Martine Martine. Un regard rétrospectif. 1953-2015 - catalogue d'exposition.

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BÉZIERS - MUSÉE DES BEAUX-ARTS

MARTINE MARTINE

UN REGARD RÉTROSPECTIF

1953 - 2015

DU 11 JUILLET AU 31 OCTOBRE 2017

20,00 €

UN REGARD RÉTROSPECTIF


UN REGARD RÉTROSPECTIF

BÉZIERS - MUSÉE DES BEAUX-ARTS DU 11 JUILLET AU 31 OCTOBRE 2017


MARTINE MARTINE

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UN REGARD RÉTROSPECTIF

L'exposition Martine Martine. Un regard rétrospectif est organisée sous le commissariat de Bernard Salques, conservateur du patrimoine, assisté de Laura Lèze.

R E M E R C IE ME N TS La direction des Musées de Béziers remercie Martine Martine ainsi que Monsieur Léon Cligman pour le prêt des œuvres présentes dans l'exposition Martine Martine. Un regard rétrospectif. Merci également à Guillaume Daban, assistant de Martine Martine, dont l'aide s'est révélée indispensable. Merci également à Elyette Peyre dont la présence et les conseils ont été des plus précieux. Elle remercie également l'ensemble des personnes qui ont œuvré à la mise en place de cette exposition. Administration des Musées : Sylvie Calvet, Sylvia Cros-Agullo, Jennifer Lamy, Odile Linguagrossa, Marie Pentcheff. Agencement technique : Pierre Derocle, Philippe Portalier. Conservation préventive : Sylvie Poulet. Régie d’œuvres : Jean-Baptiste Sangenito. L'ensemble des personnels d'accueil et de surveillance, ainsi que l'ensemble des services de la Ville de Béziers pour leur aide et leur participation à cette exposition, le studio Asensò et son directeur artistique Romain Diant, l'imprimerie Combes & Hund à Béziers. Site web de Martine Martine : www.martinemartine.com

C R É DI T S P HOTO G RAPHIQ UES Laurent Lecat, Bertrand Michau, Guy Roumagnac pour les œuvres de Martine Martine. Bernard Salques pour les œuvres de Jean-Antoine Injalbert et d'Auguste Rodin. Les textes sont de Gérard Xuriguera, Bernard Salques et Laura Lèze. En couverture : Masque pensif, 2000, bronze. En dernière de couverture : Autoportrait au fond sombre, 1972, huile sur toile.

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MARTINE MARTINE

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UN RE GARD RÉ TROS PEC TIF Gérard Xuriguera

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Artiste polymorphe, Martine Martine sculpte, peint, grave et réalise des bijoux avec la même ferveur depuis toujours, sans se préoccuper des caprices de la mode, fidèle à la célébration de l’humain ou de l’animal, dans une facture globalement plus emblématique que narrative, mais toujours en phase avec son époque. Car l’interprétation de la figure, picturale ou en trois dimensions, n’a pas déserté le champ d’intervention des artistes, mais chacun selon ses codes appropriatifs, la nature de ses médiums et la tournure cognitive de sa perception. Chez Martine Martine, la grande variété des thèmes ciblés engendre une pluralité de solutions, où la forme participe toujours de la charge humaniste du contenu. Parmi ses motifs picturaux favoris, «les mains», «les musiciens», «les tribus», «les chevaux», «les sumotori», «les Balzac« mais aussi «les d’après», «les ateliers», «les nus» ou «les autoportraits»… dégagent une vitalité souvent taciturne, d’où s’exsude le coefficient émotionnel dont ils sont imprégnés. Hors de toute servilité à la ressemblance, c’est donc d’une vision intérieure que procède cette démarche, aussi, l’univers qu’elle nous livre lui appartient en propre, avec la virulence tantôt lyrique, tantôt mélancolique de son expression, parfois entrecoupée de climats apaisés. Néanmoins, c’est cet univers inséparable de l’autre, dans la mesure où il en tire sa substance, que Martine nous restitue au cours de sa lente et sûre évolution, qui ne doit rien au calcul, mais à la logique et à la volonté de son instinct. Un instinct nourri de thèmes éternels revisités, d’envolées symbolistes, de scènes réalistes, de choses simples et d’événements journaliers anciens ou récents. Pourtant, même si Martine ne se reconnaît pas de véritable maître à penser, l’atmosphère familiale exaltante, audelà des épreuves traversées, qui a baigné son enfance et son adolescence, a été suffisamment riche en rencontres, notamment Dunoyer de Segonzac ou Derain entre autres, et en ouvertures culturelles, pour qu’elle en fasse son profit et assume son destin. Par conséquent, ayant franchi graduellement les étapes d’une solide formation et façonné son goût, la pratique du dessin s’avère, chez elle, fondatrice, avant de parvenir à la maîtrise de la forme et de la couleur. En découle une double orientation, autrement formulé, une aisance dans le travail de la matière et une aptitude au maniement du pinceau sur la toile. Ces deux engagements constituent l’axe autour duquel se tient l’art de Martine. Dans sa sculpture, on recense d’emblée un métier patiemment gagné, où à l’instar de sa peinture, le style est franc et direct, rugueux et incisif. La main attaque et module plans et volumes d’un geste massif et nerveux, assurée de sa pesée brève ou accentuée, qui véhicule la ligne de sa pensée organisatrice. Le mouvement n’est donc pas ici ondulatoire, basé sur les rondeurs de la courbe, en ce que la matière fortement malaxée donne jour à des formes triturées et ravinées sous le siège heurté des saillies et des affaissements qui absorbent la lumière, dont le bronze accuse les maillages texturiels. En résulte une sourde expressivité, qui n’est pas le fruit d’une posture, mais l’exigence profonde d’une artiste passionnée. On retrouve ces traits particuliers dans le cycle des ‘‘Sumotori’’, tel Le Sumo gagnant, puissamment calé sur ses cuisses arquées, le torse offert, les bras musculeux, la tête brouillée, également dans Le Sumo vaincu, immobile et

contrit, les pieds joints moulés dans sa robe de bronze, tandis que Méditation, Le Swing ou Le Vainqueur affichent des poses plus détendues mais pas davantage souriantes, sous leur écorce métallique tout aussi taraudée. Il en est de même du Couple sinon de l’allégorique La Terre, de L’Homme qui marche ou de La Tendresse. Par ailleurs, Martine excelle aussi dans la sculpture monumentale, où ses armatures en bronze présentent à une autre échelle, la même sobriété tactile et le même sens de l’espace. Néanmoins, si de nombreux lavis jalonnent son parcours, comme La Chute, Quasimodo, J’implore, les Baigneuses ou La Capture… ils ne s’éloignent que rarement des assises généralement desquamées de son écriture. Ceci, à l’égal de sa production picturale à l’huile, qui lui permet de différencier son clavier esthétique et d’exploiter un aspect mitoyen, à travers les potentialités de la matière-peinture et l’immédiateté de sa projection. Alors, les motifs les plus variés se succèdent et se répondent sur une tonalité tantôt opaque, tantôt vibrante de coloris ardents, au fil d’une libre structuration de la trame, cependant très surveillée. Peu fréquents dans son répertoire, interfèrent des paysages intimistes ou à ciel ouvert, comme Porte ouverte sur le jardin, Soleil d’automne, à la végétation arborée et mordorée, Sous-bois ou New York, qui respirent à l’aune des souvenirs de voyages. Puis, les «mains« nous font signe, enlacées ou isolées, superposées ou emmêlées, amicales ou menaçantes, un pinceau ou une pomme en main. Les chevaux prennent le relais, en groupe, dans «le vent«, petits ou grands, au cœur de l’humus ou au repos, non loin des «concerts« ou des «musiciens», qui exaltent d’un côté le culte de la vie sauvage et de l’autre l’amour de la musique. Beaucoup de portraits illustrent alternativement certaines périodes. Souvent graves et hirsutes, ils sont empreints d’une intense présence visuelle, parfois à la lisière du misérabilisme, bourrus en apparence et retranchés sur leur solitude, par exemple «Cacao» et son regard perdu, celui énigmatique de Josepha ou plus avenant de Gérard Koch. Quant aux autoportraits, ils s’émancipent des impositions du référent, hiératiques et placides, pendant qu’à leur tour les nus féminins nous interpellent, maçonnés et charnels sans ostentation, de dos à «l’atelier« ou en position assise, pour Le beau modèle. Maintenant, déployés en multiples vignettes quadrillées, ou bien frontaux et imposants, face à leur écritoire ou méditatifs, à l’huile ou au lavis, les «Balzac« déroulent un réalisme transgressif paraissant annoncer l’étape des «après« ou plutôt «d’après», ces images allégoriques entre expressionnisme et parodie, qui soulignent le goût de Martine pour le dialogue avec de grands aînés, les Têtes de nègres d’après Rubens, Le Paysan courbé sur sa houe d’après Millet, Le Tricheur à l’as de carreau d’après La Tour, ou encore L’Eté d’après Arcimboldo… Autant de recompositions qui sollicitent conjointement l’imaginaire, en nous proposant à la fois un voyage dans le temps et une autre lecture du tableau. Eu égard au nombre et à la diversité des œuvres rassemblées, on aura compris qu’il s’agit d’une rétrospective, et partant, d’un condensé d’une vie en création. Martine Martine y prend en charge la réalité, sa réalité, et la prolonge jusqu’aux confins de son affirmation, avec l’énergie positive et rayonnante que nous lui connaissons.

