Etatsdalerte2017

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Le président compte aussi parmi ses proches quelques Européens cultivés, à la tête bien faite. La preuve ? Dans son premier cercle, ceux qu’il a placés sont presque tous germanophiles et germanophones. Merkel et Macron n’auront plus à s’excuser de tenir sur le continent une place centrale. Je suis devant la vitrine de la librairie « Compagnie », ultime rescapée du quartier latin : les germanophiles sont en bonne place. Benjamin Constant et Madame de Staël, qui rêvaient, en pleine révolution, de réconcilier l’autorité monarchique et l’élan populaire, sont de retour. Tout va bien. Et c’est un francophile allemand, le philosophe Sloterdijk qui, le premier a compris et décrit la nouveauté française : l’apparition « miraculeuse », dans une France malade, d’un séduisant chevalier blanc qui, pour ressusciter son pays, avait l’audace de nouer – comme l’avaient fait autrefois Jeanne d’Arc et De Gaulle – deux termes réputés disjoints : spiritualité et politique. Sloterdijk s’est souvenu que Jeanne, pour justifier sa mission, proclamait qu’elle était venue « de la part du Seigneur des cieux. » Commentaire du philosophe allemand : « Quand on vient des cieux, il ne faut pas appartenir à un parti politique, mais à une autre légitimité : il s’agit de faire battre les cœurs ! » Pour réunir la France qui croit au ciel et celle qui ne croit pas, Macron s’empare d’une séquence du récit national jusqu’ici confisquée par les Le Pen : il met son action sous l’autorité de Jeanne d’Arc. Ce qui anime sa trajectoire, ce qui lui met l’épée en main, ou, si l’on veut, l’archet : « Je commence. Je lance un coup d’archet, la symphonie fait son remuement dans les profondeurs et vient d’un bond sur scène… » (Rimbaud) C’est la révélation qu’il a, dans son enfance, de sa liberté. De son destin : « Jeanne sent dès l’enfance l’influence d’une liberté pour tenter l’impossible. » « Comme une flèche, sa trajectoire est nette, Jeanne fend le système, elle brusque l’injustice qui devait l’enfermer. » À Orléans, venu célébrer les fêtes johanniques, il déclare : « En libérant les énergies de tous, elle libère Orléans. Voilà pourquoi la France a besoin de Jeanne d’Arc, car elle nous dit que le destin n’est pas écrit. » Déjà en août 2016, il se rend au Puy du Fou, lieu de mémoire d’une France qui rêve de l’Ancien Régime, pour dire, interrompant la cérémonie grandiose de la « restitution de la bague de Jeanne d’Arc » sa volonté de revenir à la réalité de certains faits passés, « la réalité m’oblige à vous dire… » Je ne voudrais pas passer sous silence cette brève évocation de la manière dont Emmanuel Macron se réfère au récit national sans mettre en avant ce passage qui scintille dans son livre Révolution, et me remplit de bonheur : « La laïcité est une liberté avant d’être un interdit ! »

Le don des larmes « Chantez, chantez, chantez, encore et toujours, vous autres Allemands. » Wagner, dans un article sur Bellini (décembre 1837) avant de diriger Norma à Riga… 26


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