Le reveil des combattants juillet août 2014

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PIKETTI IMPOSE SON ANALYSE DES INÉGALITÉS

RÉSISTANCE ET DÉBARQUEMENT ALLIÉ

le réveil Juillet-Août 2014 - N°805 - 5 € www.le-reveil-des-combattants.fr

MAURICE AUDIN L’OMERTA DE LA RÉPUBLIQUE

DES COMBATTANTS

Pour l’amitié, la solidarité, la mémoire, l’antifascisme et la paix S'attaquer aux causes des guerres, un combat décisif pour préserver la Paix

T Ê R R A ' L S N EXIGEO E N I T S E L A P N E S E M I R C S E D Le journal des droits de tous les anciens combattants et victimes de guerre


LE RÉVEIL ACTUALITÉS

ASSOCIATION RÉPUBLICAINE DES ANCIENS COMBATTANTS ET VICTIMES DE GUERRE, DES COMBATTANTS POUR L’AMITIÉ, LA SOLIDARITÉ, LA MÉMOIRE, L’ANTIFASCISME ET LA PAIX

DÉCLARATION DU BUREAU NATIONAL DE L’ARAC SUR LA SITUATION ÉCONOMIQUE ET CELLE DES ACVG La situation et les droits à réparation des AC-OPEX et des victimes de guerre mis en cause par les choix politiques du gouvernement

L’

ARAC tient à exprimer sa très grande inquiétude devant la situation économique dramatique faite à l’ensemble de la population active et retraitée de notre pays et particulièrement celle des anciens combattants et victimes de guerre qui ont donné des années de leur vie et leur santé, il faut le rappeler, pour assumer les combats qui leur ont été imposés. Les diverses coupes sociales, les gels des salaires, retraites, pensions, allocations, les hausses des prélèvements, les réductions des budgets sociaux, les fermetures de services de santé, la hausse de l’électricité, du gaz, des transports, des services postaux, et cette liste n’est pas exhaustive, imposés par les dispositions gouvernementales autoritaires qui aggravent journellement la situation du plus grand nombre, les anciens combattants et victimes de guerre comme les autres.

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la prise en compte des psychotraumatismes des OPEX et la mise en œuvre de la campagne double pour les anciens combattants d’Afrique du Nord. Sur ce plan, l’ARAC, dénonçant la refonte du code des pensions PMI hors de toute concertation avec le Mouvement ancien combattant et les parlementaires, réclame l’élargissement de la commission ad hoc à ses partenaires ainsi que le vote du Parlement sur le contenu du code réformé. L’ARAC demeure soucieuse de la nécessité d’assurer les moyens de la mise à jour professionnelle et de la réinsertion professionnelle des anciens combattants, des OPEX et des victimes de guerres actuelles, donc le maintien nécessaire des ERP. L’ARAC revendique donc le rétablissement des subventions d’action sociale aux associations nationales combattantes dont la suppression grève sérieusement leurs actions auprès de leurs membres âgés et de santé déficiente qui doivent toujours compter sur un accueil possible dans les maisons de retraite de l’ONAC.

Sur le budget 2014, dit « contraint par la situation économique » les anciens combattants et victimes de guerre, par l’ONAC interposé, ont vu supprimer les modestes subventions d’action sociale allouées depuis 4 décennies aux associations du mouvement combattant, tournant ainsi le dos aux enjeux du secrétariat d’État aux anciens combattants et victimes de guerre lui-même.

En conséquence l’ARAC refuse la réforme territoriale et l’externalisation des établissements de l’ONAC qui mettrait en cause leur existence même.

L’ARAC n’accepte pas cette situation et reste attachée à toutes les revendications exprimées au nom de toutes les associations du Mouvement combattant par l’UFAC.

Enfin, l’ARAC demande qu’une aide substantielle soit accordée par l’État aux actions mémorielles des associations combattantes à caractère national.

Et elle insiste particulièrement pour que le budget 2015 marque une première progression du niveau du rapport constant actuellement en retard de 42,65 % et engage son relèvement par paliers annuels pour la suite, assure l’augmentation sensible de la pension de retraite du combattant, celle de l’allocation différentielle aux conjoints survivants à la hauteur du seuil de pauvreté, celle de la rente mutualiste, sans oublier la réversion de 50 % de la pension des AC décédés à leurs veuves, les pensions des veuves des grands invalides,

Pour l’ARAC, il n’est pas d’autre solution aujourd’hui face à la situation économique présente que d’en revenir à une politique économique répondant d’abord aux besoins du plus grand nombre, des citoyennes et citoyens du pays et par conséquent, aux anciens combattants et victimes de guerre qui en sont partie prenante. Elle invite les autres associations combattantes à se rencontrer en septembre pour débattre des enjeux et des initiatives à prendre.

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Villejuif, le 18 juin 2014


ÉDITO LE RÉVEIL

POURQUOI LE MONDE CONNAÎT TANT DE CONFLITS, TANT DE GUERRES ?

SOMMAIRE Actualités Conditions de travail dégradées depuis 2005 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 Exigences de la Commission européenne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 SNCF : la casse du service public . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 Alstom demantelé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 L’analyse des inégalités de Piketti s’impose. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 UE - Un niveau de pauvreté alarmant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 International Israël / Palestine : un peuple sous les bombes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 GAZA : le gaz dans le viseur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 Irak : triple échec du recours à la force . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 Afrique : la France en première ligne. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21 Aide au développement : Hollande, Président du renoncement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22 Asie / Pacifique : une dangereuse escalade . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22 Vie de l’ARAC Olivier Catayée décoré, le 24 juin. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23 Hommage à Pierre Bussone . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24 Vos droits Santé : militaires et enfants de militaires livrés au privé . . . . . . . . 27 Souverainiste, mais oui !. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28 ONACVG : Des agents corvéables à merci ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29 Mémoire p. 30 Maurice Audin, l’omerta de la République. . . . . . . . . . . . . 30

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RÉSISTANCE ET DÉBARQUEMENT ALLIÉ www.le-reveil-des-combattants.fr LE RÉVEIL DES COMBATTANTS Fondé en 1931 par Henri-Barbusse Mensuel de l’Association républicaine des anciens combattants et victimes de guerre. Commission paritaire n° 0713-A 06545 Édité par les Éditions du Réveil des Combattants SARL au capital de 45 734,41 - Siret : 572 052 991 000 39 2, place du Méridien, 94807 Villejuif cedex Téléphone : 01 42 11 11 12 Télécopie : 01 42 11 11 10 reveil-des-combattants@wanadoo.fr

Gérant Directeur de la publication : Raphaël

Tirage : 60 000 exemplaires

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Vahé U Directeur délégué - Rédacteur en chef : Patrick Staat UÊComité de Rédaction : Brigitte Canévêt, Hervé Corzani, Jean-Pierre Delahaye, André Fillère, Laurence GorainU Service photos : JeanClaude Fèvre U Administratrice : Annick Chevalier U Secrétariat de rédaction, conception graphique : Escalier D Communication UÊImpres-

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ous assistons aujourd’hui au redéploiement de la politique des multinationales et des gouvernements occidentaux. Les combats qui font rage actuellement en Palestine, en Syrie, en Irak, ont en commun d’être menés sous l’égide des États-Unis contre des peuples qui résistent à la volonté US de ce remodelage du « Proche-Orient élargi » et de peser ainsi sur le marché et les richesses énergétiques mondiales. La France n’est pas absente de ce processus comme le montre la place de sociétés comme Total et AREVA en Afrique. La côte méditerranéenne de Gaza comme les territoires de Cisjordanie regorgent de gaz et de pétrole. C’est ce qui justifie l’intervention israélienne sur Gaza, le massacre de milliers de civils et de blessés. C’est ce qui justifie le silence complice des Etats-Unis, du Prix Nobel de la Paix Obama. C’est ce qui justifie le silence assourdissant des gouvernements occidentaux devant ces milliers de morts civiles. La position du Président et du Premier ministre français sur l’agression, l’invasion israélienne dans la bande de Gaza est inacceptable. Il s’agit en réalité de mettre la main sur des richesses énergétiques appartenant depuis des millénaires au peuple palestinien. Quitte à tirer contre les populations civiles. Soutenir le peuple palestinien face à la violence et aux tueries du gouvernement israélien ce n’est pas être antisémite, c’est soutenir l’existence d’un peuple et aider à trouver des solutions politiques qui garantissent l’existence de deux états. L’ARAC continuera à dénoncer les causes des conflits parce que comprendre les causes, c’est situer les responsabilités des uns et des autres. Nous exigeons l’arrêt de cette guerre, le respect des droits du peuple palestinien, l’arrêt des colonisations. Nous exigeons aussi que le gouvernement français œuvre enfin à une solution politique, et que l’ONU mette en œuvre des sanctions et les moyens nécessaires à ces sanctions. Comment le peuple israélien peut-il laisser perpétrer de tels massacres, lui qui tout au long de son histoire a connu tant de malheurs ? L’ARAC appelle à intensifier l’action pour imposer l’arrêt de ces crimes, de ces bombardements et exiger le retrait des troupes de Tsahal. L’ARAC appelle ses militants, ses organisations, tous ceux qui sont épris de paix et de justice à faire entendre leur voix, à prendre toutes initiatives nécessaires pour que le droit à vivre du peuple palestinien soit entendu.

sion : RIVET P.E. - 24 rue Claude-Henri-Gorceix,

Patrick Staat LE RÉVEIL - N° 805 - JUILLET-AOÛT 2014

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Les conditions de travail des salariés se sont dégradées depuis 2005 Enquête Dares* juillet 2014 sur les conditions de travail Contraintes physiques ou sur les rythmes de travail, évolutions technologiques... En pleine polémique sur la pénibilité, une étude du ministère de l’Emploi montre une dégradation des conditions de travail des salariés en France sur les sept dernières années. C’est une enquête à la fois rare et riche d’enseignements qu’a mise en ligne le ministère du Travail. Rare parce qu’elle n’est réalisée que tous les sept ans et riche d’enseignements parce qu’elle porte sur les conditions de travail et parce que, sur ce sujet devenu majeur (comme le montre la polémique sur la pénibilité ou les risques psycho-sociaux) ses conclusions sont sources d’inquiétude. Que disent ces travaux ? Qu’entre 2005 et 2013, « Les changements organisationnels ont repris et les contraintes de rythme de travail se sont accrues, après une relative stabilisation ». La pause constatée entre 1998 et 2005 « apparaît ainsi comme une parenthèse dans une trajectoire ascendante entamée à la fin des années 80 », note la Direction de la recherche du ministère du Travail (Dares). Elle explique le retour à la tendance de longue période par la conjonction de deux phénomènes : un « rythme accru des changements organisationnels et [...] la

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plus grande insécurité de l’emploi ressentie par les salariés ». Elle n’identifie, en revanche, pas d’impact inverse du ralentissement de l’activité économique, alors qu’il avait pesé entre 1998 et 2005.

Subir au moins trois contraintes Pour arriver à ces conclusions, le ministère du Travail a enquêté auprès d’un échantillon représentatif des personnes en emploi de 15 ans ou plus. Il leur a demandé quelles contraintes elles subissaient dans leur travail ainsi que leurs marges de manœuvre. Premier constat : la proportion de salariés dont le rythme de travail subit au moins trois contraintes (avoir un rythme imposé par un contrôle ou un suivi informatisé, ne pas pouvoir quitter son travail des yeux, devoir se dépêcher souvent ...) est passé de 5,8 % en 1984 à 35 % en 2013. Pas moins de 4 points ont été gagnés depuis 2005. Les ouvriers qualifiés sont ceux qui ont été le plus touchés, passant de 8,7 % à 54 %. La proportion de cadres concernés par au moins trois contraintes de rythme est à l’opposé la plus faible (25,6 % contre 3,5 % en 1984). Les régimes horaires de travail sont restés, eux, relativement stables depuis 30 ans, « même si moins de salariés ont aujourd’hui les mêmes horaires tous les jours », note la Dares, qui, de façon surprenante, n’évoque pas le développement du forfait-jours. Deuxième constat inquiétant : les contraintes physiques ont aussi augmenté depuis 2005, confortant le mouvement constaté sur longue période. En 1984, 14 % des salariés déclaraient être exposés à au moins trois types différents de ces nuisances (bruit intense, fumées ou poussières, produits dangereux ...). Ils sont maintenant plus d’un sur trois (34,3 % contre 32,7 % en 2005 et 12,1 % en 1984). L’évolution interroge sur la réalité des efforts de prévention

des entreprises, que la réforme des retraites de 2013 a prévu d’intensifier.

Progression de l’usage de l’informatique

Du côté des évolutions technologiques, le fait marquant reste évidemment la progression de l’usage de l’informatique « à un rythme rapide », y compris maintenant dans des secteurs comme le commerce. « 71 % des salariés l’utilisent dans leur travail contre 60 % en 2005 et 51 % en 1998 », constate le ministère du Travail qui souligne la multiplication des types d’outils utilisés : ordinateur fixe, portable, boîte à lettres électronique professionnelle, internet, intranet, téléphone... Les cadres sont évidemment en première ligne en la matière. Dans ce contexte, le climat dans lequel les salariés font leur travail est traversé de courants différents. Il y a dans les entreprises une progression des coopérations entre salariés qui « explique pour une large part qu’en dépit de l’augmentation des contraintes de rythme de travail, moins de salariés se déclarent souvent obligés de se dépêcher ». Mais dans le même temps, de plus en plus de personnes interrogées déclarent « vivre des situations de tension » ou subir le manque d’effectifs. Surtout dans les contextes de réorganisations et chez les plus précaires. Les salariés sont aussi plus nombreux à constater une diminution sensible de leurs marges de manoeuvre entre 2005 et 2013. Si le bilan reste positif, c’est parce que leur baisse n’atteint pas les gains réalisés en la matière entre 1991 et 1998. A noter aussi une montée des pressions émotionnelles pour les salariés en contact avec le public. Et le fait que le mouvement d’intensification du travail a particulièrement touché la fonction publique, soumise à ce qui s’est appelé la Révision générale des politiques publiques sous Nicolas Sarkozy. Leïla de Comarmond - Les Échos * Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques - Ministère du Travail, de l’emploi et du dialogue social


ACTUALITÉS LE RÉVEIL

Exigences de la commission européenne du 2 juin : La France en souffrance C’est dans la plus grande discrétion qu’ont été publiées, le 2 juin, les Recommandations du Conseil concernant le programme national de réforme de la France pour 2014. Aucun média, aucun parti ne s’en sont fait l’écho auprès de nos concitoyens. Pourtant, ces « recommandations » constituent la feuille de route fixée, par la Commission européenne, à la France pour les mois à venir. Dans ce document, nous pouvons lire que « La France doit déployer des efforts supplémentaires pour se conformer à la recommandation du Conseil ».