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RÉ TROS PEC TIVES Bernard Salques Conservateur des Musées de Béziers

Les collections des Musées de Béziers comprennent une part importante d’œuvres consacrées à la sculpture. On ne peut oublier que dès la mise en place du Musée des Beaux-arts, dès la fin des travaux de l’Hôtel Fabrégat laissé en legs à la Ville de Béziers par son ancien maire Auguste Fabrégat, membre par ailleurs de la Société d’archéologie, scientifique et littéraire de Béziers, une place fut faite à Jean-Antoine Injalbert dont la présence imprègne la ville dans l’ensemble de ses espaces, et à fortiori au Musée des Beaux-arts. La sculpture y a ainsi toute sa place. On n’oublie pas que cette forme de représentation, la sculpture, remonte à la nuit des temps. Qui ne s’est pas senti ému par la Vénus de Brassempouy, découverte dans les Landes en 1894, ou celle de Willendorf découverte en Autriche en 1908, datant toutes deux de plus de vingt mille ans ? Est-ce leur taille, dont la modestie rappelle certaines formes d’Alberto Giacometti, ou leur expression qui vise l’essentiel de cette féminité qui portent cette émotion ? Depuis que la main humaine a saisi le rapport à la matière, à l’argile sans doute d’abord, dont la plasticité permet une docilité inégalée, puis aux autres matériaux disponibles dans l’environnement, l’esprit a compris que cette médiation entre le regard et la pensée passe par une émotion que suscitent les formes. Il y a d’abord cette manière de poser un ou plusieurs traits sur une paroi dont les ondulations ou les courbes évoquent ce que l’on a déjà rencontré qui est le rapport entre le mouvement et la mobilité. De la paroi qui est une surface semi continue, s’échappe déjà l’idée que ce qui a été recrée par le trait peut se prolonger, se donner des élans pour atteindre de plus vastes horizons et revenir vers un point de départ : en fait toute l’histoire d’une vie pourrait se résumer à cela, choisir ce point de départ et savoir quand y revenir. Si la sculpture naît alors, c’est que l’on a enfin compris la manière dont la forme a su s’échapper de la paroi pour acquérir une troisième dimension dans la matière, alors que l’esprit est capable de maîtriser encore peut-être davantage de dimensions. Il faut néanmoins se résoudre à se confronter à faire naître les formes qui déjà s’en dégagent. Repensons à la Pietà Rondanini de Michel-Ange : elle n’est pas achevée, et ainsi elle indique le processus qui va de la main du sculpteur à son esprit, dans un aller-retour sans fin. On imagine seulement — ou on ose à peine imaginer — ce que la Pietà aurait été si le maître avait pu aller au terme de son processus créateur.

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Ce qu’indique une sculpture, ce n’est pas tant l’essence des choses, l’essence de la matière. La matière, comme l’être humain, est un devenir, et croire que ce que l’on voit est une chose arrêtée dans le temps serait d’une grande tromperie. C’est sans doute ce qui fait l’intérêt de conserver l’art au-delà des artistes, au-delà des conservateurs, au-delà du public qui vient à la rencontre de l’objet d’art, de l’œuvre d’art. Ce que la création apporte est elle-même une matière changeante, parce que notre regard est lui-même le résultat d’un changement incessant. Aussi nous n’en finirons jamais de regarder une œuvre, et d’y revenir, comme à chaque saison notre regard se porte sur un printemps dont les bourgeons nous apportent apparemment la même information.

En réalité, à chaque fois l’information est différente. Si le cycle de la vie est un renouvellement permanent, il dit aussi que notre façon d’y participer change à chaque fois jusqu’au moment où notre regard ne pourra définitivement plus interroger l’œuvre. Mais l’œil aura fait son travail : cumuler les images dans leur différence chronologique, construisant ainsi l’histoire de l’œuvre à la manière d’un hologramme, permettant une infinie perspective. Lorsque l’œuvre disparaîtra, un jour, dans l’aspect éphémère de toute chose, elle demeurera comme une aventure où la main et l’œil se seront rejoints.

Depuis l’Antiquité, les formes que propose la sculpture sont diverses, évoquent chacune ces instances de la sacralité où l’on rend hommage à une divinité. Le musée du Biterrois conserve la statue majestueuse, en marbre, de Pépesuc, qui est en fait celle d’un dignitaire de l’époque augustéenne ; de taille plus modeste, la statue de Bacchus, en bronze, jeune homme, auquel on a fait porter, de manière fortuite une brebis sur les épaules apporte également un intérêt sur le sens qui reste énigmatique : l’archéologie n’est pas exempte d’interprétations abusives lorsqu’elle croit qu’il est impératif d’apporter une information que la science ne possède pas. Il n’est pas inutile de le souligner parfois ; les glissements chronologiques de périodes mal déterminées permettent de construire des discours justifiant, çà ou là, des visions peu pertinentes de l’histoire. Tout cela fait le sel des musées, apporte de l’intérêt aux débats qui n’en finissent pas et c’est aussi bien ainsi. Il ne s’agit pas d’énumérer dans cette présentation l’ensemble des artistes qui ont marqué Béziers de leur présence ; ils ne sont toutefois pas si nombreux, et leurs qualités pallient leur nombre. Inscrits dans la longue lignée de ces intermédiaires dont le travail est d’intervenir entre réalité, esthétique, imaginaire, tous éléments dont le temps reste comptable, les sculpteurs ont eu à cœur de laisser le témoignage de leur investissement dans ce dialogue qui est aussi une aventure : se plonger dans un acte créatif n’est jamais innocent, et on ne sait jamais, dès le premier geste de la main, ce que la création réserve à son créateur. Si Jean-Antoine Injalbert, ses élèves Jean Magrou, Jacques Villeneuve s’inscrivent dans leur temps, c’est celui d’une sculpture académique répondant aux canons esthétiques d’une société qui achève de poser ses institutions et ses architectures : il faut orner les monuments, les doter des symboles et des valeurs que la République a empruntés à l’Antiquité grecque et romaine. Les guerres sont pourvoyeuses de nobles sentiments, hélas souvent trop tardifs : la Guerre de 1870, et quelques dizaines d’années plus tard la Grande Guerre, incitent au témoignage. Il faudra exprimer la douleur que les jeunes gens auront cher payée par les hauts reliefs, les monuments aux morts. Si l’art s’y retrouve toujours, il éprouve également le besoin de s’émanciper, de revenir peut-être vers davantage d’intimité, et moins d’expression des sentiments collectifs.

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Auguste Rodin, Aristide Maillol témoignent d’une approche où le symbolisme tente de donner d’autres visions du monde, chargées d’autres intentions. Cet affranchissement des contraintes liées aux visions trop classiques du monde permet à de nombreux artistes d’inscrire les relations complexes entre les différentes disciplines, et, de manière plus ou moins consciente, les artistes plasticiens savent qu’il existe de tout temps une compréhension mathématique de l’art : à différentes époques, le fameux nombre d’or est découvert, nombre irrationnel s’il en est, mais dont la vertu est de s’imposer à l’œil, aux dimensions qui font de la nature humaine et du monde naturel un ensemble complémentaire. Les Grecs l’ont mis en évidence ; la Renaissance le redécouvre et le début du XXe siècle en refait un paradigme esthétique, le sublimant dans une transversalité des disciplines. L’architecture, évidemment, la peinture, et la sculpture sont repensées en fonction de ce nombre d’or, de cette «divine proportion» qui s’applique à la manière dont la forme est explorée, qui donne à comprendre qu’une dimension n’existe pas en soi, mais dans sa relation, dans son rapport à d’autres éléments dimensionnels. Ils établissent ainsi une chaîne interrelationnelle dans laquelle la notion d’harmonie ne dépend pas de conventions plus ou moins arbitraires et résultant d’une volonté normative, mais plus directement d’une forme de spontanéité qui apparaît à l’évidence des choses, de la transposition parfois d’un objet à un autre, d’une forme à une autre. Les cubistes ne s’y sont pas trompés qui ont puisé aux cultures exotiques ce que plusieurs siècles de classicisme avaient réussi à étouffer en Europe. Le regard des artistes, celui du public s’en sont trouvés profondément modifiés, comme la manière dont les structures de pensée, et de manière plus générale les structures de la société, de la production économique en particulier, ont été bouleversées par les progrès et le développement de la technique. Il fallut enfin que l’on découvre également ce que pouvait être la notion «d’art brut», lorsque Jean Dubuffet donna à voir de nouveaux exotismes, ceux de l’intérieur que produit ce monde resté en marge du bouleversement des structures sociales, mais cependant attentif, discret, et lui également, comme les symbolistes, à l’écoute des productions inconscientes de l’esprit, dans leur prégnance, dans leurs fantasmagories. Les collections de l’art brut témoignent assez aujourd’hui de cette démarche qui conduit leurs auteurs dans une ronde qui va du plus profond de l’esprit, de l’inconscient singulier ou collectif, à l’interrogation aux événements qui mènent le monde, depuis le temps des mythologies jusqu’à nos plus modernes barbaries.

