
3 minute read
S’indigner pour s’engager
C ourtoisie: Claude Cossette
Le mot engagement évoque des actions bien connues comme celles de s’enrôler dans l’armée ou de choisir une/un partenaire amoureux pour le long terme. L’engagement dont je parlerai ici, c’est la décision prise par une personne de participer à la vie citoyenne, de l’animer, de la régénérer. Gros programme!
Advertisement
L’ENGAGEMENT DIMINUE?
Il y a soixante-dix ans, l’Internet n’existait pas; pour découvrir les enjeux du grand monde, les jeunes dont j’étais devaient digérer les textes austères de journaux et de revues d’idées. Le communisme constituait alors le principal sujet d’inquiétude. Aujourd’hui encore, il existe des situations qui suscitent le débat, qui soulèvent l’indignation, et qui amènent certains à «s’engager». Les limites imposées à la liberté ou les injustices sociales sont les sujets qui déclenchent le plus souvent cet engagement. Le dictionnaire Le Petit Robert définit ainsi l’engagement: «Acte ou attitude (d’un intellectuel, d’un artiste) qui s’engage». C’est restrictif. Oui, c’est vrai, plusieurs professeurs et artistes de la scène présentent l’exemple de personnes engagées pour une cause. Mais les citoyens ordinaires le font aussi au sein de cercles, de regroupements, de mouvements. Notamment, les partis politiques ou les groupes religieux engendrent leur lot de militants. Il existe par ailleurs des personnes qui défendent l’idée qu’il faut agir par soi-même, directement sans nécessairement passer par les intermédiaires que sont les associations, partis, syndicats et autres groupes d’influence. On appelle ces personnes des activistes. Des électrons libres, ironisent certains. Des chroniqueurs prétendent que les citoyens d’aujourd’hui, les jeunes en particulier selon certains, sont moins engagés. Ceux-ci ne croiraient plus à leur pouvoir d’influence, se désolidariseraient, renonçant à agir sur leur milieu.
L’ENGAGEMENT D’AUJOURD’HUI
Beaucoup de personnes sont indignées, touchées aux larmes par les bulletins de nouvelles qui rapportent une horreur sociale, l’action de voleurs en cravate ou une guerre au bout du monde. Sans toutefois passer à l’action. C’est en ce sens que le philosophe Luc Ferry, en critique, estime que l’indignation «s’inscrit dans une politique de l’émotion plutôt que dans une politique de justice». C’est que l’indignation véritable ne se satisfait pas de larmes, mais se nourrit du besoin d’agir: d’abord afin d’approfondir sa compréhension de la problématique, de se fonder une solide opinion; ensuite pour inventorier les organismes qui œuvrent sur les enjeux ciblés et éventuellement se joindre à l’un d’eux comme militant. Beaucoup de contemporains le font pour défendre leur idée sur la répartition des richesses ou contre la pauvreté, la protection de l’environnement ou contre la surconsommation, l’égalité citoyenne ou contre le sexisme, le racisme. Ainsi de suite. Plusieurs jeunes font mentir le point de vue qui veut que les jeunes ne s’indignent plus: certains se retroussent les manches, prennent la parole, font des gestes d’éclat, mettent sur pied un projet novateur, retrouvent la puissance des manifestations pacifiques. Ainsi, la grève étudiante de 2012, dite Printemps érable, est devenue la plus imposante de l’histoire. Ainsi encore, en 2019 à Montréal, 500 000 personnes ont rejoint une marche à la suite de la jeune Greta Thunberg, réclamant une efficace stratégie de lutte contre la crise climatique. S’engager, c’est s’appuyer sur son indignation pour faire quelque chose en vue de changer une situation. Ce qui veut dire, prendre position en signant des pétitions, participer à des campagnes de financement, rejoindre des manifestations, sensibiliser son entourage aux situations d’injustices qui prévalent dans notre monde. Et, le cas échéant, reprendre le flambeau, sollicitant la direction d’une association, d’une entreprise, voire d’un gouvernement. Ou même (pourquoi pas?) fonder un nouveau groupe de pression ou une nouvelle coopérative. En un mot, s’engager, ce n’est pas seulement s’indigner, c’est agir. Comme il est prôné sur une mini pancarte de manifestant conservée dans son bureau par la députée-poète Catherine Dorion sur laquelle il est simplement écrit: «Fais quelque chose».