Réduction des dépenses publiques C’est ce que le gouvernement a annoncé avec son plan de 50 milliards d’économie. C’est la fameuse contrepartie du « pacte de responsabilité » pour ne pas faire exploser le déficit. À ce pacte de responsabilité peu efficace sur la compétitivité, il est désormais demandé d’ajouter une nouvelle réduction drastique des dépenses publiques. Pratiquer des coupes sombres dans les dépenses publiques lorsqu’un pays est déjà en période de stagnation économique est une politique qui ne peut mener qu’à la récession (Le réveil, juin 2014). C’est en outre contre-productif puisque la récession entraîne une baisse des recettes fiscales souvent supérieure aux économies réalisées par la réduction des dépenses. En d’autres termes, cela revient paradoxalement à creuser le déficit que l’on prétendait combler…

Redéfinir « la portée de l’action des pouvoirs publics » Autrement dit : accentuer les privatisations, la destruction de notre système de santé, de nos services publics, auxquels les Français sont majoritairement attachés. Le texte va plus loin concernant le système de santé puisqu’il explique que « d’importantes économies à court terme

ne peuvent être réalisées sans une réduction significative de l’augmentation des dépenses de sécurité sociale. » Il faut donc s’attendre à une baisse massive des remboursements de santé, puisque la branche maladie représente quasiment 50 % des dépenses de la Sécurité sociale, ainsi qu’à une privatisation de la Sécurité sociale, via le recours croissant aux mutuelles privées, présentées comme solution à tous les problèmes. Pour la branche vieillesse, il s’agit bien évidemment des retraites qui sont en ligne de mire. Après la hausse de l’âge de départ à la retraite, vient maintenant le gel du montant des pensions. Pour le chômage, le texte parle de «dégressivité des allocations». Cela augure d’une baisse plus importante et plus rapide des allocations dans le temps.

d’évoluer d’une manière propice à la compétitivité et à la création d’emploi.» En d’autres termes, arrêter les revalorisations du SMIC et commencer à mettre en œuvre sa suppression, l’objectif étant sa baisse à terme. Ne doutons pas que des campagnes de presse se préparent pour expliquer au bon peuple que le SMIC est « un frein à la croissance » et que sa suppression permettrait de « libérer les énergies »… «Une attention particulière devrait être accordée aux dispositions réglementaires du Code du travail ou aux règles comptables liées aux seuils spécifiques en matière d’effectifs, qui entravent la croissance des entreprises françaises » C’est exactement ce que « propose » François Rebsamen, le ministre du Travail, de l’emploi et du dialogue social.

Simplifier les différents échelons administratifs

Accroître la souplesse des conditions de travail en cas de difficultés économiques provisoires

Voilà l’une des motivations avancées par les pouvoirs publics pour adopter une nouvelle loi de décentralisation. Il faut pourtant noter qu’aucune des lois précédentes de décentralisation n’a apporté d’économies substantielles. Bien au contraire, les coûts des collectivités locales ont généralement eu tendance à exploser. Cette injonction de réduction des échelons administratifs témoigne donc, non seulement que la République française n’existe plus comme État souverain et indépendant, mais aussi qu’en dépit de leur nom, les « recommandations » ont aussi des visées géopolitiques. Ce qu’elles visent, ce ne sont pas seulement des économies budgétaires, c’est aussi, et ni plus ni moins, que le démantèlement des grands États nations d’Europe, au premier rang desquels la France, avec des grandes régions qui traiteront directement avec Bruxelles. François Hollande, lui-même le 2 juin, a parlé d’ailleurs de «régions à taille européenne». Dans le chapitre coût du travail, «il convient que le salaire minimum continue

Et ainsi, poursuivre la remise en cause de l’existence même des contrats de travail à durée indéterminée (CDI) et accroître la précarisation des contrats de travail ! «Une majorité reste confrontée à d’importantes barrières à l’entrée ou à l’exercice (par exemple les taxis, le secteur des soins de santé, les notaires et, plus généralement, les professions juridiques). » Il faudra donc déréguler tous ces secteurs, déjà mis à mal par les traités européens. «Les tarifs réglementés restent d’application pour les ménages et, en ce qui concerne l’électricité, ils sont fixés en dessous des niveaux de coûts et l’accès pour les autres fournisseurs est limité. » La hausse des tarifs et la privatisation d’EDF sont donc programmées ; à l’exemple du gaz qui a augmenté de 60 % en 9 ans. La Commission européenne a d’ailleurs le culot de prendre l’Espagne comme modèle de pays qui a appliqué ces recettes. Avec le succès que l’on connaît ! LE RÉVEIL - N° 805 - JUILLET-AOÛT 2014

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«Dans le secteur ferroviaire, des barrières à l’entrée continuent d’entraver le bon fonctionnement du marché.» C’est la privatisation de la SNCF et sa mise en concurrence forcée qui sont au programme du gouvernement. Pour résumer, nous l’avons bien compris, aucune de ces mesures visant prétendument à la réduction du déficit budgétaire et à la relance économique n’aura l’effet escompté. Non seulement parce que vouloir baisser les dépenses publiques est une absurdité

en période de stagnation économique, mais parce que ces mesures ne peuvent régler en rien le problème de compétitivité de la France. Les inspirateurs de ces mesures n’étant pas stupides, ils ne se font aucune illusion sur leur inefficacité pour réduire le déficit budgétaire et relancer la croissance. Leurs objectifs ne sont pas là. Ce qui est en réalité visé, c’est le démantèlement des États nations et la destruction de tous les acquis sociaux obtenus par les peuples européens depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

SNCF : la casse du service public Le récent mouvement des cheminots pose de vraies questions quant au devenir de la SNCF. Avec force, les travailleurs ont mis sur la place publique les véritables enjeux auxquels est confronté le transport ferroviaire dans notre pays. Pour comprendre cet enjeu et le rôle néfaste des orientations de la commission européenne et des décisions gouvernementales, un peu d’histoire … 1983, la SNCF devient un « établissement public industriel et commercial » (EPIC). Elle doit répondre aux obligations mentionnées dans un cahier des charges et suivre une politique précisée par un plan d’entreprise. La privatisation est en marche. 1993, privatisation de British Rail qui coute des milliards de livres aux contribuables britanniques. Une cinquantaine d’entreprises se la partage à bon prix, au détriment de l’État. Les sociétés privées n’investissent pas dans le réseau, n’améliorent pas la sécurité, leur priorité est de dégager rapidement les plus gros profits possibles. L’accent est mis sur la baisse des coûts, en multipliant le recours à la sous-traitance (personnel peu / pas qualifié = salaire le plus bas possible). Ce qui aboutit aux grandes catastrophes ferroviaires de Paddington en 1999 (31 morts), d’Hatfield en 2000 (4 morts)) et de Potter’s Bar en 2002 (7 morts). 6-

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1997, création de Réseau ferré de France chargé entre autre de la dette de la SNCF. 1998, Railtrack, la société privée gestionnaire du réseau ferré britannique, réalise un bénéfice de 800 millions d’euros, aucun de ses devoirs n’est rempli. Aujourd’hui, en Grande-Bretagne, non seulement les trains sont systématiquement en retard et les risques d’accidents réels et permanents mais en plus, ce mode de transport coute très cher. Sur un trajet de même kilométrage, le billet coute 2,5 fois plus cher qu’en France. 2003, dix ans après la privatisation de British Rail, le gouvernement britannique reprend la main sur son système de transport ferroviaire, la reprise des dettes de Railtrack (9,3 milliards de livres) et l’État reverse à la nouvelle société dont il est majoritaire 21 milliards de livres. Bel exemple de socialisation des pertes. Sur les 10 prochaines années, la société d’état Network chiffre à 54 milliards la remise en état du réseau ferré britannique. Elle prévoit le licenciement de 3 000 des ses 14 000 employés, pour diminuer ses coûts, rentabilité financière oblige. Merci la privatisation et la mise en concurrence totale, libre et non faussée du transport ferroviaire… C’est exactement le même schéma que le gouvernement français souhaite mettre en place dans notre pays. L’exemple catastrophique sur tous les plans du Royaume-Uni sur cette question n’impressionne pas le gouvernement Hollande / Valls. Au contraire, il souhaite

Pour la France, ce programme voulu par la C.E. passe par la suppression des départements et des communes, une décentralisation de plus en plus poussée, la mise en pièces de notre système social et la disparition de nos services publics. C’est le démantèlement par étapes de la République française, la destruction complète du programme du Conseil national de la Résistance et les acquis sociaux que les peuples ont obtenu grâce à leur lutte. Magalie Couzeix

marcher de force vers l’objectif ordonné de la Commission européenne. A savoir, faire basculer vers le privé les aspects les plus rentables de notre transport ferroviaire. Pourtant, exit la qualité du service rendu, la sécurité des passagers et des personnels, exit le statut des cheminots qui est une garantie essentielle pour la protection non seulement des personnels mais aussi de la pérennité de la présence publique dans les chemins de fer. La catastrophe de Brétigny-sur-Orge n’est qu’un avant gout de ce qui nous attend dans un futur proche. Le démantèlement du système ferroviaire français et européen qui vise à une privatisation massive des différents réseaux ferrés porte en lui les pires présages néfastes. Les cheminots, en engageant le fer contre cette réforme non seulement se portent au premier rang de la défense des intérêts des personnels de la SNCF mais surtout, ce sont eux qui défendent avec courage un vrai service public ferroviaire avec en son cœur la priorité aux transports collectifs de haute qualité dans un cadre de sécurité maximum à tarif acceptable et normal. Cette lutte des travailleurs du rail en appelle d’autres, plus fortes, plus larges, avec un soutien des usagers à la hauteur des besoins et des exigences de chacun. Merci donc à ceux qui ne s’en laissent pas compter par les tromperies du gouvernement et qui ont réellement à cœur la défense d’un vrai service public ferré. Hervé Corzani


ACTUALITÉS LE RÉVEIL

a versé 2,170 milliards d’euros en intérêts payés aux banques et en dividendes versés aux actionnaires. L’entrée de l’État dans le capital d’Alstom ressemble à une opération qui permet à Bouygues d’en sortir de la façon la plus profitable possible.

ALSTOM : pressé comme un citron, démantelé pour le plus grand profit de General Electric et de Bouygues M. Hollande et M. Valls en ont décidé, l’américain General Electric va récupérer Alstom. Ainsi, les élucubrations de Montebourg sur le patriotisme industriel, la cohérence de l’appareil productif français, la protection des entreprises stratégiques pour notre pays n’auront été au final que de l’agitation stérile pour endormir l’opinion publique et arranger au mieux les intérêts du grand patronat. En fait le dépeçage d’Alstom, ce n’est qu’une affaire de gros sous. Bouygues décide de sortir du capital d’Alstom (il en détient 30 % des actions), il considère les dividendes qu’il en tire insuffisantes et ce malgré des profits confortables. L’État se propose de racheter 20 % de ces actions au prix de 35 € minimum à Bouygues, 7 € de plus que le prix actuel du marché, réservé à tout vendeur d’action Alstom autre que le groupe de BTP. C’est une véritable arnaque, l’État va verser à Bouygues 500 millions d’euros de plus que ce que ne lui aurait rapporté le marché et à ce pactole s’ajoute un dividende exceptionnel de 250 millions

d’euros versé par Alstom. Au final, une superbe opération financière réalisée par le géant du BTP. Enfin cette prétendue prise de part de l’État n’influera en rien sur la possibilité de notre pays de peser sur les décisions stratégiques d’Alstom démantelé : encore faudrait-il que le gouvernement ait cette volonté ! Par exemple, le contrôle de notre pays ne pourra plus s’exercer sur les activés turbines à gaz et à vapeur (hors nucléaire) si stratégique pour Alstom et pour la France, General Electric en devient détenteur à 100 %. Ce n’est que dans les activités « turbines à vapeur nucléaires » que l’État français gardera la main, les brevets nucléaires Arabelle étant logés dans une société à part. Et dans cette affaire, qu’en est-il de la fameuse tirade sur le « patriotisme économique » ? En 2004, Nicolas Sarkozy avait déjà procédé à une nationalisation partielle d’Alstom pour rendre cette entreprise suffisamment profitable pour intéresser Bouygues. A la suite en 2006, Bouygues devient actionnaire à hauteur de 30 % d’Alstom, depuis, en huit ans donc, Alstom a versé au porteur du BTP, 1,5 milliards d’euros en dividendes. De 2007 à 2012 Alstom

Il semble bien que cette opération ne soit que la partie visible d’une OPA visant à permettre que les profits du géant du BTP soient gonflés au maximum. Hollande, Valls, en fait se sont encore une fois agenouillés devant les exigences capitalistes, et ne répondent, ce faisant qu’aux injonctions du grand patronat. Ne trouve grâce à leurs yeux que la logique du profit maximum dans le plus court laps de temps au détriment des intérêts de notre pays, de notre indépendance, de nos industries (fussentelles de pointes technologiquement et stratégiquement) et enfin des intérêts de notre peuple, des salariés. MM. Hollande et Valls, le Parti socialiste portent ainsi une très, très lourde responsabilité, celle de déposséder notre pays, après Mittal d’une partie des capacités de maîtriser les moyens industriels, d’ingénierie, d’intelligence qui devraient être au service de la construction de l’avenir de la société. Leur pratique, leurs décisions, auront de très lourdes conséquences pour notre pays et notre peuple. Il en est ainsi pour des dizaines d’entreprises qui sont le fleuron de nos industries, tant du point de vue de leur maîtrise technologique que de leur place, au cœur du dessin du futur de notre pays. Les spécialistes (Hollande, Valls, Montebourg) de la génuflexion devant les patrons et le capitalisme sont en opposition et en confrontation directe aux intérêts du pays et du peuple. Il y a nécessité urgente de leur faire recouvrer la raison, il en va de l’avenir, du rôle, de la place, de la grandeur de la France. Hervé Corzani

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Piketty impose son analyse des inégalités L’étude historique et comparée de Thomas Piketty bouleverse la réflexion économique sur les inégalités.

Le capital au XXIe siècle a fait un tabac dès sa sortie en avril aux États-Unis. Et on parie que le succès sera identique dans les 25 pays qui ont acheté les droits du livre. Il arrive au meilleur moment sur le plan politique. Le succès intellectuel du livre tient d’abord à la qualité du travail produit par l’économiste français : une remarquable étude empirique, sur plusieurs siècles et dans plusieurs pays, qui démontre que les inégalités de revenus et de patrimoine sont en train d’exploser dans les grands pays industrialisés. Il suggère même qu’elles pourraient revenir vers les niveaux du capitalisme sauvage de la fin du XIXe siècle.

Une nouvelle idée dominante La force des travaux de Thomas Piketty est liée au fait qu’ils sont en train de s’imposer comme la nouvelle idée dominante. Une preuve récente en a été fournie par une étude publiée en 8-

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mai par l’OCDE, institution qui regroupe les vieux pays industrialisés et quelques émergents, l’un des endroits où s’établit la « bien-pensance » économique mondiale. Utilisant les bases statistiques regroupées par Piketty et le groupe d’économistes qui accompagne son travail, l’institution commence par rappeler combien les inégalités ont progressé au cours des trente dernières années, États-Unis en tête. La part des revenus accaparés outre-Atlantique par le 1 % les plus riches a pratiquement doublé, pour atteindre quasiment 20 % du total. Une progression qui a, de plus, surtout profité aux plus riches. En effet, toujours aux États-Unis, le 0,1 % des plus fortunés accapare 8 % des revenus, à comparer aux 4 % à 5 % détenus au Canada, au Royaume-Uni et en Suisse, et aux 3 % environ en Australie ou en France. On comprend mieux pourquoi l’Oncle Sam, ses politiques, ses journaux et ses économistes se sont sentis particulièrement concernés par les analyses de Thomas Piketty.

