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Il pleut dans ma chambre

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De l’écriture

De l’écriture

C o u r t o i s i e : C l a u d e C o s s e t t e

Charles Trenet, surnommé le Fou chantant, est l’auteur de près de mille chansons d’inspiration poétique, dont le célèbre succès La mer de même que la chansonnette Il pleut dans ma chambre dans laquelle il raconte : «J’écoute la pluie / Douce pluie de septembre / Qui tombe dans mon lit». Douceur pour ceux qui ne passent pas leur vie dans une chambre de location!

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LA CHAMBRE CONCRÈTE

Le dictionnaire Antidote définit la chambre comme la «pièce d’une habitation où l’on dort». C’est court, simple et concret. C’est une définition rationnelle, mais, sur le plan affectif et selon la personne, la chambre évoque des sentiments divers. On peut penser à la chambre du… chambreur. Minimale, froide, délabrée. C’est celle évoquée par Plume Latraverse, dans Chambre à louer: «Chambre à louer / Des chambres, y’en a icitte et là, mais pas pour moé».

Cette chambre se distingue grandement de la chambre du voyageur qui, motel ou palace, offre le repos. Elle diffère aussi de la cellule du moine qui permet de méditer dans le silence. Ou de la tente de l’excursionniste qui protège minimalement. Ou de la cabine du marin qui offre le sommeil dans le ronron des hélices. Ou de l’alcôve de l’hospitalisé qui ne lui garantit nulle discrétion. Ou de la taule exiguë dont le condamné doit se contenter. Et j’hésite à rappeler la noirceur de ces chambres de la dernière étape : la chambre des soins palliatifs ou pire, la chambre à gaz.

Pour les enfants, la chambre à coucher est parfois la chambre de punition, mais elle est aussi pour eux un repaire où l’on reprend son souffle, en cognant, en dessinant ou en se confiant à son journal intime. Et c’est cette même pièce qui est si appréciée quand on la transforme en chambre d’amis.

Il arrive également que la chambre se drape de solennité. C’est le cas quand elle joue le rôle de chambre d’assemblée démocratique comme c’est le cas du Salon bleu de l’Assemblée nationale, ou de chambre funéraire, de funérarium, où les proches du défunt se consolent.

LA CHAMBRE AFFECTIVE

La chambre est également un lieu intime, personnel. Elle est parfois vécue comme un refuge, un nid. Dans Les chambres de bois, la romancière Anne Hébert explique que l’héroïne devient une «douce chatte blanche en ce monde captif sous la pluie». Romantique!

Par contre, certains artistes ressentent la chambre comme un sombre souvenir. Ainsi en est-il de Jean Leloup qui, dans La Chambre, évoque un moment triste: «C’est le pays des losers / Le sale pays des sans-cœur». Gildor Roy, dans Une autre chambre d’hôtel, persifle la vengeance: «J’te jure qu’un jour tu vas payer pour / Une autre chambre d’hôtel, une autre peine d’amour». Jean-Pierre Ferland, dans Ma chambre, exprime plutôt l’ambivalence: «Les murs sont en amour / Les plus beaux d’un côté / De l’autre les plus lourds».

Heureusement, c’est avec un regard lumineux que certains créateurs se rappellent une chambre singulière. Dans Musique de chambre, Robert Charlebois troque sa peine contre des accords mélodieux: «J’ai caché mes pleurs sous mon masque de hockey /… / Je n’veux rien faire d’autre que gratter ma guitare». Carla Bruni, dans Le ciel dans une chambre, joue les amours, délices et orgues: «Et j’entends l’harmonica / Mais on dirait un orgue / Qui chante pour toi et pour moi».

Une chambre constitue donc, selon la personne ou le moment, un univers plus ou moins grinçant, plus ou moins velouteux. Au fil de son texte, le Fou chantant devient mélancolique; dans sa dernière strophe, il chute: «Tip et tap et tip tap et tip / Et fut fut et tic / Et pic pac et toc / Il pleut dans ma chambre / Il pleut dans mon cœur».

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