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Dans la peau d'un chambreur
Avec toutes les variables à prendre en considération, la recherche d’un nouveau logement est toujours une expérience laborieuse. D’autant plus pour une personne tributaire de l’assistance sociale qui doit budgéter de façon draconienne chaque dollar pour se loger et se nourrir. Récit et constat de notre journaliste qui s’est prêté à l’expérience sociale de recherche et de visites de chambres à louer, en tant que potentiel locataire.
Le mandat était simple : faire l’expérience de chercher une chambre pour y habiter, mais avec la contrainte pécuniaire de 600 $ mensuels pour combler tous mes besoins, y compris ladite chambre. Pour respecter une certaine logique budgétaire, je me suis permis d’octroyer l’équivalent de 40 % de mes revenus mensuels pour mon loyer, me contraignant du coup à approximativement 250 $ par mois pour une chambre chauffée et éclairée.
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Les recherches n’ont pas été une sinécure, les chambres salubres dans ma braguette de prix dans les quartiers centraux se font aussi rares que désirées. Pour en venir à mes fins, j’ai utilisé toutes les plateformes disponibles : petites annonces sur Internet et dans les journaux, petites annonces sur babillard dans les épiceries et même fait du repérage de pancartes « à louer », en sillonnant ces quartiers.
Le constat est le suivant : en termes de quantité de chambres, l’offre est tout à fait raisonnable. C’est-à-dire que quelqu’un qui se cherche une chambre avec un budget relativement limité aura accès à un choix somme toute intéressant. L’imbroglio survient toutefois quand la mensualité doit être égale ou inférieure à 250$. La quantité de chambres offertes devient beaucoup plus restreinte, surtout en ajoutant la variable salubrité.
Après avoir passé au peigne fin d'innombrables annonces, appelé et texté quelques propriétaires, visité deux places, j’ai trouvé une chambre qui serait acceptable pour mes moyens, toute chose étant égale par ailleurs. Elle se situe dans le quartier Saint-Sauveur, dans un immeuble où l’on retrouve six chambres fermées au rez-de-chaussée, avec trois espaces communs : salon, cuisine et salle de bain. Les aires communes étaient d’une propreté acceptable et la chambre d’une grandeur raisonnable pour le prix. Je mentionne en catimini ma visite de la première chambre, puisque bien qu’elle était mieux située que celle retenue, dire qu’elle était insalubre serait un euphémisme.
DES QUESTIONS
Je vis en appartement depuis maintenant près de 15 ans. À travers ces années, j’ai bien entendu déménagé à quelques reprises et donc eu de nombreuses interactions avec des propriétaires potentiels. Je ne saurais dire si mon impression est fondée ou non, mais durant ma recherche de chambres à prix modique, j’ai eu le sentiment d’être traité différemment que lors des dites interactions de ma vie personnelle. La supposition de mon faible revenu serait-elle en cause?
Bien entendu, certains propriétaires ont été courtois et bienveillants alors que d’autres m’ont posé en amont des questions plus intrusives qu’à l’habitude : est-ce que j’ai un travail? Est-ce que je consomme? Certains locateurs associent-ils d’emblée une personne se cherchant une chambre à prix modique comme étant un consommateur ou un assisté social? Dans l’éventualité d’une réponse affirmative à la deuxième supposition, mon statut d’assisté social me rend-il moins attrayant comme potentiel locataire d’un loyer modique?
Certes, les deux visites et les échanges téléphoniques avec les locateurs potentiels ne me permettent pas de dépeindre un portrait représentatif et exhaustif de la situation, mais ouvrent tout de même le portail à une réflexion. Considérant les statistiques de novembre et décembre 2019 du ministère du Travail, 5,4 % de la population québécoise entre 0-64 ans sont prestataires de l’assistance sociale, soit environ 364000 personnes. Nos échanges et interactions avec ces derniers sont-ils conditionnés par leur statut social? Et si oui, quel serait l’impact sur la société si nous réussissions à nous libérer de ce conditionnement?