Supersalaires L’OCDE souligne également que même pour les 10 % les plus riches, ce sont les revenus du travail qui représentent la source prioritaire de leurs revenus. Il faut monter sur les plus hauts barreaux de l’échelle sociale, chez le 0,01 % pour que les revenus du capital prennent une

place importante, un peu plus de 30 % du total en Espagne, en Italie ou aux États-Unis, et presque 60 % en France pour les 5 000 personnes concernées. L’une des raisons généralement avancées pour expliquer que les plus riches ont vu leurs revenus salariaux fortement progresser est qu’avec la mondialisation, les plus qualifiés, capables d’en profiter le plus, en auraient touché les bénéfices. Si c’était le cas, la progression des salaires des mieux payés aurait dû se retrouver avec à peu près la même intensité dans tous les pays où la mondialisation a progressé. Or, ce n’est pas ce que l’on peut constater, les disparités sont grandes entre les pays. Une autre explication tient au poids croissant de la finance, de ses rémunérations pharaoniques et du mauvais exemple qu’elle donne aux autres secteurs. De fait, une étude du sociologue Olivier Godechot a montré qu’entre 1996 et 2007, la moitié de la progression des inégalités en faveur des très hauts revenus s’expliquait par le boom des rémunérations dans la finance.

Le FMI et l’OCDE séduits Mais, insistent les experts de l’OCDE, une autre cause importante a joué son rôle : les politiques fiscales ont été de plus en plus favorables aux plus riches, aussi bien par l’abaissement des tranches les plus hautes d’imposition que par la diminution de la taxation des profits des entreprises et des dividendes. La crise a certes stoppé la tendance et même réorienté les politiques fiscales vers un accroissement de l’imposition des plus riches, mais, faisant siennes les conclusions du Fonds monétaire international (FMI) placé sur la même longueur d’onde, l’OCDE conclut qu’ « il existe encore des marges de manœuvre pour accroitre les taux supérieurs afin de maximiser les recettes fiscales ». C’est exactement l’orientation que propose Thomas Piketty lorsqu’il souhaite, à la fin de son livre, voir la mise en œuvre d’un impôt progressif sur le capital (par exemple 0 % en deçà d’un million d’euros de fortune, 1 % entre


ACTUALITÉS LE RÉVEIL

1 et 5 millions, 2 % au-delà, etc). L’idéal serait qu’il soit mis en œuvre au niveau mondial. Ou au moins au niveau régional : l’Europe pourrait le faire, les ÉtatsUnis également.

Que l’idée d’augmenter les impôts sur les riches soit aujourd’hui jugée pertinente dans les couloirs du FMI et de l’OCDE, aussi bien qu’auprès de Joseph Stiglitz et Paul Krugman, souligne com-

bien, avec son livre, Thomas Piketty est en train de révolutionner la réflexion économique sur les inégalités. Christian Chavagneux - Alternatives économiques - Juin 2014

Le retour en force du capital Ces trois courbes en « U » résument parfaitement la thèse du livre de Thomas Piketty. Elles indiquent l’évolution de la valeur des patrimoines privés exprimés en années de revenu national. En clair, on se rapproche dangereusement de l’ampleur des inégalités patrimoniales observées pendant la Belle Époque. Jusqu’à la Première Guerre mondiale, les patrimoines privés, qu’ils soient immobiliers, financiers ou professionnels, avaient une valeur équivalente à six ou sept années de revenu national. Un niveau considérable. D’autant plus que ces valeurs sont nettes de dettes.

nomique relativement lente. Cette croissance poussive donne « une importance disproportionnée » aux patrimoines issus du passé. Car ce que rapporte le capital en une année, sous forme de profits, de dividendes, d’intérêts ou encore de loyers, augmente plus vite que

l’accroissement annuel de la production et des revenus. Reste à savoir si le U va se transformer en J…

Alternatives Economiques Juin 2014

Dans les années 1950, on était retombé à deux années de revenu national. Mais depuis, le capital revient en force, jusqu’à côtoyer les sommets atteints à la fin du XIXe siècle. Comme le montre Thomas Piketty, cela s’explique par le retour à un régime de croissance éco-

UNION EUROPÉENNE Selon la Croix-Rouge, le niveau de pauvreté est proche de celui de la seconde guerre mondiale En 2012, selon Eurostat, un quart de la population était menacée de pauvreté ou d’exclusion sociale, soit environ 125 millions de personnes. Anita Underlin, directrice de la CroixRouge Europe, a fait état de la situation de pauvreté en Europe : le niveau dans certains pays atteint celui de la Seconde Guerre mondiale. Environ 43 millions de personnes souffrent de pauvreté dans l’UE, soit près de 10 % de la population. La distribution alimentaire a augmenté de 75 % (depuis 2009) pour l’ensemble des 52 pays européens où est présente la CroixRouge.

Au Royaume-Uni (pays où le nombre de banquiers ayant dépassé le million d’euros de rémunération atteint des sommets) le nombre de personnes ayant recours à la distribution alimentaire (350 000) a triplé depuis 2009. Pour la 1re fois depuis la Seconde Guerre mondiale, la Croix-Rouge a dû solliciter des dons de nourriture. C’est la plus grande campagne de distribution alimentaire depuis la Seconde Guerre mondiale. Des pays comme l’Italie, la Grèce, l’Espagne ne sont pas épargnés. La CroixRouge espagnole aide 1,2 million de personnes en aide alimentaire alors

que selon Eurostat, ces pays ne seraient pas à risque. La Roumanie, la Bulgarie et la Croatie sont au plus haut risque de pauvreté extrême, et les gouvernements sont incapables d’aider leurs populations, tous les budgets publics ayant été réduits. Et dire que l’Union européenne s’est fixée comme objectif de ramener à 20 millions le nombre de personnes vivant dans la pauvreté d’ici 2020.

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LE RÉVEIL INTERNATIONAL

ISRAËL/PALESTINE Un peuple sous les bombes Alors que Netanyahu déclenche une offensive terrestre sans précédent depuis des années, les bombardements israéliens sur Gaza ont déjà fait des centaines de morts et des milliers de blessés essentiellement dans la population civile. Femmes, enfants, vieillards palestiniens sont sous le feu de Tsahal en toute impunité. Les représailles massives décidées par Tel-Aviv, après l’assassinat de trois jeunes israéliens par des extrémistes non identifiés pour l’instant, ont mis le feu aux poudres. S’en est suivi le kidnapping et le meurtre d’un jeune Palestinien par des fanatiques Israéliens et toute la région s’est embrasée. Le Hamas riposte à coup de missiles lance-roquette et cible des villes israéliennes. Le système de défense anti-aérien israélien surnommé « Dôme de fer » financé par Washington depuis 2009, en plus des 3 milliards d’aide militaire annuelle, semble pour l’instant fonctionner et protéger la population israélienne. Selon France infos et France 2 qui se sont rendus à Tel-Aviv, la capitale économique du pays « Là-bas, tout se passe presque normalement (…) les plages sont toujours remplies de touristes. Ils sont simplement perturbés par le bruit des roquettes interceptées… »

Mettre un terme à la colonisation Pendant ce temps le gouvernement Netanyahu allié à l’extrême-droite fanatique, a convoqué 45 000 réservistes et semble prêt à lancer une offensive de plus grande envergure. En fait il agit comme s’il voulait porter un coup d’arrêt définitif à l’espoir né de la réunification des deux principaux mouvements palestiniens. Objectif : maintenir sous son joug l’ensemble du territoire, asphyxier les populations et l’administration palestinienne, discréditer ses dirigeants et poursuivre tranquillement la colonisation par des implantations nouvelles. Car il semble bien que c’est là le 10 -

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point central de cette nouvelle flambée de violence. Samedi 5 juillet, l’éditorial du quotidien Libération notait : « Il reste qu’aujourd’hui, Israéliens et Palestiniens payent des années de blocage du processus de paix (…) L’État hébreu, premier responsable de cet enlisement, croit pouvoir poursuivre son refus de tout compromis. Les gouvernements multiplient année après année, les implantations de colonie empêchant de fait la création d’un État palestinien viable… » C’est également l’avis de Ury Avnery, figure du camp de la Paix en Israël qui dans l’ Humanité du 10 juillet exprimait sa crainte de la montée d’une extrêmedroite (présente dans le gouvernement NDLR) hostile à tout horizon de paix et estimait qu’il « est évident que le refus obstiné de mettre un terme à la colonisation de la Cisjordanie est en cause… » En attendant, les grandes puissances, qui auraient pourtant de réels moyens de pression se taisent et continuent de se taire malgré l’inquiétude de l’ONU qui s’alarme d’une violation possible des lois de la guerre : « Nous avons reçu des rapports troublants sur le fait que nombre de victimes y compris les enfants, sont le résultat de frappes sur des maisons » a déclaré la porte-parole du Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme des Nations-Unies, Ravina Shamdasani. Selon elle, « ces rapports appellent à des doutes sur le fait que ces frappes sont conformes aux lois humanitaires internationales et aux lois internationales sur les droits humains. » Palme de la honte à François Hollande qui a « condamné fermement les agres-

sions contre Israël », exprimé sa solidarité envers Netanyahu et jugé « qu’il appartient au gouvernement israélien de prendre toutes les mesures pour protéger sa population. » Pendant ce temps, les palestiniens meurent.

Contraindre Tel-Aviv Toutes les réunions du Conseil de sécurité de l’ONU n’y feront rien. Il faut contraindre Tel-Aviv. Netanyahu ne connait que la force. Il faut donc que l’ONU, les pays occidentaux si prompts à réagir parfois, prennent des sanctions financières et politiques à l’égard de l’État israélien. Washington doit stopper son aide militaire. Des sanctions financières et d’embargo s’imposent pour faire cessez le massacre. JP.Delahaye

MANIF INTERDITE : UNE VIEILLE TRADITION DU PS… Un état étranger - Israël dispose en France de trois représentations permanentes : la très officielle ambassade de Tel-Aviv, le Conseil représentatif des Institutions juives en France (CRIF) et le gouvernement de M. Valls aux relations familiales, très proches des autorités israéliennes. Ceci expliquant cela, on comprend mieux pourquoi la manifestation de solidarité avec le peuple palestinien, samedi 19 juillet à Paris, a été interdite. Le parti socialiste renoue ainsi avec une vieille tradition colonialiste datant de la guerre d’Algérie. JOSÉ FORT


INTERNATIONAL LE RÉVEIL

GAZA

le gaz

dans le viseur Pour comprendre quelle est une des raisons de l’attaque israélienne contre Gaza il faut aller en profondeur, exactement à 600 mètres sous le niveau de la mer, à 30 Km au large des côtes. Là, dans les eaux territoriales palestiniennes, se trouve un gros gisement de gaz naturel, Gaza Marine, estimé à 30 milliards de mètres cubes d’une valeur de plusieurs milliards de dollars. D’autres gisements de gaz et pétrole, selon une carte établie par la U.S. Geological Survey(agence gouvernementale étasunienne), se trouvent en terre ferme à Gaza et en Cisjordanie. En 1999, avec un accord signé par Yasser Arafat, l’Autorité palestinienne confie l’exploitation de Gaza Marine à un consortium formé de British Group et Consolidated Contractors (compagnie privée palestinienne), avec respectivement 60% et 30% des actions, dans lequel le Fonds d’investissement de l’Autorité palestinienne a un pourcentage de 10%. Deux puits sont creusés, Gaza Marine-1 et Gaza Marine-2. Mais ils n’entrent jamais en fonction, car bloqués par Israël , qui veut tout le gaz à des prix cassés. Par l’intermédiaire de l’ex-Premier ministre Tony Blair, envoyé du « Quartet pour le Moyen Orient », est préparé un accord avec Israël qui enlève aux Palestiniens les trois quarts des futurs revenus du gaz, en versant la part qui leur revient sur un compte international contrôlé par Washington et Londres. Mais, immédiatement après avoir gagné les élections de 2006, le Hamas refuse l’accord, en le qualifiant de vol, et demande sa renégociation. En 2007, l’actuel ministre israélien de la Défense, Moshe Ya’alon indique que «le gaz ne peut pas être extrait sans une opération militaire qui éradique le contrôle du Hamas à Gaza. » En 2008, Israël lance l’opération

« Plomb durci » contre Gaza. En septembre 2012 l’Autorité palestinienne annonce que, malgré l’opposition du Hamas, elle a repris les négociations sur le gaz avec Israël. Deux mois après, l’admission de la Palestine à l’ONU en tant qu’« État observateur non membre » renforce la position de l’Autorité palestinienne dans les négociations. Gaza Marine reste cependant bloqué, empêchant les Palestiniens d’exploiter la richesse naturelle dont ils disposent. En ce point l’Autorité palestinienne prend une autre voie. Le 23 janvier 2014, lors de la rencontre du président palestinien Abbas avec le président russe Poutine, est discutée la possibilité de confier au russe Gazprom l’exploitation du gisement de gaz dans les eaux de Gaza. C’est l’agence Itar-Tass qui l’annonce, en soulignant que Russie et Palestine entendent renforcer la coopération dans le secteur énergétique. Dans ce cadre, en plus de l’exploitation du gisement de gaz, on prévoit celle d’un gisement pétrolifère dans les environs de la ville palestinienne de Ramallah en Cisjordanie. Dans la même zone, la société russe Technopromexport est prête à participer

à la construction d’un site thermoélectrique d’une puissance de 200 MW. La formation du nouveau gouvernement palestinien d’unité nationale, le 2 juin 2014, renforce la possibilité que l’accord entre Palestine et Russie parvienne à bon port. Dix jours après, le 12 juin, survient l’enlèvement des trois jeunes Israéliens, qui sont retrouvés tués le 30 juin : le ponctuel casus belli qui amorce l’opération « Barrière protectrice » contre Gaza. Opération qui entre dans la stratégie de Tel Aviv, visant à s’approprier aussi des réserves énergétiques de l’entier Bassin du Levant, réserves palestiniennes, libanaises et syriennes comprises, et dans celle de Washington qui, en soutenant Israël, vise le contrôle de tout le Moyen-Orient, en empêchant que la Russie ne réacquière une influence dans la région. Un mélange explosif, dont les victimes sont une fois de plus les Palestiniens. Manlio Dinucci Edition du mardi 15 juillet 2014 deIl Manifesto - Traduit de l’italien par MarieAnge Patrizio

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LE RÉVEIL INTERNATIONAL INTERNATIONAL

Irak Le triple échec du recours à la force Peut-on arrêter la quatrième guerre d’Irak ? Après l’offensive victorieuse des djihadistes dans le nord-ouest du pays, l’Irak entre dans sa quatrième guerre en trente ans : guerre contre l’Iran (19801988), guerre contre la coalition internationale (1991), guerre contre les États-Unis et le Royaume-Uni (2003) et maintenant guerre entre Sunnites et Chiites. Ce retour de l’Irak sur le devant de la scène cristallise en fait les rivalités entre l’Iran et l’Arabie-Saoudite, deux puissances régionales. Il reflète aussi les déviances du système international depuis la fin de la guerre froide en 1991 et interpelle notamment les Occidentaux sur leurs responsabilités dans les interventions militaires, nécessaires ou désastreuses, dont l’Irak est le symbole Les bouleversements en Irak signent le triple échec du recours à la force depuis 2001. Échec de la « guerre contre le terrorisme », dont je n’ai cessé de dire qu’elle était un fantasme dangereux qui ne pouvait aboutir qu’à faire le jeu des extrémistes en leur conférant de la crédibilité. Deuxième échec : le changement de régime par la force devait, en Irak comme en Libye, importer la démocratie dans les fourgons des armées. Résultat : des États tombent aux mains de factions instables ou d’un pouvoir sectaire qui remplace une oppression par une autre, dans l’organisation de l’armée et de l’administration. Troisième échec : celui de la construction nationale au moyen de la force, comme en rêvent les ingénieurs politiques américains. Dans l’Orient compliqué, il y a eu la tentation de faire 12 -

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table rase pour construire de nouvelles nations. C’était ne pas voir qu’on ouvrait la boîte de pandore communautaire et que, tôt ou tard, on verrait toutes les frontières héritées de l’âge colonial remises en cause au nom des puretés ethniques, tribales ou confessionnelles. Il est nécessaire de rappeler ce diagnostic, non pour se glorifier d’avoir prévenu, ce qui ne sert à rien, mais pour alerter sur les périls de l’avenir. S’il y a eu un triple échec de la force sur le terrain, il y a eu, malgré tout et de façon inquiétante, un triomphe de la force dans les esprits.

