dernier s’attaquait à la banalité du quotidien et de l’intimité des « petites gens ».

Spectacle poétique et énigmatique (enfin surtout énigmatique). Un homme seul en scène et seul dans l’histoire, s’adresse à une photo d’un gamin et lui raconte tout un tas de choses.

Cette fois-ci, ce n’est pas un auteur hongrois mais tout comme ce dernier, l’auteur belge Patrick Lerch nous donne à entendre des personnages qui se confient, qui s’interrogent, qui s’expliquent. Qui nous parlent de la banalité de nos vies, du fait de se sentir moche, d’essayer de vivre au milieu des autres, d’avancer comme l’on peut, et qui nous permettent de se retrouver ici ou là, de rire du triste, de la révolte ou de la résignation. Mais comme le souligne l’auteur « Mes personnages sont des paumés, des rêveurs, des cas pathologiques, tout ce qu’on voudra, mais jamais ils ne viendraient donner une leçon de morale. » Dans une mise en scène très sobre, Pierre Sartenaer et Nathalie Laroche se présentent comme des conteurs autant que des comédiens et la performance oscille entre l’interprétation et la lecture. Ils s’alternent, étant tantôt en conversation, tantôt chacun dans leur bulle. Avec eux, le musicien David Quertiniez, s’arme de plusieurs instruments pour rythmer et mettre en musique ces textes d’une belle et entrainante manière.

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Le problème est de savoir quelles choses. Quand je dis le problème, c’est mon problème à moi, après si vous n’avez personnellement aucun problème avec les spectacles qui naviguent sur un flou artistique assumé, et si, non content de ne pas être dérangé, vous avez le culot d’en redemander, alors courez voir Tarzan. Si en revanche, vous préférez naviguer sur la Senne plutôt que de vous laisser embarquer dans un spectacle vague, écoutez-moi. C’est l’histoire d’un homme hirsute, ayant l’air hagard et celui de vivre dans une caverne, étant probablement un peu fêlé, mais étant aussi touchant. Si le comédien et le texte parviennent à harponner au début, à faire sourire ou à interpeler, la prise finit par lâcher et l’on sombre rapidement dans le non concret. Et même si les bons éléments sont là, il manque quelque chose pour nous faire tenir, un fil rouge, un appât, un élément narratif clair, une carotte pour nous faire avancer. Dommage.

Baptiste Rol

novembre 2013


Interview

Le Magic Land Theatre

© Magic

La rencontre Thomas Linckx : Ca va être diffusé ? Non, je préfère enregistrer pour faciliter la transcription, une fois devant l'écran. T.L. : Y a un truc entre vous ? Oui, on est ensemble. Philippe Drecq : Ils écrivent ensemble, ils sont ensemble, … On n'est pas que deux ! On est une trentaine de personnes …

pièce de Jean-Louis Leclercq, mis en scène par Bernard Yerlès. [Et alors quoi quoi maintenant du 29 janvier au 15 février 2014 aux Riches Claires] Christelle Delbrouck : Moi, j’emménage mon sous-sol donc, si des gens ont des meubles sympas qu’ils n’utilisent plus.

T.L. : Donc des vieux, des anciens, des …

Xavier Doyen : Je fais très bien les mojitos mais je ne mets pas de menthe.

C.D. : Donc, le Magic Land est un théâtre qui écoute ses spectateurs. On nous a demandé plusieurs fois de reprendre des vieux spectacles et Patrick Chaboud a dit « Si le spectateur veut, je fais ! ». Ce qui donne une reprise du Magic Land règle ses contes et du Mystère du Château d’Hoogvorst, pour le plus grand plaisir des petits et des grands.

David Notebaert (D.N.)

On commence avec les questions ! T.L. : Et on suit avec les réponses ? Que faites-vous en dehors du Magic Land ? Ph.D. : Moi je déménage. Stéphane Stubbé: Je fais un seul en scène, à deux, au mois de février au Théâtre des Riches Claires, dans une

Tous : Il est fort, très fort. On dirait qu’il a fait du journalisme.

David Notebaert : Moi je suis [au Festival de la Marionnette] à Charlevilles-Mezieres, pour ceux que cela intéresse [du 20 au 29 septembre] avec un petit entre-sort.

« Le Magic Land est un théâtre qui écoute ses spectateurs » T.L. : Ben tiens ! C’est courageux ! Grande famille, grande famille … (rires pervers)

Bruce Ellison

Cela fait plusieurs années que le Magic Land existe, il y a eu plusieurs générations. Comment définiriez-vous actuellement le Magic Land ? Ph.D. : C’est une bonne question ! T.L. : Tiens, c’est drôle que tu parles de plusieurs générations parce que, justement cette saison, il y a un retour sur le passé. Une espèce de coup d’œil dans le rétroviseur, qui, à la lumière du passé, va peut-être nous permettre de mieux comprendre le présent.

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Juan Marquez Garcia : Des dinosaures du Magic Land …

J.M.G. : Ça mélange l’ancienne et la nouvelle génération, comme ça. Ça nous fait justement penser à une autre question : quelle est la logique dans le choix des pièces de la saison ?

Christelle Delbrouck (C.D.)


Ph.D. : C’est une question qu’on se pose … T.L. : Il y a avait une logique de reprise de spectacles sur une ou deux saisons après, mais pas dix ou quinze ans plus tard. J.M.G. : C’est la première fois que l’on puise dans notre vieux répertoire. X.D. : Ce qu’il faut comprendre dans ce qu’ils ont dit, c’est que pour la première fois, le Magic Land considère qu’il a un répertoire et reprend des anciens spectacles alors qu’avant, on créait un spectacle et le reprenait une ou deux fois. A la fin de cette/ces saisons, on pensait que le public potentiel avait été atteint et on passait à autre chose. Tout le monde ne jouait pas dans les premières représentations. Qu’estce que cela fait de découvrir une nouvelle pièce et, pour les nouveaux, qu'avez-vous ressenti de rejouer une pièce qui a déjà été un succès au Magic Land avec d’autres ? Tous : On pourra seulement te répondre dans quelques mois. X.D. : Moi, par exemple, je ne suis pas impliqué dans Le Mystère du Château d’Hoogvorst mais c’est le premier spectacle que j’ai vu du MLT alors que j’avais 20 ans. J’y suis allé en tant que spectateur pour voir un camarade de bistrot. J’ai été bluffé, j’ai adoré et je n’ai jamais retrouvé cette ambiance si particulière. Peut-être est-ce le syndrome de la première fois. Car, quand tu viens pour la première fois, tu découvres tous les codes du MLT, avec, notamment, cet accueil si particulier, propre au Magic Land. Je suis très curieux de revoir cette pièce, car Le Mystère du Château d’Hoogvorst m’a laissé un très très bon souvenir. Dans le même état d’esprit : comment les acteurs sont-ils choisis pour les différentes pièces, vu que vous n’êtes pas, tous, dans toutes les pièces ? Impératifs du texte ?

Impératifs de vos plannings respectifs ? N’est-ce pas trop décevant de ne pas être choisi pour la nouvelle création ? C.D. : C’est bien que cela tourne aussi de temps en temps. Daniel Cap et Ph.D. : Place aux jeunes ! C.D. : Non, mais si on regarde, on est à peu près une vingtaine de comédiens et c’est bien de tourner aussi un peu, pour que les gens ne se disent pas « Oh ! C’est toujours les mêmes tronches ». Et puis, ici, il y a des nouvelles têtes, des nouvelles vieilles têtes, des vieilles nouvelles têtes qu’on n'a plus vues depuis longtemps. Et c’est bien de commencer par L’Oracle de Delphes, ça permet de mettre directement une bonne ambiance. Et puis les hommes en jupettes …

Thomas Linckx (T.L.)

J.M.G. : Il y a aura d’autres actions, d’autres répliques, des coupures, etc. On a coupé des moments, mais on en a ajouté des autres, car, quand Patrick Chaboud arrive dans la salle et dit « Ouais, on pourrait faire ça … », on ajoute et on modifie. T.L. : C’est un peu l’Oracle… 2. J.M.G. : Ou version 2.2 !

Ph.D. : Ca dépend des envies sexuelles de Patrick Chaboud

Ça tombe bien, car la question originale était plutôt tournée de cette façon « Est-ce que vous avez fait une mise à jour ? .

Juan Marquez Garcia (J.M.G.)

Ph.D. : Les spectacles repris sont, en apparence, identiques, mais comme il s’est passé du temps, il y a des choses qui s’élaguent d’elles-mêmes. Quelque chose d’assez mystérieux intervient, à savoir une autre compréhension du texte avec le temps qui passe, une compréhension plus intégrée, plus globale. Et donc, ça donne une autre saveur. C’est plus relax, car on n'est plus dans les premières représentations. Les jeux de mots et les enchaînements tombent mieux, comme si les comédiens avaient tous intégré les thèmes, l'intrigue et les péripéties. C’est donc, souvent, plus fluide.

X.D. : Parfois, il réunit une troupe de comédiens et écrit le spectacle, fatalement, en fonction des comédiens. C’est un autre cas de figure quand le spectacle est déjà écrit, et qu'il faut remplacer des comédiens. Pour une création comment fait-il ? J.M.G. : Il a une idée, une envie de base, une période historique, par exemple la Révolution, puis il réunit des gens, et écrit le canevas. C.D. : Ça dépend d’un projet à l’autre ; il n’y a pas de règles. Ph.D. : C’est une alchimie créative très complexe ! Pour revenir sur l’Oracle de Delphes, avez-vous déjà réécrit quelques parties ou changé la fin ?

Le temps de maturation est-il si long ? D.N. : C’est que, d’habitude, on joue 25 représentations et c’est vrai que, 25 fois, ce n’est pas suffisant pour totalement maîtriser son personnage et le réinventer. Quand on reprend, il y a eu comme un temps de pause qui a permis de prendre du recul : ainsi revenir dans le personnage te donne des détails, des innovations sur ta manière de jouer.

Daniel Cap (D.C.)

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novembre 2013


Donc, au MLT, il y a deux manières de travailler : un peu dans le rush lorsque vous êtes en train d’écrire la pièce ou lorsque vous dites, bon, on a une date limite, on connaît la date mais le texte est complètement à écrire et à nous de trouver nos marques. Et la deuxième, un nouveau travail sur des compositions déjà éprouvées, mais que l'inspiration de toute la troupe souhaite parfaire. D.N. : Non, c’est plutôt, on pose une date et maintenant STOP, on s’arrête là et on ne change plus rien. X.D. : Elle a un peu raison quand même. Quand on est en création, il y a certaines dates butoirs et donc il y a une urgence, une date qui s’approche qui fait que l’on est plus stressés. D.N. : Ce qui fait que, dans la reprise, on est plus à l’aise. On peut alors, plus facilement, éliminer des passages, etc. S.S. : Je ne suis pas d’accord. Il y a un point à une phrase et j’aime dire les mots tels qu’ils ont été écrits. Point.

X.D. : 3 spectacles ! (rires) Ne piratez pas l’interview ! C.D. : En fait, Patrick (Spadrille) est un vieux camarade de jeu, je crois que c’est le type avec qui je travaille depuis le plus longtemps … X.D. : Tu aimes les Patrick !

« Continuez tout droit : c’est un road-movie théâtral ! » C.D. : Oui, je travaille beaucoup avec des Patrick. Patriiiiiick ! Donc, c’est un road-movie théâtral, c’est-à-dire que l’on est dans une voiture. On essaye de voir ce qui se passe quand des personnes vivent ensemble pendant très longtemps et se retrouvent dans un huis-clos d’où on ne peut sortir et d’une voiture, c’est dangereux !

