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Fusion nocive

La dépendance affective (DA) et la codépendance (COD) sont souvent confondues, bien qu’elles n’aient pas les mêmes caractéristiques et effets dévastateurs. Patrice Beaudoin, intervenant au centre de rétablissement externe en multidépendances La Bouée, offre un accompagnement personnalisé en dépendance affective et sexuelle. La Quête s’est entretenue avec lui afin de distinguer ces deux concepts appartenant à la famille des dépendances relationnelles.

La codépendance est décrite sur le site Web du centre Le Passage — situé à Québec — comme un besoin compulsif de «sauver» l’autre ou de l’aider, et la tendance à négliger ses propres besoins et limites. La COD peut apparaître dans plusieurs types de relations: familiales, professionnelles, amicales, amoureuses ou sociales. Elle est aussi caractérisée par des comportements de déni, un manque de confiance en soi, un conformisme excessif ou encore, des comportements de contrôle. Toujours selon Le Passage, la DA est caractérisée par un sentiment de vide, une crainte irraisonnée de l’abandon ou du rejet, une existence centrée sur l’autre et un besoin désespéré de quelqu’un. La personne se juge par le regard des autres et cherche à combler ses besoins par et auprès d’autrui.

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Patrice Beaudoin, en rétablissement depuis plusieurs années, est intervenant à la maison de thérapie La Bouée. Il distingue les deux concepts: le codépendant «sauve» et le dépendant affectif «attend d’être sauvé». «Le codépendant déteste dire non et le dépendant affectif déteste entendre non», martèle-t-il. Il explique que le codépendant monde, ce qui les amène à adopter aura l’illusion qu’il découvre son un comportement de survie, afin propre bonheur, sa satisfaction et d’éviter la souffrance. C’est alors sa raison d’être en sauvant l’autre que les dépendances relationnelles et, parfois même, en le contrôlant. se mettent en place», insiste-t-il. «Un sauveur, c’est quelqu’un qui sauve les autres pour se sauver Patrice Beaudoin ajoute également de lui-même», disait le fonda- qu’il est faux de penser que les teur de La Bouée, femmes sont maRenaud Hentschel. «Tu me demanderais ce joritairement co«Le dépendant affectif, renchérit M. Beaudoin, attend les bras ouverts que qui a changé ma vie? C’est d’avoir demandé de l’aide! De me rendre à l’évidence dépendantes et les hommes, dépendants affectifs. «Généralement, en relaquelqu’un vienne que par moi-même je ne tion, les personnes le sauver de la si- serai pas capable.» passent d’un rôle à tuation désastreuse l’autre, dépendamdans laquelle il se - Patrice Beaudoin ment des circonstrouve. De manière tances, de l’époque, générale, ce comportement aura des déclencheurs du moment.» tendance à attirer un codépen- Il réfère également à la théorie de dant. C’est une paire, ça va en- Karpman, médecin psychiatre et semble!» psychologue, qui veut que chaque individu joue trois rôles en alterQuand les liens nance, soit la victime, le sauveteur deviennent des chaînes ou le persécuteur.

Selon certains experts, les causes de la dépendance relationnelle remontent à l’enfance: carence affective et familles dysfonctionnelles. Patrice Beaudoin clame quant à lui que c’est une présomption de penser que tous les maux proviennent de l’enfance. «Ce n’est pas automatiquement le cas, aucune famille n’est parfaite, précise-t-il. Ça peut être une relation significative à angoisses par l’amour et la consi-

l’adolescence qui aura des impacts notables. L’adolescence est aussi un tremplin dans une vie, que l’on a trop tendance à délaisser.»

À cet effet, l’intervenant indique que la dépendance découle d’une interprétation et d’une vision faussée de l’extérieur. «Le monde n’est qu’un écran de projection d’idées, de croyances, de valeurs, d’inCertaines personnes développent de la sorte une appréhension du

La faim de l’autre: la fin de soi

Patrice Beaudoin soutient que les dépendances aux drogues et les dépendances relationnelles sont des vases communicants. «Très souvent, l’alcoolique toxicomane sera dépendant affectif. C’est une solution momentanée afin d’éviter une souffrance intérieure.»

Le dépendant ayant tendance à se percevoir comme une victime aura du mal à faire l’introspection nécessaire et cherchera à calmer ses terprétations, de perceptions…

dération d’autrui. «L’orgueil et la honte retardent parallèlement le processus de rétablissement. D’autres seront dans le déni jusqu’à la fin de leurs jours», termine-t-il.

PAR ERIKA BISAILLON