Un monde sans gagnants Deux logiques implacables sont à l’œuvre. Il y a, dans tout l’Occident, une tentation du recours à la force parce qu’elle est supposée rapide, simple et efficace face au choc des images et des émotions. La guerre tout entière change de sens. Des démocraties militarisées imposent une guerre de drones sans hommes ni pertes, d’un côté tout au moins. Il n’y a plus une année sans désir ou décision d’expédition militaire. En Libye, au Mali, en Centrafrique, en Syrie, en Irak aujourd’hui, c’est toujours la même logique qui veut que, dans le doute, on dégaine son arme. En même temps s’enracine au MoyenOrient l’idée d’une force justificatrice et purificatrice qui doit venir à bout de tout ce qui est menaçant et étranger. La logique communautaire se nourrit de l’idée qu’on peut se séparer des autres par la force. Des raids de djihadistes sunnites, peu nombreux mais bien entraînés, suscitent des enrôlements de masse de miliciens chiites et la mobilisation de peshmergas kurdes. Ce sont des sociétés entières qui se mettent sur le pied de guerre. Cet esprit guerrier nous conduits au bord de la désagrégation de l’ensemble du Moyen-Orient et de la communauté internationale aux points de vue de plus en plus irréconciliables. C’est un monde sans gagnants, où le seul enjeu est d’infliger plus de pertes aux autres qu’on en subit soi-même. L’urgence, c’est de préserver l’unité de la communauté internationale et de se

saisir de ce qui fait consensus, à savoir le risque de terrorisme international qui affecte les puissances. C’est l’occasion, peut-être unique, de rompre avec la « guerre contre le terrorisme » et de s’engager dans une vraie lutte contre ce fléau, qui doit être d’abord judiciaire, technologique, financière. Je crois que l’Europe et la France ont ici, à nouveau, une responsabilité particulière à exercer. La clé du succès de l’état islamique en Irak et au Levant (EIIL), c’est l’accès à des financements massifs, soit par des bailleurs de fonds complaisants, soit par des trafics transnationaux ou des rançons. Préserver l’unité du Moyen-Orient, c’est dépasser le clivage Sunnites-Chiites, qui devient la ligne de front communautaire de tout le MoyenOrient, au sud de l’Irak par exemple, car cela entraînerait dans le chaos l’Iran, l’Arabie saoudite, la Jordanie et la Turquie. Une conférence régionale doit mettre autour de la table toutes les puissances autour de ce qui fait consensus pour chacune : la garantie des frontières dans un cadre de sécurité collective, comme l’Europe a essayé de le mettre en œuvre dans le passé. Le succès de l’EIIL, c’est une coalition hétéroclite rendue possible par la conjugaison de l’effet de terreur et de l’effet de terrain, faisant des djihadistes soit des libérateurs, soit un moindre mal pour des populations sunnites qui se défient du régime en place. Il est encore temps d’imposer un gouvernement de réconciliation nationale, incluant toutes les communautés, ainsi qu’une réforme de l’administration et de l’armée donnant une place à chacun. C’est notre dernière chance avant la déflagration identitaire. Sachons la saisir. Dominique de Villepin Ancien Premier Ministre (2005-2007), ancien ministre des Affaires étrangères (2002-2004), Le Monde - 19 juin2014


LE CAHIER MÉMOIRE

le réveil

N° 805 JUILLET-AOÛT 2014

DES COMBATTANTS

Pour l’amitié, la solidarité, la mémoire, l’antifascisme et la paix

Résistance et débarquement allié

Édité par le Réveil des combattants - 2 place du Méridien - 94807 Villejuif - Tél. 01 42 11 11 12

puisse avoir sur les dirigeants russes aujourd’hui, armée soviétique et population qui perdirent dans le combat antifasciste 27 millions des leurs. Les faits sont têtus et rien ne peut les modifier. Et c’est pourquoi nous poursuivrons leur réexamen dans le cadre de ces Cahiers Mémoire en les relativisant pour leur assurer la place qu’ils méritent. Dans quelques semaines nous commémorerons le débarquement de Provence le 15 août 1944. Nous voulons espérer qu’il sera mis en valeur à la mesure de ce qu’il fut : la plus importante action libératrice de l’année 1944 avec l’offensive soviétique lancée le 22 juin.

LE RÉVEIL - N° 802 - AVRIL 2014

Par Paul Markidès

d’attirer l’attention sur les obstacles que celui-ci a rencontrés face au Président américain Roosevelt qui refusa longtemps de reconnaître la légitimité de la France libre. Et nous ne pouvons accepter que soit minimisé le concours déterminant de la Résistance qui assura la libération des trois quarts du territoire dans le cadre de l’avance des armées alliées et fit obstruction à la circulation des unités allemandes qui voulaient rejoindre le front de Normandie. Comme il n’est pas acceptable d’omettre de rendre l’hommage justifié à l’armée soviétique et à la population de l’URSS, quelle que soit l’opinion que l’on

ÉDITO

A

lors que 70 ans sont maintenant passés depuis les grands combats libérateurs menés contre le nazisme et le fascisme, en France et en Europe, il est temps de réexaminer et de relativiser les faits historiques sans en laisser de côtés les plus essentiels. Aussi bien, si nous réunissons dans un même hommage les troupes alliées qui débarquèrent en Normandie et en Provence tous les combattants de la Résistance réunis autour du conseil national de la Résistance, sans oublier le gouvernement provisoire de la République française, présidé par le général de Gaulle, nous ne pouvons omettre

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LE RÉVEIL DOSSIER

1944, 6 juin, 22 juin :

ration, amphibie extrêmement risquée. Le D Day n’était concevable qu’avec un front russe qui tenait et retenait les forces allemandes.

Dates clés des combats libérateurs en Europe

Extrait d’une interview de l’historien Jean-Pierre Azéma pour « l’Humanité ». Co-auteur d’un livre sur le débarquement de Normandie aux Éditions Perrin 2004. … On a beaucoup parlé du rôle de l’effet de surprise dans la réussite du débarquement… Jean-Pierre Azéma : L’effet de surprise a joué mais moins que la couverture aérienne. Le rapport entre la Luftwaffe et les Anglo-Saxons est totalement inversé par rapport à 1940, puisqu’il est de un pour soixante-dix. Dix mille avions et cinq mille navires sont engagés : c’est la plus grande opération amphibie de tous les temps. Le second point à mentionner concerne les conséquences politico-militaires du jour J. La réussite du débarquement ouvre une route vers le Rhin, la Ruhr et Berlin, ce qui est

d’une importance politique. A ce titre, les retombées politico-militaires du débarquement sont sans doute plus importantes que les affrontements strictement militaires. Relativiser le 6 juin, c’est aussi considérer que le D Day a été rendu possible par ce qui se déroulait sur le front russe. Le 22 juin, Staline lance une opération de l’Armée rouge de très grande envergure. Il empêche ainsi Hitler de ramener ses divisions de Panzer vers l’Ouest. C’est bien là l’enjeu politique majeur. Ne pas prendre en compte les Soviétiques, c’est risquer de ne pas comprendre le débarquement qui est une opé1 / Nom de l’attaque lancée par le Reich contre l’Union soviétique le 22 juin 1941 – NDLR

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LE RÉVEIL - N° 805 - JUILLET-AOÛT 2014

Cette coordination entre les Alliés s’est décidée lors de la conférence de Téhéran en 1943, qui réunit Churchill, Eisenhower et Staline. N’observe-ton pas déjà des arrière-pensées et des rivalités qui préparent la guerre froide ? J.P Azéma : Il y eut peut-être l’amorce d’une course, car tout ce qui est militaire est politique, Clausewitz l’a dit mieux que moi. Mais ce qui prédominait d’un côté comme de l’autre était d’en finir avec le Reich. Un compromis historique s’était noué. Côté soviétique, on s’occuperait plus tard de la guerre de classe, c’est ce qui sera dit notamment aux communistes français. Tout s’est synchronisé à Téhéran et le « gentlemen agreement » a été respecté de part et d’autre. Il fallait seulement passer le temps de la « raspoutitsa » pour que le terrain fut redevenu fiable pour les blindés soviétiques. L’Armée rouge déferle finalement le 22 juin, une date peu anodine puisqu’elle fait écho symboliquement à l’opération « Barbarossa (1)». Peut-on comparer le 6 juin et 22 juin en termes militaires ? J.P Azéma : Les deux offensives sont extrêmement différentes. Le débarquement va avoir des conséquences politiques soudaines extrêmement importantes, tandis qu’à l’Est les protagonistes se battent depuis trois ans. La logique n’est pas la même. Par ailleurs, les Américains veillent à la vie de leurs boys. Ils ne seront « que » 420.000 à perdre la vie durant toute la guerre, y compris sur le front du pacifique. Staline est bien moins économe. Les affrontements à l’Est sont épouvantables et


DOSSIER LE RÉVEIL

titanesques. Certes, ce qui se passe pendant la bataille de Normandie n’est pas rien, en particulier dans le bocage. Mais, d’un point de vue strictement militaire et en matière de pertes civiles, ce n’est pas comparable. Ce débarquement intervient après une série de « non-débarquements ». L’opération « Otarie » des Allemands en GrandeBretagne qui n’a jamais eu lieu, mais aussi le projet avorté de débarquement américain en Bretagne. Comment interpréter ce déplacement oriental du site du débarquement de la Bretagne vers la Normandie ? J.P Azéma : C’était une idée un peu vague lancée par les américains : établir une tête de pont en Bretagne pour soulager le front russe à l’automne 1942 et lancer un message à Staline qui était en difficulté. Pour les anglais, c’était farfelu, et la machine de guerre américaine n’était pas prête. A

Ne comptant que sur l’aide de faibles forces alliées, la Résistance de Bretagne dut faire face aux forces allemandes, d’autant plus redoutables qu’elles se sentaient en danger. Cinquante mille FFI et FTP aidés des milices patriotiques et du concours insurrectionnel d’une large partie de la population, devaient donc vaincre aux côtés des blindés américains et libérer un vaste territoire non sans que des erreurs de tactique de certains généraux américains n’aient permis à des troupes ennemies de s’enfermer dans les poches de Lorient et de Saint-Nazaire.

Téhéran, Eisenhower défendra par ailleurs un autre débarquement, oublié souvent mais deuxième pince de la tenaille avec la Normandie : le débarquement en Provence, avec en ligne de mire l’enjeu logistique du port de Marseille. L’avantage des côtes normandes choisies, outre ses plages était d’ailleurs l’absence de port, les Allemands prévoyant logiquement une attaque des ports. D’une manière générale, les considérations militaires prévalent dans le choix de la Normandie. Quel rôle a joué la Résistance en France ? J.P Azéma : Elle a fait, et bien fait, le travail promis, à savoir le plan « Vert » qui consistait à couper les voies ferrés pour gêner l’acheminent des renforts allemands. L’enjeu était de taille à J et J + 1, car les forces débarquées ne pouvaient compter que sur elles-mêmes pour assurer leur sécurité. Eisenhower et d’autres ont bien reconnu ce rôle.

… Vous écrivez que « la France de 1944 n’est pas l’Espagne de 1936 ». Le maintien de la paix civile serait donc lié à l’attentisme et à l’ambivalence des Français ? J.P Azéma : Les collaborateurs auraient souhaité une guerre civile. Mais la France est atomisée, sans rapport avec l’Espagne de 1936. Il y a eu des éléments de guerre civile, des affrontements ici et là, l’épuration et des traces dans les mémoires, mais rien à voir avec ce qui s’est déroulé en Grèce après la libération. L’ambivalence joue en effet en faveur d’une aspiration à la libération qui ne se transforme pas en affrontements politicosociaux. C’est une voie française intéressante lorsqu’on considère combien l’histoire de France a été souvent l’histoire de guerre francofrançaises…

Entretien réalisé par David Zerbib

Le concours des maquis bretons lors du débarquement en Normandie (1) 1/ Extrait d’un article de Charles Tillon Magazine n° 69 « Les années 40 »

Comment résumer ici les combats de la Résistance en Bretagne sinon par quelques exemples ? Dans les Côtes-du-Nord, moins de 5 % des jeunes requis pour le STO étaient partis travailler en Allemagne. Les autres avaient rejoint la Résistance. En quatre semaines, dans ce département, les FTP comptaient à leur actif cinquante embuscades, trente attaques de postes et deux cents sabotages divers. Dès le 29 juillet, les FFI avaient soutenu victorieusement un combat de dix heures au sud de Dinan. La Résistance armée dut, en flanc-garde, suppléer aux forces réduites des colonnes

américaines. Dans le Finistère, les formations FFI paralysèrent de nombreux mouvements de troupes ennemies. Les combats soutenus entre Carhaix et Châteaunef-du-Faou lui interdirent la grand-route qui commandait, le long de son épine dorsale, les communications avec le littoral. A Châteaulin, les FFI s’emparèrent, le 9 août, d’un pont miné sur l’Aulne, déchargèrent les fourneaux de mines et nettoyèrent la ville des Allemands qui s’y accrochaient. Le général Ramke, le bourreau de Brest où il s’était enfermé, assassina plus de cinquante personnes. Trente mille hommes de sa paradivision LE RÉVEIL - N°805 - JUILLET-AOÛT 2014