Tous : 5 jours ! 5 jours ! 5 jours ! T.L. : Patrick Chaboud le fait parfois en 48h !

agréable pour la redécouverte des choses, d’avoir quelqu’un qui répond à son jeu. Revenons à la nouvelle création : La Surprise du Chef. Pouvons-nous avoir déjà quelques infos ? X.D. : Il faut que cela reste une surprise. Le contexte de l’intrigue sera vraisemblablement plus contemporain que d’habitude. Mais pour le moment, ça existe surtout dans la tête du chef. Tous : D’où le nom : c’est une surprise. S.S. : En fait c’est un concept, c’est un peu comme les grands cuisiniers : tu arrives, tu t’installes à la table et l'on te dis : « Voilà c’est une surprise, je vais vous faire un truc magnifique, extraordinaire, avec des ingrédients tout frais. »

Christelle Delbrouck, en fin de saison, vous allez jouer « Continue tout droit » avec Patrick Spadrille, peuxtu nous en dire un peu plus sur cette pièce ? Quelle est la différence pour toi de jouer en duo ou avec cette atmosphère de troupe ? C.D. : Ça c’est une excellente question. D’abord, Continue tout droit, ça vient d’un concept d’impro de Patrick et moi, qui s’appelle Vacances improvisées. On a fini par en faire une seule improvisation d’1h20 et on s’est dit que l’on avait développé quelque chose et que si l’on écrit et que l’on approfondit deux trois trucs de créer quelque chose. On l’a écrit en 5 jours

John-John Mossoux

Philippe Drecq (Ph.D.)

Du coup, les tensions ressenties restent étouffées, et l'on voulait voir ce que cela pouvait donner. Vu que le MLT est une salle dans laquelle je me sens relativement bien, tout comme Patrick Spadrille, on se voyait bien le jouer ici. Pour la sous-question, c’est drôle car Patrick Chaboud est complètement bordélique, très mai 68, avec lequel on part à droite, à gauche ; tandis que Patrick Spadrille est quelqu’un de très carré ; donc c’est intéressant de changer un peu. Et le fait de jouer à deux, ben on joue plus. Jouer à plusieurs, voire « tout plein », cela fait cour de récré. Mais, avec Patrick Spadrille aussi. Donc, finalement, il n’y a pas vraiment de différence. En fait, il y a surtout une grosse différence entre jouer tout seul et jouer avec quelqu’un ou plusieurs. C’est plus

Sophie D’Hondt (S.D.)

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En fait, on en sait encore moins que pour Nuit torride à l’hospice ? Tous : Nous aussi ! T.L. : Attendez, je crois qu’il demande : quels comédiens seront dans le spectacle ? Ton métier d’ancien journaliste revient subitement ? Et bien répond ! Tous : En fait on n'en sait rien non plus, c’est une surprise pour le public et pour nous. Comment fonctionne le côté collaboratif au niveau de l’écriture ? S.S. : Il faut arrêter de parler de collaboration. Il faut plutôt parler de participation, de collectivité, de réactivité, de convivialité, de disponibilité, de synergie, de générosité, etc.


C’est-à-dire que que l’on a parfois pas tous les mots dans la phrase ou pas de le bon ordre et c’est à nous de combler les vides.

Tous : Bruce ! (Ellison, ndlr) Bruce Ellison : C’est pas vrai !

Ph.D. : J’écris à la base avec Patrick, mais, entre ce que l’on a écrit et ce qu’il y a sur scène, il y a toujours des différences, parfois énormes. C’est toujours le « problème » entre l’écriture et l’adaptation.

Tous : Stéphane ! (Stubbé, ndlr)

Qui est toujours le plus stressé ?

Celui qui improvise le plus ? T.L. : Stéphane ! (rires) Tous : Non, Daniel, oui Daniel ! (Cap, ndlr) Celui qui est le plus drôle : S.S. : C’est une question qui n’a aucune raison d’être ici ! C’est comme demander à des musiciens dans un orchestre qui est le plus musicien.

Muriel Bersy

Ce passage demande à ceux qui écrivent, de lâcher quelque chose pour que tout soit remodifié, remodelé en fonction de l’adaptation sur le plateau. Peut-être ici même, plus qu’ailleurs. Patrick appelle ça des scénarios martyrs, c’est-à-dire que les choses qui sont écrites sont destinées à être jetées très vite, c’est des bases, et en fonction de ces bases, les choses se font après sur le plateau, avec les interactions de tout le monde, l’air du temps, les gags qui viennent, etc. et ça se modifie comme ça. Donc, le schéma de base, plus ou moins écrit, est amené à tomber ; très souvent il en reste un petit peu plus ou un petit peu moins, c’est variable. C.D. : Donc, on a besoin de quelqu’un qui reste derrière l’ordinateur et qui essaye de suivre toutes les phrases que l’on dit à la seconde (c’est Sophie qui est là, avec nous). En tout cas, elle est vraiment très précieuse dans un travail comme celui-ci, car, justement, on a des textes martyrs, on prend des trucs, puis, Patrick vient avec des « Oh non, on fait ça, on pourrait dire ça ou plutôt ça ». Et si il n’y a personne qui suit, ça va tellement vite que, parfois, on peut zapper des trucs. On en vient aux questions un peu plus débiles : Qui est le plus blagueur en coulisses ?

X.D. : Disons que c’est le public qui décide. Celui qui coûte le plus cher en budget boissons ? J.M.G. : Non mais on veut rester ami jusqu’à la fin ! (rires) X.D. : A ce sujet il est important que tu précises dans ton article que le bar

Sara Amari

S.S. : Un spectacle en apesanteur ! D.N. : Ou un spectacle qui se délocalise parfois de ces jolis murs emplis de pisse … Sophie D'Hondt : Avoir un grand masseur noir ! T.L. : Mais c’est vrai ce que dit David un peu sur le ton de la blague, on est fort ancré dans les murs avec les spectacles et on a rarement eu l’occasion d’aller les exporter. Pourtant, ce sont chaque fois des super expériences. Mais ce n’est pas facile, parce que on est chargé, il y a beaucoup de décors, etc. J.M.G. : Et beaucoup de comédiens ! T.L. : Voilà, donc c’est pas facile de sortir de nos murs. Tous : Et pourvu que ça dure !

Propos recueillis par Loïc Smars et Adeline

Stéphane Stubbé (S.S.)

fermera cette année à 01h. donc plus personne ne coûtera rien et on en parle plus ! Si tu continues, on va se fâcher. (rires) Dernière question, la question un peu mégalo : le public est toujours au rendez-vous, le talent est bien présent, etc. Quelles sont encore vos ambitions pour le Magic Land Theatre, qu’est-ce qui vous ferez rêver pour le MLT ?

Xavier Doyen (X.D.)

D.N. : Devenir Roi de Belgique ! D.C. : Être pensionné ! J.M.G. : Être augmenté ! Ph.D. : Sinon, oui, avoir plus de budgets …

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novembre 2013


L’Oracle de Delphes au Magic Land Theatre

La critique Après l’exploration musicale de jeunes groupes humoristique et talentueux, un western épique et le thé à la menthe dégusté à Bagdad, le Magic Land Theatre continue son exploration des époques dans la grande Rome antique.

Maintenant que tout le monde est revenu à la lecture. Voyons un peu ce qui nous a été présenté cette fois-ci.

L’ Oracle de Delphes nous raconte les complots de la vie de tous les jours à la Cour de l’empereur César, vieillisant. Qui sera son successeur ?

On nous promet des jupettes et de l’antique. On ne sera pas déçu. L’histoire, se situe au temps de la fin ru règne de César. L’humour est au rendez-vous comme à chaque fois et nous sommes gratifiés en prime d’une trame de fond plus consistante que pour la précédente création (Badgag Café)

Si vous êtes un adepte du Magic Land Theatre, passé ce paragraphe. Qu’est-ce que le Magic Land Theatre ? C’est un théâtre improbable ou sont joué des pièces improbables et époustouflantes d’imagination et de drôleries.

« On nous promet des jupettes et de l’antique. On ne sera pas déçu !»

L’autre point fort est la débrouillardise dans le faste des décors. Rien que pour ça, un détour par la Rue d’Hoogvorst est à envisager pour tous.

Les acteurs, que l’on retrouve de pièce en pièce, sont impeccables et drôle à souhait.

Le reste est à découvrir, car à trop en dire, vous rateriez le plus important, la magie de l’étonnement, la première où vous passez les portes du théâtre. Cette fois encore, j’ai entendu des personnes venant pour la première fois, clamez haut et fort leur étonnement. Si vous venez, cela vous arrivera aussi.

La mise en scène, alternant scènes comiques et chansons, permet de passer outre quelques manques de rythmes. Mais le point fort encore une fois au Magic Land Theatre, c’est l’immersion dans l’univers inventé par la troupe. Les décors sont juste et les costumes regorgent d’imagination et de créativité. Car, le Magic Land Theatre, ne fait pas

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dans le décor minimaliste mais veut en donner pour son argent au public ! Encore une fois on a pris plaisir, encore une fois on a envie que ça continue. Au Magic Land Theatre, on nous sert sur un plateau un mélange d’humour, d’émotions, de décors et costumes somptueux et une troupe d’acteurs soudés et performants pour la modique somme d’une entrée de théâtre. Foncez pour essayez de grignoter les dernières places disponibles, c’est déjà presque complet. La question que je me pose à chaque fois, comment avec autant d’imagination, de débrouillardise et d’investissement, le Magic Land Theatre ne soit encore que si discret ?

Loïc Smars



Cinéma / Musique / Scène / Littérature / Arts

Les prix de la critique Le lundi 21 octobre dernier au Varia étaient remis les Prix de la critique pour la saison 2012/2013

©Alice Piemme

Le palmarès Le Palmarès des prix de la critique 2012/2013, suivi d’un extrait du texte que nous avions publié et de la note que nous avions attribuée :

Spectacle. Discours à la nation d’Ascanio Celestini, mise en scène d’Ascanio Celestini, avec David Murgia. « Bref David Murgia est incroyable, débordant d’énergie. (...) Si vous souhaitez assister à un spectacle qui capte votre attention, qui vous fasse rire (parfois jaune) qui vous dérange et qui vous questionne, foncez voir Discours à la nation. » Mise en scène. L'Eveil du printemps de Frank Wedekind, mise en scène de Peggy Thomas. Comédienne. Catherine Mestoussis et Magali Pinglaut dans Les Invisibles d'après Le quai de Ouistreham de Florence Aubenas, mise en scène d'Isabelle Pousseur. Comédien. Karim Barras dans Hamlet, mise en scène de Michel Dezoteux, et dans Une Lettre à Cassandre, de Pedro Eiras, mise en scène de David Strosberg.

« Le but de la pièce n’était de s’axer que sur un point, et elle l’a très bien développé. De manière visuelle comme sonore. Le tout est cohérent. Le tout est fou et pourtant bien préparé. C’est une simulation comme l’est au début l’âme d’Hamlet.»

Seul en scène. After the walls (Utopia) d'Anne-Cécile Vandalem, avec Vincent Lécuyer. Auteur. Pierre Sartenaer et Guy Dermul pour It’s my life and I do what I want. Alors là, nous n’avons pas vu le spectacle, mais j’ai personnellement eu le plaisir de retrouver plusieurs fois Pierre Sartenaer, notamment au Marni et au Poème 2 et c’est à chaque fois un plaisir que de le voir et de l’entendre. Espoir féminin. Céline Peret dans Terrain vague de Thibaut Nève. «Cependant, au-delà de l’humour cynique maitrisé et des deux comédiens parfaitement dans leurs rôles, il est difficile de trouver à ce spectacle un intérêt évident.»

Espoir masculin. Maroine Amimi dans L’Encrier a disparu, d'après Daniil Harms, Le Bourgeois Gentilhomme, et dans La Serva amorosa de Goldoni.

