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Entre précarité et dignité

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De l’écriture

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Détenir un logement sûr où s’abriter est autant un droit qu’une nécessité. Cependant, année après année, la précarité des conditions de vie en maison de chambres est mise en lumière. Marie-Hélène Vallée, agente de mobilisation au Comité Maison de chambres de Québec (CMCQ), déplore une situation d’insécurité grandissante et appelle à ce que des solutions durables soient trouvées.

« Il peut souvent y avoir des soucis liés à la qualité du logement et l’entretien des lieux », dénote-t-elle. En effet, parmi les problèmes récurrents liés à la vie en maison de chambres figure celui de l’insalubrité. Il n’est pas rare de constater des chambres avec de la moisissure aux murs, des insectes au sol ou encore des punaises de lit. De plus, l’isolation thermique et sonore n’est souvent pas suffisante et dans les espaces communs, de nombreux détecteurs d’incendie manquent à l’appel. Il arrive également que les rampes d’escalier ne soient pas stables, mettant ainsi en danger les gens qui habitent les lieux.

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Le mauvais état de ces logements a plusieurs fois été évoqué dans le passé, notamment dans Vivre en maison de chambres dans la ville de Québec : portrait, expériences et enjeux, une étude du 29 janvier 2015 faite par le CMCQ et le Groupe de recherche sur l’inclusion sociale, l’organisation des services et l’évaluation en santé mentale (GRIOSESM). Selon cette étude, les conséquences d’une telle situation sur les chambreurs sont à craindre, car «la qualité physique des lieux et (…) l’environnement social (…) ont un impact majeur sur la qualité de vie des chambreurs. » Cet aspect social est une problématique tout aussi importante. Dans un espace où des inconnus aux parcours et profils différents sont amenés à coexister, le conflit est inévitable. Les causes varient le plus souvent entre le maintien de la propreté des parties communes, le partage équitable des tâches ménagères et le vol de nourriture dans les cuisines. De plus, les chambres ne sont pas souvent équipées de verrous, ce qui prive les habitants de leur intimité et instaure en eux la crainte de voir disparaître leurs effets personnels. Une autre peur est celle des comportements imprévisibles et violents que peuvent avoir certains chambreurs instables vis-à-vis de leurs voisins. « Il ne faut pas généraliser, mais ça arrive quand même », explique à ce sujet Mme Vallée.

«Ils mettent les gens à la rue avec un avis de quelques jours et en moins d’un mois, les gens n’ont plus d’endroit où se loger»,

~ Marie-Hélène Vallée

Dans ces moments de débordement, la présence d’un interlocuteur à qui s’adresser au sein de la maison est souhaitable. En maison de chambres et pension, un membre du personnel, ce peut-être le cuisinier, pourra intervenir en cas de conflit, alors que dans les maisons de chambre, il y a rarement des employés sur place. « Souvent, ils essaient de joindre le propriétaire qui dit : “je vais voir ce que je peux faire”, mais il n’y a pas de retour », regrette l’agente de mobilisation. La lenteur et parfois même l’absence de réponse des propriétaires est hélas fréquente, qu’importe la nature du problème notifié.

Une rapidité de réaction peut cependant être constatée dès lors qu’il s’agit d’expulsions arbitraires. En effet, pour un léger retard de paiement, certains propriétaires n’hésitent pas à virer sans préavis, allant même jusqu’à mettre les biens du locataire à la rue et changer la serrure des portes. Il arrive de plus en plus souvent aussi que ces chambres soient reconverties en locations Airbnb, appartements de luxe ou logements pour travailleurs et étudiants. Les baux des anciens chambreurs n’ayant été négociés qu’à l’oral, ceux-ci se pensent souvent en incapacité de contester une fois expulsés. «Au Québec, l’entente verbale a pourtant la même valeur au niveau de la loi et de la Régie du logement que le bail écrit», rappelle Mme Vallée. Le CMCQ et elle travaillent donc à mieux faire connaître leurs droits aux habitants de chambres.

QU’ESPÉRER POUR L’AVENIR?

« On veut que les choses changent et s’améliorent, mais on ne veut pas non plus que la maison de chambres ferme», tempère Mme Vallée, soulignant la fragile complexité de cette situation. Pour l’heure, et malgré les difficultés croissantes, le Comité dit poursuivre coûte que coûte le combat qui l’anime depuis 2012 : offrir aux plus vulnérables le logement digne que chacun mérite.

MALIA KOUNKOU

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