Branded #5 Décembre/Février MMXIV

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Le nain de New York

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corsese sortait d’une seconde moitié des 80’s un peu désastreuse, avalé tout cru par la dépression, la coke, la thune, l’effondrement du Nouvel Hollywood. Malgré tout il n’a jamais cessé de chercher à progresser. Même sa suite de l’Arnaqueur est un plaisir à regarder, non pas pour son propos, mais pour ses inventions visuelles, ses billards montés sur ressorts, ses queues télescopiques pour donner la sensation d’une profondeur de champs inédite. Sans oublier sa Valse des Pantins et sa chute dans les limbes de la folie provoquée par le désir de célébrité. Scorsese y laissait ses dernières peaux de son cinéma 70’s non sans un acre goût nostalgique qui allait traîner au fin fond de sa gorge jusque la toute fin de la décennie. Le réalisateur partageait alors nombre de similitudes avec Henry Hill, période post-mob. Puis vint le jour, où, planqué, sans crier gare il sortit Les Affranchis, en 89, un métrage qui allait donner le LA à Hollywood les vingt prochaines années en matière de mise scène. Il avait avoué dans une interview de l’époque avoir fait ce film dans le but de montrer une mafia moins romantique, moins picturale que celle proposée par Coppola. Les Affranchis est tout bonnement un chef d’oeuvre narratif, esthétique. Un choc devant lequel nombre de critiques ciné étaient passés sans se rendre compte qu’ils avaient eu face à eux un film majeur, qui allait être copié, gratté, pompé sous toutes ses coutures. Alors je me garderai de trouver les nombreuses références des films noirs dans lesquels Scorsese a lui-même pillé, de Houston à Wilder. Mais la tonique et tonitruante modernité de ce film fut alors un véritable cadeau pour tous les cinéphiles. Jamais un mafieux n’avait eu autant de panache et jamais la découverte

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d’un règlement de compte sous la musique de Fats Domino et Clapton n’avait eu autant la classe. Tout est à garder dans ce monument du cinéma, la sortie de Ray Liotta, la consécration de Joe Pesci, les plans séquences virevoltants et enivrants et donc ce bel hommage à un savoir faire hollywoodien des grands auteurs de l’âge d’or. Scorsese avait étalé ses couilles sur la table comme de beaux rognons de veau que l’on a envie de lécher. Les critiques étaient tellement passées au travers de ce rendez-vous historique qu’ils décidèrent d’affubler Casino de tous les superlatifs six ans après, histoire de racheter leur aveuglement face à ce film qui allait influencer toute une génération, à commencer par Tarantino. Alors oui Casino, c’est bien, Sharon Stone y tient son plus beau rôle mais la surprise n’est plus là. C’est du ressassé, ça sent la friture pakistanaise de chez Costes. C’est virtuose certes, on n’y retrouve pas les mêmes morceaux des Stones que dans les Affranchis et de Niro en bandit pathétique y est attachant. Mais tout le reste et surtout Joe Pesci qui reprend son rôle de clown excité ne surprend plus. Comme si l’on assistait à la dixième saison d’une série depuis longtemps essoufflée. De plus, presque simultanément, à la même époque, sortait Heat. Un film Warner aussi, avec de Niro dans son dernier grand personnage. Et exactement celui qui marquera le point final à sa grande carrière. Casino ne souffre pas la comparaison avec Heat car la modernité est passé du côté de la compétition. Et il le sait car après, concrètement il se passe quoi pour lui, une sorte de dépression heureuse qu’il camoufle derrière des thèmes de meuf new-age... Kundun... je ne vais pas m’étendre. Et puis intervient un sursaut avec une série B, il y excelle, et À Tombeaux Ouverts,


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