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Création technique et artistique. Mélanie Daniels, de Claude Schmitz : Philippe Orlinski (lumières), Thomas Turine (création sonore), Arieh Serge Mandelbaum, Boris Dambly, Judith Ribard (accessoires) et Zaza Da Fonseca (maquillage). Scénographie. Emmanuelle Bischoff pour L'Éveil du printemps de Frank Wedekind. Spectacle de danse. Black Milk, chorégraphie de Louise Vanneste, avec Eveline Van Bauwel et Louise Vanneste. Découverte. La Vecchia Vacca de Salvatore Calcagno. Ici, deux grosses découvertes du magazine étaient nominées, La Vecchia Vacca et Weltanschauung et le choix n’a pas dû être facile pour les jurés. La critique de la Vecchia Vacca est cicontre. Spectacle jeune public. Le Voyage intraordinaire d’Eric Durnez, mise en scène de Thierry Lefèvre. Prix Bernadette Abraté. Anne Kumps, programmatrice cirque aux Halles de Schaerbeek.


Les prix de la critique L’existence de ces prix de la critique est une très bonne chose dans la mesure où elle permet de mettre l’accent sur la richesse théâtrale de la Belgique francophone. Il n’y a à mon avis et sur ce point là, rien à discuter.

culier qu’il s’agit. C’est du cynique, du grinçant, du politique.

La chose qui chatouille serait plutôt le choix des spectacles et plus particulièrement l’origine des spectacles, leurs lieux de création et de représentations ainsi que leur genre qui manque à vrai dire de diversité.

Je ne suis pas en train de revendiquer la présence de tel ou tel théâtre dans le palmarès mais bien de souligner le fait que les mêmes schémas se reproduisent souvent et qu’il est bien de s’en rendre compte.

Ce n’est pas nouveau sous le soleil et ce n’est d’ailleurs pas réservé au seul domaine théâtral, mais lorsqu’il s’agit de décerner des prix, la comédie est souvent délaissée.

Mais il ne s’agit pas que d’une question de genre. À regarder les palmarès, on se dit que les mêmes théâtres reviennent particulièrement fréquemment et que d’autres n’apparaissent que très rarement.

D’autres me rétorqueront qu’il y a des comédies parmi les spectacles nommés et lauréats, et ils auront raison, mais c’est d’un humour bien parti-

Les spectacles du TTO n’ont par exemple pas leur place dans ce palmarès.

Mais revenons-en à la cérémonie. Animée par un groupe de musique exclusivement féminin au nom évocateur Guys in the kitchen.

Mais ce n’est pas tout. Nous avons également eu droit à : un discours de remerciements très très drôle du duo d’auteurs Pierre Sartenaer et Guy Dermul, un discours moins hilarant mais plus sérieux de ConseilDead sur la situation du théâtre en Belgique, un passage sur l'importance de plus en plus grande d’internet et des blogs dans la critique théâtrale, des magnifiques animations powerpoint pour dévoiler les nominés ou encore deux nominés non lauréats accompagnant leur collègue primé, vêtus d’une écharpe «LOOSER» et pleins d’autres trucs encore. Et que ce soit sur scène ou dans les gradins, la jeunesse était omniprésente, confirmant la réalité d’une scène théâtrale belge en pleine effervescence et avec de belles années devant elle. Du côté des artistes en tout cas.

Baptiste Rol

La Vecchia vacca - prix de la découverte dans laquelle les mammas épluchent sans fin en vociférant, criant pour parler, lançant leurs bras pour crier, un fils qui fait une déclaration d'amour à sa mère, trois italiennes colportant tous les commérages possibles sur leurs enfants, s'inquiétant de leur avenir conjugal.

Ce petit article pour revenir sur une des grosses surprises de la saison 2012/2013 de théâtre à Bruxelles, j'ai nommé La Vecchia Vacca. Programmé au Théâtre des Tanneurs dans le cadre d'une carte blanche à Armel Roussel, ce spectacle est le premier de Salvatore Calcagno, étudiant sorti de l'INSAS en 2012. Pas facile de décrire ce spectacle à vrai dire. C'est une sorte d'introspection dans une famille italienne. Une cuisine

C’est le frottement incessant des couteaux sur les tranches de pain, des râles des mammas, leurs discussions et leurs jacassements. Mais rien de tout cela n’est méchant, bien au contraire. C’est l’histoire de l’amour qu’un fils porte pour sa mère qu’il ne veut pas et ne peut pas voir partir, mais qu’il doit quitter pour une autre comme doivent le faire tous les garçons un jour.

de chansons italiennes, de musiques électroniques aux rythmes desquels se mélangent le poisseux, le beau et le kitsch. Le rendu visuel est vraiment génial notamment par les mouvements très chorégraphiés des comédiens qui font du spectacle un objet riche de sens et d’émotions. Redoutant de voir un spectacle formaté INSAS, j’ai finalement vécu le spectacle jeune, sincère, beau et rythmé que je ne demandais qu’à voir.

Baptiste Rol

Le spectacle trouve son équilibre entre scènes lentes épurées et les scènes débordantes de cris et de mouvements,

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Cinéma / Musique / Scène / Littérature / Arts

MONEY ! Tout ce que vous ne saurez jamais sur l’argent parce que personne ne vous le dira et d’ailleurs mieux vaut ne pas le savoir, parce que si on savait, ce serait pire.

La critique Toute personne, dès l'instant où elle a un compte en banque, participe activement (selon ses moyens bien sûr) à l’alimentation et au fonctionnement d’un système mondialisé, auquel elle ne comprend à peu près rien et dont il est tout sauf sûr qu’elle soit l'heureuse bénéficiaire. Projet plutôt ambitieux voire quelque peu prétentieux à la lecture du sous-titre du spectacle. Mais bien entendu à prendre avec une certaine dérision bien que le spectacle ait également de nombreuses qualités didactiques. Une surface blanche au sol, une surface blanche comme mur de fond, des tables et des chaises sur les côtés avec trois hommes et une femme assis dedans. Voilà les éléments de départ, lorsqu’un un des hommes se lève et vient nous parler. Il nous explique qu’un homme d’apparence très gentille peut se révéler d’une violence extrême s’il on creuse un peu. Il va d’ailleurs nous le démontrer en se prenant lui-même pour exemple. Mais qui est-il et que fait-il là s’il est vraiment ce qu’il dit être ? « Soit je suis en cavale, ce qui n’est pas impossible, soit il y a un vide juridique » nous confie-t-il. Et c’est parti pour plus d’une heure et demie de spectacle alternant saynettes à la banque, intermèdes musicaux sous forme de ballets de banquier, tables et chaises roulantes, banquier s’adressant à nous, humour caustique, passage un peu plus lourd, mais toujours très bien équilibré. Le plus gros du spectacle est fait de ces saynettes mettant en scène un

client, comme vous et moi, et son banquier. Du client sûr de lui, qui ne veut pas que l’on place son argent dans n’importe quel fond d’investissement, au banquier pratiquant des exercices de confiance avec son client pour lui expliquer que ce n’est pas parce qu’il ne voit pas son argent et que le trader s’en sert, qu’il ne peut pas faire confiance en sa banque, en passant par le client qui veut juste que son banquier lui dise merci : « Client : je vous prête 75 euros par mois ! Banquier : non, vous nous déléguez ces 75 euros ! Client : je vous les prête ! Et quand je prête de l’argent à un ami, il me dit merci ! »*

« Le spectacle révolte par moment, fait rire, beaucoup, et nous invite à réfléchir... » L’ensemble est tantôt hilarant, tantôt révoltant mais à juste dose, et surtout, ce n’est pas un spectacle moralisateur. À l’inverse d’autres auteurs et metteurs-enscène, le sujet est très bien traité. En effet certains expliquent très prétentieusement à la jeune génération comment elle doit se révolter, et d’autres essayent de sensibiliser en traitant les spectateurs de « cons », ce qui produit chez moi l’effet inverse, je pense par exemple à Falk Richter et Jan Fabre.

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Ici, Françoise Bloch est dans une démarche ni culpabilisatrice ni trop didactique. Le spectacle révolte par moment, fait rire, beaucoup, et nous invite à réfléchir aux sujets traités mais sans nous mettre à aucun moment un poids insupportable sur les épaules. Dans la manière de traiter les dialogues, les scènes de réunion entre banquiers m’ont grandement évoquées le travail du metteur en scène Joël Pommerat. Les quatre comédiens et comédiennes sont géniaux, à commencer par Benoît Piret, que j’ai eu le plus grand plaisir à redécouvrir sur scène. Déjà conquis par sa prestation dans Mars au Théâtre Océan Nord début 2013, il est encore une fois irrésistible dans sa nonassurance maitrisée qui lui confère un pouvoir comique qui fait mouche. À ce dernier s’ajoute Jérôme de Falloise, Aude Ruyter et Damien Trapletti tous les trois convaincants et drôles. *(Cette retranscription est entièrement dépendante de ma mémoire, aucune réclamation ne sera acceptée si vous ne retrouvez pas exactement ce qui suit en allant voir le spectacle)

Baptiste Rol


Après de nombreux travaux de restauration et pour fêter ses 60 ans, le Théâtre Royal des Galeries propose au public Mariages et conséquences d’un des auteurs anglais le plus joué au monde Alan Ayckbourn.

Mariages et conséquences de Alan Aykbourn adaptation de Claire Nadeau mise en scène de Martin Willequet avec Catherine Claeys, Valérie Marchant, Aylin Yay, Bernard Cogniaux, ...

Plongé directement dans l’ambiance, l’auteur nous fait vivre l’histoire dans une maison bourgeoise moderne de banlieue. Quatre couples d’anciens amis se retrouvent pour prendre le thé. Le but de ces retrouvailles est de réconforter Clément ayant perdu récemment sa fiancée. Ce dernier est en retard et durant son absence de nombreuses choses vont se révéler. Chacun avec son histoire, son passé, ses mensonges et ses trahisons. Différentes situations qui font rire et pleurer le public. Des situations si réelles que toute personne peut s’y retrouver. Pour créer cette pièce, Alan Ayckbourn s’est inspiré d’une situation réelle et vécue. Il l’a construite autour de l’être humain et de sa perception de la mort.

Belgique. Dans les années 70, il devient l’un des plus grands auteurs du Théâtre Royal des Galeries. Le théâtre d’Alan Ayckbourn est un mélange de genres. Il tourne des situations dramatiques à la rigolade et inversement. Martine Willequet, la metteur en scène de la pièce, aime reprendre des textes d’Alan Ayckbourn pour le jeu de rôles des comédiens, les fous rires du public et la difficulté mais aussi l’aboutissement d’avoir mis en scène ce type de pièce. Durant une heure et demie le public est plongé dans l’atmosphère et le décor d’une maison bourgeoise actuelle. Une maison pouvant être la nôtre ou celle du voisin. Un décor soucieux du détail qu’on en arrive presque à oublier que nous sommes au théâtre. Une chouette soirée et un moment très agréable, avec des fous rires à nous couper le souffle. En plus d’une chouette pièce d’actualité, le spectateur peut admirer au plafond la plus grande fresque de Magritte.

