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Avoir du temps
Pour moi, la maison de chambre a été un passage obligé en tant que jeune étudiant universitaire sans le sou.
Cette période a couvert mes dix premières années de vie étudiante et active. J’ai habité à Sainte-Foy, et à cette époque mon loyer était fixé à 180 $, tout inclus. Aucun meuble ne m’appartenait, je voyageais le plus souvent en vélo, mais je possédais une petite voiture, très très usagée (mais payée), une chaîne stéréo, des copains, pas de carte de crédit, pratiquement rien à entretenir, aucune lourde responsabilité, mais surtout du temps, beaucoup de temps! Du temps pour marcher, pour réfléchir, pour lire pour écrire, pour dessiner, pour parler, pour côtoyer l’autre, les chambreurs et d’autres encore... C’est de cette époque que date ma prise de conscience de la valeur inestimable et surtout irremplaçable du TEMPS. Pour moi ça a été aussi une période humainement riche en découvertes et en partage.
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Il y a cependant un côté que je déplore au fait de vivre en chambre.
Parfois il m’arrivait de croiser une ancienne connaissance, ou un ancien camarade d’école. Une fois passée la brève période des accolades et des quelques effusions de joie liées aux retrouvailles viennent les questions plus délicates, celles qui font ou défont les amitiés... Lorsque venait le moment de parler de nos vies respectives et qu’ils apprenaient que j’habitais en chambre, généralement, leur attitude changeait rapidement. Passant du bonheur, à une incompréhension, puis parfois à un certain mépris. Je pouvais clairement déceler chez certains la morgue naissante que suscitait cette révélation. Rapidement toutefois, par politesse on me rassurait en affichant une pitié feinte qui ne pouvait toutefois concurrencer et contenir ce sentiment de condescendance naissant, que trahissait leur attitude. Ensuite, je ressentais généralement le rejet, une volonté de se distancier de moi, comme si j’avais pu contaminer de par ma situation jugée peu enviable!
Je n’ai pu hélas que constater les préjugés et les idées fausses qu’entretiennent la plupart des gens au sujet de la vie en chambre. Tout en essayant de ne pas me vexer, ils me faisaient bien sentir mon dénuement «apparent». Ils comparaient invariablement leur parcours au mien, leur vie, leurs «réussites» à la mienne avec ses «supposés» manques. Leurs critères se limitaient au matériel, au cumul de propriétés, ou d’objets coûteux, provoquant ainsi invariablement une rupture. Tout le reste était occulté. Et même d’évoquer la liberté que procure le fait de ne pratiquement rien posséder éveillait méfiance, indifférence, ou railleries...
Et pourtant!
S’ils avaient su, s’ils avaient seulement pu pénétrer mon cœur et mon âme ces années-là, combien ils auraient été stupéfaits de leurs découvertes!
Avec les années, la volonté de fonder une famille, ma situation a bien sûr changé. Comme les autres, je me suis alourdi, je me suis lesté d’objets et de propriétés, je suis donc bien vu aujourd’hui, je suis devenu « fréquentable ». Pourtant, il m’arrive encore de repenser avec nostalgie à cette époque bénie.