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LE RÉVEIL DOSSIER

furent bloqués dans le secteur de Brest-Crozon. Il y perdit neuf mille hommes et dut avouer avant d’être condamné comme criminel de guerre : « Soixante-dix pour cent de nos pertes furent causées par des FFI. » Dans le Morbihan, les FTP avaient mis les chemins de fer totalement hors d’usage dans plusieurs secteurs avant même le débarquement. De nombreux combats unirent tous les ésistants. Ils occupèrent Vannes dès le 4 août, tuèrent quatre-vingts Allemands, livrèrent plusieurs centaines de prisonniers aux Américains et poursuivirent la reconquête des bourgs et des villes en découvrant des charniers où les Nazis jetaient leurs victimes, comme

dans les citadelles de Port-Louis ou de Penthièvre… Dix mille FFI de plusieurs départements bretons assurèrent la couverture du flanc droit de la IIIe armée alliée étirée de Nantes à Orléans, évitant les infiltrations ennemies et la destruction de plusieurs ponts prévue dans les plans des Américains. Ainsi la Résistance armée joua le rôle d’une infanterie légère, mobile, possédant bien l’usage du terrain et redoutée des blindés ennemis en mouvement. Elle fit des prisonniers et rétablit la légalité de la République dans les cantons libérés. Ce fut ainsi que, presque seule, la Bretagne se délivra au milieu d’un mouvement populaire qui donne l’exemple de ce

que sera, en général, la Libération. Eisenhower devait écrire : Par leur harcèlement incessant, les FFI de Bretagne avaient entouré les Allemands d’une atmosphère intenable de danger et de haine qui sapait la confiance de leurs chefs et le courage de leurs soldats… Devant l’avance des colonnes alliées, ces forces françaises tendaient des embuscades à l’ennemi battant en retraite, attaquaient les groupes isolés et les emplacements fortifiés et protégeaient les ponts. Leur tâche était, une fois que nos blindés les avaient dépassés, de nettoyer les localités où demeuraient des poches de résistance et de défendre les lignes de communication alliées. »

L’œuvre de la Résistance dans le second Front ouvert par le débarquement en Normandie (1) Le 6 juin 1944, quatre années après l’appel du 18 juin, les Alliés anglo-américains débarquaient en Normandie. Quatre années pendant lesquelles la Résistance organisée initialement par quelques milliers d’hommes et de femmes avait pris corps, avait grandi et s’était unie sans jamais cesser de verser son tribut de sang généreux. Elle avait créé son armée clandestine des Forces françaises de l’intérieur (F.F.I.) pour se préparer à aider ses alliés aux côtés des Forces françaises libres rassemblées à Londres et à Alger. 16 -

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1/ Extrait d’un article de Charles Tillon Magazine n° 69 « Les années 40 »

Le 6 juin 1944, la majorité des Français est activement de cœur avec la Résistance. Tous sont suspendus aux péripéties d’une prodigieuse opération de débar-

quement dont va dépendre le second front attendu depuis si longtemps. Cette guerre sur deux fronts, qui déjà obsédait Hitler en 1939, se réalise enfin contre les


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armées nazies, prises à présent entre deux formidables forces de guerre qui se donnent Berlin comme lieu de rencontre. Pour la masse des Français traumatisée par la défaite et la trahison, la libération parait proche. De Gaulle nous l’a dit : « La libération est inséparable de l’insurrection nationale. » Le moment est donc venu de débarrasser le pays de l’occupation hitlérienne, dont la puissance s’appuie sur 300.000 soldats et autant de collaborateurs, de policiers et de miliciens.

Un plan inapplicable Pour faire face sans délai au débarquement des Alliés. Hitler devrait déplacer l’essentiel des forces de la Wehrmacht stationnées en France vers le front ouvert en Normandie. Mais la résistance organisée dans le pays le lui interdit. Toute l’armature territoriale de l’occupation serait mise en péril… Pour donner une idée de la force de la Résistance à la veille du débarquement, disons que les occupants considèrent un grand nombre de départements comme peu sûrs. Ils n’y circulent qu’en force, par exemple dans le Limousin. Paris, pour un nazi, c’est la forêt. A lui seul, le communiqué n° 77 du comité militaire national des FTPF pour la quinzaine précédant le débarquement relate trente-trois déraillements importants. Le combat des groupes de francstireurs et partisans s’étend sur les Alpes au Nord. A Castellane, un de nos détachements délivre son chef et tue dix Allemands, tandis que dans le même temps la voie ferrée est coupée entre Lille et Hazebrouck, comme entre Perpignan et Puigcerda. En Corrèze, l’ennemi laisse dix-sept morts, un char et deux automitrailleuses sur

la route 635. Les FFI de Saône et Loire, qui ont trente sept déraillements à leur actif depuis 1943, mettent quatre cents Allemands hors de combat à Azé au début de juin. En juin, les patriotes de l’Isère tueront plus de deux cents Allemands et miliciens. En Haute-Vienne, l’ennemi compte seize morts et vingt-sept blessés le 8 mai entre Saint-Yriex et Jasilhac, trente cinq morts le 20 mai à Cognac, quatorze à Navalex, douze le 25 mai à Jarousse, cent vingt le 9 juin au Mouleydier. Mais les FTP perdent quarante deux des leurs dans ces derniers combats. (les communiqués des actions les plus notables des FTPF étaient régulièrement publiés dans le journal France d’abord). En cas de débarquement, un plan prévoyait pour la France la mise en état de siège des villes, l’interdiction de toute circulation, des fouilles et des internements massifs appuyés par des fusillades. Ce plan général ne put être appliqué et l’occupant se montra incapable de s’opposer à la réalisation de l’action prévue par diverses organisations à l’annonce du débarquement.

Ils disciplinent leurs audaces ou leurs craintes Ainsi la Résistance intérieure civile et militaire était en mesure d’apparaître en tant que partie prenante dans le combat commencé pour la Libération. C’est donc en l’appréciant en bloc, comme Clémenceau jugeait la Révolution française, qu’il faut juger l’œuvre de la Résistance dans sa participation au second front et pour lui laisser son poids national et sa grandeur à la fin d’une période unique de notre histoire.

LE REFUS DU GÉNÉRAL DE GAULLE de commémorer le 6 juin 1944

Extraits de l’ouvrage d’Alain Peyrefitte C’était de Gaule Tome 2 - 1997

Alain Peyrefitte (l’air candide) : « Croyez-vous, mon général, que les Français comprendront que vous ne soyez pas présents aux cérémonies de Normandie ? » Charles de Gaulle (sévèrement) : « C’est Pompidou qui vous a demandé de revenir à la charge ? (Je ne cille pas). Eh bien, non ! Ma décision est prise ! La France a été traitée comme un paillasson ! Churchill m’a convoqué d’Alger à Londres, le 4 juin, il m’a fait venir dans un train où il avait établi son quartier général, comme un châtelain sonne son maître d’hôtel. Et il m’a annoncé le débarquement, sans qu’aucune unité française n’ait été prévue pour y participer. Nous nous sommes affrontés rudement. Je lui ai reproché de se mettre aux ordres de Roosevelt, au lieu de lui imposer une volonté européenne (il appuie). Il m’a crié de toute la force de ses poumons : « De Gaulle, dites-vous bien que quand j’aurai à choisir entre vous et Roosevelt, je préférerai toujours Roosevelt ! Quand nous aurons à choisir entre les Français et les Américains, nous préférerons toujours les Américains ! Quand nous aurons à choisir entre le continent et le grand large, nous choisirons toujours le grand large ! » (Il me l’a déjà dit ; ce souvenir est indélébile). Et vous voudriez que j’aille commémorer leur débarquement, alors qu’il était le prélude à une seconde occupation du pays ? Non, non, ne comptez pas sur moi ! Le débarquement du 6 juin, ça été l’affaire des Anglo-Saxons, d’où la LE RÉVEIL - N°805 - JUILLET-AOÛT 2014

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France a été exclue. Ils étaient bien décidés à s’installer en France comme en territoire ennemi ! Comme ils venaient de le faire en Italie et comme ils s’apprêtaient à le faire en Allemagne ! Ils avaient préparé leur AMGOT (1) qui devait gouverner souverainement la France à mesure de l’avance de leurs armées. Ils avaient imprimé leur fausse monnaie, qui aurait eu cours forcé (2). Ils se seraient conduits en pays conquis. C’est exactement ce qui se serait passé si je n’avais pas imposé, oui imposé, mes commissaires de la République, mes préfets, mes souspréfets, mes comités de libération ! Et vous voudriez que j’aille commémorer leur débarquement, alors qu’il était le prélude à une seconde occupation du pays ? Non, non, ne comptez pas sur moi ! Je veux bien que les choses se passent gracieusement, mais ma place n’est pas là ! Et puis, ça contribuerait à faire croire que, si nous avons été libérés, nous ne le devons qu’aux Américains. Ça reviendrait à tenir la Résistance pour nulle et non avenue. Notre défaitisme naturel n’a que trop tendance à adopter ces vues. Il ne faut pas y céder ! M’associer à la commémorer d’un jour où on demandait aux Français de s’abandonner à d’autres qu’à euxmêmes, non ! En revanche, ma place sera au Mont Faron le 15 août, puisque les troupes françaises ont été prépondérantes dans le débarquement en Provence, que notre première armée y a été associée dès la première minute, que sa remontée fulgurante par la vallée du Rhône a obligé les Allemands à évacuer tout le midi et tout le Massif central sous la pression de la Résistance. Et je commémorerai la Libération de Paris, puis celle de Strasbourg, puisque ce sont des prouesses françaises, puisque le français de l’intérieur et de l’extérieur s’y sont unis, autour de leur drapeau, de leurs hymnes, de leur patrie ! Mais m’asso18 -

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1/ AMGOT : « Allied military government for occupied territories », gouvernement militaire allié pour les territoires occupés. 2/ Comme le révèlent leurs coloris et leur graphisme – très voisins de ceux du dollar – ces billets libellés en francs furent imprimés aux Etats-Unis, de février à mai 1944, par le Bureau of Engraving an Printing, qui est normalement chargé d’imprimer les dollars américains et les autres documents officiels du gouvernement fédéral. Etant fabriqués aux Etats-Unis, c’est le papier, l’encre, la matière, la présentation et le format des dollars américains qui servirent de référence. 3/ Sainteny et Triboulet étaient respectivement Ministre des Anciens Combattants et Ministre de la coopération.

cier à la commémoration d’un jour où on demandait aux Français de s’abandonner à d’autres qu’à euxmêmes, non ! Les Français sont déjà trop portés à croire qu’ils peuvent dormir tranquille, qu’ils n’ont qu’à s’en remettre à d’autres du soin de défendre leur indépendance ! Il ne faut pas les encourager dans cette confiance naïve, qu’ils paient ensuite par des ruines et par des massacres ! Il faut les encourager à compter sur eux-mêmes ! Allons, allons, Peyrefitte ! Il faut avoir plus de mémoire que ça ! Il faut commémorer la France, et non les Anglo-Saxons ! Je n’ai aucune raison de célébrer ça avec éclat. Dites-le à vos journalistes. » Il reprend : « Ceux qui ont donné leur vie à leur patrie sur notre terre, les Anglais, les Canadiens, les Américains, les Polonais, Sainteny et Triboulet (3) seront là pour les honorer dignement. »

13 mai 1964 Espérant que le général aura oublié sa vive réplique, ou en tout cas aura oublié que c’est à moi qu’il l’a adressée, je remets la question sur le tapis, 10 mois et demi plus tard, le 13 mai 1964. Alain Peyrefitte : « Ne craignezvous pas, si nous ne devons pas du moins quelques explications, que votre absence du 6 juin en Norman-

die soit mal interprétée ? » Charles de Gaulle : « Mais je vous l’ai déjà dit ! Il n’a jamais été question que j’y aille ! Je ne suis pas allé pour le cinquième anniversaire ; ni pour le dixième, ni pour le quinzième. Pourquoi voulez-vous que j’y aille pour le vingtième ? Et j’ai demandé au Premier ministre de ne pas y aller non plus. D’ailleurs, le Premier ministre anglais n’y va pas. Jonhson n’ira pas non plus. Pourquoi irions-nous ? » (Evidemment Wilson et Johnson n’y vont pas, parce que De Gaulle n’y va pas.) Alain Peyrefitte : « Finalement, Eisenhower et Montgomery, après avoir annoncé leur participation, ne sont pas venus… » Après le Conseil du 10 juin 1964, le Général laisse percer encore son agacement : « Ces messieurs de la presse qui me reprochent de ne pas aller en Normandie 20 ans après, que faisaient-ils alors ? S’étaient-ils battus pour que la France recouvre sa liberté, pour qu’elle contribue à sa délivrance ? Que faisaient-ils pendant la guerre ? Ils ne se battaient ni en Normandie, ni ailleurs. La Libération s’est passée sans eux. Elle s’est passée d’eux. » Et lui, il a dû se battre pour que le débarquement ne se passe pas complètement de la France libre.


DOSSIER LE RÉVEIL

S’il a prononcé son discours de Bayeux le 16 juin 1946, ce ne fut pas pour commémorer le débarquement du 6 juin, mais son débarquement sur les talons des Américains, le 16 juin 1944 à Bayeux. Il recule son fauteuil, cale son dos. Il a envie de parler. Charles de Gaulle : « Vous croyez que les Américains et les Anglais ont débarqué en Normandie pour nous faire plaisir ? Ce qu’ils voulaient, c’était glisser vers le nord le long de la mer, pour détruire les bases des V1 et des V2, prendre Anvers et, de là, donner l’assaut à l’Allemagne. Paris et la France ne les intéressaient pas. Leur stratégie, c’était d’atteindre la Ruhr, qui était l’arsenal, et de ne pas perdre un jour en chemin. Churchill avait demandé à Eisenhower d’essayer de libérer Paris pour

4/ Leclerc et sa colonne, qui venaient du Tchad pour rejoindre la Tunisie en se battant, avaient fait, dans l’oasis de Koufra, qu’ils venaient de reconquérir, le serment de ne pas déposer les armes avant d’avoir libéré Paris et Strasbourg

Noël. Il lui avait dit : « Personne ne pourra vous en demander davantage ». Eh bien si, nous étions décidés à demander davantage ! Le peuple de Paris s’est soulevé spontanément et il aurait été probablement écrasé sous les décombres, comme le peuple de Varsovie, s’il n’avait pas été soutenu. Mais il y avait des hommes qui, trois ans plus tôt, à Koufra (4) s’étaient jurés de libérer Paris, puis Strasbourg. Ce sont eux qui ont libéré Paris avec son peuple. Mais nous n’avions pas l’accord des Américains. Quand j’ai vu que l’insurrection parisienne allait être écrasée par une division allemande intacte qui arrivait de Boulogne-surMer, j’ai donné l’ordre à Leclerc de foncer. C’est ainsi que nous avons évité à Paris le sort de Varsovie. Nous avons obligé les Anglo-Saxons à

changer de stratégie. Les Américains ne se souciaient pas plus de libérer la France que les Russes de libérer la Pologne. Ce qu’ils voulaient, c’étaient en finir avec Hitler, en essuyant le moins de pertes possibles. Ce qu’ils voulaient épargner, c’était le sang des boys, ce n’était pas le sang, les souffrances et l’honneur des Français. Effectivement, si les Anglo-Saxons avaient pu mener leur stratégie jusqu’au bout, ils auraient peut-être réussi à frapper l’Allemagne au cœur plus vite. De toute façon, Hitler aurait fini par être battu, et la France aurait fini par être libérée. Mais si les Français étaient restés passifs, et si nous n’avions pas eu de part à la défaite d’Hitler, c’est au bout du compte lui qui aurait vaincu la France. »

Témoignages I Extraits du journal L’Humanité - Juin 2004 A Utah Beach, « les flammes de l’enfer » Extrait du journal d’Alfred Birra Paroles du Jour J - Editions les Arènes, 29,90 €

