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La pharmacienne

Séducteur deux

La pharmacienne

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Je m’en vais me faire bronzer au soleil du sourire de ma pharmacienne préférée. Comprenons-nous bien, j’aime les techniciens en pharmacie, le pharmacien propriétaire et les autres pharmaciennes aussi. Mais elle, ce n’est pas pareil. Elle prend toujours de mes nouvelles avec attention, elle semble bienveillante, semble souhaiter ma santé, mon bonheur… Quand je me vois dans le reflet de sa pupille, la beauté est plus que jamais dans l’œil de celle qui me regarde… et la vie est belle soudain et pour toujours que j’ai envie de jurer. Mais non. Je ne jurerai pas devant elle. Oh que non! Plutôt oui, je vais m’organiser pour venir chercher mes médicaments aux heures où c’est elle qui est en poste. Ainsi, chaque fois que je me dirigerai vers la pharmacie, je saurai qu’au bout du compte, j’aurai des chances de prendre un peu de soleil, beaucoup de lumière dans ce regard, et un peu de joie pour mon espiègle esprit. Comme je disais de ma Sophie, il y a vingt-cinq ans: «Le Bon Dieu m’a donné une maladie, mais il m’a aussi donné Sophie». Quand j’avais dit ça, ça d’l’air que Sophie avait les deux yeux dans la graisse de bines tellement elle était touchée par mon hommage, par mon constat, par ma confession toute naturelle. Entékâ, c’est ce que m’avait rapporté Guylaine la Ridaine quelque temps après, elle témointe de mon témoignage. Bien longtemps après, lorsque ma Sophie n’était plus mienne depuis bien longtemps, Guylaine me téléphona pour me mettre au courant de son décès. Ça m’a fait de quoi. Ça m’a rentré dans le buffet, solide. Elle avait bien failli être la mère de mes enfants. Nous parlâmes de tout et de rien moi et la Ridaine. À un moment donné elle me révéla une confidence que lui avait faite Sophie. «Tu sais, parfois Bernard me traite en princesse, mais parfois aussi, il agit avec moi comme s’il s’essuyait sur un tapis» Ouch! Ça fait mal. Et je ne veux pas de l’excuse de ma condition de tripolaire. Il n’y a pas d’excuse qui tienne. On doit toujours respecter sa blonde.

Malgré qu’après en avoir discuté avec ma chère cousine T., pour qui je n’ai pas grand secrets et qui me lit comme un livre ouvert, il semble que ce n’est pas moi qui ai inventé le concept de la princesse et du tapis. Que celui qui ne s’est jamais prosterné ou essuyé me lance la première pierre.

MAIS JE M’ÉCARTE DE MA PHARMACIENNE.

C’est comme ça parfois l’écriture: on n’est pas maître de son propos. Les mots expriment des idées qui nous entraînent ailleurs, vers d’autres lieux que l’on ne soupçonnait pas, qui se tenaient à l’affût dans notre for intérieur, prêts à se révéler sur la page blanche à tout moment, à notre plus grande surprise. Devant la page blanche, le doute m’envahit, mais le plaisir d’écrire commande, et j’obéis, dixit Roger Lemelin auteur du roman Les Plouffe, entre autres. Donc pour revenir à ma pharmacienne et expliquer pourquoi j’ai introduit le souvenir de ma Sophie plus haut: le Bon Dieu m’a donné des maladies, ou des handicaps, mais il m’a aussi permis de rencontrer une pharmacienne hors norme.» Non, elle n’est pas hors norme pour le commun de mortels. C’est notre relation à elle et moi, à moi et elle, qui se propulse hors de l’ordinaire. C’est comme ça des fois, des rencontres. Donc, le Bon Dieu m’a donné des maladies, mais il m’a aussi permis de rencontrer une pharmacienne. Elle connaît une partie de ma vie, parce que si avant on pouvait avoir d’un coup quatre semaines de piluliers, le gouvernement a changé sa politique depuis peu, et maintenant on ne peut obtenir qu’un pilulier à la fois. Donc, plusss de visites chez ma pharmacienne… et comme je suis parfois hypocondriaque, j’ai souvent de petits bobos pour lesquels je demande conseil… et chaque fois, je prends un peu de soleil à son sourire.

BERNARD ST-ONGE,

enjoliveur du quotidien à votre service.

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