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Il fallait peut-être ce tour d’horizon pour entrer de plainpied dans l’œuvre de Martine Martine. L’exposition qui lui est aujourd’hui consacrée est une gageure : sur l’ensemble des quatre mille œuvres que Martine a produites depuis ses premières esquisses, un peu moins de cent cinquante sont présentées ici, essayant — c’est le jeu des rétrospectives — de rendre compte de l’éclectisme de son travail, de la diversité des techniques utilisées, des thématiques qui lui sont chères. Il s’est agi non seulement de faire un choix, toujours difficile, parmi les œuvres qu’il paraissait important de présenter, mais également de restituer ce travail dans une continuité d’œuvre, celle d’une artiste tout au long de sa vie, mais insérée dans ce mouvement infini de ceux qui l’ont précédée et qui ont de toute évidence contribué à permettre que ce travail existe au-delà des différences de périodes, de stylistique. Car la première évidence qui arrive à l’esprit est bien cette continuité de la forme depuis la nuit des temps et qui semble obéir à sa propre initiative, comme si l’artiste n’était que l’agent par lequel la matière, bien impuissante seule, devait transiter par les mains d’un être tiers pour changer d’état, pour devenir cette autre forme dont la justification est, justement, d’interroger. L’œuvre de Martine, pour cette exposition, commence avec quelques unes de ses premières œuvres dès 1953. La formation classique de Martine accuse nettement la maîtrise de la technique mais en même temps le désir d’en explorer toutes les possibilités. Aussi les techniques se succèdent dans une logique spontanée de découverte aussi bien que dans la nécessité d’exprimer chaque fois différemment le sujet. Gérard Xuriguera a parfaitement évoqué les thématiques et les récurrences qui sont à l’œuvre entre la main de Martine et sa pensée : il importait de présenter dans cette exposition la plus grande part de ces thématiques, les techniques, mais aussi la logique qui rend Martine présente à Béziers depuis plus d’une trentaine d’années. C’est en effet dans les filiations et les amitiés que s’organisent les chemins de l’art, et la Ville de Béziers avait eu le bon goût de recevoir les œuvres de Maurice Marinot lorsque sa fille Florence avait à cœur de rendre hommage à son père. La donation des dessins, huiles sur toiles et verreries remarquables de Maurice Marinot permit au Musée des Beaux-arts de compléter la non moins remarquable collection d’art moderne léguée par Laure Moulin des peintures de maîtres qu’avait constituée Jean Moulin à Nice : ainsi était consacré l’ouverture du Musée des Beauxarts de Béziers à d’autres formes et d’autres périodes que celles dont l’académisme et le classicisme avaient jusqu’alors pu enrichir le musée. De Florence Marinot à Martine Martine, le chemin était tracé : une première exposition eut lieu en 1984 mise en place par mon prédécesseur Jacques Lugand, exposition qui accompagna une première donation de peintures (huiles sur toiles), de bronzes, de dessins et de gravures. Une deuxième donation eut lieu en 1995 : dès lors la place de Martine Martine en tant qu’artiste présente à Béziers était consacrée, montrant une artiste dans sa singularité et l’originalité de son œuvre. Ainsi, les thèmes des mains, des livres, des portraits sont venus illustrer l’imaginaire de la forme chez Martine Martine.

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L’exposition de 2017, si elle est rétrospective, met toutefois l’accent sur la sculpture. Pour plusieurs raisons, en partie évoquées : d’une part car il existe, je l’ai dit, une continuité avec les artistes qui ont précédé Martine ou qui l’ont inspirée. On ne pouvait parler en effet de sculpture à Béziers sans invoquer Injalbert, dont on ne pourrait trouver, s’il en était besoin, une œuvre plus enracinée dans sa ville : Jean-Antoine Injalbert est présent au Musée des Beaux-arts, mais également à la Villa Antonine, au Plateau des Poètes, au Cimetière Vieux, à la Maison Chappaz, à la Villa Guy…, et l’espace public rappelle indéfiniment que le début du XXe siècle fut aussi à Béziers celui de la renommée d’Injalbert. Au même moment, en 1900, sous l’impulsion de Gustave Fayet, la Ville de Béziers acquiert les trois œuvres d’Auguste Rodin pour le Musée des Beaux-arts. C’est dans cette mise en perspective que l’exposition interroge ainsi les œuvres et les formes d’expression de Rodin, d’Injalbert et de Martine Martine. On n’oublie pas, évidemment que depuis 2006, Martine explore de manière inlassable, et peut-être à l’infini cette figure de Balzac issue de la sculpture de Rodin. C’est alors une sorte de combinatoire qui renvoie également en miroir ce que Martine Martine a réalisé depuis le début de son œuvre. Si les natures mortes, paysages évoquent la recherche d’une matière, tout semble se passer comme si Martine avait effectivement trouvé cette matière, et, d’une certaine manière, Balzac apparaît comme le révélateur de ce que la matière est en mesure de dire par l’intermédiaire de Martine : que l’on prenne les sumos, les chevaux, les tribus, etc., l’on comprend bien qu’il s’agit de chercher indéfiniment ce que la vie a posé comme mystères.

On n’oubliera pas non plus que le thème de «l’homme qui marche» est initié par Rodin avant 1887. Alberto Giacometti en explora le thème de manière obsessionnelle, lui également. Le bronze que Martine Martine a réalisé un peu plus de cent ans plus tard apporte sa part à cette question qui n’en finit pas d’interroger les hommes et les sculpteurs. Claude Lévi-Strauss rappelait que le mythe d’Œdipe interrogeait sur ce que pouvait être la nature humaine, infiniment maladroite. Les hommes tombent, généralement, par défaut de savoir comment mettre un pas devant un autre. Le nom de Labdacos, le grand-père d’Œdipe, signifait "boiteux", et Œdipe lui-même est marqué aux pieds dès sa naissance, l’empêchant de mener une vie sans embûche. Le thème de "l’homme qui marche" reste ainsi dans le jeu fondamental de ce qui mène la vie, un état entre un point de départ et un point d’arrivée jamais vraiment défini. Assurément, Martine Martine a saisi dans son œuvre, dans ses sculptures en particulier, la manière dont la vie elle-même peine à donner à la nature humaine la plénitude de son être : elle en perçoit les fragilités et les exprime avec une immense force, donnant le sens du moment par lequel les instances du présent se montrent dans l’inconfort du passé de cette nature humaine autant que dans les perspectives de son avenir. Ainsi, au-delà d’une seule approche esthétique, c’est aussi et peutêtre surtout une interrogation métaphysique que Martine Martine explore, donnant avec son travail le sens infini de la fragilité.

Car Balzac, comme l’ensemble des personnages que Martine a créés, apparaît dans un superbe paradoxe : s’il procède de cette figure d’homme à la forte stature, que Rodin a définitivement installé, à la fois superbe et sombre, c’est sa part de fragilité que Martine explore, pour en définir dans une variation infinie, les différentes expressions dont toutes ne peuvent rendre compte de l’humeur réelle. Et Balzac renvoie également à l’ensemble de son œuvre, dont la sculpture apparaît parfaitement en concordance avec son propos : au départ se trouve la matière, informe, brute, une espèce de Golem dont la vie s’exprime sous toutes ses formes, en devenir, comme l’est la nature humaine. Martine décline l’ensemble des sentiments, des postures, des formes imparfaites qui sont dans cet état de devenir vers d’autres états, dans le long cheminement qui va de la naissance à la mort, homme animal, être hybride dont la nature n’est pas clairement établie.

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Le choix d’une majorité de figures en terre cuite issues des réserves du fond d’atelier du don de la veuve d’Injalbert en 1934 résulte de la volonté de mettre en avant de nouvelles œuvres plus confidentielles.

INJALBERT AVANT MARTINE Laura Lèze

Cette sélection s’inscrit également dans le cadre de la partie dédiée à la sculpture de la rétrospective Martine Martine. En effet, l’évolution du travail de sculpteur entre la fin du XIXe siècle et la deuxième moitié du XXe présente des similitudes et des différences significatives pour l’histoire de l’art.

Matérialité

Le choix des matériaux constitue une première continuité dans l’histoire de la sculpture, et un héritage plus ancien que le XIXe siècle. En effet, les matériaux privilégiés dans cette sélection, bronze, terre cuite, et dans une moindre mesure, plâtre, relèvent d’un usage ancestral. Souvent considérés comme des études, les projets de plâtre et de terre-cuite révèlent le long processus d’aboutissement d’une œuvre en bronze, ou d’un monument (par exemple Masque concave pour un fronton de fontaine). Néanmoins, ces esquisses sont également des œuvres à part entière, car leur rapidité d’exécution, leur spontanéité dévoilent différentes facettes du travail tant d’Injalbert que de Martine Martine. Ainsi, cette sélection accentue l’impression d’intimité dégagée par ces œuvres de petite taille, et sur lesquelles la main de l’artiste et le travail de son outil sont véritablement visibles. À ce titre, des esquisses comme Femme nue debout, ou bien la Grande égalitaire, présentent des similarités gestuelles expressives avec le travail de Martine Martine sur les corps nus. La mise en forme des œuvres chez Injalbert reste classique, les figures debout reposent sur des socles, ou bien sont complétées par des éléments architecturaux comme le Mendiant aveugle, ce qui n’est pas systématique chez Martine Martine. Chez les deux artistes, les masques et les études de têtes sont travaillées avec un fond plat.

Thématiques générales

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La thématique de la main chez Martine Martine apparaît à de multiples reprises, comme une résurgence de la formation classique au dessin et au modelage des formes. On retrouve chez Injalbert trois moulages de plâtre de la main droite du Maréchal Joffre, commandés par un comité américain pour être réduit et réalisé en breloque. Traité de façon académique, ces moulages à moindre vocation artistique peuvent proposer une mise en perspective du travail de Martine Martine, et illustrer l’affranchissement des conventions stylistiques dans la deuxième moitié du XXe siècle. La série des Têtes grotesques considérée comme un ensemble fait également écho au travail en série de certaines figures de Martine Martine. La déclinaison de ces expérimentations évoque les recherches sur l’expressivité des visages, un thème qui parcourt l’histoire de la sculpture, mais également une

partie plus triviale du travail d’Injalbert, complété par des représentations érotiques comme le petit groupe de L’étreinte. Enfin, on retrouve chez Injalbert comme chez Martine Martine des thématiques ponctuelles telles que l’évocation des sentiments (La baigneuse surprise, La douleur d’Orphée), la violence et le couple (Couple s’embrassant, L’étreinte, Rixe de paysans) ou bien la musique (La marche funèbre). L’esquisse Femme assise sur un rocher illustre également l’expression des sentiments comme la nostalgie, la douleur, dans un style complètement opposé au travail de Martine Martine. La figure de la femme est en effet travaillée dans le détail, et soutenue non pas par un socle mais par un large bloc laissé brut. Chez Martine Martine, les figures sont évidées, affinées, mais rarement ancrées dans l’espace par un élément structurel.

