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Quand le pédophile est passé

Les enfants agressés sexuellement sont trois fois plus à risque de consommer et d’abuser de drogues au cours de leur vie d’après une étude menée en 1992 par Saunders, Villeponteaux, Lipovsky, Kilpatrick et Veronen. C’est le cas de Franck1, 51 ans, victime de pédophilie. Il nous raconte sa descente aux enfers à la suite de son traumatisme.

Franck, qui vient «d’une très bonne famille de classe moyenne» a été victime d’agression sexuelle lorsqu’il était enfant. Ce traumatisme a alors bouleversé toute sa vie. «Quand le pédophile est passé, j’ai commencé à développer un comportement d’autodestruction».

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Ses parents ne se doutaient pas que leur fils avait été violé. Ce qu’ils remarquaient surtout, c’est que celui-ci avait des comportements inhabituels: il fuguait et était agité. Selon une étude menée par l’association Mémoire traumatique et victimologie, en 2015, sur l’impact des violences sexuelles de l’enfance à l’âge adulte, 56 % des victimes disent qu’elles n’ont pu en parler à personne au moment des violences. Ne connaissant pas l’origine des comportements délinquants de Franck, ses parents décident alors de placer leur fils en centre d’accueil pour qu’il puisse revenir au bout de six mois en un enfant «transformé». Mais la réalité est tout autre.

«Avant le centre d’accueil, je n’avais jamais posé de geste de violence», se désole l’homme de 51 ans. Selon lui, il n’y a pas un seul enfant qui veut aller dans un centre d’accueil. Il appelle d’ailleurs cela «la prison à sécurité minimum pour les enfants»… Il dit avoir été témoin d’enfants frappés à coup de pied dans le ventre.

«J’ai été victime de deux agressions en même temps. Premièrement: la pédophilie et deuxièmement: le système, auquel j’en ai longtemps voulu», témoigne Franck. Il poursuit en affirmant qu’il a «été mangé par le système».

LA DROGUE ET SES DÉRIVES

Après l’agression sexuelle, Franck est devenu à son tour, son pire agresseur. Les années suivantes ont été marquées par la consommation de nombreuses drogues: cocaïne, héroïne, méthadone, etc. et d’alcool.

Selon Franck, il n’est pas dépendant aux drogues, et ne l’a jamais été, «j’ai une problématique de pédophilie» explique-t-il. Malheureusement, le centre d’accueil ne l’a jamais compris. «Quand on me voyait avec une bouteille d’alcool, on m’envoyait en thérapie pour l’alcool. Quand ils me voyaient avec la seringue dans le bras, ils m’envoyaient faire une thérapie pour la drogue. Ils pensaient que j’avais des problèmes de drogues. Ce n’est pas ça que j’avais. J’avais des problèmes de pédophilie.»

Cependant, l’usage de ces drogues l’a amené, petit à petit, à cambrioler. «Pour m’acheter de la cocaïne, je faisais des breaks & enter, des introductions par effraction». Cependant, un soir, il a réalisé ce que ses actes représentaient vraiment un crime. «On rentre et il y avait des photos de famille… on aurait dit ma grandmère. À un moment donné, je réalise ce que j’étais en train de faire, je dis au gars avec qui j’étais: “OK, arrête, ne touche plus à rien, on s’est trompé de place”. Là, je prends un papier et un crayon et j’écris: “excusez-nous, nous nous sommes trompés de place. Vous avez été victime de la toxicomanie”».

Il explique qu’autrefois il cambriolait des maisons, car pour lui, c’était l’un des crimes «les moins pires». Il n’avait pas l’impression «d’attaquer des êtres humains». Aux vues des évènements passés, il affirme qu’il était devenu menteur, voleur et manipulateur.

Néanmoins, Franck garantit que si l’on adopte un tel comportement c’est «parce que l’on a une fêlure au niveau du cœur (…) C’est juste l’amour qui peut compenser ça».

Crédit photo : Elisa Zanetta D’après une étude menée en 1984 par Faria et Belohlavek, dans une institution pour toxicomanes, 44 % des femmes ont été agressées sexuellement durant l’enfance ou l’adolescence.

ÉLISA ZANETTA

1- Nous avons utilisé un prénom fictif pour garder l’anonymat du témoin.

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