« En quelques minutes, nous sommes détrempés par les embruns des vagues qui éclatent contre la coque. Sur les 30 hommes qui sont à bord, une vingtaine sont malades comme des bêtes. Nous sommes à 6 milles de la côte. De tous côtés les croiseurs et les destroyers vomissent les flammes de l’enfer avec des canons de 14 à 16 pouces. L’air retentit des grondements assourdissants et du hurlement des obus. Alors que nous commençons à peine à nous habituer à ce vacarme, il est à son tour submergé par le vrombissement des avions. Ils déferlent par vagues successives, piquant vers le rivage et vers leurs cibles. Les impacts de leurs bombes illuminent la nuit. Tout comme les tirs de l’ennemi. Mes pauvres mots n’arriveront jamais à décrire un spectacle qui dépasse à

la fois l’imagination et l’échelle du regard humain. »

A Omaha Beach, « deux tiers des pertes… » Extrait du journal de Melvin B. Farelle U Paroles du Jour J - Editions les Arènes, 29,90 €

« Je suis le troisième à mettre le pied sur la plage. Le feu des mitrailleuses balaie désormais l’intérieur de la péniche d’assaut, et la plupart de nos hommes sont tués avant même d’avoir pu en sortir. Nous nous retrouvons dans un trou d’obus et, avec le poids de nos bagages, nous coulons à pic comme des pierres. Le temps mis pour atteindre la surface nous semble interminable. Nous abordons la terre ferme, mais il y avait encore une autre étendue d’eau à franchir entre nous et la plage. Un véritable imbroglio de pièges à chars, de mines et de tous les obstacles que les Boches ont pu planter pour contrarier une tentative de débarquement. Tout cela semble irréel, comme un cauLE RÉVEIL - N°805 - JUILLET-AOÛT 2014

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chemar éveillé ; les hommes crient et meurent tout autour de moi. Je me demande si tous les hommes prient de manière aussi fervente que je le fais. Avec un lenteur navrante, je parviens jusqu’au mur derrière lequel plusieurs de nos hommes nous attendent déjà. La B. Compagny subit deux tiers de pertes… Les hommes courent à l’assaut de la colline en un flot incessant ; les morts et les mourants s’empilent derrière eux. On peut pratiquement traverser la plage sans toucher le sol tant elle est jonchée de corps. La mort est là, partout… Je me demande si je serai jamais capable d’oublier tout ça. » A Utah beach, pour la seule journée du 6 juin, 23000 hommes débarquent

Un succès de la désinformation Armées fantômes, faux messages et faux officiers ont été les ingrédients du spectaculaire succès des Alliés. Ils ont réussi à tromper les Allemands sur le lieu et la date du débarquement. Les services 20 -

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secrets britanniques ont multiplié les faux indices pour convaincre qu’il pouvait avoir lieu n’importe où sauf en Normandie. Deux Norvégiens retournés par les Britanniques donnèrent ainsi vie à une prétendue armée de 250 000 hommes en Ecosse, prête à envahir la Norvège. Un autre, Wulf Schmidt, accrédita l’existence d’une formidable armée dans le sud-est de l’Angleterre, tremplin naturel pour un débarquement dans le Pas de Calais. Il a transmis plus de 1 000 messages aux Allemands, porteurs, parfois de vraies informations confirmant sa « valeur », comme l’arrivée ultra secrète du général américain Dwight Eisenhower au RoyaumeUni en janvier 1944.

Les pertes humaines Sur les 156 000 soldats alliés débarqués ou parachutés le 6 juin 1944, 10 000 ont été mis hors de combat (tués, blessés ou disparus). Le plus lourd tribut a été versé par les Américains, qui ont perdu 4 695 hommes pendant

le jour J (2 500 tués), dont près de la moitié sur la seule plage d’Omaha. Le premier rapport de la 1re armée américaine cite le chiffre de 1 465 tués, 3 184 blessés, 1 928 disparus et 26 prisonniers. Les parachutistes des 82e et 101e divisions aéroportées, larguées dans la nuit du 5 au 6 sur le Cotentin perdirent à elles seules 2 499 hommes (tués, blessés ou disparus), entre autres dans les marais inondés artificiellement par les Allemands. Pour leur part, les Britanniques évaluent leurs pertes du 6 juin à 2 543 soldats mis hors de combat. Quant aux Canadiens, ils déplorent la perte de 1 204 hommes. Côté allemand, sur les 50 000 hommes présents sur les zones de largage ou de débarquement, il est difficile d’avoir une réelle estimation des pertes de la Wehrmacht pour la journée du 6 juin même si le chiffre de 5 000 hommes semble revenir assez régulièrement chez les historiens. Après deux mois et demi de bataille en Normandie, les Alliés compteront dans leurs rangs 40 000 morts, 16 000 disparus et 200 000 blessés tandis que les Allemands auront dans leurs rangs 55 000 morts, 14 0000 blessés et 200 000 prisonniers.


INTERNATIONAL LE RÉVEIL

Afrique

La France, bras armé des USA, en 1re ligne Au nom de la lutte contre le terrorisme, la présence militaire de la France s’affirme toujours plus en Afrique. Pour qui ? Pourquoi ? Pas au nom de l’humanitaire, mais au service des firmes pétrolières, comme au Nigéria. Loin d’en réduire le nombre, la France dispose de 11 bases militaires permanentes qui offrent la possibilité d’un déploiement rapide et efficace sur les différentes zones de tension. Avions et navires de combat, hélicoptères et moyens amphibies, blindés et fantassins, forces spéciales et moyens de renseignements sont sur le terrain (Mali, Nigéria, Centrafrique, Mauritanie, Tchad, etc.), avec l’appui des militaires américains, notamment à Niamey au Niger, à Atar en Mauritanie et, en appoint de la mise en œuvre des drones au profit de l’opération Serval au Mali. Drones et station de contrôle au sol sont prélevés sur les stocks de l’US Air-Force et six « pilotes » français ont déjà été formés, fin 2013, sur la base américaine d’Holloman, au Nouveau-Mexique. C’est d’ailleurs le Pentagone qui a fourni et transporté du matériel, des avions ravitailleurs et des avions d’écoute pour la même opération Serval.

La France en première ligne… Bien que les implantations américaines existent déjà en Afrique de l’Est, les USA misent avant tout sur les forces militaires françaises en place pour couvrir la zone d’instabilité, allant de la Guinée à la Somalie. Et c’est « donnant-donnant ». Ainsi, les opérations Sabre et Serval ont permis aux militaires français de reprendre pied là où ils n’étaient plus depuis des décennies : de l’aérodrome de Tessalit (près de la frontière algérienne) jusqu’aux ruines du bagne de Taoudéni, dans l’extrême nord-ouest sur la route de la Mauritanie… Sans oublier la base aérienne de Faya-Largeau, au Tchad, d’où les Rafales de l’armée de l’air surveillent la frontière Libyenne…

Maintenir une présence permanente L’idée est de maintenir une présence permanente de 3 000 hommes capables de sauter d’un point d’appui à l’autre. Et le gouvernement s’attache à passer des accords avec les pays de la zone sahélo-saharienne afin de donner un cadre juridique à sa présence militaire… dans le cadre de « la lutte contre le terrorisme », bien sûr. Ces accords prévoient la garantie de l’armée française contre une agression extérieure, l’aide à la répression de mouvements de rébellion, du rétablissement d’une situation interne « périlleuse » et à l’exfiltration du chef d’État en cas de besoin. Ils comprennent la création, l’équipement et la formation de gardes présidentielles, mais aussi d’une police secrète en lien avec les RG français, afin de surveiller l’activité des opposants réfugiés en France. Et, naturellement, l’accès prioritaire de la France aux matières premières stratégiques… Chaque chef d’État africain serait secondé par un responsable des services secrets français et d’un conseiller juridique français. L’ensemble visant à « contenir l’avancée communiste » dans les anciennes colonies françaises et le maintien au pouvoir « d’amis » de la France. Tout un programme, sous couvert de lutte antiterroriste, pour légitimer une politique de domination néocoloniale et de militarisation.

Au nom de la finance Accord avec le Tchad, le Niger, le Mali, avions de combat à Niamey, afin d’être prêts à intervenir si les intérêts français étaient menacés, notamment à Arlit et ses mines d’uranium. L’exemple du Nigéria est criant : Ce pays, déjà tellement éprouvé où l’Angleterre et la France s’opposèrent en créant et soutenant, de part et d’autres, la guerre du Biafra (2 millions de morts de 1967 à 1969), est au cœur de l’actualité africaine, avec 70 % de sa population sous le seuil de pauvreté ! C’est pourtant la première puissance économique du continent, devant l’Afrique du Sud. Elle produit et exporte

bananes, maïs, manioc, cacao, l’arachide. Et puis, et surtout, il y a le pétrole (2,5 millions de barils / jour, 15e producteur mondial) qui représente 95 % des exportations du pays. S’y ajoutent d’importants gisements de gaz naturel (2e rang africain, 2,5 % des réserves mondiales), des réserves de charbon, fer, zinc, étain, or, pierre à chaux, marbre… et uranium. Sa balance des exportations/importations, est une révélation : il exporte vers les USA (42,5 %), le Brésil (9,5 %), l’Inde (9 %), l’Espagne (7,3 %), la France (5,1 %). Et ses principaux fournisseurs sont la Chine (16,1 %), les Pays-Bas (11,3 %), les USA (9,8 %), l’Angleterre (6,2 %), la France (5,1 %), l’Allemagne (4,4 %). Ici apparait donc la Chine, le pays émergent qui se place vigoureusement sur le marché africain et vient allégrement brouter dans le pré-carré américain. Alors les USA font sonner la cavalerie, la France, son gendarme africain, dont l’intérêt devrait pourtant être tout autre. Car la secte Boko Haram, implantée dans le nord, délaissé du pays, n’est pas née d’hier. Déjà en septembre 2001, des affrontements avaient fait plus de 1 000 morts ; et la secte impunie, vivant de pratiques mafieuses, de trafics et de prises d’otages, est vraisemblablement financée par les pétromonarchies du Golfe qui l’utilise vis-à-vis des pays exportateurs de pétrole de l’OPEP. Et ce ne sont pas les « slogans » de Carla Sarkozy et Michèle Obama qui mettront Boko Haram en péril, tant leurs époux respectifs, et M. Hollande aussi, s’accommodent fort bien d’une secte terroriste captant la colère pour la dévoyer sans présenter d’alternative et préservant l’ordre néocolonial établi. A l’opposé, une véritable politique de lutte contre le terrorisme consisterait à se donner les moyens de promouvoir une politique de réelle coopération permettant aux Africains d’assurer la maîtrise de leurs choix politiques, économiques et militaires, les aider à répondre eux-mêmes aux besoins sociaux et humains de leurs peuples, afin qu’ils éradiquent le terreau mortifère sur lequel prolifèrent la violence et le fanatisme. En un mot, inverser le sens de la politique néocoloniale actuelle du gouvernement. André fillère LE RÉVEIL - N° 805 - JUILLET-AOÛT 2014

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LE RÉVEIL INTERNATIONAL

Aide au développement

Hollande, Président du renoncement ? La branche française de l’organisation humanitaire ONE, une ONG cofondée par le chanteur Bono pour lutter contre la pauvreté et les maladies en Afrique, tire le signal d’alarme et appelle Hollande à tenir ses engagements en faveur de l’aide publique au développement. Elle craint, pour raison d’économie budgétaire des coupes disproportionnées d’ici 2017. Depuis 2011, la France baisse effectivementt son budget d’aide : chute de près de 10% en 2013 , baisse de 2,5% prévue dans le budget rectificatif de 2014). ONE France estime aujourd’hui, que pour réaliser les fameux 50 milliards d’économie le gouvernement prévoit de réduire

Asie/Pacifique

Dangereuse escalade Tensions accrues entre Pékin et ses voisins pour le contrôle de la mer de Chine. Le Japon, soutenu par Washington, envisage de modifier sa constitution pour se donner les moyens d’intervenir militairement. Depuis plusieurs années maintenant la tension ne cesse de monter en Mer de Chine. Les incidents se sont multipliés, parfois à la limite de l’affrontement militaire, entre voisins régionaux, Japon, Vietnam, Philippines (alliés de Washington) et la Chine. Dans la ligne de mire des uns et des autres, la suprématie économique et stratégique de la région. En 2012, les agences maritimes chinoises occupent l’atoll de Scarborough dans la zone économique exclusive des Philippines. Quelques mois plus tard, le Japon acquiert les îlots des Senkaku à ses propriétaires privés, créant une crise avec la Chine. Des affrontements sporadiques s’ensuivent... En 2013, la Chine proclame sa nouvelle zone d’identification de la défense aérienne, interdisant le survol d’une partie 22 -

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l’enveloppe dédiée à l’aide publique au développement de manière drastique, soit davantage que les 4% qui correspondent à la moyenne des coupes prévues sur la totalité de ce budget. « C’est doublement disproportionnée quand on sait que l’aide publique au développement ne représente qu’1% du budget global. Une part infime qui ne permettra pas de sauver les finances publiques mais qui aura des conséquences désastreuses dans les pays en développement » déclare Friederike Röder, directrice de ONE France. Si tel était le cas, Paris se retrouverait à contre-courant du mouvement mondial de lutte contre l’extrême pauvreté. La France, comme tous les pays de l’Union européenne et les membres de l’OCDE, a promis d’allouer 0,7% de son revenu national brut à l’aide au développement. Le cas du Royaume-Uni en est un exemple et démontre qu’atteindre cet objectif international est possible en peu temps, quel que soit le contexte socio-économique

(entre 2012 et 2013, augmentation de près de 30% de son aide). Par ailleurs, le 1er mars 2013, Hollande avait fait la promesse de tendre de nouveau vers cet objectif international et d’augmenter l’aide quand le pays renouerait avec la croissance. Or, « c’est le contraire qui se produit aujourd’hui », dénonce ONE France estimant que « le gouvernement est en train de décider que, peu importe la conjoncture dans les 3 prochaines années, l’aide au développement connaîtrait une baisse pour atteindre potentiellement son plus bas montant depuis 2007 ». « On sait que les promesses politiques ne sont pas toujours tenues mais prévoir à l’avance de ne pas les tenir, c’est sidérant », commente Friederike Röder. « L’argument budgétaire n’est pas valable (…) Si la France entérine ces coupes, ce serait pire qu’un manque de volonté politique, ce serait un véritable renoncement à sa politique d’aide aux pays en développement », ajoute t’elle. JPDelahaye

de la mer de Chine. Par pure provocation, deux appareils de l’US Air-Force, « violeront » quelques jours après cet espace aérien. Le 2 mai dernier, l’installation d’une plate-forme pétrolière chinoise dans les îles Paracels revendiquées par Pékin et Hanoï, ravivent les tensions… Pour la Chine, deuxième puissance économique mondiale (certains experts du FMI affirment que prochainement elle pourrait passer devant les USA), il n’est pas question de se faire damner le pion, dans cette partie du monde par Washington et ses alliés. Selon un spécialiste occidental des questions navales, cité récemment par le quotidien Le Monde, « Pour Pékin, quatre besoins motivent ses revendications d’extension maritimes : l’accès à la haute mer pour sa marine et sa base de sous-marins nucléaires de Hainan, au sud du pays ; la protection des voies marchandes ; la sécurisation de ressources halieutiques et naturelles ; la satisfaction d’une opinion publique nourrie au nationalisme. »

réitéré ces dernières semaines son soutien à ses alliés sur la zone. Au-delà des dangers régionaux, cette escalade nuit gravement à la paix, à la sécurité internationale et aux équilibres issues de la 2nde Guerre mondiale. Le 1er ministre japonais, Shino Abe, a proposé une « évolution » de la conception de la sécurité du Japon. « Il faut, a-t-il indiqué, pouvoir venir en aide aux pays d’Asie du Sud-Est qui veulent résister à l’offensive des “grandes puissances” et prendre une part active aux opérations de maintien de paix de l’ONU. » Par “grandes puissances” faut-il entendre la Chine ? Notons que dans cette volonté, Shino Abe bénéficie du soutien de la Maison-Blanche qui plaide pour un rôle accru du Japon dans la sécurité globale et un réequilibrage de l’alliance bilatérale de sécurité. Selon Le Monde, citant une source proche de l’administration américaine, « l’idée est de passer à un véritable partenariat. » Si le premier ministre nippon assure que le Japon « reste pacifique », le pays n’en connaît pas moins une « renaissance sécuritaire » : hausse en 2014 de son budget défense, pour la première fois depuis vingt ans ; forces armées maintenues à un niveau très performant ; nouveau Conseil de sécurité nationale et stratégie ad hoc, adoptée en décembre 2013. JPD