Mouvement et posture Insuffler le mouvement et la vie est également une préoccupation commune chez les artistes de la fin du XIXe à la seconde moitié du XXe. Les œuvres en terre-cuite d’Injalbert témoignent de cette recherche, que ce soit par le lourd plissé du jupon de la Réfugiée Belge, ou bien par le dynamisme des groupes, tels que les Deux adolescents, ou Couple s’embrassant. Une œuvre comme Femme debout drapée révèle à la fois le travail sur la posture et les sentiments, mais également sur le relief complexe du drapé. Les œuvres en bronze comme la Femme à la puce s’inscrivent encore dans cette perspective, même si l’artiste semble plutôt avoir reproduit l’attitude d’un modèle immobile. Ainsi, l’esquisse de la Baigneuse surprise précédant la réalisation de l’œuvre finale en bronze témoigne des étapes de ces recherches sur les postures. On retrouve chez Martine Martine une recherche de la spontanéité propre aux travaux préparatoires des sculpteurs au tournant du XXe siècle, avec cependant un affranchissement des conventions stylistiques. La comparaison des travaux de Martine Martine et d’Injalbert témoigne des évolutions et des perspectives communes de l’histoire de la sculpture. Que ce soit par des oppositions franches ou bien dans une volonté de continuité, le dialogue des deux artistes témoigne d’une riche histoire locale de la sculpture à Béziers. Originaire de l’École du Nord, l’œuvre de Martine Martine est pourtant largement représentée à Béziers, et encouragée par l’artiste grâce à ses donations et à sa relation privilégié avec la galeriste biterroise Elyette Peyre.

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RODIN À BÉZIERS ET LE MONUMENT À BALZAC Laura Lèze

Auguste Rodin né en 1840 dans une famille modeste, commence sa carrière artistique chez des artisans d’art ornemanistes. Il séjourne pendant six ans à Bruxelles, avant de voyager en Italie en 1875. À son retour en 1877, il réalise sa première grande œuvre l’Âge d’airain, d’une telle réalité charnelle que la critique l’accuse de n’avoir fait qu’un moulage sur nature. En 1880, l’État lui commande La porte de l’Enfer, pour le futur musée décoratif de Paris, à laquelle il travaillera jusqu’à la fin de sa vie et dont furent extraites ses œuvres les plus célèbres comme le Penseur, ou bien le Baiser. Après une première commande en 1884, le groupe des Bourgeois de Calais est réalisé en 1895. En marge de l’exposition universelle de Paris de 1900, Rodin organise une grande rétrospective de son œuvre place de l’Alma, qui lui vaut une consécration internationale. Il reçoit désormais la visite de nombreuses personnalités, comme le roi d’Angleterre Édouard VII en 1908, et visite l’Espagne et l’Angleterre. Sa santé se détériore dès 1914, et il effectue en 1916 trois donations successives de l’hôtel Biron (son hôtel particulier à Paris), de son atelier, et de ses collections d’art à l’État dans la perspective de la création d’un musée Rodin. Auteur d’une œuvre composée d’environ 7 000 sculptures, Rodin meurt en 1917.

Les pl âtres de Béziers Le musée des Beaux-Arts de Béziers conserve trois plâtres d’Auguste Rodin (1840-1917), dont deux achetés par la ville en 1900, ainsi que le Portrait d’Alexandre Falguière, donné par l’artiste lui même en 1901 ou 1903. Gustave Fayet (1865-1925), conservateur du musée à partir de 1899, a certainement joué un rôle important dans cet enrichissement des collections, lui-même admirateur et collectionneur des œuvres de Rodin.

Dans l’Homme au nez cassé, présenté à Bruxelles en 1872, l’idéal antique de Rodin transparaît, alors qu’il commence à s’affranchir du style décoratif de l’atelier de son premier maître CarrierBelleuse. Le buste commença par être le portrait d’un travailleur du quartier Saint-Marcel à Paris, connu sous le nom de Bibi, qui accomplissait diverses tâches pour les artistes comme balayer les ateliers. L’accentuation de la physionomie de son modèle, de ses traits comme son nez cassé, ses rides, ou sa barbe, témoigne pourtant moins d’un portrait psychologique que de l’expression d’un type, celui du philosophe grec. Le front plissé de l’homme à tout faire devient ainsi le siège de la réflexion, et sa figure s’écarte de la ressemblance individuelle. La vogue du portrait sculpté lancée au XVIIIe siècle atteint son apogée au XIXe. Leurs commandes génèrent des entrées d’argent régulières et permettent aux sculpteurs d’accéder à la reconnaissance publique grâce au réseau de collectionneurs et au prestige de leurs modèles. Rodin développe une passion particulière pour ce type d’œuvre, comme en témoigne le Portrait d’Alexandre Falguière (1831-1900). Sculpteur et peintre ami de Rodin, il fut nommé professeur à l’École des Beaux-Arts, à Paris, en 1882 et devint membre de l’Académie des Beaux-Arts la même année. Dans ce type de bustes, Rodin recherche la vigueur et l’expressivité, et se démarque d’œuvres plus décoratives. La vie intérieure, les mouvements psychologiques du modèle sont traduits par les dissymétries et les irrégularités expressives obtenues par l’ajout de boulettes d’argile collées, le modelage de bosses et de plis... Cette saisie passe selon Rodin par la théorie des «profils», car «Quand on tient le profil, on tient le portrait» disait Rodin. Si l’Homme au nez cassé ainsi que le Portrait d’Alexandre Falguière ont souvent été exposés par l’artiste, le Penseur de Béziers dans ses dimensions originales dites de La Porte de l’Enfer, est moins courant et fait de cette épreuve un exemplaire rare. Avant son agrandissement monumental en 1904 qui accrut sa notoriété, la taille d’origine du penseur était d’environ 70 cm de haut, il était alors intitulé Le Poète et représentait Dante, l’auteur de La Divine Comédie qui avait inspiré La Porte. Pour sa pose, cette figure doit beaucoup à l’Ugolin de Jean-Baptiste Carpeaux (1861, Musée d’Orsay, Paris) et au Portrait assis de Laurent de Médicis sculpté par Michel-Ange (1526-1531, Chapelle des Médicis, Église San Lorenzo, Florence).

Ci-dessus ▲ Auguste Rodin L'homme au nez cassé Plâtre Auguste Rodin Buste de Falguière Plâtre

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Auguste Rodin Le penseur Plâtre

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UN REGARD RÉTROSPECTIF

Le monument à Bal zac de Rodin, "une nouvelle af faire Drey fus" Les commandes publiques de monuments jalonnent la carrière de Rodin à partir de 1880 et jusqu’au début des années 1900. Elles sont reçues avec enthousiasme par l’artiste, qui a connu des débuts difficiles et qui les perçoit comme le signe d’une reconnaissance officielle. Le Monument à Balzac est commandé par la Société des Gens de Lettres en 1891, grâce à l’appui d’Émile Zola, et après le décès d’Henri Chapu (1833-1891), le premier sculpteur n’ayant pu exécuter l’œuvre. Un premier plâtre est présenté par Rodin au Salon de 1898, afin de réaliser cette esquisse, l’artiste à recours aux masques mortuaires de son modèle, et va même jusqu’à employer des sosies pour les séances de pose. Le Balzac de Rodin résulte de l’assemblage d’une tête puissante et expressive, avec un corps monolithe enveloppé dans une robe de chambre similaire à la tenue de travail de l’écrivain, mais dépourvu des attributs traditionnels des hommes de lettres comme le fauteuil, la plume ou bien les livres. Le Comité refuse la commande, jugeant que la statue s’apparente à «une masse informe», tandis que la critique alimente le scandale, «Jamais on n’a eu l’idée d’extraire ainsi la cervelle d’un homme et de la lui appliquer sur la figure !», affirme ainsi le journaliste Henri Rochefort. Les amis de Rodin rédigent une lettre de soutien signée par de nombreux artistes, et organisent la levée d’une souscription pour ériger le monument dans Paris. «L’affaire Rodin» prend alors une ampleur inattendue, jusqu’à être qualifiée de «seconde affaire Dreyfus», la commande est en effet liée à Zola, qui signe en 1898 son célèbre «J’accuse», et si presque tous les partisans de Rodin sont des dreyfusards, certains, comme Poincaré et Clemenceau lui reprochent sa neutralité. La statue sera finalement inaugurée à titre posthume plus de 50 ans après sa commande, en juillet 1939, sur le terreplein du boulevard Raspail.

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Ci-contre ► Balzac mains sur la tête, 2012 Huile sur toile H116 X H89 cm


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UN REGARD RÉTROSPECTIF

UNE ŒUVRE

Malgré ce succès précoce, Martine Martine décide de refuser tout projet d’exposition pour se consacrer à son travail, dans son nouvel atelier à Tours où elle s’installe avec son époux. Elle s’imprègne de l’omniprésence de la figure d’Honoré de Balzac (1799-1850), originaire de la ville. À partir des années 1970 et une fois l’éducation de ses filles terminée, elle présente son œuvre prolifique à la galerie parisienne Katia Granoff, encouragée par les conseils du critique d’art Claude Roger-Marx. Les expositions se succèdent alors en France comme à l’étranger, tandis que ses œuvres entrent dans de nombreux musées français.