Astrid Flahaux

Ses pièces sont accessibles à tous les publics. Il commence sa carrière internationale en

Si tu mourais ... de Florian Zeller mise en scène de Vincent Dujardin avec Stéphanie Moriau, Jean-Claude Frison, Michel de Warzée et Caroline Lambert

Si tu mourais... Ce sont les trois mots qu'Anne balance à son époux, Pierre, écrivain. Elle ne se doutait pas qu'il allait, tragiquement et brusquement, disparaître dans un accident. En allant ranger le bureau de son défunt mari, l'épouse "éplorée" se doutait encore moins de ce qu'elle allait découvrir. "... des fragments d'une pièce de théâtre où un auteur succombe aux charmes d'une jeune comédienne. Réalité ou fiction autobiographique? Elle entreprend une enquête fiévreuse à la recherche d'une vérité qu'elle redoute. Elle se perd dans un troublant labyrinthe où se mélangent mensonge, vérité, peur et rire et fantasmes." Le doute s'installe donc chez cette femme qui se lance dans une quête acharnée de la Vérité, une investigation mêlant le meilleur ami de Pierre, Daniel, et une jeune femme du nom de Laura Dame. Dans la première partie de la pièce, Anne inspire un mélange d'ennui et d'agacement. Elle n'a rien d'une femme qui vient de perdre l'homme qui partageait sa vie. Elle passe son temps à courir après la vérité qu'elle redoute

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et recherche. L'humour est peu perceptible ou plutôt grossier et plat. Certaines répliques font esquisser au fond de nous un sourire qui tend à s'effacer à force de répétitions. La seconde partie de la pièce, quant à elle, est plus intéressante et nous dévoile une réelle sensibilité et émotion chez les personnages. Une appréciation positive toute particulière pour la prestation de Caroline Lambert (dans le rôle de Laura Dame) qui a su véritablement jouer sur l'ambiguïté de l'histoire et du personnage, tout en étant dans la justesse de l'émotion. Finalement et globalement, nous avons apprécié la pièce. C'est à travers une mise en scène simple mais efficace, et bercés par les mélodies d'un saxophone que nous avons eu un certain plaisir à évoluer dans la constitution de ce puzzle tanguant entre réalité et fantasmes.

Van Hoang

novembre 2013


Cinéma / Musique / Scène / Littérature / Arts

On a rencontré Les Moutons à la Balsamine

© Hichem Dahes

Le spectacle Corinne et Corinne sont deux moutons, l’un est blanc (Lise Wittamer) et l’autre noir (Elena Perez). Elles sont comme le ying et le yang, opposées et complémentaires. La noire est extravertie, intelligente, dominante. La blanche est effacée, romantique et fascinée par la noire. Elles se sont échappées de leur pâturage, pour vivre la grande vie. Et elles meurent d’envie de nous raconter leur périple.

Tout est étonnant et singulier dans cette pièce. Tout d’abord, la salle de théâtre qui n’en n’est pas une au sens classique, puisque l’on s’assied devant le bar.

D’autre part, les musiques et les chansons sont très bien choisies et sont parfaitement en accord avec le texte qui est d’une grande justesse et d’une grande profondeur, accentué par des passages comiques. D’ailleurs, on a le sourire aux lèvres tout au long de la pièce.

Avec elles, à certains moments, on voit Renaud Garnier-Fourniguet, qui représente l’humain : il est à la fois le musicien et l’animateur du zoo. Le zoo, moment important pour ces moutons car sur le chemin de la liberté. Elles y atterrissent et y font un spectacle qui leur permet à la fois de manger et d’admirer leur idoles : les humains. Fascinées par les humains et leurs complexités, elles veulent devenir comme eux, elles veulent être libres. Car pour elles, la différence entre la bête et l’homme, c’est la liberté, la capacité de décider et d’avoir le choix. Seulement voilà, la liberté a un prix… Tout au long de leur histoire, la blanche écrit un « gros bouquin » qui reprend les raisonnements géniaux de la noire. Autour des citations, des réflexions et des chansons, ces moutons résument leurs aventures, leurs désirs et leurs peurs.

lait. Elles possèdent des oreilles et des sabots. Renaud Garnier-Fourniguet, lui, ne revêt pas de costume et son jeu manque de relief. Le rôle aurait peutêtre dû être pensé différemment ou disparaître au profit d’une voix.

Le spectacle a déjà été joué en 2012, mais la nouveauté de cette année, c’est que les actrices jouent à coté et au milieu des spectateurs, qu’elles les prennent à parti et les intègrent dans leur jeu. Une difficulté que de se mêler au public et d’interagir avec lui. Mais le défi est réussi. Quant à la déco, elle est surprenante : quelques objets, une guitare, des micros. Le sol est recouvert d’une bâche et heureusement car la pièce est salissante : lancement de « purins », saucisses, eau, voilà ce à quoi il faut faire face. Les costumes sont insolites, les deux actrices revêtent une fourrure avec des pis, dont ceux de la noire donneront du

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Burlesque et à la fois plein de bon sens, le jeu et les dialogues des moutons permettent de faire passer les idées sur la liberté. Une pièce surprenante, pétillante.

Noelia Gonzalez


La rencontre Est-ce difficile de jouer une pièce quand on est si proche du public ? Lise : Non, c’est une chouette expérience. Elena : Non c’est agréable. Même si il est vrai qu’on ne sait jamais comment les gens vont réagir. Quand on a joué la pièce l’année passée, on était dans une salle de théâtre classique et donc les spectateurs étaient un peu comme au zoo, à nous regarder. Ici, c’est différent, on est dans le même espace, on partage les scènes avec les spectateurs. Les spectateurs font partie du spectacle, ils se regardent euxmêmes mis en scène. Est-ce-que c’est facile de jouer un mouton ? Lise : C’est libérateur, cela permet d’aborder des sujets sérieux sans aucun jugement de la part des spec-

tateurs et sans le côté moralisateur puisqu’on n’est pas des humains. On aime l’idée de déjouer les idées préconçues au travers de ces deux bêtes. Quel est le message que veulent faire passer ces deux moutons ? Elena : Ils n’ont pas vraiment qu’un seul message à faire passer. Quand on a écrit le texte, on n’a pas créé chacune de notre coté un mouton. On a construit les caractères et les dialogues ensemble. C’est ainsi qu’on a dessiné peu à peu les différents profils des deux moutons. Mon mouton est plutôt le cerveau, le militant. Il est plus dominant, même si on voit qu’à un moment, il se pose des questions sur lui même et sur sa manière d’être et d’agir.

Elena : Avec ces deux personnages aux personnalités bien distinctes. On a voulu bousculer les clichés et montrer les relations humaines. Dans un couple, il y a une façon de parler qui s’établit et la personne s’habitue à ce que l’autre lui parle de cette manière. On a voulu mettre en avant, le fait que la femme a toujours ce rôle secondaire, inférieur, et qui subit. Comme femmes, il nous paraissait important de dénoncer cela, et, à travers les animaux, le message et la réflexion passent différemment. En fait, tout au long de la pièce, les personnages se renvoient mutuellement la balle donc cela s’équilibrait un peu comme un match.

Noelia Gonzalez

Lise : Le mien est au contraire plus naïf mais aussi plus spontané.

© Hichem Dahes

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Interview

Amour sur place ou à emporter

©Amour sur place ou à emporter

La rencontre Elle, belle, charmante, souriante, envoutante et excellente comédienne. Lui, charmeur, jovial, amical, comique et prodigieux humoriste. Deux talents de la scène parisienne, deux amis dans la vie qui se sont donnés rendez-vous sur scène avec leur spectacle : Amour sur place ou à emporter. Pour la première fois depuis deux ans, les deux artistes se produiront en Belgique le 17 décembre prochain, au Centre Culturel d’Auderghem, pour le plus grand bonheur du public belge. Une pièce pleine d’humour et de vérités à ne manquer sous aucun prétexte. Rencontre avec Amelle Chahbi et Noom Diawara, les deux comédiens de ce « street boulevard » qui a déjà charmé plus de 200.000 français. C’est votre première représentation en Belgique. De ce fait, il faut bien avouer que peu de personnes vous connaissent ici. Qu’est-ce que cela vous fait de vous présenter devant le public belge ? Appréhendez-vous le moment ? Amelle Chahbi : Non, car nous avons tous les deux déjà travaillé en Belgique au Comedy Club, au Cirque Royal, à Louvain-La-Neuve, à Liège, etc. Du coup, nous savons que le public belge est très chaleureux, très réceptif. Bon, évidemment, nous ne savons pas quel

accueil le public réservera à ce spectacle en particulier, mais nous supposons que cela se passera bien. Via les réseaux sociaux et les mails que nous recevons, nous savions qu’il y avait une demande en Belgique. Beaucoup de belges nous suivent et demandent à ce que l’on vienne jouer ici. Dès lors, est-ce grâce à cette demande du public que vous avez décidé de faire une date à Bruxelles ? A.C. : Oui, tout à fait. Maintenant, il y a tout un travail derrière. D’abord, on voit si les promoteurs pensent que le spectacle peut plaire. Ce qui a été le cas, puisque l’on nous a répondu : «Pas de souci, on vous attend !».

« Beaucoup de belges nous suivent et voulaient que l’on vienne jouer » Comment vous-êtes vous rencontrés ? Noom Diawara : Au Jamel Comedy Club mais aussi avant. Nous faisions partie d’un même collectif d’artistes. À cette époque, nous faisions du standup dans la même troupe. Qu’est-ce qui vous a poussé ou donné l’envie d’écrire et de jouer une pièce humoristique à deux ?

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A.C. : En fait, nous en avions un peu marre de faire du stand-up chacun de notre côté. On s’est dit : « Pourquoi ne pas proposer autre chose que du standup? ». Alors, bien évidemment, il y a beaucoup d’autres formes de spectacles auxquels nous avons assistés, mais aucun d’eux ne nous parlait vraiment. De la comédie musicale à Londres à la Comédie Française, nous ne trouvions pas un entre-deux plus funky et générationnel. Là, on s’est dit qu’il y avait un créneau à prendre. N.D. : Tout à fait, on sentait tout doucement que nous arrivions au bout de ce que nous pouvions faire en standup. Au lieu de raconter des anecdotes, nous voulions raconter une histoire. De plus, nous souhaitions nous diriger vers la comédie romantique, un thème assez peu présent dans les pièces de théâtre. Il en existait quelques-unes mais elles nous paraissaient déclassées, trop vieilles. Même si elles étaient très bien, celles-ci ne nous ressemblaient pas, ne nous parlaient pas directement. A.C. : Donc, nous l’avons créée ! Combien de temps avez-vous mis pour écrire cette pièce ? A.C. : Le squelette était écrit en trois mois, je pense. Après, il fallait y ajouter les blagues et tester le tout. Globalement, cela nous a pris une petite année.


Amour sur place ou à emporter, c’est l’histoire d’un jeune couple qui s’est rencontré via internet. Un couple aux allures banales mais que pourtant beaucoup de points opposent. Vous jouez avec ces divergences dans la pièce. À l’écriture, n’avezvous pas eu peur de tomber dans la dualité homme-femme maintes et maintes fois abordée au théâtre ? A.C. : Nous n'avons rien inventé, ça c’est clair mais nous avons actualisé. N.D. : J'acquiesce ! (rires) Effectivement, nous n’avons rien inventé, des comédies sentimentales, cela a toujours existé. Seulement, comme on l’a déjà dit, cela ne nous parlait pas. Il fallait parler à un public âgé de 15 à 35 ans au départ. Nous l’avons rendu plus moderne, plus accessible et, surtout, nous y avons intégré les codes d’aujourd’hui. A.C. : C’est ce qui fait la différence, et c’est là-dessus que l’on se démarque des autres histoires similaires. Même si le sujet est vieux comme le monde, il est mis au goût du jour. Nous l’avons pris sous un autre angle.

N.D. : Ou pire d’un chinois ! (rires) Non, en fait, je pense que l’on a une légitimité. Il faut avouer qu’au départ, nous n’étions pas partis dans l’idée du communautarisme. Mais à un moment donné, nous nous sommes dit que cette confrontation culturelle était une réalité du quotidien. Mon frère est marié avec une algérienne et des tensions culturelles existent. Evidemment, la scène qui parle d’intolérance est celle qui est présentée à la télévision mais c’est la seule scène où on y va à coeur joie dans les clichés. C’est d’ailleurs celle que nous avons écrite en dernier. Pourquoi cette scène est là ? Pour montrer la bêtise du racisme et des clichés qui vont avec. A.C. : Oui. Et les phrases que nous lançons dans cette partie du spectacle sont des phrases que nous avons tous déjà entendues.

