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Violence conjugale: des répercussions chez les enfants

VIOLENCE CONJUGALE

DES RÉPERCUSSIONS CHEZ LES ENFANTS

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Pendant la pandémie, les appels à SOS violence conjugale et le nombre de demandes dans les maisons d’hébergement pour femmes ont explosé. Pour remédier en partie à cette hausse de besoins en matière de violence conjugale, le gouvernement a annoncé l’implantation de bracelets anti-rapprochement le 1er décembre dernier, une première au Canada. Cette mesure vise à rassurer les adultes victimes de violence conjugale, mais il ne faut pas oublier l’enfant qui en est témoin et qui est également affecté.

Andréanne, intervenante jeunesse pour la Jonction pour elle, une maison d’hébergement pour femmes, explique que la violence conjugale est un rapport de pouvoir entre l’agresseur et la victime. «La victime se place en bas [et l’agresseur en haut]. Il veut absolument avoir raison et il est prêt à n’importe quoi pour gagner son point de vue», indique-t-elle. La violence conjugale serait plus présente chez les couples vivant un stress élevé, et ce dans n’importe quelle sphère de leur vie. Andréanne ajoute que l’arrivée d’un enfant, source de stress pour les parents, peut accentuer et diversifier la violence subie par la victime. Un enfant exposé à cette violence est plus susceptible de vivre des troubles externalisés (p. ex., agressivité, destruction de biens) et internalisés (p. ex., détresse, anxiété), du décrochage scolaire, etc.

UNE RÉALITÉ POUR PLUSIEURS

Justine1, un enfant ayant grandi dans un climat de la sorte, a accepté de partager son histoire. Elle a été témoin des violences, en majorité psychologiques, que son père exerçait envers sa mère. Il a aussi utilisé la violence verbale et physique, en les empêchant notamment de dormir. Aujourd’hui, elle estime être encore affectée par ses expériences passées et être victime de la violence de son père notamment par la cyberviolence. «Juste quand je lis son nom, que je vois qu’il a essayé de me contacter, je réagis. Mon corps se met en alerte.» Lorsque la violence commença à être dirigée envers Justine, sa mère prit la décision de divorcer. En effet, souligne Andréanne, voir son enfant subir la violence de son agresseur est souvent un élément déclencheur. Lorsqu’elles ont déménagé, son père a eu droit à une garde partagée, ce qui la marque encore aujourd’hui. «J’aurais aimé, en tant qu’enfant, ne pas être obligée d’aller une fin de semaine sur deux chez lui.» Justine, qui a réalisé à 22 ans avoir grandi dans un climat de violence, est reconnaissante envers sa mère. «Ma mère a fait un très bon travail pour me garder en dehors de tout ça [pour] que je reste une enfant.» Pour elle, son père était une mauvaise personne. Elle ne voulait pas être avec lui.

LA FAMILLE: UN MILIEU IMPORTANT

Tamarha Pierce, professeur titulaire à l’école de psychologie de l’Université Laval, explique que la famille est le milieu le plus important chez l’enfant et qui va le plus l’influencer. Mme Pierce ajoute que le plan socio affectif joue un rôle important dans le développement d’un enfant. Celui-ci a besoin de développer une relation sécurisante avec les adultes qui prennent soin de lui. Les conflits et les tensions dans une famille peuvent affecter ce plan et peuvent entraîner plusieurs répercussions comme une perte de confiance en soi. Si Mme Pierce se réjouit de voir le gouvernement investir dans la lutte contre la violence conjugale, elle rappelle que cette lutte doit aussi se faire du côté de l’agresseur. Il importe, avance-t-elle, de «reconnaître les besoins, la vulnérabilité et la détresse des agresseurs», et ce, afin de «les soutenir dans une démarche de changement.» Même constat pour Justine: «Il faut attaquer les causes. […] Pas juste patcher les trous.» L’Enquête sociale générale de 2019 révèle que 3,7 des Québécois ont vécu de la violence conjugale dans les cinq dernières années. Cette violence est commise à 80 à des femmes et est souvent en présence d’enfants.

PIER-OLIVIER NADEAU

Andréanne, intervenante jeunesse pour la Jonction pour elle, une maison d’hébergement pour femmes, remarque une amélioration chez les enfants en hébergement. «Le contraste est fou entre l’arrivée de l’enfant et quelques semaines après.» Elle note une joie de vivre, une diminution du stress entre autres. : Pier-Olivier Nadeau Crédit photo

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