Le Japon veut jouer un rôle prépondérant dans la région Pour justifier son agressivité, Pékin s’appuie sur la volonté d’Obama de réorienter une partie de la stratégie US sur l’Asie Pacifique, le fameux « Pivot ». Washington a


VIE DE L’ARAC LE RÉVEIL

Décoration Olivier Catayée - 24 juin 2014 Après la présentation de l’ORMCM par Raphaël Vahé, Président de l’ARAC, Paul Markidès a présenté les raisons de la remise de la médaille à M. Catayée, principal du collège Gustave Courbet de Romainville, en présence de Madame le maire, Corinne Valls. « Cher Olivier, en 2008, de représentants d’une association de Mémoire et d’Histoire au service des élèves, nous sommes devenus, grâce à toi et à Ludovic Pétoin, des partisans soucieux d’agir pour intéresser les élèves à la connaissance de la Mémoire et de l’Histoire, exciter leur curiosité, créer les conditions qui les incitent à vouloir acquérir les informations et les connaissances historiques à vos côtés. Cette coopération nous rendait plus proches, direction du collège, professeurs, élèves et militants de l’ARAC. Cette activité éducative commune concrétisait la volonté de faire jouer à l’ARAC un rôle nouveau répondant aux exigences d’aujourd’hui en matière de diffusion de la Mémoire et de l’Histoire et en matière d’actions civiques correspondantes aux orientations des fondateurs de l’ARAC notamment Henri Barbusse et Paul Vaillant-Couturier. Garder la ferme conviction qu’il est possible de poursuivre une tâche d’éducateur et d’assurer l’organisation des études des jeunes en leur faisant confiance, en les mettant sur la route de l’apprentissage permanent de la vie, explique pourquoi tu t’es saisi d’emblée de nos propositions de découverte par les élèves eux-mêmes de la Mémoire et de l’Histoire. A toi, Olivier, nous pouvons attribuer ces vers de Rudyard Kipling :

« Si tu peux supporter d’entendre tes paroles travesties par des gueux pour exciter des sots et d’entendre sur toi mentir leurs bouches folles sans mentir d’un mot ; Si tu peux supporter triomphe après défaire et recevoir ces deux menteurs d’un même front ; Si tu peux conserver ton courage et ta tête quand tous les autres les perdront ; Alors, les rois, les chefs et la victoire seront à tout jamais tes esclaves soumis et, ce qui vaut bien mieux que les rois et la gloire, tu seras un homme, mon fils. » Eh bien, c’est cet homme, Olivier, que la section de l’ARAC de Romainville a reconnu chez toi et c’est pourquoi elle a demandé sa reconnaissance par l’Office Républicain des Mérites Civiques - civils et militaires.

Extraits de l’intervention d’Olivier Catayée « C’est un très grand, un trop grand honneur. Car cette distinction émérite, si elle m’est remise à titre personnel ce soir, est la reconnaissance d’un travail collectif qui n’a pu voir le jour que grâce à de nombreux acteurs dont la plupart sont présents ce soir et je les en remercie. Un soir d’automne 2008, un homme au crâne un peu dégarni, aux cheveux grisonnants se présenta au collège, demanda à me voir pour me demander si j’étais intéressé par des interventions de l’ARAC auprès des élèves. Bien sûr que j’étais intéressé, répondis-je, mais allez donc en parler plus avant avec mon adjoint, monsieur Petoin, dans le bureau là-bas. Le monsieur s’exécuta et lorsque j’ouvris la porte du bureau de Ludovic, 3 heures plus tard, je le retrouvai dans une discussion passionnée avec Paul Markidès… Ludovic

me dit qu’il fallait absolument qu’on travaille avec ce type, c’était une mine d’or. Je fus estomaqué de voir Paul Markidès tenir une classe remplie d’adolescents… Très vite des professeurs furent embarqués dans cette épopée et la transmission de la connaissance et de la Mémoire devint un des axes de la politique de l’établissement. Pour la première fois, certains élèves sentirent que l’Histoire Nationale, la Grande Histoire, dont ils se vivaient peut être éloignés, faisait écho à leur propre histoire. Dans leurs yeux, on pouvait lire qu’ils se sentaient intégrés - au moins pendant ce temps - dans le roman national. La belle histoire s’est poursuivie avec l’adhésion de 12 élèves quelques mois plus tard à l’ARAC et pour leur participation aux temps forts de cette association. C’est la connaissance de cette Mémoire commune qui doit nous servir - et notamment aux plus jeunes - pour éviter de réitérer les erreurs du passé, pour se construire un présent de citoyens pleins et entiers, pour envisager un avenir serein et porteur d’espoir… Merci aux élèves de nous avoir suivi, avec leur enthousiasme, leur curiosité, leur confiance, leur spontanéité. Merci à nos amis de l’ARAC, à Mme le Maire pour sa confiance. Merci à Ludovic Petoin pour y avoir cru dès le début… Merci enfin à toi Paul, merci pour ton humanité. Cette médaille par toi remis, emplit de fierté le petit fils d’ancien combattant médaillé de l a Croix de Guerre et Compagnon de la Libération que je suis. C’est une distinction qui honore le collège, l’Institution mais aussi l’homme que je suis et qui la représente. Mes derniers mots iront à ma famille, à toi Delphine, à vous Arthur et Jade, qui me supportez, qui endurez mes absences et mes veillées mais vous savez maintenant, après toutes ces années, que tout cela n’a pas d’objectif personnel, sinon celui, unique de contribuer, comme le disait Aimé Césaire : « en ces temps de ténèbres, à la force de regarder demain. »

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LE RÉVEIL VIE DE L’ARAC

Hommage rendu à Pierre Bussone le 19 Juin 2014 à la mairie de Montreuil Extraits I Discours de Patrice Bessac (maire de Montreuil) « Pierre Bussone est un fils de Montreuil… issu du peuple, appartenant au monde âpre du travail, celui des années 50- 60, ces années de l’après guerre et des « 30 glorieuses » où Montreuil était une fourmilière d’entreprises. Une cité joyeuse et une cité rebelle où il a décidé de poser son sac. A son retour d’Algérie… Une guerre dont il va vivre les horreurs à 20 ans et pendant 24 longs mois. Pour Pierre cette guerre est une déchirure. Car, il est de cette génération de la deuxième guerre pour laquelle les mots liberté et indépendance nationale ne sont pas des vues de l’esprit. … Une guerre coloniale à l’opposé de ses valeurs humanistes, de son engagement politique au sein du PCF. Ce parti dont il est un membre déterminé. Un parti qui réclame à corps et à cri « la paix en Algérie »… La guerre d’Algérie, ceux qui en reviennent sont souvent brisés. Pierre n’échappe pas à la douleur… mais il y puisera une aversion définitive pour la guerre, pour le colonialisme… pour ces puissances d’argent qui n’hésitent pas à sacrifier les enfants du peuple pour leurs seuls intérêts. La force de Pierre sera de transformer cette aversion en volonté d’agir pour la paix, 24 -

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pour la liberté des peuples… Après la victoire du peuple vietnamien, il va participer d’une façon décisive au travail du comité français pour le Village de l’amitié Van Canh… … Il s’engagera dans l’ARAC où il a mené une action exemplaire comme vous, ses camarades ici présents, savez l’exprimer avec pertinence et force détails. … Fils de Montreuil. Il a été généreux à l’égard de sa cité… Il n’a eu de cesse - comme militant, comme citoyen- de se mettre au service du bien commun. Ce faisant, il a forgé le visage et l’âme de notre ville où les mots coopération, solidarité et partage ne sont pas des mots en l’air. … Pierre Bussone, au nom des Montreuillois que j’ai l’honneur de représenter, je te remercie pour ce don de toi, pour ton héritage. Je te remercie d’avoir été. »

Extraits I Discours de Patrick Staat, Secrétaire général de l’ARAC « … Comment dire l’amitié qui pouvait nous rattacher au Pierre que nous avons connu, obstiné à voir naître un monde de justice, de liberté, d’égalité ? Un monde où toutes les femmes et tous les hommes auraient la possibilité de vivre heureux et égaux. Ce sont ces convictions qui ont marquées son combat, sa vie, son engagement profes-

sionnel et militant. Parler de Pierre Bussone, c’est d’abord parler de l’homme debout, de celui qui a fait des idéaux de la République, des idéaux de communiste, du combat pour la paix et l’émancipation, sa raison d’être. Ce sont des hommes comme lui qui au long des siècles par leurs persévérances, leurs volontés, ont forgé ce qui fait la richesse de la France, son originalité, qui depuis la révolution française marque le monde avec sa devise au fronton de nos mairies « Liberté, Egalité, Fraternité »… … Pierrot était un homme de cœur, ouvert, rassembleur, tolérant et modeste. Sa première qualité, c’est sans aucun doute, son dévouement à la cause du peuple… … Parce qu’il sut, sans faillir, servir la cause des humbles et des opprimés. … Sa générosité était sans limite. Il s’était engagé pour faire le bien. Il ne dérogea jamais à ce choix. … A vrai dire, je crois que la vérité de l’homme perçait dans cette sincérité, cette passion qu’il mettait à dénoncer ce qui le révoltait et à défendre ses idées. … Fort de nos prédécesseurs, de leurs actions. C’est cet héritage qui fait de l’ARAC depuis 1917, une association particulière, originale, c’est cet héritage que Pierre a su faire grandir, dans les conditions d’aujourd’hui.


Parce ce que dans les conditions d’aujourd’hui, défendre les valeurs républicaines, défendre la place et le rôle émancipateur que peut avoir la France dans le monde, défendre la Nation et sa souveraineté, défendre la paix et l’émancipation humaine devant les tenants du libéralisme et de la finance, demande du courage et de la détermination. Cette volonté, cet engagement, ce courage, Pierre les portaient quelque soit l’adversité, l’âpreté du combat. … Ancien d’Algérie, Pierre est devenu naturellement un des dirigeants de l’ARAC, responsable de notre ARAC, en charge de l’organisation, de la vie des comités, secrétaire national jusqu’à son dernier souffle. … Il était de ceux qui ont la conviction que la planète est assez riche pour que chacun puisse y vivre dignement pour peu qu’une minorité ne s’accapare pas pour elle les richesses… Avec calme et sincérité, avec chaleur et engagement, en refusant le culte et le dogme, il a pris sa place avec tous ceux qui s’attaquent en permanence à modifier le présent pour construire l’avenir. C’est pour cette raison qu’il était attaché au

travail de mémoire en direction des jeunes générations, pour leur avenir, la connaissance, la compréhension du passé et leur donner les atouts clefs pour construire leur propre avenir. … Nous pouvons affirmer qu’à sa place, Pierre a contribué à défendre et à faire fructifier ce que des générations d’hommes et de femmes nous ont laissé en héritage, au lendemain de 1936, de la résistance, du CNR, de 1968, de 1981. Cette France là, celle des réformes émancipatrices est la

France de demain car c’est la France qui répond aux besoins du peuple, de ceux qui n’ont que leurs bras et leur cerveau pour vivre et élever leur famille. Alors oui, avoir côtoyé, milité avec Pierre, est, pour beaucoup d’entre nous, avoir découvert le mot camarade, ce mot si galvaudé et pourtant si riche et si valorisant, plein de sens et d’engagements »…

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LE RÉVEIL VIE DE L’ARAC

Saint Martin du Var (06)

Clément Goglio nous a quitté Une figure marquante nous a quitté : Clément Goglio n’est plus. Il nous a quitté à 97 ans après une vie exemplaire. Membre de l’ARAC depuis 1947, il fut membre du bureau de la section Saint-Martinoise, porte drapeau de 1977 à 1987, président de 1988 à 2000, président d’honneur depuis 2000. Pour son engagement durant la guerre et ses activités, il était décoré de l’ordre républicain du mérite civil et militaire. Durant la Seconde Guerre mondiale, refusant l’occupation, le régime de Vichy et la collaboration, il rejoignit la

Résistance début 1942 dans laquelle il se distingua avec les 3e, 8e et 27e compagnies FTPF, avant de rejoindre, en 1944 pour la durée de la guerre et en tant qu’engagé volontaire, le troisième régiment d’infanterie Alpine (RIA), dont le comportement vaudra la croix de guerre à la compagnie dont Clément faisait parti. Le jour de ses obsèques, devant le cercueil entouré des drapeaux de l’ARAC (porte drapeau José Grilli), de l’ANACR

(Eugène Caviglia), de la mairie (JeanMarc Grilli), le président en exercice de la Section de l’ARAC, Maurice Bailet, rendit un hommage à la fois vibrant et chargé d’émotion à cette figure emblématique dont l’exemple de vie dépasse largement les frontières du village comme en témoigna la nombreuse foule présente. Alex Puverel

NOS PEINES JUILLET - AOÛT 2014 Le Réveil des Combattants adresse aux familles et aux amis de nos camarades décédés ses sincères condoléances. ALLIER (03) Commentry : Jean André BIDET, AC ATM. André VIGNON, 82 ans, invalide de guerre. Louis ZINGRAFF, AC 39-45. St-Germain-des-Fossés : Roland MAGER, AC ATM, ancien trésorier départemental. ALPES MARITIMES (06) Cagnes-sur-Mer : Jean GIORDANA, AC 39-45 BOUCHES-DU-RHÔNE (13) Berre-l’Etang : Gérard VIDEAU, AC ATM, président de la section. St Marcel : Paul FAVERIEUX, Résistant, ancien président de la section. Velaux : Edouard GUIDAUD, 80 ans, AC ATM. Mme Simone OCCHIENA, 88 ans, veuve. CHARENTE (16) La Rochefoucauld : Louis PARVERY. Ruelle : Jean OLIVIER. CORREZE (19) Vigeois : Henri BOMBILLON, AC 39-45 HERAULT (34) Montpellier : Jacques AZEMA, AC ATM. Jean DAUMAS, 74 ans, AC ATM ILLE ET VILAINE (35) Rennes: Roger DODIN, 93 ans, Résistant, Interné, ancien secrétaire départemental. Mme Jeannine FAISANT. Roger MOREL, 92 ans,

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Résistant. Mme Yvonne PERRIGAULT, 82 ans. Raymond SALESS, 82 ans, AC ATM. ISERE (38) Seyssinet : Roger HUBAUD, AC 39-45. LOIRE (42) St-Chamond : André MICHAUDON, AC ATM. LOIRE ATLANTIQUE (44) Ste-Anne : Claude FORGET, 75 ans. Guy GAUDIN, 78 ans. Joel PICARD, 78 ans, président de la section. NORD (59) Aulnoye-Aymeries : René BENIT, AC ATM Feignies : Mme Madeleine QUILLET-VILLETTE, 94 ans, Résistante. Ferrain-Vallée de la Lys : Henri DELBERGUE, 80 ans, AC ATM Solre-le-Château : Mme Christiane BASILE, 71 ans, combattante pour la paix. Somain : Achille DRECOURT, 79 ans, AC ATM. François MARTINACHE, 80 ans, AC ATM. OISE (60) Montataire : Mme Marguerite FOSSARD. PYRENEES-ORIENTALES (66) Cabestany : Adolphe SEVERI, 101 ans, AC 39-45

SAONE ET LOIRE (71) Montceau-les-Mines : Maurice GAGNARD, 75 ans, AC ATM. SAVOIE (73) Chambéry : René BLARD, AC ATM, secrétaire adjoint du comité. SEINE MARITIME (76) Le Havre : Bernard CHALOT, 76 ans, AC ATM. Christian TROUVAY, AC ATM. ESSONNE (91) Massy : Mme Clara CLAIN, AC 39-45. Mme Marie-Louise LE BIANNIC, combattante pour la paix. Gilbert MOLINA, AC 39-45. Savigny/Orge : Guy GLOUSIEU, AC ATM. Jacques NICOLLE, combattant pour la paix. Conseil National St-Jean-de-Chevelu : Ferdinand BOISHARDY.