Par exemple, sous le couvert de cette histoire d’amour assez banale, nous traitons d’autres sujets beaucoup plus sérieux comme le racisme entre deux minorités. On dit souvent les blancs n’aiment pas les arabes et les noirs. D’une part, ce n’est pas toujours le cas et d’autre part, il faut savoir qu’il existe les mêmes problèmes entre les immigrés eux-mêmes.

Justement, pensez-vous qu’il est plus aisé de se moquer des stéréotypes culturels lorsque l’on est soimême d’origine étrangère ? A.C. : C’est certain. De la bouche d’un blanc lambda...

A.C. : Oui car, hormis les différences ethniques, la pièce parle d’amour, ce qui parle à tout le monde. N.D. : Attention, car nous parlons depuis cinq minutes de la scène de racisme, mais sans cette scène, la pièce aurait aussi bien marchée et aurait pu être jouée par deux acteurs blancs. A.C. : Un flamand et un wallon par exemple. (rires) Pourquoi avoir choisi comme titre Amour sur place ou à emporter ? A.C. : Cela fait partie du côté actuel de la pièce. L’effet fast-food. C’est la rencontre de deux jeunes gens, vont-ils rester ensemble ou pas ? Mais c’est aussi l’idée du moment, on consomme un amour puis on le jette aussitôt. Du temps de nos parents, il n’y avait pas de fast-food amoureux, beaucoup d’entre eux restaient 30 ans ensemble même s’il y avait des embrouilles dans le couple. C’était beau cet amour-là. Maintenant, ce n’est plus le cas ou c’est plus difficile. N.D. : Un mariage sur deux finit en divorce aujourd’hui. C’est triste ! Alors, il faut aussi savoir que ce n’était pas un titre prédéfini. À l’époque, nous hésitions entre trois titres et nous avons demandé aux internautes de choisir entre ceux-ci. Et c’est Amour sur place ou à emporter qui a été retenu.

N.D. : C’est même parfois pire. A.C. : C’est clair. On peut entendre des horreurs entre les noirs et les arabes par exemple. C’est pourquoi, nous avions vraiment envie d’en parler mais sur le ton de l’humour. On parle de la contraception, de la paranoïa de l’immigré et de plein d’autres choses.

palement l’histoire d’amour en nous disant avoir déjà vécu ce qu’ils ont vu.

Votre pièce est une véritable consécration au théâtre du Gymnase à Paris avec plus de 200.000 spectateurs. Des retours que vous avez eus, personne ne s’est offusqué de vos propos ? A.C. : Non, car ils viennent pour la plupart en connaissance de cause. D’autant que l’accroche du spectacle est justement la scène la plus trash. N.D. : Maintenant, les gens ne retiennent pas cela, ils retiennent princi-

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A.C. : Effectivement, nous interagissons énormément avec le public sur les réseaux sociaux et sur le net. Même concernant le sketch en luimême. Toujours concernant l’écriture, était-il difficile de garder un jeu d’acteur équitable ? Que l’un ne fasse pas d’ombre à l’autre. N.D. : Non, cela s’est fait naturellement. En fait, tout au long de la pièce, les personnages se renvoient mutuellement la balle donc cela s’équilibrait un peu comme un match.

novembre 2013


A.C. : Je suis d’accord avec Noom, cela s’est fait naturellement. Maintenant, nous ne nous sommes jamais posés la question lors de l’écriture.

A.C. : Au Canada, c’est un public très réceptif. Mais attention, soit ils t’aiment soit ils ne t’aiment pas. C’est plus marqué que chez nous.

Au détour d’un programme télévisé, j’ai constaté que Sabrina Ouazani interprétait dorénavant votre rôle. Comment cela se passe ? Vous alternez régulièrement suivant les agendas de chacun ou vous avez pour objectif de vous faire complètement remplacer dans le rôle ?

N.D. : Oui, et nous devons également adapter le texte. Mettre des blagues et des vannes qui leur parlent.

N.D. : On reprend mon rôle également. Oumar Diaw et Sabrina Ouazani reprennent tous les deux nos rôles respectifs. Car les pièces s’enchainent et cela fonctionne tellement bien que nous avions besoin d’eux. A.C. : Puis cela nous permet de faire une tournée, comme ici en Belgique. À côté, cela nous a permis d’adapter la pièce au cinéma cet été. N.D. : Pour vous, la pièce est nouvelle mais de notre point de vue, cela fait déjà trois ans que nous jouons la pièce et, même si nous adorons la jouer encore et encore, nous ne pouvons pas rester éternellement cloisonnés làdedans à l’avenir. A.C. : Nous vous préparons plein d’autres surprises.

« L’adaptation de la pièce au cinéma a été tournée l’été dernier » Pour nos lecteurs français, vous allez faire une tournée en France si je comprends bien ? A.C. : Tout à fait. Elle a démarré le 10 octobre et se terminera fin décembre. Nous passerons partout en France, en Belgique, en Suisse et au Canada peutêtre en juillet. N.D. : Nous adorons jouer au Québec. Nous avions déjà joué deux fois une partie du spectacle devant 3000 personnes là-bas et cela avait super bien fonctionné. Du coup, ils veulent en voir plus.

Comment cela ? Concernant l’immigration par exemple ? N.D. : Oui, au Canada, les arabes ce sont des terroristes, c’est la seule image qu’ils en ont vu qu’ils n’en voient pas. Pour eux, c’est Ben Laden et sa famille. (rires) Non, plus sérieusement, il faut prendre l’exemple des africains. Chez eux, il n’y a pas beaucoup d’africains, ce sont plus des Haïtiens. Et un Haïtien a d’autres codes qu’un africain. Par exemple, la polygamie ne leur parle pas. A.C. : C’est pour cela que nous partirons cinq jours avant pour retravailler un peu le spectacle.

Il y a des guests également comme Fabrice Eboué, Claudia Tagbo et d’autres. Mais ce ne sont que des guests. Les gros rôles sont tenus par des acteurs de la scène émergente. La sortie du film est prévue pour quelle date ? A.C. : Printemps 2014. Donc, nous te reverrons certainement à ce momentlà.

Propos recueillis par Matthieu Matthys

17 décembre 2013 à 20h30

Centre culturel d’Auderghem

Quel agenda ! Dès lors, vous avez abandonné le one man show ? A.C. : Moi oui, mais Noom continue le stand-up parce qu’il aime cela, c’est dans son sang. N.D. : Oui, j’adore ça. Partout où il faut jouer, je viens jouer. Vous parliez d’une adaptation cinématographique. Où cela en est-il? A.C. : Mais c’est déjà fait. On ne dort pas nous qu’est-ce que vous croyez ? (rires) Et qui sera au casting ? A.C. : Alors, nous avons voulu prendre des fraîcheurs. C’était très important pour nous de voir d’autres visages, de ne pas prendre des gens connus pour avoir de grands noms sur l’affiche. Nous avons fait un grand casting avec Noom et nous avons choisi des acteurs qui n’étaient pas forcément connus mais qui étaient faits pour ce film. Aude Pépin et Pablo Pauly seront présents par exemple. On ne les connait pas encore bien mais ce sont réellement les acteurs de demain. Puis, il y a eu une alchimie géniale.

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Ils se sont rencontrés sur Facebook, pourtant tout les oppose. Ils vont cependant essayer de s'aimer, pour un soir ou plus... Noom est radin, vit chez ses parents, et a pour seule ambition de passer manager chez Mc do... Amelle est indépendante, parisienne et rêve de romantisme... Ajouter à cela que Noom est noir, Amelle d'origine maghrébine, et la relation devient très compliquée !



Interview

Jules, l’humoriste qui monte

©RTL / Jean-Michel Clajot

La rencontre Il y a à peu près deux ans, nous avions eu l’opportunité de découvrir un humoriste talentueux dans l’antre très conviviale du Bouche-à-Oreille. Jules nous était apparu alors comme une révélation de la scène belge (même si il est français). Aujourd’hui, Jules est devenu une personnalité remarquée et respectée dans le milieu de l’humour mais aussi sur les planches et à la radio. Rencontre avec un artiste aux multiples talents dont la carrière ne fait que commencer. Nous avions fait votre rencontre il y a six mois de cela. Nous avions parlé de votre actualité mais aussi et surtout de votre passé. Depuis, beaucoup de choses ont encore changé. Continuez-vous, dès lors, à présenter votre spectacle Jules, bientôt papa ? ? Tout à fait. Maintenant, je n’ai pas beaucoup de représentations cette année, cela doit tourner autour d’une vingtaine de dates en Belgique et en France. En ce moment, je joue surtout dans des pièces de théâtre comme Les dessous chics par exemple. Mais il est vrai que je suis en priorité accaparé par la radio et les chroniques qui s’y rattachent. L’année passée, j’étais déjà sur

Bel RTL mais j’y faisais une chronique hebdomadaire. Cette année, les chroniques sont un peu moins longues mais elles sont quotidiennes, ce qui demande encore plus de rigueur. De plus, l'an dernier, c’était des actus people mais aujourd’hui, je peux me permettre de jeter mon dévolu sur toute l’actualité. C’est beaucoup plus drôle. Parce que bon, les peoples sont bien gentils mais à un certain moment, on tourne un peu en rond avec eux. Alors que l’actualité dans son ensemble est beaucoup plus vaste et intéressante. C’est un autre exercice mais j’y prends énormément de plaisir. Continuez-vous vos représentations à Paris, comme c’était le cas il y a peu ? En fait, j’ai été contacté par une institution parisienne, le Point-Virgule. Je n’avais fait aucune démarche car je ne m’imaginais même pas là-bas mais c’est eux qui m’ont contacté. On va donc essayer de trouver une date pour faire une représentation dans ce lieu. Ce sera évidemment un essai mais peut-être qui sait...

Pour l’instant, il n’y en a pas encore un en cours d’écriture car je suis occupé à monter un autre projet qui aura sa place sur internet. Cela dit, il est clair que je souhaite de tout cœur créer un autre one man show mais j’en cherche encore le sujet. J’aimerais bien faire quelque chose de plus inattendu. La future paternité est un sujet qui touche tout le monde donc c’est assez conventionnel. Non, j’aimerais réellement faire un spectacle sur un thème qui va étonner le public. Sur des sujets d’actualités par exemple ? Ça pourrait, oui. Je pourrais d’ailleurs utiliser mon travail d’écriture radiophonique mais je ne peux pas non plus faire une heure et demie de spectacle avec des news lancées sans lien et sans histoire de fond.

Vous devenez tout doucement un incontournable de la scène belge et vos spectacles fonctionnent très bien. Avez-vous dès lors l’idée de faire un second spectacle ? Une suite ?

Moi, je pensais plutôt à un spectacle du genre : « Comment j’ai détourné 20 millions ». Voilà, je n’ai pas l’intention de traiter le sujet mais c’est un bon exemple. Bien évidemment, on a déjà entendu parler de ce phénomène car le détournement d’argent dans notre société, c’est assez courant. Mais un spectacle là-dessus, cela n’a pas été fait et ça pourrait amener des situations sympathiques.

Alors, oui et non. Car je pense que le sujet sera tout autre.

Reste à trouver le sujet, comme on l’a dit. Ce sera d’office un one man show

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et pas une pièce de théâtre. Je peux également confier que j’aimerais bien coécrire ce spectacle avec d’autres personnes. De un par envie, et de deux parce que c’est assez long et difficile de composer un spectacle complet tout seul.