Martine Lévy est née à Troyes, le 22 avril 1932, dans une famille d’industriels du textile. Ses parents Pierre et Denise Lévy sont de grands amateurs d’art moderne français et tribal. La donation de leur collection à la ville en 1976 à ainsi permis l’ouverture d’un musée d’art moderne, inauguré en 1982. La maison des Lévy à Bréviandes devient alors, après la Libération, un foyer artistique fréquenté par le peintre verrier Maurice Marinot (1882-1960), sa fille Florence (1910-2001), ou bien le peintre fauviste André Derain (1880-1954). Baignée dans cet environnement artistique, Martine Martine se destine très jeune à la peinture. Elle s’inscrit d’abord à l’Académie Julian puis à celle de la Grande Chaumière, à Paris. En parallèle, Martine Martine séjourne à Londres les étés 1952 et 1953, où elle pratique le dessin, la peinture, mais également l’anglais, aux cotés de son amie l’artiste Susan Quine. En 1954, elle rencontre Léon Cligman, un jeune industriel prometteur venu visiter l’usine textile de ses parents et l’épouse la même année.

La relation de Martine Martine avec la ville de Béziers commence en 1984, alors que son amie Florence Marinot lui présente Jacques Lugand (1930-2000), le conservateur du musée des Beaux Arts, qui organise la première grande rétrospective de l’artiste. Cette exposition est accompagnée d’un don conjoint de Martine et de Florence Marinot. Martine Martine commence également à collaborer avec Elyette Peyre qui vient d’ouvrir la galerie Mercure à Béziers, chez qui elle expose en 1989. Sur le conseil de Florence Marinot qui a déjà réalisé une importante donation des œuvres de son père en 1974, Martine Martine fait en 1984 une importante donation au musée des Beaux Arts de Béziers. Ainsi, les œuvres de Martine Martine dans les collections du musée s’inscrivent dans la forte tradition de la sculpture locale, incarnée par le Biterrois Injalbert (1845-1933). La diversité thématique du travail de Martine Martine est aussi foisonnante que ses expérimentations, mais conserve toutes les préoccupations du travail de sculpteur, sur les formes, les volumes, tout en restant fidèle à la figuration.

Sa carrière est lancée dès 1956 où elle expose lors de l’exposition collective "La fleur coupée – Cents tableaux de fleurs de Van Gogh à Bernard Buffet" à la galerie Romanet à Paris, et sa toile est achetée par le musée Toulouse-Lautrec d’Albi. Lors d’une interview radiophonique elle hésite à l’énoncé de son prénom, puis adopte cette signature en doublon qui préfigure selon elle la dualité de son existence entre une vie de famille animée et une pratique artistique solitaire.

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Naissance de Martine Lévy le 22 avril à Troyes.

La famille Lévy est contrainte de quitter Troyes et vit cachée pour échapper aux persécutions envers les juifs

Après la guerre, la famille emménage à Bréviandes dans la maison de campagne des grands-parents qui devient un lieu de rencontre artistique.

Martine s'installe à Paris et commence sa formation artistique à l'académie Julian puis à la Grande Chaumière.

Martine participe à l'exposition collective "Cent tableaux de fleurs, de Van Gogh à Bernard Buffet" à la Galerie Romanet, avenue Matignon, Paris.

Exposition à la galerie Katia Granoff après une longue période de silence, encouragée par le critique d'art Claude Roger-Marx.

Don de Florence Marinot au musée des Beaux-Arts de Béziers de peintures et verreries de son père Maurice Marinot.

Don de la collection d'art moderne de Jean Moulin au musée des Beaux-Arts de Béziers par sa sœur Laure.

Don de la collection Pierre et Denise Levy à l’État qui permet la création du musée d'Art moderne de la ville de Troyes, parmi les 2 000 œuvres se trouvent trois créations de leur fille.

Exposition "Martine Ville de Béziers, Musée des BeauxArts", Hôtel Fabregat septembre / Octobre 1984 et don par Florence Marinot d'un buste de Martine Martine la représentant, accompagné de la part de Martine Martine de la toile Rencontre.

Martine conçoit des bijoux dans son atelier avec l'aide de la créatrice en haute-joaillerie Elisa Peupion.

Exposition d'une cinquantaine de sculptures, peintures et lavis à la Galerie Mercure à Béziers .

Deuxième donation Martine Martine au musée des Beaux-Arts de Béziers, composée vingt trois peintures, six dessins, trois lavis et quatre sculptures. Inauguration d'une salle Martine Martine.

Exposition de sculptures, lavis et peintures, de Martine Martine à la Galerie Mercure organisée par Elyette Peyre à Béziers.

Début de la série des sumos.

Exposition de trente cinq œuvres (peintures, encres et petites sculptures) à la Galerie Mercure d'Elyette Peyre à Béziers.

Martine Martine décline la figure d'Honoré de Balzac dans différentes techniques.

Elle est nommée commandeur des Arts et des Lettres par le ministère de la Culture et de la Communication.

L'artiste est faite chevalier de la légion d'honneur.

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MARTINE MARTINE

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UN REGARD RÉTROSPECTIF

Page de droite ► Autoportrait au fond sombre, 1972 Huile sur toile H41 X L33 cm Ci-dessous ▼ Jeune homme sur fond rouge, 1972 Huile sur toile H55 X L38 cm

Chez Martine Martine, peinture et sculpture se conjuguent au même temps. D'abord formée au dessin et à la couleur, Martine ne s'est pas enfermée dans cette problématique. Elle pratique ainsi parallèlement les deux disciplines, avec la même curiosité et le désir d'expérimentation plastique. Ses œuvres gardent des caractéristiques communes, quelque soit le médium, elles sont franches, tout en jouant avec la gamme chromatique et la déclinaison de thématiques. Qualifiée d’expressionniste, car elle privilégie l'expressivité de ses figures à la ressemblance, la boulimie technique de Martine correspond à son désir d'en exploiter toutes les possibilités. Ses œuvres d'une grande sensibilité dépeignent parfois une réalité très dure et très sombre, des aspects torturés de la nature humaine. Chaleureuse et enjouée, Martine ne peut cependant pas être indifférente à ce qui se passe dans le monde, et traduit peut être dans son travail le lourd héritage et les siècles de souffrance du peuple juif. Parmi quelques unes de ses premières œuvres se trouvent des portraits, emprunts d'une intense présence, mais également des paysages, à la riche végétation ou en éloge à la ville. Ainsi la vue de New-York en 1976 permet à Martine de fixer ses souvenirs de voyages. Les expositions sont pour Martine Martine un moment fondamental, auquel elle rend hommage en peignant de nombreuses scènes de vernissage. Dans ces moments, l'artiste met son âme à nu, et perçoit pour la première fois le jugement des spectateurs sur son œuvre. Qu'on aime ou qu'on déteste, l'important pour Martine Martine reste de ne pas susciter l'indifférence.

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MARTINE MARTINE

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UN REGARD RÉTROSPECTIF

Cacao assis, 1953 Huile sur toile H51 X L54 cm

Josépha au châle bleu, 1970 Huule sur toile H61 X L50 cm

Grand vernissage bleu, 1980 Huile sur toile H130 X L162 cm

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UN REGARD RÉTROSPECTIF

Porte ouverte sur le jardin Huile sur toile H73 X L54 cm

New York, 1976 Huile sur toile H92 X L65 cm

En face au soleil, 1970 Huile sur toile H65 X L50 cm

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UN REGARD RÉTROSPECTIF

L'exercice I, 1985 Bronze 16,4 X 18,5 X 18,3 cm

L'exercice II, 1985 Bronze 15,3 X 16 X 16,5 cm

L'exercice III, 1984 Bronze 16,3 X 22 X 14,5 cm

L'acrobate, 1998 Bronze 18 X 37 X 18 cm

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UN REGARD RÉTROSPECTIF

Petit bacchus, 1994 Plâtre 24 X 28 X 15 cm

Haut gauche ◄ Florence Martinot, 1978 Bronze 31 X 17,5 X 26,5 cm Haut droit ▲ Katia Granoff, 1976 Bronze 30 X 19 X 16,5 cm

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Bas gauche ◄ Gérard Koch, 1973 Bronze 39 X 27 X 28 cm

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UN REGARD RÉTROSPECTIF

La marelle, 1979 Terre cuite 48 X 22 X 27 cm

L'espoir, 1974 Bronze 67,5 X 27 X 29 cm

La chaise, 1979 Bronze 20 X 10,7 X 12 cm

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UN REGARD RÉTROSPECTIF

Masque assoupi, 2000 Bronze 41 X 25 X 29 cm

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Masque pensif, 2000 Bronze 41 X 31,5 X 27 cm

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UN REGARD RÉTROSPECTIF

LES MAINS

«J'ai commencé par des mains en action, des mains outils, des mains qui serraient quelque chose, des mains offrandes, avec des fruits». Ainsi, les représentations de mains accompagnent le travail de Martine depuis les années 1970. Elle prend d'abord les siennes pour modèle, la gauche, puis la droite tenant le pinceau. Vues de l'intérieur, puis de l'extérieur, l'artiste s'observe sous toute les coutures, afin d'isoler son sujet pour qu'il puisse prendre vie. Si les mains de Martine semblent déconnectées d'un corps, elles restent évocatrices d'un langage, ou bien d'une danse. Leur force, leurs attitudes relèvent d'un travail d'introspection proche de l'autoportrait. Tout en conservant sa valeur utilitaire, la main chez Martine Martine est l'interprète de la pensée, avant d'être un outil.