VOS DROITS LE RÉVEIL

Santé I Militaire et enfants de militaires livrés au « privé » Le journal Sud-Ouest relaie les cris d’alerte des syndicats de la Défense (CFDT-CGT-FO-UNSA) qui dénoncent la remise prochaine de l’Hôpital d’instruction des armées Robert-Picqué, de Villeneuve-d’Ornon (Gironde) au secteur privé. L’institution est en cours de restructuration, dans le cadre de la loi de programmation militaire 2014-2019 qui prévoit la suppression de 80 000 emplois au sein du ministère de la Défense. Déjà, pour Robert-Picqué, une convention a été signée avec la Fondation protestante voisine, Bagatelle à Talence, en vue d’une fusion qui transformerait l’Hôpital en ESPIC, c'est-à-dire un Établissement de santé privé d’intérêt collectif. Pétitions syndicales et manifestations des personnels civils s’opposent à ce

bradage d’un service public de santé de l’agglomération au profit du privé.

Les enfants aussi Dans un courrier au ministre de la Défense, le secrétaire général FEAECFDT Luc Scappini conteste et dénonce la manœuvre visant à sortir du secteur public de la Défense certaines Maisons d’enfants et d’adolescents à caractère social vers les conseils généraux. Ces deux établissements, Sarthonay et La Roche Guyon, dépendent de l’IGeSA (Institution de gestion sociale des armées) et la fréquentation des ressortissants de la Défense y avoisine les 60 %. Elles sont ouvertes aux enfants des personnels du ministère de la Défense de 5 à 21 ans, en difficulté sociale et familiale, à qui elles offrent une prise en charge en hébergement individuel ou collectif. Les jeunes admis sont encadrés et orien-

tés par des équipes pluridisciplinaires avec lesquelles un projet personnalisé d’accompagnement est élaboré. La prise en charge matérielle et l’accompagnement éducatif permettent de retisser les liens familiaux distendus, favorisent un retour en famille et soutiennent ces enfants pour une meilleure insertion sociale, scolaire et professionnelle. Outre l’abandon de la mission sociale de l’IGeSA, comment seront traitées demain ces deux maisons d’enfants, puisque les conseils généraux ne gèrent pas en direct ce genre de structure ? Sans oublier le risque de licenciement de l’ensemble du personnel en fonction… « Se recentrer sur le cœur de l’emploi », proclament les « réformateurs », tant à la Défense qu’à l’ONAC… Rien de rassurant à considérer le sort prévu aux Maisons d’enfants, aux ERP et aux Maisons de retraite ! Jeunes, anciens, handicapés, OPEX, familles… aucun intérêt public ! Dégagez, le « privé » profitera de vous.

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LE RÉVEIL

Souverainiste, mais oui ! Il n’y a pas piège plus vicieux que l’anathème de souverainisme. Être souverain, c’est être maître des décisions communes, qui sont nécessaires, sauf à être des Robinsons Crusoé vivant les uns à coté des autres en s’ignorant, la question étant de savoir qui les prend. Il ne s’agit donc pas de savoir s’il faut ou s’il ne faut pas de souveraineté, mais qui est souverain. La souveraineté est grevée de son passé, quand les souverains étaient les rois et les empereurs. Sa malédiction survit quand on déplore qu’à l’ONU les États soient souverains. Comme si un État pouvait être souverain. Un Etat est un ensemble d’institutions, donc un appareil, un objet. C’est un instrument d’exercice du pouvoir, donc de la souveraineté. Cela renvoie à la question de savoir de quel souverain il est l’instrument. Et la malédiction de la souveraineté est inséparable d’une conception de l’État en continuité de l’État monarchique d’antan. Il est d’ailleurs révélateur que les principaux ministères soient qualifiés de « régaliens », ce qui veut dire « du roi », comme au temps où Louis XIV disait « L’État c’est moi », et soient l’armée, la police et la justice, qui sont les armes du pouvoir. Avec quoi est complémentaire la nouvelle trouvaille médiatique (qui contamine tous les milieux) de la « société civile » : par rapport à quelle société non civile, sinon la « classe politique » compromise, avec un État étranger au peuple et le dominant ? Pourtant l’alternative existe et a nourri deux siècles de bataille pour donner à la démocratie (du grec ancien « démou kratos », pouvoir du peuple) son contenu de « souveraineté populaire », reposant sur une citoyenneté gouvernante, et l’État étant l’instrument de cette souveraineté-là. Cela a été la trame de toute l’histoire des constitutions successives, dont a été pris le contre-pied, d’abord 28 -

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avec « l’État » de Vichy sous l’occupation, puis en 1958 avec la 5e. Pourtant même celle-là a dû reprendre, même pour le contredire ensuite, l’article 3 de la 4e : « La souveraineté nationale appartient au peuple français qui l’exerce par ses représentants » (et non dont les représentants l’exercent pour lui). Et cette notion de souveraineté populaire, avec sa dimension nationale, a été universalisée en 1945 par la Charte des Nations unies, mise au placard aujourd’hui au profit de la seule ONU, qui est censée l’appliquer, parce que trop révolutionnaire. Sa philosophie, définie par son préambule, repose sur la souveraineté des peuples, dont les États ne doivent être que les instruments : « Nous, peuples des Nations

unies... avons décidé d’unir nos efforts... En conséquence nos gouvernements… » Les peuples décident et les États exécutent. Quant au pluriel « Nous, peuples », c’est parce que la population mondiale est faite de peuples différents, chacun sur son territoire où il doit être le seul maître, sans immixtion étrangère (même pas de la part de l’ONU), dans une obligation de respect mutuel, et une recommandation de coopération dans leur intérêt commun. La souveraineté nationale est la souveraineté populaire partagée entre les nations. Et l’inversion de l’État régalien, instrument de pouvoir sur le peuple en État social, instrument de pouvoir du peuple pour la satisfaction de ses besoins est aussi internationalement consacrée par le Pacte des Nations unies de 1966 sur les droits économiques, sociaux et culturels, qui en vertu de notre constitution a « une autorité supérieure à celle des lois », et avec lequel la politique d’austérité imposée par l’Union européenne est totalement incompatible. Mais il ne suffit pas que le droit soit sur le papier : c’est un combat, mais il y aide, à condition de s’en servir, donc de le connaître, ce qui est une autre bataille à l’heure où une médiatisation au service d’une autre souveraineté, s’emploie, avec trop de succès, à faire rejeter la souveraineté nationale, parce que, précisément, c’est le parachèvement au niveau mondial de la démocratie. Roland Weyl


LE RÉVEIL VOS DROITS

ONACVG

Des agents corvéables à merci ? La CGT de l’ONACVG dénonce, dans un communiqué, la dégradation rendant de plus en plus difficile et douloureuse les conditions de travail auxquelles sont soumis les personnels. D’une part, déclare la CGT, la direction générale de l’ONACVG, une vitrine, « un siège très dynamique, doté de postes d’administrateurs civils et de fonctionnaires de haut niveau attirés vers l’ONAC (…) avec

l’ambition affichée d’en faire un tremplin vers des carrières, hors ONAC éventuellement… » Au dessous des agents, « manants » d’exécution, à qui on demande de gros efforts tant au niveau de leurs salaires que de la surcharge de travail qu’on leur impose au détriment de leurs conditions de travail. Sur place, pour les « exécutants », on ne parle que d’efforts à faire, d’adaptation à des conditions défiant la raison moderne des conditions de travail, en particulier dans les établissements : horaires constamment modifiés, alternance de travail jour/nuit (plus propice à la destruction des salariés qu’à leur confort et leur bien-être au travail), congés de récupération à inclure dans les congés payés ! Contrats de vacataires en congé de maladie non renouvelés, pause dite « active » (vous avez bien lu !), bref un climat général ressemblant plus à une servitude qu’à un service ! Mais attention, la direction générale de l’ONACVG, toujours attentive et sociale, consciente que les efforts à consentir ont un prix… parle de mettre des psychologues à la disposition des agents qui « n’auront pas su s’adapter » ! Et la CGT de l’ONACVG de poser cette question : « L’avenir de l’ONAC, le moyen âge ? »

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LE RÉVEIL MÉMOIRE

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Le Parcours Maurice Audin est une« intervention urbaine » réalisée à Alger en 2003 par Ernest Pignon-Ernest


MÉMOIRE LE RÉVEIL

Maurice Audin L’omerta de la République 2014 marque le 57e anniversaire de la disparition de Maurice Audin, suite à son arrestation le 11 juin 1957 à Alger, par les parachutistes de l’armée française. Après l’appel des 171, deux personnalités, Michel Vinaver et Bernard Sigg lancent indépendamment un appel pour la reconnaissance de la vérité sur l’assassinat de ce jeune universitaire à Alger. Le dramaturge Michel Vinaver a écrit Les Huissiers, en 1957. Dans cette pièce, « il évoque explicitement la guerre d’Algérie et l’agonie de la IVe République depuis les couloirs et les bureaux d’un ministère, avec sa farandole de préposés et de politiques, de petites mains et de grands bavards ». Michel Vinaver révèle aujourd’hui que la disparition de Maurice Audin à Alger en juin 1957 est à l’origine de sa pièce, et demande qu’il « soit mis fin à un si long retard dans la reconnaissance des faits par l’État ». Évoquant le crime dont Maurice Audin fut victime, le psychanalyste Bernard Sigg, mobilisé en Algérie, a refusé en 1960 de torturer et il a déserté quand il a compris que son travail consisterait à maintenir en vie les personnes torturées. Il n’est revenu en France qu’en 1965, au moment d’une amnistie. Il s’est alors investi avec l’ARAC dans le traitement des soldats traumatisés par la guerre. Il est l’auteur du livre Le Silence et la Honte, Névroses de la guerre d’Algérie (Messidor, 1989).

Audin, les autres et nous « La faillite actuelle de la République algérienne, dont j’avais espéré qu’elle animerait le tiers-monde, m’avait fait choisir le silence ; et voici qu’on me demande d’intervenir à propos du crime dont fut victime Maurice Audin. Sur cela je ne puis rester silencieux car ce

meurtre, comme celui d’Ali Boumendjel et bien d’autres, réunit les pires traits d’inhumanité et lâcheté. Ce crime reste et restera inoubliable parce qu’il est toujours nié par la République française alors que c’est son armée qui, passant lois et limites, l’a commis ; parce qu’il fut perpétré contre un citoyen désarmé, père de famille ; parce que son déroulement et ses suites portent la marque du fanatisme et du racisme caractéristiques du colonialisme et de la guerre froide ; parce qu’enfin il attente à la culture, Maurice Audin étant un brillant enseignant-chercheur formé par l’école républicaine. Est-ce lui, Maurice Audin, qu’il est important de se remémorer, ou plutôt son combat contre l’entreprise criminelle menée par son pays d’origine ? Je ne crois pas à la « vertu de l’exemple », trop purement émotionnelle et trop invoquée. Par contre, la mise en évidence des motifs et modalités d’une insurrection peut aider les jeunes ou les hésitants à réfléchir, à prendre parti et agir de façon juste et concrète. C’est ainsi, je pense, que Maurice Audin en vint à transgresser les lois de la République française qui, elle-même, en transgressait les principes fondamentaux : Égalité et Liberté. Car les gouvernements de la république, 4e comme 5e, violaient officiellement leur propre législation, entre autres en maintenant ou rappelant « sous les drapeaux » des milliers de jeunes hommes « au-delà de la durée légale » ! Le pas était franchi et dès lors tous les Rubicon seraient franchis aussi, y compris celui du coup d’État. A ceci Audin répliqua, en sens inverse, proclamant par sa transgression qu’il restait fidèle aux principes fondateurs piétinés. Ainsi était-ce la République qui se montrait criminelle, ce qu’elle confirma en éliminant ses accusateurs. Et moi, comprenant et approuvant Audin et ses camarades, je n’eus plus qu’à les suivre.

Je découvris alors que, si nous étions peu nombreux à l’époque, d’autres nous suivraient comme d’autres encore plus nombreux nous avaient précédés, n’hésitant pas à juger les lois et à peser l’injustice que souvent elles servent. Ils avaient alors choisi le chemin de l’égalité bafouée. Et moi qui avais honni le peuple allemand, le croyant entièrement complice du nazisme, je dus réviser mon jugement. Si la plupart des psychanalystes avaient fui ou s’étaient réfugiés derrière la « neutralité professionnelle », il en était au moins un qui avait résisté. En cherchant bien, à Berlin même, on peut encore trouver la trace et les écrits de John Rittmeister, psychanalyste de premier plan, qui comme Audin, s’éleva contre la barbarie, rejoignit « l’Orchestre Rouge » et lutta activement contre le pouvoir nazi. Arrêté en 1943, il fut condamné à mort et aussitôt exécuté. Son nom est exceptionnellement prononcé et les rares notices à lui consacrées oublient de dire ce qu’il fit et mentionnent seulement « décédé à Plôtzensee », prison où il fut décapité à la hache ! On regrettera plus encore que ses écrits théoriques soient négligés, mais on sait au moins maintenant qu’il y eut en Allemagne aussi des intellectuels lucides qui donnèrent leur vie pour la vérité, l’égalité et la liberté. C’est de ceci surtout qu’il nous faut nous souvenir. Trop vague est le « devoir de mémoire », car celle-ci n’est qu’un processus automatique, inconscient. La remémoration, par contre, demande effort, réflexion et distingue l’essentiel de l’anecdote. C’est elle qui nous précise pourquoi ils ou elles ont lutté, pour quels objectifs, nous permettant de faire le compte de ce qui reste à faire. Je pense que le mathématicien Audin aurait été d’accord avec cela. » B.W. SIGG Le 21 mai 2014

LE RÉVEIL - N° 805 - JUILLET-AOÛT 2014

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