On a le projet de le faire. Maintenant, il faut savoir qu’il est très difficile de jouer à Bruxelles car tous les théâtres n’en veulent pas spécialement, tous les théâtres ne peuvent pas accueillir des pièces parce que leur programmation est complète.

Avec Patrick Ridremont par exemple ? Vu qu’il avait un peu participé à l’adaptation de Jules, bientôt papa ? …

De plus, c’est une pièce assez récente, elle date de janvier dernier. C’est quelque chose de nouveau. Prenons un exemple : si aujourd’hui, on voulait démarrer la pièce à Bruxelles dans un théâtre prêt à l’accueillir, il faudrait de toute manière attendre la saison 2014-2015 au minimum.

Pourquoi pas. Alors avec Patrick, c’est clair que l’on se marrait bien. C’est vrai qu’il m’avait aidé sur mon spectacle en resserrant quelques petits trucs par-ci par-là. Cela avait été vraiment sympa de sa part, je le remercie d’ailleurs pour cela.

Mais c’est vrai que très souvent, je fais des nuits de quatre heures et demi pour l’instant. Finalement, j’aurai peut-être un record du monde, celui de la carrière la plus courte. (rires) Non mais je suis content de ce que je fais et c’est pour cela que cette fatigue ne me pose pas de problème. J’ai la chance aujourd’hui de vivre pour ma passion alors qu’auparavant, je devais travailler à côté. À l’époque, je bossais à la Fnac.

Bref, rien n’est encore fait mais il faut que je puisse proposer quelque chose de nouveau aux gens, même ceux qui n’ont pas vu mon spectacle sur la paternité. Attention, je ne prétends pas vouloir révolutionner le genre ! (rires)

Puis après, il y aura Les dessous chics 2.

Même si je transpire et que je ne dors pas, je peux dire que je vis de faire rire les gens depuis deux mois maintenant. C’est pas pour m’arrêter tout d’un coup. Puis, je vais écrire pour d’autres gars donc, c’est génial !

Vous jouez également Une fille drôlement gonflée à Liège. De quoi parle ce spectacle ?

Propos recueillis par Matthieu Matthys

Alors, question simple mais importante, Jules est-il papa maintenant ?

C’est une pièce de Ray Cooney. C’est l’histoire d’un choc générationnel et culturel entre un fonctionnaire un peu lent et une punk enceinte. Elle débarque à son domicile et s’ensuit une série de gags.

Non, pas encore, mais ça viendra. Avec toute cette actualité et toutes ces nouvelles activités professionnelles, vous reste-t-il encore du temps ? Ne ressentez-vous pas un ras-le-bol ou, au contraire, êtes-vous comme un poisson dans l’eau ? Il y a des deux en fait. D’un côté parce que je fais des choses que j’adore faire. Le métier que je fais est le métier dont je rêvais. Comme dans ce milieu, je rencontre plus de gens, cela m’apporte de nouvelles possibilités. Cela me fait avancer c'est certain. Que du bonheur. Alors, il y a aussi un côté négatif à tout cela, c’est que je n’ai plus beaucoup de temps pour moi. Je travaille sept jours sur sept et je mets même à contribution ma propre femme afin qu’elle m’aide, ce qu’elle fait admirablement bien. Alors vous jouez dans Les dessous chics, une pièce qui fonctionne à merveille en Wallonie. Pourtant, on ne l’a toujours pas vue à Bruxelles. Les dessous chics boudent-ils Bruxelles ?

Mais sinon, il y a tout de même quelques dates à Bruxelles, notamment au Chalet de Moortebeek.

jour pour aller voir les potes jouer. (rires)

Mais là, je jouais la dernière à Liège. Mon personnage est un gars un peu zinzin, en retrait, qui apparait de manière ponctuelle. On la reprendra fin novembre à Charleroi. Vu votre agenda chargé, allez-vous battre l’adolescent de 17 ans qui, en 1965, a obtenu le record du monde du mec qui n’a pas dormi pendant 11 jours ? (Rires) C’est possible mais 11 jours, c’est beaucoup là, je ne tiendrai pas. Plus sérieusement, je sais que cela fait beaucoup mais je ne vais rien lâcher. Alors, bien sûr, là c’était la rentrée donc tout a été un peu vite mais après ça ira un tout petit peu mieux. Je dois avoir 130 dates en tout si je compte bien cette année. Cela me permettra d’avoir probablement un jour de pause par semaine… et je profiterai de ce

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Interview

Zidani fait son Cirque Royal le 16 novembre

©Frédéric Moulaert

La rencontre Quinze années ! Une période à la fois courte dans une vie et à la fois longue dans une carrière. Aujourd’hui adulée en France et ailleurs en francophonie, elle n’en demeure pas moins notre Zidani nationale qui a su faire hurler de rire toutes les salles du royaume. À l’occasion de ses quinze années d’existence scénique, Zidani invite ses fans mais aussi ses amis à venir fêter avec elle un anniversaire horsnormes au Cirque Royal. Zidani, nous nous sommes vus dernièrement au festival d’Avignon, comment cela s’est passé pour vous ? C’était super. Les spectacles ont très très bien fonctionné donc je suis contente. Par contre, il faisait beaucoup trop chaud et ça, c’est moins délirant. C’est une grosse machine Avignon, quel monde ! C’est toujours un bon souvenir. Vous fêtez vos 15 ans de carrière, mais aussi près de quinze ans de succès. Quel bilan faites-vous de votre vie d’artiste ? Ce que je retiens en premier lieu, c’est d’avoir eu l’opportunité de faire le métier que j’aimais. Mais je retiens aussi le fait d’avoir eu un succès relativement constant. Bien sûr, tout est

relatif, parfois un spectacle fonctionne mieux qu’un autre. Mais, de manière globale, je peux dire que je suis partie dans une aventure personnelle et je n’ai jamais été déçue du chemin ou de tout ce que j’ai pu trouver sur ma route. Cette carrière m’a rendue heureuse, m’a apportée du bonheur, et c’est pour cette raison que je voulais faire une soirée anniversaire le 16 novembre au Cirque Royal.

« Le 16 novembre, ce sera une grande soirée anniversaire »

Vous êtes une incontournable de la scène belge et même bruxelloise. Mais récemment, vous êtes partie à la conquête d’Avignon, de Paris et de la France. Pensiez-vous au départ que cela deviendrait possible ? Alors, c’est clair que c’est un pas en avant, mais tout n’est pas terminé. Il reste encore beaucoup de travail à faire. Maintenant, c’est vrai que grâce à l’émission de Laurent Ruquier, On ne demande qu’à en rire, l’ascension s’est faite plus rapidement. Nous avons gagné cinq ans grâce à cela. Alors, possible oui, mais c’est surtout grâce à

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l’émission que nous avons pu aller si vite. Sinon, je joue encore dans un petit lieu où je ne joue que deux jours par semaine (ndlr : à la Comédie des Boulevards, à Paris). Je pense que je peux encore faire mieux, enfin je l’espère. Petit lieu ? c’est tout de même une salle connue de la scène parisienne... Oui, bien sûr mais ce n’est pas grand. Cela dit, c’était aussi une volonté de ma part de ne jouer que deux soirs par semaine à Paris. J’ai encore d’autres dates ailleurs et d’autres projets. Il ne fallait pas que cela m’accapare trop non plus. Puis, il faut que le boulot reste agréable. Le 16 novembre, vous enflammerez les planches du Cirque Royal avec beaucoup d’autres artistes et amis. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur cette soirée anniversaire ? Ce sera une réunion avec toute une série de gens avec lesquels j’ai pu travailler dans ma carrière. Notamment Bernard Vancraeynest qui est un compositeur avec lequel je travaille depuis près de vingt ans maintenant. Il sera présent avec son groupe Ffortissimo. En outre, Sam Touzani me fait l’honneur de s’occuper des chorégraphies. Il y aura également des « Zidanettes » et c’est Charlie Degotte qui s'occupera de


la mise en scène. Gudule sera également de la partie. Bref, c’est une soirée d’affection et de collaboration. Puis, il y aura bien entendu des invités comme Malvira et Patrick Chaboud avec lequel j’ai écrit mon spectacle. Philippe Geluck voulait venir mais il ne saura pas. Il y aura également Ben Hamidou et des autres amis. Beaucoup de surprises aussi.

Propos recueillis par Matthieu Matthys

Le public aura-t-il droit à des sketchs inédits de Zidani ? Pas tant que cela. Ce sera beaucoup de sketchs piochés dans ma carrière. Une soirée best-of (rires). Si je ne me trompe, vous n’avez jamais fait le Cirque Royal, est-ce un grand moment pour vous de pouvoir jouer dans cette salle mythique de Bruxelles ? Je l’avais déjà fait mais jamais seule. Maintenant, je pense que le Cirque Royal, c’est un peu notre Olympia à nous. Un endroit qui rime avec consécration. Après, il y a d’autres lieux à Bruxelles mais c’est vrai que le Cirque Royal reste assez mythique, surtout pour un humoriste. À côté de cela, vous continuez à présenter La rentrée d’Arlette en France et en Belgique. Une tournée en France est-elle d’ores et déjà prévue ? Oui, les dimanches et lundis à Paris comme on l’a dit. C’est la version française du sketch que l’on connait en Belgique. On l’a adapté au public français qui l’adore d’ailleurs. La tournée est en cours actuellement. La semaine, je suis régulièrement en province. Ensuite, vous enchainerez avec votre nouveau spectacle Retour en Algérie. Quel en sera le sujet ? Vos origines ? Alors, le principe du spectacle est le même que ceux que j’avais fait précédemment. Concernant l’histoire, tout démarre alors que je suis coincée à l’aéroport de Zaventem. Je dois partir en Algérie. Mais en attendant ce dé-

©Frédéric Moulaert

part, je fais un peu le point et le bilan sur l’Algérie. J’y aborde les idées que j’en ai, mes doutes, mes craintes, mes angoisses. Dans le même temps, je parle de mon enfance et de l’Algérie en toile de fond. C’est un spectacle que l’on peut qualifier d’autobiographique. J'estime qu’il est important dans sa vie de temps en temps retrouver son identité. Votre présent est merveilleux mais où vous voyez-vous dans 15 ans ? Toujours à l’affiche d’un one-woman show ?

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Je ne sais pas encore, on verra bien. En tout cas, j’ai encore plein de choses à faire dans ma vie. Comme voyager par exemple... Enfin, verrons-nous un jour Zidani au cinéma ? Ah ça, j’aimerais bien. Vous avez des propositions ? Alors, j’ai eu des propositions en France mais il faut encore que tout cela se concrétise.

Propos recueillis par Matthieu Matthys novembre 2013


Cinéma / Musique / Scène / Littérature / Arts !

Littérature

La Guerre des fesses de Jean-Claude Kaufmann Editions J-C Lattès

La critique On le sait, la Science ne cesse d'évoluer au fil du temps. Associée au Progrès, elle est souvent synonyme d'évolution technologique et de changement. Mais il existe aussi une autre Science, celle qui analyse nos comportements individuels et qui porte un regard sur notre évolution au fil des âges: la sociologie. C'est aujourd'hui par l'intermédiaire du travail de Jean-Claude Kaufmann, Sociologue au CNRS, que nous allons faire mieux connaissance avec cette science. Après son superbe ouvrage sur les sacs à main (Le Sac. Un Petit Monde d'Amour, J-C Lattès, 2011) dans lequel il analysait cet objet d'apparence insignifiante et pourtant pouvant révéler la personnalité de la femme qui le détient, Kaufmann s'est attaqué, à présent, à l'un des pires fléaux de notre société: le diktat de la minceur chez les femmes. Étrange, curieux, indiscret mais toujours pertinent, Kaufmann est de ceux qui aiment à observer l'individu et porter un regard différent sur son quotidien en prenant le contre-pied d'une situation. N'hésitant pas à braver le politiquement correct pour interpeller et amener le lecteur à se voir autrement, au travers de ce qu'il a de plus personnel.