Ci-contre ◄ La griffe, 1992 Bronze 35 X 21,5 X 17 cm Ci-dessous ▼ L'arbre, 1975 Bronze 38,2 X 23 X 21,5 cm

Traditionnellement, les études de mains constituent des travaux préparatoires, des exercices à la représentation de l'anatomie. Le moulage de la mains du Maréchal Joffre réalisé par Injalbert témoigne de ces tâtonnements, tandis que la terrible Étude de pieds et de mains (1817-1819) de Géricault pousse le goût pour le fragment anatomique aux confins de l'horreur. Au début du XXe siècle, Rodin décline une série de «mains monuments», tandis qu’Émile Gallé achève en 1904 son ultime Main aux algues et aux coquillages. Chez Martine, les mains sont à la fois tendues, offertes, mais toujours évocatrices. Plus que les visages, elles expriment les sentiments dont leur frémissement trahit la vérité. Ainsi, l'artiste renoue avec cette thématique en 2001 lors de la tragédie du 11 septembre, et y rassemble un bouquet de mains qui aident, soignent et prient. Jean-Antoine Injalbert Moulage de la main du maréchal Joffre Plâtre 20,5 X 9 X 9 cm

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Page de gauche ◄ Frémissement, 1974 Bronze 36 X 16,5 X 10,5 cm Ci-contre ◄ L'araignée, 1992 Bronze 38 X 30 X 24 cm Ci-dessous ▼ Le savoir, 1982 Bronze 44 X 18 X 14,5 cm

Ci-contre ► Étude de main, 1978 Dessin à la mine de graphite H29,5 X L24 cm

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UN REGARD RÉTROSPECTIF

Main tenant une figue, 1972 Huile sur toile H41 X L27 cm

La main et le pinceau, 1973 Huile sur toile H41 X L27 cm

Silence, 1974 Huile sur toile H64 X L46 cm

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Ci-dessus ▲ L'entrée de la galerie, 1980 Huile sur toile H89 X L116 cm Page de gauche ◄ 11 septembre, 2001 Huile sur toile H195 X L130 cm

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PÉTRIR LA FIGURE HUMAINE

Martine Martine est initiée à la sculpture par le portrait, auprès du sculpteur Gérard Koch, et questionne les apparences de la figure humaine. Ses portraits sculptés montrent des visages marqués par la vie, burinés par les épreuves mais toujours empreints de dignité. À la suite de l'hommage de Bourdelle à Rodin en 1910, ainsi que des expérimentations cubistes sur le traitement des figures, Martine prend le parti dans Les quatre faces de révéler la pluralité des profils pour rester au plus près de l'individualité du modèle. La série des Têtes grotesques d'Injalbert fait écho à ce travail en série sur l'expressivité des figures de Martine Martine. La déclinaison de ces expérimentations évoque également l'héritage d'Honoré Daumier, qui réalise entre 1832 et 1835 une quarantaine de bustes caricaturaux, intitulée Les célébrités du juste milieu. Avec un regard bienveillant, Martine insuffle dans ses premières séries de portraits sculptés un caractère énergique et fidèle. La sculpture de Martine Martine est figurative autant que figurée. Représenter est pour elle essentiel, car «depuis que le monde est monde, depuis les grottes de Lascaux, des hommes peignent des images qui représentent quelque chose». L'émotion est donc primordiale et ses portraits, qu'ils soient peints ou bien sculptés délaissent l’anecdote et le réalisme pour rechercher des formes évocatrices de la vie, de la souffrance, hérités des mythes collectifs. Ainsi le visage tourmenté de son prophète témoigne du dialogue de l'homme avec Dieu.

Jean-Antoine Injalbert Masque concave, vers 1930 Terre cuite 15,2 X 2,6 X 8,5 cm

Haut gauche ◄ Le paysan, 1980 Bronze 12 X 12 X 9 cm Haut droit ▲ La paysanne, 1980 Bronze 8,5 X 12,5 X 7,5 cm Ci-contre ◄ Les quatre faces, 1992 Bronze 22 X 14 X 14 cm

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Page de gauche ◄ Jean-Antoine Injalbert Tête grotesque Terre cuite Ci-dessous ▼ Jean-Antoine Injalbert Tête grotesque Terre cuite

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Ci-contre ► Le prophète dans l'orage, 1960 Huile sur toile H65 X L50 cm Ci-dessous ▼ Le prophète statufié, 1972 Huile sur toile H50 X L73 cm

Les cinq têtes II, 1978 Huile sur toile H54 X L73 cm

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L'ATELIER OU L'UNIVERS DES FORMES

Malgré son succès prometteur à la galerie Romanet avenue Matignon en 1956, Martine Martine décide de se soustraire totalement du monde de l'art parisien pendant quinze ans, et travaille à partir de 1969 dans son premier atelier rue Longchamp (Atelier à Paris, 1976), un simple studio avec balcon. À la suite des impressionnistes et des grands peintres du pittoresque parisien, Martine profite quotidiennement d'une vue inspirante et solitaire sur les toits de Paris. Après son retour sur la scène artistique en 1979, elle s'installe dans son atelier actuel rue des Sablons, sur la colline de Passy, progressivement agrandi (la cour de l'atelier, 1985). Ce changement d'espace se répercute sur ses œuvres, ses vues d'intérieur se dotent d'une lumière diffuse, tandis que le format de ses œuvres augmente. Que Martine peigne, grave, sculpte, réalise des bijoux ou bien de la céramique, sa pratique fervente et spontanée se déploie dans tous les espaces de son atelier. Ainsi, elle déclare «en dehors des périodes d'atelier d'art, je suis quelqu'un d'autre. Alors au moins que je sois complètement libre et libérée dans mon atelier, dans ce que je fais». L'atelier de Martine est le socle de son univers des formes, mais également son laboratoire d’imaginaire. Des accessoires familiers s'y retrouvent sans cesse sur le devant de la scène, tantôt un confortable chauffeuse Voltaire de velours, tantôt un fauteuil paysan de paille. Les instruments de l'artiste ne sont pas négligés, les bouteilles d'encre et les pinceaux côtoient des formes voluptueuses, comme une armée de sculptures qui peuple l'atelier.

Ci-dessus ▲ Le danseur des ombres, 1992 Bronze 89 X 60 X 44 cm Le lanceur, 1992 Bronze 87 X 39,5 X 40 cm Ci-contre ◄ Le fataliste, 1999 Bronze 95 X 15 X 48 cm

Ci-contre ► Jean-Antoine Injalbert La baigneuse surprise, 1913 Terre cuite 32 X 11,6 X 13,5 cm Jean-Antoine Injalbert La grande égalitaire Plâtre 52,5 X 27,5 X 19,5 cm

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La désespérance, 1982 Bronze 110 X 64 X 48 cm

Anna, 1978 Bronze 95 X 30 X 28 cm

L'esclave, 1996 Bronze 94 X 38 X 50 cm

L'âge avancé, 1988 Bronze 65,5 X 34 X 31 cm

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Page de droite ► L'inquiétude, 2000 Bronze 117 X 53 X 45 cm

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La boîte de peinture, 1970 Huile sur toile H33 X L46 cm

La cour de l'atelier, 1985 Huile sur toile H92 X L73 cm

Atelier à Paris, 1976 Huile sur toile H89 X L116 cm

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Ci-dessus ▲ Bouteilles d'encre et sculptures, 1978 Lavis H65 X L50 cm Ci-contre ► La fougue dans l'atelier, 1982 Lavis H65 X L50 cm

Ci-dessus ▲ Nu sur draperie rouge et bleue, 1953 Huile sur toile H70 X L40 cm Ci-contre ◄ Le beau modèle, 1971 Huile sur toile H81 X L60 cm

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Les deux verres et les trois oranges, 1975 Huile sur toile H46 X L55 cm

Nature morte aux pots en camaïeu, 1971 Huile sur toile H61 X L46 cm

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Légumes séchés IV, 2000 Lavis H50 X L65 cm

Ci-dessus ▲ Fauteuil aux deux rondes, 1994 Huile sur toile H32,5 X L50 cm

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Les coquillages IV, 1982 Huile sur toile H27 X L41 cm

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LES ÉVEILS DE L'ESPRIT

La vocation artistique de Martine Martine remonte à l'enfance et à la fréquentation quotidienne des chefs-d'œuvre contenus dans la demeure familiale avant qu'ils ne soient à l'origine de la fondation du Musée d'Art Moderne de Troyes, sa ville natale. C'est peut être de là qu'elle a tiré le goût pour le dialogue avec les grands aînés, David et ses Sabines, Georges de La Tour, ou bien le milanais Arcimboldo. Entre expressionnisme et parodie, Martine présente sa bibliothèque mentale d’œuvres patrimoniales, et ses recompositions proposent une nouvelle interprétation du tableau au gré d'un voyage dans le temps. Ci-contre ◄ Le coureur, 1987 Bronze 35 X 25 X 14 cm

Martine entretient avec la sculpture un rapport ambigu ; des années de pratique au corps à corps lui permettent de dominer son métier, ses contraintes, et de contrôler ses gestes avec précision. Les surfaces charnues et bulbeuses de ses œuvres comme le Bain (1982) ou l'Offrande (1974) évoquent l'influence du maître verrier troyen Maurice Marinot, un proche ami de ses parents.

Le refus, 1979 Bronze 22 X 16,5 X 24 cm

Chez Martine, les corps dialoguent avec le temps, qu'ils soient figés dans des postures déclinées à l'infini, ou bien déformés par les masses ajoutées et les creux taillés dans la matière. Ses œuvres narratives ne sont jamais muettes, mais visent, par un retour à la nature, à un éveil de la conscience. Ainsi pour Jacques Lugand, conservateur du musée des Beaux-Arts de Béziers de 1960 à 1998, l'art de Martine se rattache aux mondes antiques ainsi qu'aux récits bibliques, désespérés et croyants, grâce à sa capacité à prendre sur le vif, et à fixer la vie.

Ci-dessus ▲ La folie, 1981 Bronze 36 X 20 X21 cm Ci-contre ► La bête humaine, 1982 Bronze 31 X 9 X 16,5 cm

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61 L'éveil, 1981 Bronze 20 X 26 X 32 cm

Le sirtaki, 1979 Bronze 26,5 X 22 X 17,5 cm


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Ci-contre ◄ Touché !, 2012 Bronze 51 X 47 X 25 cm L'offrande, 1974 Bronze 51,5 X 23 X 33 cm

Ci-dessus ▲ La naufragée, 1978 Bronze 44 X 80 X 38 cm

L'appel, 1983 Bronze 48 X 29,5 X 27 cm

Jean-Antoine Injalbert Le titan Bronze 58 X 19,4 X 18,5 cm

Ci-contre ◄ L'attente, 1980 Bronze 58 X 21 X 19 cm Le bain, 1982 Bronze 52 X 31,5 X 23,5 cm

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Ci-dessus ▲ Le concert vert, 1990 Huile sur toile H73 X L92 cm Ci-contre ► L'éveil I, 1998 Huile sur toile H16 X L27 cm L'éveil II, 1998 Huile sur toile H16 X L27 cm

Edward Wulfson I, 1989 Huile sur toile H92 X L73 cm

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Ci-dessus ▲ Japonaiserie II, 1972 Huile sur toile H65 X L92 cm Le tricheur à l'as de carreau, 1975 Huile sur toile H33 X L41 cm Page de droite ► L'été, 2000 Huile sur toile H27 X L22 cm

Paysage d'hiver animé de personnages, 1994 Huile sur toile H130 X L162 cm

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Ci-dessus ▲ Petits livres mêlés, 1977 Huile sur toile H50 X L65 cm Ci-contre ◄ Livres rouges en équilibre, 1977 Huile sur toile H92 X L73 cm

Les sabines, 1970 Huile sur toile H41 X L33 cm

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MARTINE MARTINE

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LE GENRE ANIMAL

«Martine n'a sacrifié à aucune théorie, à aucune mode. Qu'elle continue donc à n'en faire qu'à sa tête, je veux dire à n'obéir qu'à ses yeux, à son instinct, à ses certitudes intérieures, à son dynamisme» écrivait le critique d'art Claude Roger-Marx en 1971 lors de la première exposition de Martine Martine après quinze années de silence. En effet l’œuvre de Martine a longuement questionné la nature humaine, mais le genre animal n'est pourtant pas absent de ses préoccupations. Fidèle à sa fantaisie, c'est le hasard qui lui permet en 1994 d'hybrider la figure de l'homme et la posture de l'animal. La forme du Félin est ainsi due à l'affaissement de son armature trop faible, et interroge l'artiste : est-ce l'homme qui se transforme en animal ou l'animal qui devient humain ? Les chevaux remplacent pourtant les félins, évoquant le passé de cavalière de Martine Martine, stoppé net par une chute à l'âge de vingt-deux ans. Ses souvenirs alimentent son inspiration avec une documentation abondante. Ainsi Martine étudie l'anatomie de l'animal, et surtout des chevaux de trait, l'aplomb et les mouvements de groupe. Son expérience de dessinatrice la pousse à privilégier l'allure, la constitution des chevaux et beaucoup moins la robe. Elle décline ensuite le motif sous toutes ses formes, à la suite du peintre munichois Franz Marc et de ses multiples Chevaux bleus (1911-1912). Jusqu'en 1997, l'homme est totalement absent de ces séries, avant l'avènement du Chevalhomme, qui loin de présenter les signes de domestication des animaux de cirque, se fige dans la fière posture du centaure. Haut gauche ▲ Le cheval homme, 1997 Bronze 73 X 32,5 X 42 cm Ci-dessus ▲ Tête de cheval, 1997 Bronze 58 X 16 X 68 cm Ci-contre ◄ Le félin, 1994 Bronze 65 X 38 X 55 cm

L'homme singe, 1981 Bronze 61 X 50 X 28 cm

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Le premier homme, 1995 Bronze 57 X 38 X 60 cm

L'homme chat, 2002 Bronze 49 X 27,5 X 67 cm

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MARTINE MARTINE

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Jean-Antoine Injalbert Satyre assis jouant de la flûte 32,4 X 25,5 X 18

Ci-contre ◄ Trois chevaux sur fond brun, 2006 Lavis Ci-dessous ▼ Le bal des chevaux, 1998 Lavis H58 X L78

Le cheval blanc sur fond noir, 2005 H60 X L75 cm

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Jean-Antoine Injalbert Cheval marin Plâtre 76 X 63 X 98 cm

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MARTINE MARTINE

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Sumos

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CORPS EN LUTTE

«Je suis boulimique quand j'aborde un nouveau thème» avoue d'elle même l'artiste interrogée par des critiques d'art. La fascination de Martine pour les Sumos fut en effet provoquée par l'événement anodin en apparence d'une carte postale reçue du Japon en 2002, figurant des photos de cet art du combat sacré. Comme Bernard Buffet et Robert Nicoïdski avant elle, ces images l'impressionnent profondément et l'engagent dans une suite artistique cathartique. Les instants figurés choisis par l'artiste font cohabiter peinture et sculpture dans la monumentalité des corps. Les volumes, les masses, sont rendus palpables par des jeux d'ombre et de lumière, tandis que les lignes indiquent la force et le mouvement de ces corps flasques et épais. La vision de Martine exprime avec sensibilité l'énergie spirituelle dégagée par cet art ancestral et traditionnel. Seuls, ou bien agrippés l'un à l'autre, ces héros intemporels restent un mystère pour les occidentaux non-initiés. L'expressionnisme de Martine les éclaire, grâce à ses supports contrastés et sa palette réduite.

Portrait de sumo XXVI, 2007 Lavis H65 X L50 cm

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Grands sumo de profil, 2002 Huile sur toile H162 X L130 cm

Combats de sumo III, 2003 Lavis H65 X L50 cm

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MARTINE MARTINE

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Sumo gagnant, 2003 Bronze 56 X 40 X 32 cm

Buste de sumo, 2003 Bronze 45 X 40 X 27 cm Sumo vaincu, 2003 Bronze 49 X 28 X 28 cm

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Sumo méditant, 2005 Bronze 47 X 28 X 28 cm

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MARTINE MARTINE

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Bal zac Depuis 2006, Martine Martine décline à l’huile comme en bronze ou à la pointe sèche l’imposante effigie d’Honoré de Balzac. À l'origine de cette série se trouve la commande d'un buste de Balzac par son ami Paul Métadier, créateur du musée Balzac en 1951 au château de Saché, et le souvenir du buste de Balzac nu de Rodin réalisé en 1892, qui figurait dans la collection d'art de ses parents (aujourd'hui au musée d'art moderne de Troyes). Auteur d'une œuvre monumentale, Balzac incarne le XIXe siècle toujours présent dans le XXe. Ainsi, Le Père Goriot ou le Cousin Pons faisaient partie des lectures préférées de la jeune artiste. L'interrogation de ce modèle hors du commun constitue pour Martine Martine, une source d'inspiration qui dépasse ses précédentes séries sur les sumos, les mains, ou encore les chevaux, menées à bout jusqu'à l'épuisement de son imaginaire. La frontalité de la figure de l'écrivain repousse les bordures du cadre et renforce ainsi sa monumentalité. Martine Martine se dit «balzacinée», en prise avec elle-même, et remanie sans cesse la figure de l'écrivain, à partir du premier buste en terre réalisé en 2006, chaque nouvelle version apportant une nuance à la précédente.

Mémoires V (Balzac), 2014 Lavis H117 X L122 cm

Mémoires II (Balzac), 2001 Lavis H103 X L140 cm

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MARTINE MARTINE

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Buste de Balzac I, 2006 Bronze 53 X 39 X 36 cm

Buste de Balzac III, 2012 Bronze 55 X 40 X 35 cm

Balzac en pied, 2012 Bronze 61 X 39 X 19 cm

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Mar tin e et Injalber t : regards croisés L’œuvre sculptée de Martine Martine à Béziers interroge la tradition locale, qui voit l'avènement d'Injalbert au début du XXe, mais également la politique d'acquisition de la ville qui obtient en 1900 trois œuvres d'Auguste Rodin pour le musée des Beaux-Arts. Ainsi, cette richesse permet de confronter les œuvres et les formes d'expression de ces trois artistes si différents mais qui partagent le même métier et la même passion.

Le pardon jaune, 2009 Huile sur toile H73 X L92 cm

Le choix de petites figures issues des réserves du fond d'atelier du don de la veuve d'Injalbert en 1934 résulte de la volonté de mettre en avant des œuvres moins souvent exposées et connues que les grands travaux d'Injalbert. Ainsi, cette sélection accentue l'impression d'intimité dégagée par ces œuvres de petite taille, et sur lesquelles la main de l'artiste et le travail de son outil sont véritablement visibles. L'esquisse Femme assise sur un rocher d'Injalbert illustre l'expression des sentiments comme la nostalgie, la douleur, dans un style complètement opposé au travail de Martine Martine. La figure de la femme est en effet travaillée dans le détail, et soutenue non pas par un socle mais par un large bloc laissé brut. Chez Martine Martine, les figures sont évidées, affinées, mais rarement ancrées dans l'espace par un élément structurel.