Dévoilant nos secrets aux yeux de tous et ne pratiquant pas la langue de bois, Kaufmann déshabille notre société moderne et dénonce ses travers et l'enfer auquel conduisent les préjugés de chacun et le regard que nous portons, tous, sur ceux qui nous entourent. Ainsi, dans La Guerre Des Fesses, il est question de dénoncer le diktat de la beauté imposée, de plus en plus banalisé. Un phénomène qui s'attaque à tous les individus dès leur plus jeune âge et tout particulièrement aux femmes. Encore une fois, Kaufmann surprend en proposant un point de vue dérangeant sur le sujet. Il prend donc ici la liberté de nous parler du regard de la femme sur sa beauté en parlant de... ses fesses! Et oui, quoi de plus personnel et de plus intime que cette partie du corps ? Alors que d'apprentis poètes vont plutôt axer leurs poèmes sur le regard ou le visage de leur promise, notre spécialiste, lui, n'hésite pas à donner un coup de pied dans la ruche, en allant droit au but et en prenant encore un contre exemple pour illustrer sa théorie. Amusés au début par le ridicule de propos, on s'aperçoit très vite que l'humour laisse vite place à une véritable

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réflexion sur l'humain. Car oui, ces règles imposées par notre modernité sont devenues ridicules et révoltantes et Kaufmann a l'intelligence de donner un point de vue neutre sur la chose en proposant des exemples concrets et en expliquant et en argumentant l'évolution de l'interprétation de la beauté. On découvre, ainsi, une autre vision de la femme et cela nous pousse aussi, en tant qu'homme, à nous remettre en question face à ces mœurs parfois bizarres. Suite à la lecture de cet ouvrage intelligent, de par sa fausse légèreté et sa complexité, une question s'impose: après la taille 36, les fesses, les seins, les régimes interminables, la liposuccion et les autres mauvais traitements que s'infligent les femmes pour répondre aux normes de notre "normalité", quelle sera la prochaine étape pour être belle ?

Christophe Pauly


L’histoire commence avec d’un côté une flic un peu blasée par son travail et par sa relation amoureuse, qui peine à être respectée par ses collègues et par ses supérieurs, et de l’autre côté une psychologue plutôt mignonne qui est passionnée par deux de ses patients : Samuel Bai – un ex enfant soldat – et Victoria Bergman. Jusqu’au jour où le cadavre d’un enfant est retrouvé non loin d’une station de métro, complètement momifié et sauvagement mutilé. Bientôt, d’autres corps viennent rejoindre le premier et l’évidence d’une série s’impose.

Persona de Erik Axl Sund Editions Actes Sud, 480 p.

Paroles des anciens de Gérard Boutet Editions Omnibus, 800 p.

La flic et la psy avancent chacune de leur côté et se voient rapidement confrontées à la même question : combien de souffrances peut endurer un être humain avant de perdre son humanité, de devenir un monstre ? À quel moment la victime devient-elle à son tour un bourreau ? Dans ce thriller – qui selon moi est bien placé pour talonner sinon dépasser la trilogie Millénium – le duo d’auteurs Erik Axl Sund nous offre une véritable plongée dans les abîmes de la psychologie humaine. Persona

est un thriller noir comme seuls les suédois savent le faire, à la limite du glauque parfois mais toujours remarquablement bien écrit. Les personnages y sont extrêmement bien décrits, tellement bien qu’on pourrait sans mal s’imaginer à leurs côtés. Si avant de commencer ma lecture, j’avais peur qu’un roman écrit à quatre mains ne se voit trop (styles différents, texte d’une qualité iné-gale,…), force est de constater que le récit coule d’une traite et de façon homogène. Entre personnalités multiples, meurtres, intrigue amoureuse et quelques petits clins d’œil à la trilogie de Stieg Larson, on a ici réunis tous les ingrédients qui feront des Visages de Victoria Bergman une trilogie qui va faire parler d’elle (et pas uniquement pour sa couverture vendeuse). Après la fin pleine de suspense de ce premier volume, j’attends le second avec beaucoup d’impatience.

Margot Thibaut

Livre épais, couverture avec des personnages d’un temps ancien, quatrième de couverture pompeuse et énigmatique, etc. On ne sait pas à quoi s’attendre en découvrant pour la première fois l’ouvrage de Gérard Boutet. Nous dirons même que si l’article n’était pas nécessaire, nous n’aurions peut-être même pas commencé la lecture.

Bien que quelques métiers existent toujours, la plupart ont disparu. Les derniers témoins de cette époque meurent les uns après les autres. Gérard Boutet décide alors, avant qu’il ne soit trop tard de collecter témoignages, histoires, techniques et anecdotes pour garder une trace du passé, une trace de ces corporations d’antan.

Préface, introduction, c’est pompeux et ennuyant et tout à coup on tombe sur la première véritable page du livre : « Le Forgeron et le maréchal-ferrant ». Retour en arrière sur le sommaire, effectivement le livre est composé de dizaines de petites histoires ou témoignages sur ces vieux métiers, souvent disparus de nos jours, qui, au contraire, d’enrichir financièrement l’artisan, le rendait fier du travail accompli.

A condition que vous soyez légèrement curieux, Paroles de nos anciens peut intéresser tout un chacun. La seule complication d’un tel livre est l’emploi, dans les descriptions, de termes soit trop techniques, soit ayant un sens différent de celui de notre époque. Un dictionnaire ou une recherche Google peut s’avérer nécessaire pour profiter pleinement de chaque chapitre.

Nul besoin de suivre un ordre chronologique pour lire les 800 pages qui composent ces paroles d’anciens. Prenez le sommaire, choisissez la thématique qui vous intéresse et dirigez-vous en suite vers le métier qui vous intrigue. Commencez par les métiers inconnus, les métiers qui touchent votre histoire familiale, etc.

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Paroles de nos anciens nous avait fait peur, rebuté même, de prime abord. Mais Paroles de nos anciens est finalement un bel hommage aux métiers d'antan. A chaque chapitre terminé, on se prend à vouloir découvrir un nouveau métier, et puis un autre, et encore un autre, …

Loïc Smars

novembre 2013


Cinéma / Musique / Scène / BD / Arts

Bonneval Pacha : Le Turc de Gwen de Bonneval et Hugues Micol Editions Dargaud, 56 p.

Bonneval Pacha c’est la volonté de Gwen de Bonneval de raconter son ancêtre et sa vie riche en péripéties, digne des plus grandes fictions.

sources mêlant documents historiques, correspondances du héros avec les différents protagonistes ou récits de fictions sur le personnage.

Le but est de raconter l’histoire de ce comte qui né dans une famille noble du limousin, servit très jeune dans la Royale (marine française) avant de se diriger vers l’armée de terre. Il passera de l’armée française à l’armée autrichienne suite à un différend galant avec Chamillart, secrétaire d’état à la guerre. Son tempérament direct et charmeur lui vaudra aussi la disgrâce du Prince Eugène (Autriche) et découvre une troisième patrie : la Turquie. Il devînt Pacha et affrontera pour la deuxième fois son camp précédent. Ce troisème tome raconte sa vie après son mariage et son arrivée en Turquie.

Le gros bémol de l’ouvrage pour notre part est le dessin d’Hugues Micol. Que ce soit dans les deux premiers tomes ou dans celuici, il alterne talent et brouillons. Fort dans les reconstitutions, les scènes avec du monde ou dans la précision des décors, ils semble en revanche beaucoup moins inspiré quand il s’agit de caractériser ses personnages (on ne reconnait pas toujours tout le monde) ou aussi, simplement, de les rendre crédible. Ils sont souvent très moche et disproportionnés, ce qui vient un peu gâcher la fête.

Savoir que Gwen de Bonneval, déjà scénariste de BD ai trouvé cette histoire familiale fait en sorte qu’elle s’investit totalement dans l’élaboration de l’histoire et cela se sent. Malgré que l’on perd quelques fois le fil de l’histoire, c’est passionnant. De plus, l’auteur a doublé d’ambition en privilégiant la vérité historique. Pour nous en convaincre, elle propose même, cas rare dans le monde de la BD, un répertoire bibliographique de ses

Du jazz, de la prohibition et de la boxe : c’est le cocktail proposé par Mariolle et Bourgouin pour le début de cette saga sur les années 30 à New York. C’est aussi une belle découverte, explications.

Blue Note, Tome 1 : Les Dernières heures de la prohibition de Mathieu Mariolle et Mikaël Bourgouin Editions Dargaud, 72 p.

Pour ce premier tome, on suit le parcours de Jack Doyle, héros à l’américaine, plus fort que le système corrompu mais qui y laisse sa gloire. Ancienne vedette du ring déchue, son ancien impresario lui propose de remonter sur scène pour réaffronter un ancien adversaire et savoir si il peut le battre à la loyale ou si son adversaire avait été payé pour se coucher. La victoire au bout des gants, les problèmes commencent : son impresario l’a doublé et il a un mafieux local sur le dos. Le but ? S’en sortir et fuir ce monde de dingue. L’histoire fort conventionnelle de Mariolle n’entache en rien une BD à découvrir. Il s’inspire des films noirs scorcesiens ou leoniens tout en évitant de gaver le lecteur par une trame trop sportive. Le vrai combat est la lutte de Jack pour garder son intégrité dans un monde de la prohibition qui a fait naître une mafia de plus en plus puissante

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En résumé, Le Turc est un troisième tome qui poursuit la passionnante histoire du compte de Bonneval jusqu’à sa mort. Autant l’histoire est passionnément expliquée par son ancêtre, autant le dessin est plutôt moche. Nous saluons tout de même un récit qui a pu nous tenir en haleine sur trois tomes malgré ce dernier parfois trop longuet dans ses explications.

Loïc Smars

mais déclinante à l’approche du retour de l’alcool aux yeux de tous. Etonnamment, le jazz n’est que suggéré en trame de fond. Mais le deuxième tome annonce une personnage central de jazzmen, ce qui changera diamétralement le style de l’intrigue. Car c’est aussi le style qui joue beaucoup dans la réussite de cette histoire. Le coup de crayon et les couleurs (mise en valeur des dominantes rouges) intronise Bourgouin dans la cour des grands et instaure un climat pesant, violent et passionnant. Le rythme des combats est magnifiquement rendu au fur et à mesure des cases. Seuls quelques cases parfois trop brouillonnes gâchent de temps en temps le plaisir. Fan de cinéma noir ou de BD à caractère, vous serez ravis par celle-ci. Malgré une histoire quelque peu classique, un dessin brouillon, il faut se précipiter à l’intérieur d’un ouvrage à l’atmosphère aussi pesante qu’envoûtante.

Loïc Smars


Le revue mensuelle Ça m’intéresse développe au fil des numéros, une vulgarisation des connaissances techniques, scientifiques ou culturelles. Elle déjà développé de nouveaux magazines (Ca m’intéresse : Histoire, etc.) ou des livres édités au nom du magazine. En 2013, elle se lance dans le marché lucratif de la bande-dessinée. Pour premier test, un sujet vendeur et populaire : le vin. La vulgarisation rime-t-elle avec inintéressant ?

Ca m’intéresse : Le Vin de Murielle Rousseau et Sylvain Frécon Editions Dargaud, 48 p.