Ci-dessous ▼ Les damnés, 1991 Lavis H77 X L111 cm Abel et Caïn, 1991 Lavis H77 X L111 cm

Ci-dessus ▲ Pieta, 1953 Huile sur toile H61 X L50 cm

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MARTINE MARTINE

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La mère et l'enfant, 1989 Bronze 31,5 X 26,5 X 20 cm

Jean-Antoine Injalbert Femme assise sur un rocher, 1916 Plâtre 31 X 19 X 21 cm

Jean-Antoine Injalbert La charité Plâtre 29,3 X 13 24,6 cm

Jean-Antoine Injalbert Deux adolescents, 1929 Terre cuite 34,3 X 18,8 X 14, cm

Ci-contre ► Le pardon, 1984 Bronze 19 X 24,5 X 18 cm La grande famille, 1988 Bronze 30 X 33 X 36 cm

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Le couple, 1979 Bronze 20,5 X 20,5 X 11 cm

Banc des dernières amours, 1986 Bronze 16,5 X 23 X 23 cm

La tendresse, 1984 Bronze 24 X 26,5 X 20 cm

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Autoportrait Huile sur toile H32,5 X L24 cm

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FIGURES ET ORNEMENTS

Comme pour son éveil artistique, Martine Martine a été confrontée dès l'enfance à la pratique du dessin par ses parents qui excellaient tous deux dans ce domaine. Maurice Marinot rendait également visite à la famille Lévy avec sa fille Florence tous les mardi, surnommés les «mardinots». Martine passait ses journées avec le maître verrier, qui ne cessait de la conseiller et de l'encourager en l'incitant à regarder autour d'elle. En outre, ce goût du dessin s'est manifesté lors de ses années de lycéenne à Troyes, où Martine caricaturait volontiers ses professeurs ! En 1972, le critique d'art Claude Roger-Marx lui conseillait encore «dessinez beaucoup, et surtout chère Martine, pas de crayon feutre.» En 1985, son époux Léon lui ayant offert une bague dont plusieurs personnes la soupçonnent de l'avoir façonnée, Martine se lance et réalise plusieurs anneaux en terre. Exposés à la galerie Colette Dubois, ils retiennent l'attention de la créatrice de bijoux Elisa Peupion qui l'encourage à poursuivre ses expérimentations, et de leur collaboration naît ce corpus de parure ciselé à partir de prototypes en plâtres produits par Martine. La soif de recherches formelles de l'artiste la pousse ainsi à expérimenter tous les domaines de l'art, du dessin à la joaillerie.

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Danseuses IV, 1985 Lavis H65 X L50 cm

Danseuses V, 1985 Lavis H65 X L50 cm

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Bague Némée, 1985 Bronze doré et pierres - 28 g 2,7 X 2,6 X 0,70 cm

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B.O. Roséa-déa, 1996 Bronze doré Boucles d'oreilles 6.3 x 5.3 x 1.2 cm

B.O. Ambroisie, 1985 Bronze doré Boucles d'oreilles composées de 2 éléments articulés 4,9 x 2,7 x 0,7 cm

Bague Orion, 1985 Bronze doré et pierres - 32 g 2,8 X 2 cm

B.O. Astréus, 1985 Bronze doré Boucles d'oreilles composées de 2 éléments articulés 4,7 X 2,5 X 0,2 cm

Objet Aéton, 1996 Bronze Signé au dos "m.martine" et titré "Aéton" 7.2 X 8.5 X 1 cm

Bracelet Samia-fleuve, 1985 Bronze doré 63 g 19 X 2.5 X 1.2 cm

Collier Samia-fleuve, 1985 Bronze doré Collier composé de 20 éléments articulés (3 X 2,5 X 0,4 cm). Signé sur le fermoir "m martine" et titre "Fleuve" gravé Diamètre : 17 cm - 160 g 44 X 2.5 cm

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MARTINE ET RODIN

Entre scandales et coups d'éclats, Auguste Rodin, qui naît en 1840 dans une famille modeste, révolutionne pourtant l'histoire de la sculpture avant Braque, Picasso ou Matisse. Rodin s'insurge : «Je suis un ouvrier qui se plaît aux occupations les plus viles. Ces rudes mains que voici travaillent le bloc, gâchent le plâtre... Je suis comme les artistes de la Renaissance : c'étaient des artisans et non de beaux messieurs.» mais il inspire également de nombreuses générations d'artistes. Ainsi, Martine Martine à retenu l'enseignement de Rodin, en délaissant dès sa formation ce que le «bouc sacré» appelait «le vidoursé» pour qualifier des œuvres plates, lisses, incapables d'exprimer les émotions de la condition humaine par le corps. Dès 1974, son Janus témoigne de la liberté de son geste, intuitif et improvisé, considérant la sculpture comme une alternance de pleins et de vides, de trous et de bosses. Martine reprend également des thématiques initiées par Rodin, l'homme qui marche, les bons bourgeois, apportant sa part au questionnement de l’œuvre du maître, et de son propre travail. Avant Martine, Rodin avait exploité le pouvoir d'expression des mains comme œuvres isolées et autonomes. La déclinaison en série lui permit de constituer un répertoire de formes de toutes tailles, dans lequel les ses contemporains et successeurs ont pu puiser des sources d'inspiration. Enfin, depuis 2006, Martine explore de manière inlassable la figure de Balzac, issue de la grande commande du Monument à Balzac de Rodin.

Les bons bourgeois, 1989 Bronze 21,5 X 21,5 X 1 cm

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Méditation, 2006 Bronze 108 X 54 X 54 cm

Janus, 1974 Bronze 24,5 X 9,5 X 9,5 cm

L'homme qui marche, 1987 Bronze 78 X 29 X 28 cm

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LA DANSE

La musique imprègne l’œuvre de Martine Martine, qui en a été nourrie dès l'adolescence, et partage cette passion avec son époux, Léon Cligman, qui a soutenu l'Association pour le rayonnement de l'Opéra de Paris, et préside toujours le Cercle des fondateurs de l'atelier lyrique. Des années 1975 à 2000, Martine produit un corpus prolifique de représentation de concerts, de musiciens, et de danseurs. En outre, cette période coïncide avec l'enrichissement musical considérable de la scène parisienne dans les années 1970, encouragée entre autres par Pierre Boulez. Ainsi dans l'œuvre de Martine, musique et danse se mêlent, semblant répondre à l'imprécation de Victor Hugo «la musique est dans tout. Un hymne sort du monde.» Afin de réaliser cet ensemble de danseurs, Martine a usé d'une technique marginale dans son œuvre. Ces sculptures sont en effet les moulages en bronze d'esquisses de plâtre modelées sur du fil de fer. Le corps se tord et occupe l'espace, tandis que le bronze lui même semble onduler, alternant les pleins et les déliés. A la fois formes et informes, les danseurs de Martine expriment dans leurs contorsions les multiples possibilités du mouvement. Grâce à leur structure basée sur l'usage du fil de fer, ces figures anonymes présentent une alchimie entre l'équilibre et le déséquilibre, mais dont la stabilité est garantie par leur buste, servant de pivot. Leur mouvement giratoire s'approprie l'espace, tandis que leur peau est recouverte de pressions digitales, sur lesquelles s'accroche la lumière.

Ci-contre ◄ Le swing, 1979 Bronze 28,5 X 17,5 X 12,5 cm Ci-dessous ▼ La danse, 1979 Bronze 29,5 X 21,5 X 16 cm

Ci-dessus ▲ La sardane, 1979 Bronze 35,5 X 23 X 20 cm

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Ci-contre ◄ Le petit danseur, 1974 Bronze 24 X 8,5 X 9,5 cm

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MARTINE MARTINE

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Pierre Lévy, Des artistes et un collectionneur. Paris, Flammarion, 1976. Katia Granoff, Mémoires, chemin de ronde. Paris, Christian Bourgois 10/18, 1976.

BI BLIO GRA PHIE

Martine Ville de Béziers, Musée des BeauxArt, Hôtel Fabregat, 1984. Arnaud d’Hauterives, Marianne Delafond et Tessa Destais. Martine Martine, Paris, Bibliothèque des arts, 1993. Gérard Xuriguera, Martine Martine, Lavis. Paris, Editions Van Wilder, 1999. Beaux Arts Magazine Hors Série. «Martine Martine», Paris, 2001. Lydia Harambourg, Martine Martine, Sculptures. Paris, Éditions Nicolas Deman, 2006. Gérard Xuriguera, Martine Martine, Peintures. Paris, Éditions Nicolas Deman, 2008. Mustapha Chelbi, «Martine Martine». Le Forum des Arts et des Lettres N°24, Tunis, 2009 Lise Fauchereau, Martine Martine, Gravures. Paris, Association Martine Martine, 2011. Olivier Le Bihan et Daniel expression d’être. Paris, Editions Norma, 2013.

Marchesseau,

Martine

Martine,

Sophie Join-Lambert, Julie Pellegrin et Marie-Françoise Sassier. Martine Martine - Balzac, Jour & nuit. Paris, Association Martine Martine, 2014. S/ la D° de Daniel Marchesseau - Daniel Marchesseau et Guillaume Daban Martine Martine, Catalogue raisonné de l’œuvre. Les Éditions du Regard, 2015. Isabelle Rooryck, Martine Martine, Balzac à l’infini. Fondation Fernet-Branca, Saint-Louis, 2017.

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BÉZIERS - MUSÉE DES BEAUX-ARTS

MARTINE MARTINE

UN REGARD RÉTROSPECTIF

1953 - 2015

DU 11 JUILLET AU 31 OCTOBRE 2017

20,00 €

UN REGARD RÉTROSPECTIF


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