Dans cette première BD thématique, on suit deux spécialistes scientifiques des laboratoires de Ca m’intéresse. Ils vont tenter de nous apprendre les origines du vin, comment choisir ou déguster un vin mais aussi un apprentissage plus technique autour de la fabrication, les appellations contrôlées, etc. La vulgarisation, quand on aborde un ouvrage populaire est essentiel. A ce niveaulà, Murielle Rousseau maîtrise son sujet et malgré quelques manques de précisions qui serait pourtant le bienvenu, livre au fil des pages une tonne de connaissances, souvent avec humour. Le travail sur le vin par nos scientifiques de héros, sous l’œil jaloux des

Toucher au monde de la mode par la BD, c’est le pari d’Annie Goeztinger pour son nouveau projet. Pour cela, elle choisit l’axe de la biographie. Comme souvent dans cet exercice, il y a à boire et à manger. Le personnage célèbre choisi par Goeztinger est Christian Dior. Entrepreneur normand, installé à Paris après la Seconde Guerre mondiale, il crée une maison de haute couture ressemblant à un musée : meubles Louis XVI, maison dominée par la couleur blanche...

La Jeune fille en Dior d’Annie Goetzinger Editions Dargaud, 60 p.

Entouré de ses 4 femmes à tout faire, il est prêt pour son premier défilé. Tout le bottin mondain s’y est donné rendez-vous : chroniqueuses de renom ou stars du cinéma, comme Rita Hayworth ou Marlène Dietrich. Les cancans et les moqueries se déchaînent sur Dior, jusqu’au début du défilé… Goeztinger, ancienne dessinatrice de mode, revient à ses premiers amours en décrivant, avec précision, ce monde méconnu. Le rendu technique est impeccable et la décision de l’auteur de casser les codes de la bandedessinée en ne respectant pas le schéma habituel des cases est exceptionnelle. Le

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autres scientifiques du laboratoire Ça m’intéresse , est vraiment hilarant. Le fait de ne pas se prendre au sérieux tout en enseignant de nouvelles connaissances est un pari gagné. Malheureusement le pari est moins gagné en ce qui concerne le dessin, parfois horripilant de Sylvain Frécon. Comme souvent dans ce genre de BD, les décors et les couleurs sont impeccables mais le dessinateur, en recherche d’originalité, tente d’insuffler de l’originalité à ses protagonistes. Parfois cela fonctionne, souvent on a juste droit à une avalanche de faciès assez moches. Nous ne nierons pas une certaine lassitude à parcourir les pages, en espérant que la suivante sera garantie 100% sans le héros et son visage ridicule. Ça m’intéresse se lance dans la bandedessinée et ça fonctionne, on retrouve une vulgarisation et un ton plus léger que l’on retrouve aussi dans le magazine, le tout en apprenant des connaissances précises et justes. En ce point, c’est une réussite. Le dessin, par contre, gâche un peu l’importance de cette sortie.

Loïc Smars dessin et les couleurs donnent un style vieillot correspondant parfaitement au sujet. Si le choix des débuts de Dior et de la découverte des coulisses de la mode est intéressant, l'histoire trouve, pourtant, très vite ses limites. Passées les premières pages, le concept s’essouffle et tire en longueur. De plus l’histoire de Clara, personnage fictif campant une jeune journaliste débutante qui vivra son rêve, est finalement trop banale et ne tire pas l’histoire vers le haut. La jeune fille en Dior, qui sortira en cette fin de mois, nous reste en tête avec un bilan mitigé. Autant le plaisir du dessin, des couleurs vieillottes et de la découverte d’un monde méconnu nous emballe, autant les limites de l’histoire et la présence de Clara nous ont déçus. Finalement, on passera vite à autre chose, comme dans la ronde sans fin du monde de la mode.

Loïc Smars

novembre 2013


Cinéma / Musique / Scène / BD / Arts Raconter l’histoire autrement, tel est le projet de la série de bandes-dessinées uchroniques mise en œuvre par David Chauvel. Retour sur le sixième et avantdernier tome de la saga.

WW 2.2 : Chien jaune d’Hubert et Etienne Le Roux Editions Dargaud, 64 p.

1939, Hitler a été assassiné. Goering lance tout de même l’offensive sur la Belgique et la France, mais est arrêté par des pluies torrentielles. Comment va évoluer le monde ? Nous retrouvons ici, Matthew, traducteur américain dans le Pékin de 1943. Seul survivant occidental du soulèvement local contre l’occupant japonais, il a le malheur de s’insurger contre les méthodes d’un général japonais sur les prisonniers et la ville rebelle. D’allié, il va devenir l’ennemi ; de chien d’étranger, il va devenir littéralement le chien du général. Tortures et barbarie, le voyage va être long. Pour un passionné de Seconde Guerre mondiale, le propos de la saga rend prudent. Réécrire l’histoire est un concept dont beaucoup rêvent, mais cela peut paraître obscène tant la Seconde Guerre mondiale a eu un impact sur notre histoire.

Raconter l’histoire autrement, tel est le projet de la série de bandes-dessinées uchroniques mise en œuvre par David Chauvel. Retour sur le septième et dernier tome de la saga.

WW 2.2 : Paris, mon amour de David Chauvel et Hervé Boivin Editions Dargaud, 64 p.

Printemps 1944, on retrouve le héros du premier opus : le sergent Meunier. Il est maintenant un soldat aguerri et habitué des missions toujours de plus en plus périlleuses. Cela tombe bien, une nouvelle mission impossible lui est confiée : mener un commando de soldats et scientifiques en Allemagne pour neutraliser la puissance nucléaire qu’Himmler s’apprête à utiliser. Il ne se doute pas qu’il va subir de front la barbarie nazie et les camps de la mort et va devoir faire un choix dans sa mission. L'impact de la Seconde Guerre mondiale sur notre histoire est toujours présent, même de nos jours, et réécrire l'histoire est un exercice très ardu. Le propos de la saga peut rendre tout lecteur prudent. Paris, mon amour est le 7ème et dernier tome de la saga : le retour en France permet de finir où tout a commencé, avec le sergent

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En dehors, du concept, étalé sur 7 tomes, il convient de s’attarder plus longuement sur ce sixième, nommé Chien Jaune. Dans le déroulement du nouveau conflit les Japonais sont alliés au Américains. Les coutumes étant diamétralement opposées, l’union ne tient qu’à un petit fil fragile. Matthew s’en rend vite compte et va vivre les pires supplices. Malgré un dessin de Le Roux qui fait plus penser à une BD pour adolescents que pour adultes, le propos et les images sont durs et montrent la cruauté de l’homme en temps de guerre. L’histoire est, quant à elle, captivante. Amateurs de concepts originaux, WW 2.2 est fait pour vous. La guerre, avec ou sans les bourreaux que l’on a connus, reste la guerre. Chauvel prend même le parti de dire que la mort d’Hitler ne changera finalement que peu le cours de l’histoire. Le concept paraîtra déplacé pour certains, génial pour les autres.

Loïc Smars

Meunier. L’histoire va finalement faire vivre aux protagonistes les mêmes événements réellement passés. Seuls les pays et les personnages impliqués dans les désastres diffèrent : la première bombe nucléaire est lancée par les Allemands et ceux qui la subiront ne seront pas les Japonais. Seuls les camps de la mort nazis et la supériorité américaine ne diffère pas de la réalité. Le dessin de Boivin est bien plus en rapport avec son sujet que pour le précédent tome. Et on est toujours passionné par cet ovni de la BD. Amateurs de concepts originaux, WW 2.2 est fait pour vous. La guerre, avec ou sans les bourreaux que l’on a connu, reste la guerre. Chauvel prend même le parti de dire que la mort d’Hitler ne changera finalement que peu le cours de l’histoire. Le concept paraîtra déplacé pour certains, génial pour les autres. Ce dernier tome boucle avec brio la saga et ira même jusqu’à surprendre son monde. Encore bravo.

Loïc Smars


Parler de Seconde Guerre mondiale a toujours autant la cote, que ce soit dans la littérature ou le cinéma. La BD ne déroge pas à la règle. Marvano quitte son univers habituel pour investir ce pan de l’histoire dans une nouvelle trilogie.

La Brigade juive : Vigilante de Marvano Editions Dargaud, 48 p.

En 1945, la guerre est terminée et déjà, une brigade d’un genre nouveau se développe : la Brigade juive. Composé de juifs venant d’un peu partout, elle se crée dans les rangs de l’armée britannique. Ne faisant pas l’unanimité, elle enchaîne grosses batailles et service à l’arrière, sans jamais vraiment trouver sa place. A l’approche de la fin des hostilités, la brigade commence une mission d’un genre spécial : retrouvez les anciens tortionnaires qui se sont cachés ou qui risquent de ne pas être jugé pour les tuer. Le premier tome commence à ce moment, en suivant Leslie et Ari en embuscade près d’une église. Leur première mission est d’exécuter un ancien nazi des camps de la mort qui se cache sous les habits d’un prêtre. A peine leur mission effectuée, ils repartent déjà vers d’autres missions à travers les lignes russes et à la découverte des dernières atrocités commises par les derniers nazis purs et durs.

Sarah Stevenson a quitté New York pour suivre David, son mari garde forestier à Salamanca, ville peu accueillante et où aucun enfant ne peuple les rues. La preuve, l’école communale est fermée depuis plus de vingt ans. Violée à l’âge de six par un tueur en série pédophile, Sarah doit lutter contre ses démons intérieurs mais aussi extérieurs, car sa curiosité la pousse à faire de macabres découvertes… Une (ou plusieurs?) créature monstrueuse hante les rues de Salamanca, ne se nourrissant que de chair fraîche. Sarah, Tome 3 : Les démons de Little Valley de Christophe Bec et Stefano Raffaele Editions Humanoïdes Associés, 60 p.

Sarah : Les démons de Little Valley a failli ne jamais voir le jour : après que les tomes 1 et 2 soient sortis en 2008, il aura fallu attendre cette année pour que le tome 3 sorte enfin et que la trilogie se termine. En effet, les éditions Dupuis ont décidé en 2011 de ne pas publier le tome 3 de la série. Les Humanoïdes Associés ont repris le flambeau et ont réédité les deux premiers volumes en attendant le troisième, à notre plus

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Marvano, loin de ses univers plus fantaisistes, se penche sur un épisode de l’histoire que peu ont traité, et débute en force avec ce tome, le premier d'une trilogie. L’histoire est difficile mais passionnante et bien documentée. Le dessin est très agréable, même si l’on est surpris par les couleurs, si vives pour un récit si sombre. La fin est un peu frustrante et on attend avec impatience la suite des aventures de cette brigade, tiraillée en désir de vengeance, volonté de faire son devoir et les remords d’une tâche si ingrate : ils ne veulent pas devenir, en effet, les bourreaux qu’ils ont combattus. Vigilante, premier opus de la trilogie La Brigade juive captive son lecteur par son propos original. Pourtant, Marvano ne nous épargne pas la cruauté qui continue de subsister malgré la fin des hostilités. On appréciera la petite originalité discrète que l’on retrouve en dessous d’une scène de danse : la référence Youtube pour écouter le morceau et s’imprégner de l’ambiance de la scène. Vigilante, première partie d’un pari réussi.

Loïc Smars

grand bonheur. Une sombre histoire a inspiré Christophe Bec pour l’écriture de ce thriller : il a découvert un jour dans un journal la photo d’un jeune chinois enchaîné par ses parents, qui n’avaient pas trouvé d’autre solution pour lutter face à sa démence. Les dessins de Steffano Raffaele ne laissent pas de marbre et représentent à merveille la cruauté et l’horreur des personnages qui peuplent l’histoire. Les fans de la BD seront contents de découvrir cette fin inattendue, et pour ceux qui ne la connaissent pas encore, c’est l’occasion de dénicher un véritable bijou : une fois le nez dans le premier tome, toute l’histoire se dévore (sans mauvais jeu de mots) avec passion et tension.

Pauline Vendola

novembre 2013



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